Au printemps 2023, le Réseau canadien pour les musiques nouvelles (RCMN) a organisé une série de consultations régionales afin de savoir en quoi, comment et si la communauté de la musique de création et du son envisage un avenir durable pour notre pratique. Ces rencontres comprenaient parfois une présentation, mais elles étaient principalement concentrées sur le recueil de réponses, à la fois d’artistes individuels et de représentants d’organismes culturels et de diffusion. L’objectif du RCMN avec ces rencontres était double : d’établir ce qui serait le plus utile et le plus approprié, concernant son prochain événement national sur le thème d’un avenir éco-responsable, et de déterminer ce dont la communauté pourrait avoir besoin en matière de ressources que le RCMN pourrait fournir ou aider à organiser.
Vous trouverez ci-dessous de courts rapports descriptifs de chaque rencontre, avec un compte rendu abrégé de ce que les participantes et participants ont partagé. Pour une immersion substantielle dans le contenu, chaque résumé est suivi de transcriptions légèrement modifiées et anonymisées des commentaires des participants.
Rencontre de Halifax
Date : le 16 mars 2023
Lieu : The Music Room, 6181 Lady Hammond Rd, Halifax, NS B3K 2R9
Co-diffuseur : Scotia Festival of Music
La séance a été ouverte par Norm Adams, directeur de suddenlyListen et vice-président du conseil d’administration du RCMN, et a été suivie d’une courte présentation du projet Avenirs éco-responsables et du prochain rassemblement national du RCMN, par sa Directrice Générale, Terri Hron. Cette dernière a également mentionné les trois modes d’implication de LeSAUT – l’écologisation du secteur, améliorer le profil, réécrire le monde – que le RCMN utilise pour encadrer ses activités et ses discussions autour des Avenirs éco-responsables. Terri a ensuite présenté Kim Fry, directrice de la section canadienne de Music Declares Emergency.
Kim Fry a partagé son histoire en tant que militante ainsi que l’événement qui l’a amenée à former une section canadienne de Music Declares Emergency, à savoir un concert pour marquer le 40ème anniversaire du concert Amchitka, qui a financé la première action de Greenpeace. Elle a partagé sa vision d’une action militante : « Ce que nous devons faire pour créer une société où nous n’émettons pas de grandes quantités de carbone est en fait un monde beau. C’est jardiner davantage, c’est se connecter davantage avec la communauté, c’est faire plus votre propre cuisine, c’est tellement de choses qui sont en fait un monde bien plus beau que le monde trépidant hyper-consumériste de gens qui se sentent surmenés, qui travaillent tout le temps et qui font la navette sur de longues distances et sont séparés de leur famille. Donc ce n’est pas tant que ce qui est demandé soit un énorme fardeau pour la plupart des gens. Pour la plupart des pays du monde, pour la plupart des pays du Sud, il y a la possibilité d’augmenter réellement leur niveau de vie. Ce n’est vraiment que dans les pays riches que nous devons faire quelques ajustements. Mais je pense que s’ajuster va en fait renforcer la communauté et rendre les gens fondamentalement plus heureux ». Kim nous a rappelé que « le climat est une question féministe de taille ». Elle a également souligné qu’au sein de la communauté de la musique de création et du son, financée par des fonds publics, nous sommes chanceux de ne pas être aussi ancrés dans le capitalisme et de ce fait nous avons plus d’espace pour parler et réfléchir à ces questions. Kim nous a ensuite informés des actions de MDE (Music Declares Emergency), avec leur sommet sur le climat en octobre dernier et celui à venir en novembre prochain, et nous a également orientés vers d’autres initiatives, telles que le Earth percent de Brian Eno, qui n’a pas encore été intégré à la SOCAN, mais avec certaines agences de collecte de redevances où les artistes peuvent désigner la terre en tant que co-autrice, les fonds sont ensuite reversés par Earth percent dans des causes environnementales.
Les participants, qui regroupaient des compositrices et compositeurs, des interprètes, des diffuseurs et des organisateurs de festivals locaux, ont alors commencé à partager leurs expériences et leurs inquiétudes. Les questions qui ont été soulevées comprenaient :
- Des primes pour encourager les membres du public à utiliser des moyens de transport écologiques ;
- Il faut de l’argent pour inciter le public à utiliser des transports écologiques. D’où cet argent va-t-il venir ? Les subventionneurs y pensent-ils ?
- On demande beaucoup aux petites organisations pour réduire leur empreinte, tandis que les gros émetteurs sont moins surveillés, comme dans la société en général ;
- Les diffusions en direct devraient se poursuivre avec plus de soutien pour les intégrer dans les programmations : accessibilité accrue et réduction de l’empreinte carbone ;
- Le direct offre des possibilités de télétravail de grande qualité avec des artistes/compositeurs en distanciel. La rencontre d’Halifax a eu lieu à The Music Room, une salle équipée pour la diffusion en direct qui est utilisée par des ensembles locaux pour des collaborations à distance ainsi que des concerts retransmis en direct ;
- Un réseau de lieux de diffusion en direct permettrait des collaborations à travers le pays et de nouveaux modes de curation ;
- Des tournées plus longues et moindres signifient plus de temps avec les artistes et des coûts plus élevés, ce qui n’est pas conforme aux allocations de financement pour les indemnités journalières, etc. Quand les directives budgétaires vont-elles rattraper leur retard ? Cela signifie-t-il que moins de projets seront financés ? Vers qui se tourner pour combler le manque à gagner ?
- Des disparités entre les coûts réels des projets, notamment avec des périodes de travail plus longues et/ou une diffusion en direct, et aucun moyen de le démontrer aux subventionner ;
- Nous avons besoin de plus de réunions avec des bailleurs de fonds dans la salle, « nous devons tous y travailler ensemble, toutes les parties du tout ».
« Notre festival est en hiver. Alors, vous avez mentionné des gens se déplaçant à vélo et à pied et je me suis dit : ‘Oh, mon Dieu, je ne peux pas demander ça à mon public’. Mais vous savez, nous sommes plutôt dans le centre et dans Halifax, on pourrait amener les gens à envisager de marcher au lieu de conduire sur cinq pâtés de maisons. Et puis offrir une récompense pour les moyens intéressants de se rendre au festival. Quelque chose comme un avantage, inclus dans votre forfait promotionnel, pour juste faire passer le mot, en gros. C’est vraiment juste une façon de faire passer le mot pour que les gens tiennent compte de l’empreinte carbone en allant simplement à un concert. Je pense que ce sont là tous les petits gestes que nous devons tous intégrer dans notre quotidien ».
« Les diffusions en direct seraient ma suggestion, même si elles consomment également toute cette énergie. Mais elles ont été extrêmement importantes, je pense, pour des gens comme moi, particulièrement celles et ceux qui vivent dans des endroits éloignés. J’ai pu participer à des événements partout dans le monde grâce à cette technologie que la COVID a rendue possible »
« Nous travaillons avec des compositrices et compositeurs vivants. Tandis que nous faisons beaucoup d’allers-retours avec le compositeur, au fur et à mesure de la représentation, à mesure qu’on s’apprête à présenter la pièce, nous n’avons pas le budget pour que le compositeur soit présent. Et vous savez, pour ce qui est de faire en sorte que les voyages à travers le Canada ou à l’étranger en valent la peine, c’est beaucoup de travail en plus de beaucoup d’argent. Ce n’est tout simplement pas réaliste. Mais nous avons eu des compositeurs du Royaume-Uni, nous avons eu des compositeurs du nord, nous en avons eu de partout qui assistent à la représentation de leur travail ».
« C’est une question d’accessibilité. Pas seulement pour les gens qui pourraient ne pas être en mesure d’aller physiquement aux concerts, mais qu’en est-il des personnes qui vivent dans des endroits où elles n’ont jamais accès à un concert ? Tout à coup, avec des organismes partout au Canada, vous pourriez avoir un concert de différents morceaux, de différents endroits, qui seraient présenté quelque part où il n’y a pas de musiciens – ou peut-être qu’il n’y a qu’un seul ensemble – mais ils auraient une collaboration avec d’autres ensembles et cela nous donne la possibilité de voir des choses qui ne sont pas physiquement présentes pour nous. Mais personne n’a dit qu’on ne peut pas organiser d’événements où les gens se rassemblent, parce que je pense que c’est la partie rassemblement des concerts qui est importante. Nous pouvons fournir des collations et peut-être qu’il y a des musiciens en cet endroit, et peut-être alors que vous pourrez voir quelque chose qui se passe à travers le pays et être présent avec ces gens. Mais nous ne pensons tout simplement pas encore à ces choses ».
« C’est assez difficile à atteindre : soyez soucieux de l’environnement, respectez le budget, gagnez de l’argent et ayez un bon public ».
« Je me fâche parce qu’on me l’enlève et que c’est ma force vitale d’aller m’asseoir dans un théâtre : c’est mon endroit préféré au monde. Et j’en suis privé. Et je vois l’avenir. Il nous est confisqué, à cause de ce que ma génération, je suppose, a fait au monde ».
Rencontre d’Ottawa
Date : le 19 mars 2023
Lieu : Carleton Dominion-Chalmers Centre, 355 Cooper St, Ottawa, ON K2P 0G8
Co-diffuseur : Research Centre for Music, Sound and Society in Canada
Pour la rencontre d’Ottawa, le RCMN s’est associé à la Dre Ellen Waterman du Centre de recherche sur la musique, le son et la société au Canada (MSSC) pour l’organisation d’un accueil de deux jours de Tanya Kalmanovitch et de son Tar Sands Songbook. Le 28 mars, le MSSC a organisé Listening Café 2 : Listening to the Climate Emergency through The Tar Sands Songbook, durant lequel Tanya a interprété son recueil de chansons accompagnée du pianiste Andrew Boudreau. Ils ont ensuite été rejoints par la dramaturge Katie Pearl et ont donné au public une chance de réagir et de poser des questions.
Cette prestation puissante a initié la consultation du lendemain matin, qui a réuni des membres de la communauté musicale diversifiée d’Ottawa. Une fois de plus, un mélange d’artistes individuels, d’éducateurs et de musiciens, ainsi que des travailleuses et travailleurs culturels d’organismes musicaux et artistiques locaux et nationaux d’Ottawa étaient présents. Ces derniers comprenaient des représentants de Improvising & Experimental Music of Ottawa and Outwards (IMOO), Jazz Festivals Canada Network, Multicultural Arts in Schools and Communities (MASC), le Centre national des Arts, Ottawa Chamberfest, le Festival de jazz d’Ottawa, Propeller Dance, Qu’ART the Ottawa Queer Arts Collective et SCALE-LeSAUT (Sectoral Climate Arts Leadership for the Emergency/Leadership sectoriel des arts sur l’urgence de la transition écologique). Nous avons ouvert la séance avec des présentations exhaustives et une brève description de ce que la durabilité signifiait pour chaque participant, puis nous nous sommes orientés vers une discussion de type « je passe la balle à … » autour des problèmes complexes, guidée par les questions que nous avions soumises à l’avance, notamment : Comment les organisations musicales peuvent-elles répondre à l’urgence climatique et ses impacts sociaux ? Comment les gens parlent-ils de l’urgence climatique et de de la musique et du son ? Comment les politiques et le langage évoluent-ils autour des questions de durabilité ? De quelles ressources les organisations musicales et artistiques pourraient bénéficier pour s’engager dans la lutte contre les changements climatiques ? Et comment les organismes artistiques peuvent-ils contribuer à faire avancer la discussion ?
Les principaux points de l’échange comprenaient :
- Clivages ruraux/urbains : stratégies et perspectives rurales ;
- Financement, accessibilité et revenu universel de base ;
- Langage et cooptation : les mots que nous utilisons ;
- Stratégies pédagogiques d’engagement : chagrin, empathie, survie et amour ;
- Conflits et relations : aborder la polarisation et la pensée binaire ;
- Arts et changement systémique : différentes manières d’être et de faire ;
- Outils d’engagement communautaire, climat et arts ;
- Cultiver des relations les uns avec les autres et avec l’environnement ;
- Logistique de tournées et de représentations avec une conscience climatique ;
- Le pouvoir de la localité et de l’action locale.
Pour de nombreuses personnes présentes, l’activisme et le climat sont des problèmes de longue date. La conversation a donc été profonde et a bénéficié de ce large éventail d’expériences.
Gale Franklin, assistant au MSSC, a fait un excellent travail de transcription et d’organisation de ce que les participants ont partagé sur un certain nombre de sujets.
Clivages ruraux/urbains : stratégies et perspectives rurales
« Je suggérerais de regarder du côté de l’encadrement, de gens sur des marchés et dans des organismes plus petits, qui travaillent dans l’extraction, les villes ouvrières, et de voir comment les gens dans ces organisations, qui peuvent être des gens en dehors de la musique, voir comment ils pensent les relations sociales entre leur conseil d’administration, leurs subventionneurs, leurs donateurs, leurs publics ».
« Je ne suis plus un interprète urbain. Mais en tant que personne travaillant dans un contexte urbain, il est important de se souvenir aussi du reste du pays, qui a un pouvoir politique remarquable et un nombre de voix remarquable. Et dans de nombreux cas, cela résonne différemment que le contexte urbain, et alors je n’ai jamais été aussi conscient de cela que l’an passé ».
« Je pense que nous manquons vraiment de modèles de ruralité. J’écoute Radio-Canada et tout est très urbain. Ce sont des gens des villes qui parlent des problèmes de la ville. Et où sont les voix rurales ? Je veux dire que nous devons entendre ces voix. Et comment les faire entendre ? Parce que l’expérience environnementale hyper urbaine n’est pas quelque chose qui créé des liens pour tout le monde, et cela ne devrait pas l’être non plus ».
« Si vous prenez ce que vous savez comme étant l’étendue de la pratique centraliste de la musique savante européenne canonique, vous savez toujours à partir de cela ce que c’est que le travail de mémoire, ce que c’est que le travail de l’histoire, ce que c’est que le travail de l’empathie … Or nous savons quelque chose les uns des autres sans avoir besoin d’en connaître la langue. Donc même dans l’étendue de ce domaine, nous avons la capacité d’être en relation. Donc peu importe, je suppose que je me disais juste genre, qui n’entendons-nous pas ? Qui ne voit-on pas quand on dit musique ? La musique de qui ? Voulons-nous vraiment le dire ? Et la musique de qui ne voulons-nous pas dire ? Et en tant qu’organismes musicaux, il y a quelque chose de très extractif, je pense, dans la façon dont les organisations artistiques, les gens qui sont financés par des organisations artistiques, parlent de faire du travail communautaire. Ils parlent de « nos » partenariats, « nos » communautés, « nos » partenaires autochtones ».
Financement, accessibilité et revenu universel de base
« Malheureusement, la crise climatique menace une grande partie du travail qui a été fait pour rendre notre monde plus accessible … [Notre travail] a un impact qui vise à déplacer l’attention des gens et à attirer l’attention sur des problèmes d’accessibilité, et le prisme de l’accessibilité sur la crise climatique ».
« Je voulais juste partager un exemple de projet auquel j’ai participé, lequel a publié un échantillon de données, un cycle de chansons avec le sans frontières, des arts, de la chorale de groupe, et pendant la COVID. Parce que les gens ne pouvaient pas se rencontrer en personne, ils se réunissaient en ligne, donc pratiquant ces chants chorals via Zoom sur Internet. Et ce qui est intéressant à ce sujet, c’est une nouvelle forme d’inclusivité où les gens pouvaient participer. Ceux qui n’auraient pas pu, même s’ils sont locaux, ont des problèmes de mobilité ou ne pouvaient pas participer autrement, ont soudainement été inclus. Je pense que cela a créé une communauté, une communauté plus large à travers cette chorale, l’extension de la pratique de la chorale sur Zoom. C’était, à bien des égards, plus libérateur et plus inclusif. Et cette communauté a duré ; ces connexions que les gens ont établies ont duré plus longtemps que la représentation, à la fin ».
« J’ai remarqué que nous n’avions pas vraiment parlé d’argent. Et nous avons beaucoup parlé d’accessibilité, de ruralité, d’urbanité, et tout cela se recoupe avec l’économie, aussi. Et je veux dire, je pense comment pouvons-nous, comment pouvons-nous parler de cela ? ».
« J’aimerais pouvoir gagner ma vie sans sortir de chez moi, sans avoir à partir en tournée. Et je pense que ce serait la plus grosse baisse de mes émissions carbone. Et je pense aussi, pour le public, beaucoup au truc ‘personne n’a fait volte-face par manque de fonds’. Avoir des événements à petite échelle et un meilleur partenariat avec de plus petits groupes locaux, je pense que c’est vraiment, vraiment important. Et pas comme un paternel ‘je vous l’avais dit’ ».
« Je siège au conseil d’administration de l’Alliance des arts médiatiques indépendants (AAMI) du Canada, qui est l’organisme national de nombreux centres d’art. Alors, c’est un organisme national qui travaille avec des artistes médiatiques de tout le pays. Et l’une des choses les plus importantes que nous ayons identifiées est le revenu universel de base. Et nous avons en fait à présent un comité Revenu de base qui travaille entièrement là-dessus. Nous avons en fait une commission nationale d’artistes, avec des commissaires et des artistes de toutes les disciplines. Mais certains à travers le pays se présentent pendant trois jours complets, en ce qui concerne la question du revenu universel de base … Or ça, en tant qu’organisme national, c’est l’un des éléments clés sur lesquels nous continuons d’insister. Et j’ai des conversations avec des gens du Conseil des arts du Canada qui font partie de ces services de planification stratégique. Donc pas avec les subventionneurs. Et nous avons lancé l’idée que, plutôt que d’avoir des gens qui concourent pour des subventions pour des projets, vous devez commencer à changer le système. Et vous devez en fait permettre aux personnes qui sont des artistes et qui travaillent en tant qu’artistes d’avoir un revenu avec lequel ils peuvent vivre. Donc, une chose que nous avons vue lorsque nous avons tous obtenu la PCU … quand j’étais directeur d’un centre d’arts médiatiques à Ottawa, les artistes médiatiques sont tout un tas de gens très neurodivergents qui ont un revenu moyen à Ottawa de 15 000 $ par année. Ce sont des gens en état de crise au quotidien. Quand ils recevaient 2 000 $ à la banque chaque mois, leur santé mentale était incroyable. Des gens qui deviennent réellement créatifs plutôt que d’avoir à survivre. Donc, je pense que pour tous les organismes nationaux dans le domaine des arts, il s’agit d’un problème énorme et important. Quoique je soutienne cette idée à l’échelle globale aussi. Je veux dire, notre public, les gens qui vont aux spectacles. Les gens ne vont pas aux spectacles parce qu’ils n’ont pas le temps. Je veux dire, si les gens peuvent être détendus et avoir un niveau de vie qui les rende plus ouverts à différentes idées, les rende plus ouverts à différentes expériences, c’est en quelque sorte la chose la plus importante. Donc, je pense, vous savez, en tant qu’organisation nationale, créez un comité, communiquez avec les autres organisations nationales, les organismes, puis obtenez un seuil critique ».
« J’ai été très heureux d’entendre les conversations [sur la durabilité] au sein du Conseil des Arts du Canada. Et quelque chose que nous pouvons faire, c’est [reconnaître] que nous ne sommes simplement que des personnes. Et ces organisations qui semblent parfois être de grands organismes ne sont toujours que des personnes. Et plus nous pouvons parler aux gens, plus il y a de chances de changement, n’est-ce pas ? Parce que le financement est une chose vraiment énorme. Et il est au plus bas. Et je sais qu’une grande partie du financement qui parvient à beaucoup de conseils d’administration d’organisations artistiques est, par exemple, basé sur le tourisme. Et c’est violent, mais c’est une réalité à laquelle nous devons faire face. Donc, ce peut être la source de financement et c’est un financement commercial, et s’il pouvait en fait être investi davantage, comme dans le Conseil des Arts du Canada, ou plus canalisé de manière à ne pas avoir à faire plus de chiffres, de plus gros taux de croissance, en tant qu’organisations, ce serait fantastique. Cela changerait bien des choses ».
Langage et cooptation : les mots que nous utilisons
« Parce que j’ai aussi envie de prendre de la distance avec le mot durable ou durabilité. Il a tellement d’usages différents et il peut être si facilement interprété, vous savez, la viabilité financière. Je pense que j’ai deux problématiques principales avec ce mot. La première est qu’il est tout simplement trop large et qu’il peut être mal interprété ou bien il peut être interprété de tant de manières différentes qu’il n’est pas pertinent. Et deuxièmement, cela implique que les choses restent les mêmes, ce qui est également très problématique. J’aime le mot … régénérer, régénératif ou régénération, qui me touche personnellement, me touche beaucoup plus. Comme quelqu’un d’autre l’a également mentionné … l’économat, la régénération, voici les valeurs avec lesquelles je veux avancer. Et je pense que, pour moi, la régénération parle de guérison, mais pas de guérison de la planète, de la guérison des gens. Et donc, j’ai vraiment aimé ce langage ».
« Pour moi, la régénération consiste à reconnaître que [la création d’un sentiment d’appartenance] est différente à travers différentes communautés. Et je pense que l’un de nos défis les plus importants, en tant qu’artistes et en tant qu’organisations artistiques, est de trouver les moyens de créer un sentiment d’appartenance pour différentes communautés – et que cela va encore une fois avoir l’air très différent pour différentes communautés – mais pour créer ce sentiment d’appartenir à un futur régénérateur ou des futurs régénérateurs au pluriel. Et, vous savez, aller dans cette direction, par opposition au genre de dualisme qui entoure souvent cette question, de sorte que nous créons réellement de l’énergie plutôt que de museler les gens ».
« Quand je regarde autour du monde, vous savez, mes amis trans, dont l’espérance de vie au Canada est de 32 ans, sont vraiment rendus à un point où la durabilité ne suffit plus, comme l’a démontré hier soir la réunion du conseil scolaire d’Ottawa autour de cela. Je veux dire, nous y revoilà ».
« Je voulais suggérer que quel que soit le mot que vous choisissez, nous trouverons un moyen de le transformer en quelque chose de pâle et vide de sens. Donc, ce que l’on peut faire c’est nous demander quelles sont les habitudes de pensée, les modes relationnels et modes d’action, qui nous permettent en quelque sorte de mettre en gageure les choses que nous devrions faire différemment à propos d’un mot ».
« Les mots sont cooptés … et là où les mots changent de sens, je pense que ce à quoi nous devons vraiment nous accrocher, c’est la signification que nous avons et la façon dont nous interagissons avec ces mots. Je veux dire, vous regardez des mots comme « woke » et ce qui s’est passé ces dernières années. Et ce que cela signifie à présent pour la plupart des gens – pas pour nous tous – est très différent de ce que cela signifiait il y a à peine quelques années. Et donc, je veux dire que je pense que la question de la formulation est importante, mais je pense qu’une partie de cela est que nous devons être très clairs sur ce que cela signifie pour nous ».
« Maintenant, mon sentiment à propos de régénérateur, quoique l’idée de régénération est la suivante : cela suggère de mettre en avant quelque chose qui a déjà été atteint. C’est la réargumentation. Qui est, vous savez, comme toute la notion d’urgence climatique, comme si c’était une urgence selon la perspective coloniale du premier monde mais, pour de nombreuses communautés autochtones, c’est juste une continuation de quelque chose qui se produit ».
« Mais je pense que le truc de « l’urgence », selon moi, renvoie à ce genre de définition plutôt « du premier monde ». Ce n’est pas aussi inclusif. En ce qui me concerne, le défi a été d’essayer de remettre en question mes schémas de pensée dominants. Et il s’agit d’identifier quels sont-ils, comme, juste comme une prise de conscience, essayer de découvrir ce que sont ces choses. Je n’ai pas de solution pour aller de l’avant, car je suis encore dans cette phase de découverte ».
« La discussion autour de l’urgence et de sa problématique, afin que ce mot soit utilisé pour attirer l’attention sur les moyens par lesquels l’épistémologie, les connaissances autour de la crise, sont utilisés pour justifier toutes sortes d’actes de criminalité. Donc, parce que c’est une « urgence », nous devons abattre ces arbres, n’est-ce pas ? Ouais, parce que c’est une urgence. Cela doit arriver afin que les acteurs et les actions menées en temps de crise, c’est souvent utilisé comme couverture. Mais je pense que nous pourrions tout aussi raisonnablement inverser cela. Et penser à utiliser une cellule de crise comme un terrain générateur de sagesse ».
« En pensant au langage, j’ai écrit ici, il y a un langage qui fait du bien. Et il y a un langage qui convient parfaitement. Et puis, personnellement, j’ai beaucoup lu sur ces choses, et j’ai parlé à des gens et tout. Et ma propre réflexion est un terme qui a plus de sens pour moi présentement, c’est la capacité de survie, qui va au-delà d’un type de résilience. Mais c’est personnel, vous savez, je plonge dans les méandres du pessimisme parce que c’est tellement décourageant de regarder les faits. Mais c’est plus confortable d’être dans un mot ou un concept qui convient parfaitement, qui donne l’impression que nous en sommes là où nous en sommes vraiment. Donc, j’ai mis à l’échelle et j’ai dit, vous savez, il y a des mesures d’atténuation sur lesquelles beaucoup de gens travaillent maintenant, ils essaient de réduire leur empreinte dans tout effort qui en vaille la peine. Nous devons limiter les dégâts. Et puis il y a l’adaptabilité, c’est-à-dire qu’il y a des changements inévitables qui s’en viennent. Nous devons nous adapter. Nous devons anticiper le climat, les vagues de réfugiés, toutes ces choses. Mais en réalité, ce qui va arriver, malheureusement, c’est que nous allons entrer dans une période où seules certaines de nos espèces survivront à ce qui s’en vient. Et ce n’est pas une chose très confortable à laquelle penser. Et on ne peut pas y faire grand-chose. Parce que vous voulez travailler sur l’atténuation et l’adaptation. Et puis cette régénération, qui est un cadre plus prometteur, mais je pense que cela viendra après cette période de capacité de survie. Inévitablement, tout du moins à moins que les choses ne changent radicalement, c’est vers ça que nous allons. Chacun d’entre nous, tout notre comportement collectif. Alors, comment cela aide-t-il l’art ? Eh bien, peut-être que non. Mais cela m’aide moi, car cela m’aide à comprendre le langage qui a du sens, peu importe là où je dépense mon énergie. Donc, je pense que nous devons tous réfléchir à où nous en sommes et à la constante des mots et ainsi de suite. Mais que signifient-ils ? Quel sens donnent-ils là où nous voulons mettre notre énergie ? ».
Stratégies pédagogiques d’engagement : chagrin, empathie, survie et amour
« Je pense que si vous voulez que quelqu’un protège quelque chose, vous devez l’aider à l’aimer. Ce que nous faisons, c’est que nous combinons poésie, prose poétique et musique et mettons en évidence ce qui est très intéressant musicalement. Nous nommons des oiseaux, nous nommons des lichens, nous faisons toutes ces sortes de choses et le travail est vraiment une attente. Allez voir la nature, allez trouver votre propre rapport pour passer le temps, prolonger le temps. Vous savez, ne vous contentez pas de passer devant la rivière, jusqu’au bord et de commencer à repérer, vous savez, ce qu’il y a là-bas. Essayez de le comprendre. Et je pense que c’est la clé pour aider les gens à trouver le rapport à la nature ».
« J’ai l’impression que pendant et depuis la pandémie, les gens s’en fichent, les individus sont en mode survie. Je pense que l’empathie des gens vient de s’épuiser parce que les gens sont sur ce mode survivaliste. Ils ont un chagrin écologique. Apprendre aux gens à aimer et à prendre le temps, c’est un vrai défi ».
« À travers mon travail, à la fois en tant que compositeur et artiste interprète et les thèmes que j’ai expérimentés, qui sont ces thèmes d’appartenance et d’utilisation de la musique comme outil de réflexion. Et donc, en tant que quelqu’un qui va dans les écoles et les communautés, j’ai l’impression que la part de mon rôle est d’être une tierce personne, pour que les gens posent ces questions précieuses. Et donc, je suis vraiment ravi d’être ici pour parler de ce à quoi cela ressemble pour nous de faire des pas en avant importants et de donner aux gens des outils pour dire à quoi ressemble la durabilité dans nos communautés. Comment nous pouvons aller de l’avant non seulement pour en parler, mais pour avoir vraiment concrètement ainsi ces étapes tangibles d’engagement avec la communauté ».
« [Nous avons] cette pièce … et c’est au sujet de la rivière Rideau, de ce qu’il y a dans la rivière et de ce que vous pouvez observer, comment on peut s’y identifier, des moules qui ont été déchiquetées par les ratons laveurs aux graffitis sur le ciment qui les entourent. Et avant notre concert, nous avons fait beaucoup de sensibilisation auprès de groupes qui, pas seulement la communauté musicale, mais aussi les gens qui sont dans les clubs de canotage et les institutions de protection des rivières et des eaux et des choses dans le genre, les conseillers municipaux, dans tous les quartiers le long la rivière. Et nous nous sommes retrouvés avec un public composé de toutes sortes de personnes que je n’avais jamais vues auparavant lors d’un concert. Et j’ai pensé, c’est intéressant, ces gens ne ressemblent pas à un public typique. Je pense que nous avons réussi à amener des gens à entendre quelque chose de différent. Et à dialoguer avec les idées, dans la musique et dans la poésie … Et donc, il est possible de toucher les gens ».
« Vous avez dit quelque chose dès le début qui a résonné en moi tout le temps : parcourez la terre et faites attention à l’ordinaire ».
Conflits et relations : aborder la polarisation et la pensée binaire
« Je m’intéresse à comment cela se fait que nous vivions aujourd’hui ? Et comment faisons-nous face à la destruction et aux possibles ? En ce qui concerne l’idée de polarisation politique, peu importe où nous en sommes, ses racines sont traçantes et profondes. Ce n’est pas quelque chose qui vient d’arriver. Cela n’a jamais disparu. Et donc aussi, je pense que les solutions, les leçons pour la survie et la résistance sont aussi profondes et continues et partout autour de nous. Je déteste quand les gens disent simplement, concentrons-nous simplement sur les solutions, parce que je me dis : ‘Non, nous devons vraiment parler du problème pendant une minute’. Mais j’aime la question de savoir comment nous sommes à la fois dans la destruction et les possibles ».
« Je voulais juste suggérer qu’il y a une tension dans le mouvement militant, de savoir, absolument, sans aucun doute, de quel côté vous êtes, et l’importance de cette clarté, cette clarté morale contre ce qu’il faut pour démanteler la post-vérité, le discours polarisant, comprendre notre interdépendance. Donc, je pense à ce que ce journaliste m’a demandé hier, à savoir est-ce que je jouerai ma pièce le long du chemin de fer ou si je veux la jouer et si j’aime les festivals et les salles de concert. Je ne l’ai pas tellement conçue pour être jouée dans des espaces de production d’art institutionnalisés, mais je voulais le faire dans des espaces où l’expérience vécue des gens correspond plus directement aux complexités que je ressens dans ma propre vie. Cela signifiait donc le long de l’oléoduc, des routes ferroviaires par camion qui acheminent le pétrole de l’Alberta vers le marché mondial. Et il était comme, “Eh bien, qu’est-ce que tu vas faire avec cette pièce, et s’il y a un gars là-bas avec des bottes à embout d’acier, il conduit son camion géant et genre, il va te dire …” Et je me dis, ‘eh bien, ces gars sont mes cousins, mes frères et mes oncles. Et ce sont les vôtres aussi’. Ce qui semblait, vous savez, une chose absurde à dire à quelqu’un, n’est-ce pas ? Mais vous pouvez le désamorcer en comprenant que nous sommes déjà tous dans le même bateau, et que nous sommes déjà reliés. Et nos destins sont toujours activement interconnectés, qu’ils puissent le voir ou non, il se pourrait simplement qu’ils ne soient tout simplement pas prêts pour nous, c’est ce que j’aime à penser : que tu n’es tout simplement pas prêt pour moi. L’autre chose à laquelle je pensais en termes de luttes pour les arts et les organisations artistiques, c’est qu’elles sont dominées par des structures de financement et des structures de soutien qui sont activement et directement liées aux mêmes structures qui démantèlent notre droit d’accès à la terre, à de l’eau cristalline, à un avenir, la terre entière. Et elles entretiennent des relations étroites avec les industries des énergies fossiles, les industries d’extraction ».
« Pendant que j’écoute, ce qui résonne, c’est à quel point il est important que nous soyons tous bien avec nous-mêmes, parce que c’est si difficile de vivre avec intégrité. Vous démonteriez tout et recommenceriez à zéro, mais nous ne pouvons pas vraiment faire cela. Si nous pouvions simplement en parler ouvertement et réaliser comme [un participant] le disait, ‘il y a des républicains dans ma famille et ça va’ ! C’est important d’être en accord avec tout le monde et avec vous-même et de faire de votre mieux dans cette capacité ».
« Il y a tellement de points de vue qu’il est vraiment difficile de faire le tri et de décider ce qui est juste. Et même moi-même en tant qu’individu, j’ai besoin d’un ordinateur plus puissant, car je travaille sur plus de projets. Je suis allé à Banff pour des résidences où les installations sont sponsorisées. Les panneaux sont accrochés au mur par une organisation pétrolière. Donc, c’est juste une période très stressante pour vivre et travailler sur toutes ces choses. Donc, c’est vraiment bien d’avoir ces conversations et d’essayer de régler les choses ».
« Ce que je comprends, c’est qu’il y a beaucoup d’ironie. Nous devons nous conformer à ces systèmes afin de faire le travail qui va parfois à contre-courant. Prenons un exemple de l’intérieur [d’une organisation de danse], nous nous concentrons sur le langage simple pour faire soit une description audio, soit pour rendre le travail ou quoi que ce soit que nous lançons un peu plus accessible aux personnes neurodivergentes, qui ne perçoivent pas les choses de la même manière que tout le monde. Et pourtant, afin d’obtenir le financement nécessaire pour que cela se produise, nous devons rédiger toute cette demande de subvention, qui est tout ce langage élaboré qui n’a rien à voir avec le résultat final concret. Ce n’est donc qu’une ironie. Si je peux juste parler de l’accessibilité durant la pandémie, c’était génial. Nous avons pu atteindre beaucoup plus de personnes sans avoir d’empreinte écologique nous-mêmes. Mais cela repose sur l’hypothèse que les gens ont accès à la technologie pour que ces choses se produisent. Donc, je pense que l’action en réponse à la polarisation est d’interpeller l’ironie, de ne pas avoir peur de dire : ‘Hé, il y a cette dichotomie.’ Et peut-être que nous organisons un festival et disons : ‘Devinez quoi, voici le festival et nous sommes le problème.’ Je pense que ce serait assez difficile de voir et d’être confronté à cela en tant que membre du public, mais aussi en tant que communautés locales, et pourtant de voir quelles sont les choses positives qui peuvent émerger de l’urgence ».
Arts et changement systémique : différentes manières d’être et de faire
« Je suis convaincu que rien ne changera, à moins que nous ne changions le système. Et je pense que la communauté artistique est un exemple incroyable de comment ce système peut être différent. Parce que je veux dire, rectifiez-moi si je me trompe, je regarde autour de moi, aucun de nous n’est ici pour devenir riche, pour amasser des actifs, contrôler les chaînes d’approvisionnement et des choses comme ça. Notre mode de vie est déjà différent du système et en dehors du système. Les artistes ont généralement été marginalisés en tant que groupe et en tant que groupe démographique pendant des lustres. Donc, nous avons en fait une quantité de connaissances incroyable, que nous pouvons apporter au changement de système. Et je pense que cela implique que les artistes, en tant que masse critique, se lèvent et disent que nous vivons un système différent. Alors les arts ont joué un rôle énorme dans la lutte contre le sida, les arts ont joué un rôle énorme pour les droits civiques. Nous savons réellement mobiliser les gens et nous savons travailler sur le changement de mentalité parmi le grand public. Donc, je pense que nous avons des choses importantes à apporter à cette bataille qui nous attend ».
« Je pense que la musique ou les arts peuvent aider les gens à reconnaître l’ampleur du problème. Et c’est vraiment difficile pour les gens de reconnaître que ce qu’ils pensent être normal est en fait quelque chose, qu’il y a différentes façons de voir le monde. Et je crois vraiment que remettre en question nos perceptions coloniales occidentales est ce qui est nécessaire pour provoquer le changement. Je crois que décoloniser et considérer l’environnement sont liés. J’ai aimé les mots sur l’écoute et le changement. Il s’agit d’écouter, d’écouter autrement ».
« Les musiciens alternatifs présentent différentes façons d’être simplement du fait que nous ne sommes pas dans le monde culturel populaire. Parce que la culture populaire est animée par des messages capitalistes. Et, vous savez, si nous pouvons créer un cadre et une communauté, en tant que musiciens, également avec le public, avec les gens, et le faire d’une manière qui présente différentes façons d’être, je pense que c’est la meilleure chose que nous puissions faire. Il est difficile de trouver un cadre pour être différent. Et ça a toujours été comme ça … Comment allons-nous créer des cadres, et y inviter des gens, qui seront plus sains que ce dont nous disposons ? même s’ils sont imparfaits ? Parce que c’est vraiment, vraiment difficile de vivre une vie simple et intègre. Et dans notre système, certains diraient impossible ».
« Ce serait très cool si les arts prenaient l’initiative d’admettre exactement quelle était leur empreinte carbone, vous savez, et de tenir tête à d’autres organisations. Qui sera le premier festival du Conseil des arts à dire que nous avons inutilement fait venir 20 personnes par avion parce que c’est comme ça que nous travaillons ? ».
« L’une des expériences de pensée que j’ai faites en classe, qui a été très utile pour les gens, c’est d’imaginer que le prix du pétrole monte à 100 $ le litre, d’accord. Et donc, il n’est en fait plus possible non seulement de partir en tournée, mais il n’est aussi plus possible d’obtenir vos anches sur Amazon. D’accord. Rien de tout cela n’est abordable. Rien de tout cela n’est accessible et à portée. Alors comment fait-on de la musique ? D’accord. Alors pour comprendre, par exemple, que nous devons nous départir de nos pratiques capitalistes colonialistes, nous devons comprendre, par exemple, que nous ne connaissons pas les plantes et les animaux comme des musiciens et des amis. J’avais un élève dans ma classe qui était tellement époustouflé par ça. Il a grandi dans le New Jersey, famille d’immigrants coréens, et il est clarinettiste. Et il a ensuite essayé de commander une plante de bambou sur Amazon et a essayé de faire pousser sa propre canne. Il ne savait pas combien de temps il fallait à la plante pour arriver à maturité. Il n’a aucune connaissance, cela ne fait pas partie de son expérience. Et il pensait qu’il pourrait le faire en tant que projet final pour le cours d’ici la fin du semestre. Et cela dit il a fini par documenter le processus et son processus de découverte de ce qu’il ne savait pas. Seulement découvrir la révélation que ce qu’il ne connaissait pas c’était sa relation à la plante, sa relation à la canne, sa relation à son identité, à ce qu’il étudiait en tant que musicien, et était de fait … Mais je pense que c’était assez libérateur parce qu’il n’avait plus à accepter que sa valeur en tant que musicien venait d’un système qui était déterminé à le détruire. D’accord ? Donc, cela pourrait signifier que vous faites des choses comme, peut-être, fabriquer des instruments à partir de déchets, comme des tubes d’essuie-tout, ou peut-être que nous chantons simplement ensemble. Peut-être que nous devons penser de manière beaucoup plus créative et beaucoup plus empathique à avec qui nous souhaitons faire de la musique ».
Outils d’engagement communautaire, climat et arts
« J’allais évoquer les outils Creative Green … Et c’est intéressant parce que ce n’est pas un outil parfait, mais c’est toujours quelque chose. Et c’est intéressant, parce que je travaille présentement dans un contexte rural et quand je regarde les questions, beaucoup d’entre elles ne s’appliquent pas à nous, à bien des égards. C’est vraiment destiné à un contexte urbain autour de festivals et d’institutions. Je pense que ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient adoptés par un certain nombre de conseils des arts, donc c’est possible que nous devions tous nous familiariser avec [ces outils] bientôt. Et, vous savez, encore une fois, ce n’est peut-être pas un outil parfait, mais c’est un pas en avant. Mais nous avons commencé à chercher d’autres outils et ils ne relèvent peut-être pas des arts. Par exemple, l’une des choses dans lesquelles nous sommes le plus impliqués est l’Engagement pour la durabilité de la biosphère de la Thompson Okanagan Tourism Association (TOTA), qui n’est, encore une fois, pas un outil parfait, mais qui est un moyen pour nous d’accéder à une formation et à un développement des compétences non négligeables pour nous faire avancer. Et c’est par le biais d’un organisme touristique, non pas par une organisation artistique. Et donc, certains autres réseaux sont peut-être un peu plus avancés que nous, et je pense que nous ne devons pas hésiter à entrer en contact ou à rechercher ces choses qui sont adjacentes ou qui nous parlent, mais qui ne sont pas nécessairement entièrement adaptées pour nous ».
« Dans Imago, de King of Chlorophyll, j’étais musicien dans l’ensemble, mais la pièce se déroulait à l’extérieur. Et c’était cette jonction intéressante entre la musique et le climat. La compositrice est arboricultrice, mais aussi compositrice et musicienne. Et donc, nous étions là, seulement voilà il y a le centre aéré et les enfants étaient là avec leurs machettes, à aider à nettoyer la zone. Et puis en tant que musicien, j’étais là à regarder Kim, qui est dans les arbres en train de faire cette danse inspirée de la tonnelle. Mais c’était une confluence vraiment intéressante, car avant de venir voir la pièce, les membres du public ont pu rencontrer les agriculteurs locaux et parler de ce que nous cultivons et de la façon dont nous le cultivons. Et avant qu’ils ne découvrent l’œuvre artistique, j’ai l’impression qu’il y avait une confluence de nombreuses communautés différentes. Et pour moi, en tant qu’artiste, c’était un exemple d’aller de l’avant et de parler de la terre sur laquelle nous nous trouvons, et de très belles façons ».
Cultiver les relations les uns avec les autres et avec l’environnement
« Et juste offrir une petite anecdote, à savoir que plus de vies sont sauvées, dans les catastrophes naturelles, climatiques ou autres, plus de vies sont sauvées par de simples citoyens que par les premiers intervenants ou par les politiques gouvernementales. Donc, ce sont ces relations qui nous sauvent les uns les autres. Et ces relations sont ce que nous devons identifier et défendre »
« J’entends tellement qu’il s’agit seulement des humains. Il ne s’agit pas des arts. Et ça ne m’étonne pas tellement, mais en même temps, c’est une situation intéressante que ce groupe de personnes se rassemble en fonction de leur pratique artistique ou de leur rapport à des finalités artistiques et finisse par discuter d’humanité et de crises ou, par manque d’un meilleur mot, des problèmes émergents que nous voyons, sous des angles très différents ».
Logistique de tournées et de représentations avec une conscience climatique
« Je pensais à cela, en tant que musicien, quand, franchement, je suis sur une tournée financée par une subvention, sortant d’un concert qui n’a peut-être pas été très médiatisé et que 15 personnes se sont présentées. La réalité est que c’est un tel gaspillage de ressources et d’empreinte écologique, mais le fait est que dans ce que nous faisons, il est vraiment important de rassembler les gens. Donc, je pense toujours qu’il y a une sorte de viabilité là-dedans ».
« L’une des autres choses auxquelles je pensais, en termes de festivals de jazz au Canada, qui est en fait une chose cool, c’est que nous avons consciemment essayé de trouver un itinéraire. Quand ces concerts sont proposés à quelqu’un, ils sont importants pour la carrière des gens. Et si vous avez cette tournée folle, cet itinéraire, vous l’accepterez. Il est donc de notre responsabilité d’essayer de dire ‘Hey, Calgary, ça te dérange si on intervertit simplement les dates, des petites choses comme ça, pour que ce soit plus viable pour tout le monde ?’ ».
« C’est l’impossibilité d’une situation dans laquelle nous nous trouvons où il nous faut être deux mondes. Donc, comme vous le dites, vous devez prendre l’avion pour faire le concert, parce que vous en avez besoin. Vous vous rendez à une conférence en avion parce que vous avez besoin d’une communication soutenue, vous avez besoin d’une interaction en face à face. Vous devez préparer la conversation. Donc, nous sommes constamment piégés dans ce genre de cycles qui consiste à dire : « Est-ce que je fais ce qu’il faut ? Est-ce que c’est correct ? » Et je pense que ce qui me fait rire, c’est en quelque sorte l’absurdité kafkaïenne de ce moment où nous essayons de nous raisonner moralement à l’intérieur d’un système qui se fait une joie de nous faire tourner en rond ».
« Mon point de vue est : choisissez vos batailles. Il existe des formes d’art extrêmement puissantes. Ce sont les choses qui peuvent transformer la psyché des gens et l’empathie et tout ça. Donc, je pense que nous devons faire tout notre possible pour pallier cela afin de poursuivre notre travail, car ce que nous devons faire c’est sortir de ce système insensé dans lequel nous vivons. Et ce ne sera pas facile. En fait, c’est probablement impossible. Mais il va falloir avancer. »
« Vous savez qui a la plus grande empreinte carbone sur les grands festivals de musique ? Les gens qui viennent aux festivals de musique, pas les gens qui s’y produisent. C’est tout le monde qui se rend au festival ».
« Pour moi, c’est cela qui revient toujours, et je suis tout à fait d’accord avec vous sur cette ironie du cycle, sur l’idée de ce qu’est le succès. Le mot succès, bien sûr, est problématique aussi. Mais on entend dire qu’il faut aller à Montréal, pourquoi faut-il aller à Montréal ? Parce que le système dit cela. C’est quelque chose qui signifie que vous avez « réussi ». Et dans un système où vous devez réussir pour obtenir le financement, vous devez aller en festivals. Et pour aller en festivals, vous devez avoir le financement. Et pour que le festival vous présente, il faut avoir un public. Et pour se créer un public, il faut avoir des financements. Et c’est ce cycle constant. Donc pour moi, il s’agit de récits et, si une histoire différente est racontée et que vous pouvez vous identifier à cette histoire, cela valide quelque chose pour vous en tant qu’individu. Cela valide quelque chose qui est communautaire. Et même en entendant ces idées de 13 personnes qui se présentent à un concert, pourquoi est-ce un problème ? Cela ne doit pas être un problème. Il y a un récit à ce sujet à la fois pour l’artiste qui se produit et aussi pour le spectateur qui se présente et pense, ‘pourquoi suis-je ici, s’il n’y a que 13 personnes ?’ ».
Le pouvoir de la localité et de l’action locale
« Pour répondre à votre question, que peuvent faire le RCMN et les autres organismes, la semaine dernière en Floride, il y avait une personne de Parcs Canada qui était là à cause de l’écologie et elle a dit : ‘nous avons vraiment besoin de vivre local’. Vous savez, cela semble être une chose évidente, n’est-ce pas ? Donc, je pense qu’il faut un conseil d’Ottawa, n’est-ce pas, même si j’ai longtemps travaillé au Conseil des Arts du Canada. Donc, je pense que nous devrions continuer ces conversations ici d’une façon ou d’une autre, et introduire plus de gens dans le cercle, raconter des histoires. Oui, de bonnes histoires. Mais aussi partager des outils. Maintenant qu’il y a certaines choses qui fonctionnent, amenez quelqu’un de Creative Green ici. Ici à Ottawa, nous nous sentons concernés. Nous voulons faire avancer les choses. Nous sommes conscients des faits et cela me fait du bien de penser que nous puissions travailler ensemble, et nous ne sommes pas obligés de le faire mais je pense que nous le voulons toutes et tous. Je pense que nous ne savons tout simplement pas comment et à quel point ce n’est pas difficile ».
« J’aime vraiment ça et j’en veux encore plus. Parce que j’ai l’impression qu’au jour le jour, je suis un peu dans un mode survie, genre [uniquement concentré sur] la stabilité économique. C’est vraiment ce dont notre conseil d’administration parle, bien plus que du climat, vous savez, ou toute autre question. Donc, plus nous faisons des choses comme ça, plus je repartirai avec cela pour retourner directement au bureau avec cela à l’esprit, d’accord, et nous pouvons agir ».
Rencontre de Brandon
Date : le 21 avril 2023
Lieu : Queen Elizabeth II Music Building, Brandon, MB R7B 1L6
Co-diffuseur : Eckhardt-Grammaté National Music Competition
La rencontre de Brandon s’est ouverte par une reconnaissance du territoire par la directrice du Concours E‑Gré, Megumi Masaki, qui est également membre du conseil d’administration du RCMN. Elle a encore une fois été suivie d’une courte présentation du projet Avenirs éco-responsables et du rassemblement national à venir, par la Directrice Générale du RCMN, Terri Hron. Cette dernière a de nouveau fait référence aux trois modes d’implication de SCALE/LeSaut et elle a fait un court rapport des deux événements précédents. Par la suite, nous avons invité les participants dans le cercle à se présenter et à nous faire part de leurs réflexions sur la manière dont la durabilité se recoupe avec leur pratique et leur vie artistique.
Bien que plusieurs participantes et participants à cette réunion étaient là en tant que concurrents ou artistes invités, nous avons été touchés par la générosité de leurs réponses et c’était spécial d’avoir autant de points de vue de jeunes artistes au début de leur carrière. Les sujets qui ont été abordés comprenaient :
- L’empreinte carbone cachée des activités et sites en ligne ;
- L’intensité de l’urgence climatique pour les jeunes ;
- Financement insuffisant pour des mesures de durabilité, en plus de tout le reste – d’où viendra le budget ?
- Les actions et choix de vie sont tout autant/plus importants que les choix artistiques ;
- La plupart des mesures et politiques de durabilité sont conçues pour les réalités urbaines plutôt que rurales ;
- Avons-nous oublié toutes les leçons tirées du ralentissement lié à la COVID ?
- Faudrait-il s’attendre à ce que les artistes en début de carrière refusent des concerts qui nécessitent des déplacements, alors qu’ils essaient simplement de lancer leur carrière ? Qu’est-ce qui est juste à cet égard ?
- Le local est ce qui est disponible. Tout ne doit pas se produire partout ;
- Nous devons changer notre état d’esprit et nos valeurs concernant les talents locaux et le nombre de spectateurs.
« Lorsque nous parlons de durabilité, et en relation avec l’environnement en particulier, oui, nous ressentons la levée de bouclier de nos agences gouvernementales qui nous financent, et elles produisent des questions comme, d’accord, pouvez-vous nous parler de votre audit environnemental. Et donc nous avons fait quelques petites choses en interne en tant qu’organisation. Et étonnamment, je n’ai même pas pensé ou je n’avais pas compris que les sites Web avaient une empreinte environnementale. Et c’est là que j’ai vraiment commencé à passer à l’action, parce que j’ai vu comment, en un sens, il était considéré comme un site très pollué, et non pas du point de vue du contenu, mais juste du fait qu’il ait un impact ».
« Lorsque vous entendez les jeunes parler de l’impact environnemental sur leurs vies et de comment ils envisagent l’avenir, c’est à ce moment-là que vous bougez vraiment pour faire quelque chose. Et le voir s’exprimer à travers leur art et partagé publiquement signifie que, si je ne peux pas faire assez pour moi-même, je dois faire quelque chose pour qu’il y ait un avenir pour ces jeunes gens ».
« Quand j’entends le mot durable, chaque travailleur culturel se recroqueville, car il n’y a pas assez de financement pour que nous puissions continuer sur cette voie. Et alors que nous encadrons les jeunes dans ces rôles, quelque chose doit changer, l’énergie doit changer, nous devons travailler différemment, nous devons penser différemment. Et c’est vraiment en train de devenir un fardeau psychologique, parce que je dois soutenir des individus, mais aussi reconnaître que l’argent diminue, tous les moyens pour militer pour l’espace artistique ».
« En termes de durabilité, la première chose qui me vient à l’esprit est que j’ai grandi dans une ferme biologique, où mon père était très impliqué dans de nombreuses organisations et projets différents, comme la durabilité de la ferme et comment continuer de fonctionner tout en redonnant à la terre pour ne pas l’épuiser. Mais aussi, faire des choix de vie et diverses autres choses. Donc, j’aborde les choses plutôt de ce point de vue, d’avoir ce rapport personnel d’être en pleine nature, d’être sur le terrain, de prendre soin des animaux, des récoltes et des choses. Donc, en ce qui concerne la façon dont cela se recoupe avec la musique et avec ce que je fais sur ce plan-là, il n’y a certainement pas encore eu beaucoup de recoupements pour moi. Cependant, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour aller de l’avant et je suis curieux d’explorer davantage ces choses, mais je n’ai tout simplement pas beaucoup d’affinités encore une fois ».
« Quelque chose qui m’est venu à l’esprit ces derniers temps, à la fois en termes de durabilité artistique et de durabilité environnementale, vient du fait que j’ai grandi dans une zone rurale et j’ai déménagé et vécu dans de nombreuses villes du Canada. J’ai alors réalisé que beaucoup de solutions qui ont du sens dans la RGT ou dans d’autres villes ne sont pas toujours disponibles dans les régions rurales de la Saskatchewan, et j’essaie simplement de comprendre comment nous pouvons inclure tout le pays dans ces conversations et pas seulement penser à ce que les gens de Toronto peuvent faire pour aider. Je pense que c’est merveilleux, ces conversations qui se déroulent ici ».
« En tant que créateur, en ce qui concerne la durabilité, une chose à laquelle je pense beaucoup semble être assez liée à l’engagement communautaire. Et parce que je suis musicien, l’idée de la musique possède une sorte de vecteur de communication. Je réfléchis donc au type d’information que la musique est potentiellement efficace à communiquer et à ce qui est pertinent en cela ».
« Je pense que ceux d’entre nous qui ne sont pas musiciens ou artistes seront perdus. Parce qu’il n’y a rien de mieux que d’aller à un concert ou d’entendre des musiciens. Regarder l’art et cela change votre perspective, tend à vous donner de l’espoir, implique un sens esthétique, et donc très important pour moi ».
« Je pensais, d’accord, quand la neige aura fondu, je vais ramasser les ordures. Parfois, je marche avec mes petits-enfants, je prends un sac poubelle et je ramasse simplement les ordures. C’est vraiment difficile de savoir quoi faire. Mais je pense d’accord, c’est une chose que je peux faire ».
« Pour moi en ce moment, il y a un énorme chaos dans ma tête. Quand je pense que je sais ce que je fais et que je contribue à faire quelque chose de positif, je remonte la pente et je fais face à plus de questions et plus d’anxiété et encore plus de questions. Je trouve que plus j’en fais, plus je suis confus. Et cela pourrait aussi être en partie la relation que j’ai avec la terre ».
« Julie’s Bicycle ont créé ces outils merveilleux pour mesurer votre empreinte carbone. Et quand j’utilise ces outils, je me sens très anxieux, car je peux voir combien je consomme et quelle est l’ampleur de mon empreinte et la façon dont je l’équilibre. Et comment je l’ai équilibré, c’est en créant des projets qui sensibilisent aux changements climatiques et en utilisant la force et le pouvoir émotionnel de la musique et de l’art pour mettre en son et créer une collection pour les auditeurs et les interprètes sur les données scientifiques qui ont été rassemblées sur la crise climatique. C’est donc une façon qui m’a permis de l’assimiler personnellement ».
« Je pense que nous avons tous eu beaucoup de temps pour réfléchir à la durabilité, à la fois artistiquement et écologiquement, à cause de la COVID. Et il y a des choses très positives à retenir de cela. J’ai eu une conversation avec des artistes pas plus tard qu’hier. Nous parlions de la façon dont le monde s’est arrêté et dont il est reparti à présent, mais c’est comme 1000 fois accéléré. Et je me demande si ce n’est pas le moment pour ce genre de conversations, d’avoir appris que l’environnement avait une chance de guérir pendant ces deux années où tout le monde ne prenait pas l’avion et que tout le monde n’était pas occupé par toutes sortes d’activités. Et maintenant, j’y suis confronté et j’entends dire par des collègues que c’est tellement amplifié à présent, que nous allons faire à nouveau tous ces dégâts et de manière encore pire, parce que nous avons aussi hâte de reprendre le travail ».
« Quand est-il bon de dire non, c’est une chose que j’ai apprise bien trop tard. En tant que jeunes artistes, nous avons tendance à dire oui à tout parce que nous sommes tellement reconnaissants lorsque cette opportunité se présente. Mais une chose à retenir, peut-être, est qu’est-ce qui est le plus précieux pour vous ? Qu’est-ce qui a le plus d’impact sur votre carrière ? ».
« Les diffuseurs et les interprètes doivent vraiment se demander s’ils doivent faire ce concert là-bas ? Existe-t-il d’autres moyens de diffuser leur art ? Cela peut-il être pris en charge de manière appropriée ? Par des organismes artistiques ? Je sais que dans les universités, cela a été une vaste question. Car traditionnellement, les événements internationaux sont plus appréciés que les événements locaux. Mais devraient-ils l’être ? Vous pourriez faire valoir que l’engagement de la communauté locale est tout aussi bénéfique. Et que nous ne devrions peut-être pas toujours considérer les activités internationales et branchées comme activité de premier plan. La même chose est valable, je pense, lorsque nous considérons si les symphonies doivent faire venir des solistes de loin, alors qu’il y a des solistes parfaitement compétents localement. Les compagnies d’opéra doivent-elles faire venir celles et ceux qu’elles pensent être les meilleurs au monde ? Et je pense que nous devons en quelque sorte changer notre état d’esprit sur le spectacle, tout le milieu du spectacle. Nous sommes dans un grand pays ».
« La question [de se concentrer sur le local] se fait au profit des grandes villes où il existe de multiples ressources. Qu’en est-il du reste d’entre nous ? Comment le reste d’entre nous peuvent-ils soutenir la pratique artistique en étant uniquement concentrés sur le local, c’est quelque chose que je n’ai pas tout à fait compris. J’aimerais avoir cette conversation ».
« Je ne savais pas quoi attendre de cette rencontre ici aujourd’hui. Certainement pas ça. Le chaos est un très bon mot. L’anxiété est un super mot. Le financement est un super mot. Local est un super mot ».
« Je trouve que c’est un problème particulièrement délicat, surtout pour les personnes en début de carrière. Je rêve d’arriver un jour à un moment de ma carrière où je pourrai refuser ce concert. Mais quand vous essayez juste de démarrer, vous devez le faire, juste d’un point de vue financier. Il y a certainement une pression pour dire oui à tout et aussi dans l’optique d’essayer de faire connaissance avec des gens et de créer des liens ».
« Je constate que tout le monde a posé cette question à tous les niveaux d’implication, qu’il s’agisse de rédiger ce contrat, de réserver la salle, de réserver le lieu. Si tout le monde disait simplement, attendez une seconde, comment pouvons-nous faire un emballage groupé pour que ce soit plus durable ? Je pense que ce serait le cas ».
« Donc, quand vous pensez aux affaires et à ce que vous pouvez faire localement, c’est incroyable quand vous commencez à tenir l’affiche et de l’offrir non seulement aux grandes villes, mais aussi aux petites, puis de devenir ces incroyables musiciens ».
« Je pense que pour moi, personnellement, je suis très préoccupé par l’environnement et je considère l’économat de la création comme une partie très importante de mon être et de mon dessein. Comment cela se recoupe avec ma musique, je ne pense pas qu’il y ait une ligne très définie à ce stade ; cela suscite des préoccupations. Et j’apprécie quand les soucis écologiques font partie du sujet. Je crains que beaucoup de nos efforts ne se transforment en culpabilité et en anxiété au lieu de changement. Donc, quand je pense à la durabilité, je veux que cela comprenne l’action qui rend les choses durables ».
« Le défi du local est je pense aussi le défi de ce que nous pensons devoir faire en termes de prestation. Nous devons donc nous doter d’un quatuor à cordes. Donc, nous devons avoir un opéra. Peut-être que la musique que nous faisons vient du lieu et des ressources dont vous disposez, plutôt que d’insister pour que nous ayons une compagnie d’opéra ou un centre d’orchestre. Donc je pense que c’est quelque chose qui fait peut-être partie de la question. Le local c’est ce qui est là ».
« Et pendant la pandémie, il y a eu ce phénomène étrange où tout ce que nous pouvions faire peut se rendre n’importe où, etc. Mais tout à coup, ces collaborations se produisent entre des personnes, alors qu’elles n’auraient jamais eu lieu. Ce sont en fait des choses très positives et innovantes qui en sont ressorties, dont certaines continuent encore, la diffusion de concerts, etc. Mais les gigantesques parcs de serveurs qui corrompent nos données partout dans le monde pour nos concerts, nos courriels pour mettre en place ce concert, etc. etc. sont très polluants. C’est très polluant. Donc c’est un vrai point anxiogène, c’est que fondamentalement là où nous en sommes arrivés, et ce ne sont pas seulement les artistes, c’est toute la société et la culture, le monde, le monde humain, c’est que nous avons mis en place une infrastructure qui semble extrêmement difficile à transformer ».
« Wayne [Shorter] a vu que le rôle des artistes est d’équilibrer la société. Et certaines personnes compareraient cela, dans d’autres sociétés, au rôle du chaman, pour expliquer les choses à la communauté … Alors Wayne parlerait de jouer ou d” écrire de la musique qui soit le monde que vous voulez voir. Jouez vos rêves ».
« Je pense qu’il n’y a pas de communication qui ne nuise pas du tout à l’environnement, à part celle que nous avons en ce moment. Et même là, nous avons les lumières allumées. Et nous continuons de parler, mais je pense que c’est à peu près aussi faible en carbone que possible. Comme toutes les autres formes de communication, de composition, de création de notation ».
« Je ne suis d’accord avec la notation occidentale en aucun point. Je pense juste que c’est un système désuet, bien qu’encore une fois mon système familial était beaucoup plus désuet. Ma grand-mère était très communicatrice et tout se transmettait oralement. Et donc je donne à mes étudiants la possibilité de faire des choses comme ça, dans des cercles de parole, et des options pour créer de la musique sans partition ou créer de la musique qui ne nécessite pas 300 pages de notation occidentale pour communiquer avec quelqu’un. Je pense qu’en tant qu’artiste, nous devons communiquer ces idées sur le climat ».
« D’où vient votre argent ? Parce qu’ils sont un ensemble basé en Alberta. Et si j’entendais parler de pétrole, je ne voudrais rien avoir à faire avec ça, parce que ce n’est pas durable et cela va complètement à l’encontre de ma théorie. Alors pourquoi abandonnerais-je mon intégrité artistique pour cela. Et je sais que je suis aussi en début de carrière, mais je m’en fiche, je reste sur mes principes. Je pense donc que c’est ce que nous faisons au niveau local ».
« Ce avec quoi j’ai vraiment eu du mal, c’est quel est l’engagement de la musique classique dans l’environnement, au service de la promotion d’un intérêt commun pour la préservation de l’environnement et dans quelle mesure il s’agit de rendre la musique classique pertinente. C’est donc quelque chose avec laquelle je suis aux prises en tant que musicien exécutant de la musique qui a été très liée aux processus de colonialisme. La raison pour laquelle, au Canada, je suis allé dans un conservatoire quand j’étais enfant et que j’ai étudié la musique classique, est en grande partie liée au colonialisme. Et cela est étroitement lié aux dommages environnementaux ».
« Et comme nous sommes tous des artistes ici, le pouvoir que nous avons est le pouvoir émotionnel de la musique, peu importe ce que nous faisons et comment nous le faisons, et à quel point c’est grossier ou non. Mais nous avons le pouvoir d’être des directeurs artistiques, aussi des auditeurs, de grands auditeurs, mais des directeurs artistiques dans le fait de faire de l’art et puis de demander au public composé d’autres musiciens d’étudier ce que nous chantons, jouons et comment nous écoutons cela, et comment cela, espérons-le, nous remplira tous d’espoir et de joie. Pour que nous ayons la force d’agir ».
« Pourquoi aller en Allemagne pour un concert de 100 personnes a plus de valeur que le concert de Brandon pour 100 personnes ? Et je pense que nous devons en quelque sorte changer notre état d’esprit sur les personnes avec lesquelles nous échangeons et avec lesquelles nous communiquons. Et peut-être repenser les valeurs qui y sont associées ».
Rencontre de Vancouver
Date : le 23 mai 2023
Lieu : Canadian Music Centre BC, 837 Davie St, Vancouver, BC V6Z 1B7
Co-diffuseur : Canadian Music Centre BC
La rencontre de Vancouver a été gracieusement organisée par le Centre de musique canadienne, région de la Colombie-Britannique. La Directrice Générale du RCMN, Terri Hron, a ouvert la rencontre et DB Boyko a respectueusement offert une reconnaissance du territoire. Une fois de plus, Terri a donné un aperçu du projet Avenirs éco-responsables, un résumé des rencontres précédentes et quelques détails sur l’événement national à venir. Parmi les participants figuraient de nombreux artistes de Vancouver dont le travail recoupe ou se concentre sur les questions environnementales, ainsi que des représentants des principaux diffuseurs de musique nouvelle. La grande majorité de notre temps a été consacrée à chaque personne, partageant leurs antécédents et leurs principales préoccupations/expériences en matière de durabilité et de résilience.
Les thèmes qui ont été abordés comprenaient :
- Collaboration avec les environnements et les habitats naturels et si et/ou comment les intégrer dans les lieux culturels ;
- La durabilité en tant que pratique holistique, en opposition à la logique de survie. La santé et le repos entrent parfois en conflit avec des loyers exorbitants et la pression d’accepter un travail qui pourrait avoir des aspects moins durables, tels des longs déplacements ;
- Le chagrin et l’anxiété liés au climat peuvent être déprimants. Les problèmes de santé mentale augmentent. Comment pouvons-nous les transformer par la créativité ?
- Comment avancer quand toutes les productions semblent créer autant de déchets ?
- Détricotage et désapprentissage personnel et organisationnel au quotidien ;
- Les pratiques d’écoute comme antidote à la pensée partisane ;
- Comment recadrer les compétences et les pratiques enseignées à partir d’une mentalité coloniale vers quelque chose qui puisse continuer à nous servir ?
- Qu’est-ce que la communauté ? Est-ce que cela existe pour protéger ce que nous avons ou pour encourager à travailler avec moins et à renoncer à l’individuel pour le bien de tous ? Qui est dans la communauté ?
- Se libérer de la logique de rareté et de précarité (par le biais du revenu de base ou du contrôle des loyers) permettra aux gens/artistes d’avoir plus d’espace pour se connecter à leur environnement ;
- Embrasser le local. Partager des ressources : Collecte de fonds centrée sur la communauté ;
- Les conseils des arts consacrent-ils la majorité de leurs ressources à des projets durables (c’est-à-dire les orchestres symphoniques et les compagnies d’opéra) ou pensent-ils pouvoir forcer les grandes organisations actuellement moins durables à améliorer leur empreinte carbone ? Comment créer le dialogue avec eux ?
« Depuis que je suis de plus en plus rempli de ce besoin de venir m’engager dans l’urgence climatique et en particulier la destruction de l’habitat sauvage par des sources anthropiques, j’ai en quelque sorte déplacé mon attention maintenant vers l’habitat. Et donc une grande partie du travail que je fais maintenant concerne les habitats locaux tels que les forêts urbaines, et aussi sauvages, voire anciennes. Et cela implique de travailler avec des forêts spécifiques qui se trouvent sur le bloc de coupe. Pour moi, il est vraiment essentiel de gagner un peu plus d’élan pour la préservation des forêts et des arbres, car si nous ne les aidons pas, elles ne nous aideront pas avec le climat. Vous savez donc que les forêts et les arbres sont d’excellents puits de carbone, en plus d’être un habitat incroyable pour la biodiversité. Et nous savons à présent que les forêts de la Colombie-Britannique étaient autrefois des puits de carbone, mais maintenant elles sont en fait des sources de carbone, car il y a eu tellement d’exploitation forestière et particulièrement de coupes à blanc ».
« J’explore quels événements sonores peuvent être créés, soit dans une forêt avec des arbres, donc plutôt une sorte d’approche collaborative, mais ces méthodes peuvent également être adaptées à des situations en intérieur qui nous sont plus familières, comme les galeries et salles de spectacle ».
« La durabilité au sens holistique, dans ma pratique, concerne beaucoup de petites choses, comme avoir un système pour recycler, réutiliser les matériaux, comme créer et partager des choses. Essayez également de penser à la durabilité en termes de santé, que si vous n’avez pas la santé et du repos, du temps et de l’espace, vous ne pouvez pas prendre de décisions qui tiennent compte des résultats ou des effets de vos choix sur d’autres personnes et artistes pour entrer dans une logique de survie. Il est vraiment difficile de considérer les choses au-delà de vous-même, parce que vous vous démenez pour payer le loyer ou pour vous rendre au prochain concert ou pour saisir la prochaine opportunité. Donc, à cet égard, je pense que des conversations comme le revenu universel pourraient donner aux artistes beaucoup de flexibilité dans la conversation sur la durabilité. Je pense que c’est aussi que vous parlez dans une position privilégiée lorsque vous êtes capable, par exemple, de dire non au voyage en avion pour ce concert en festival pour un jour ou deux. Et donc les artistes se retrouvent souvent coincés à saisir des opportunités qui ne fonctionnent pas nécessairement pour nous ».
« J’ai remarqué au fur et à mesure que ma carrière se développait, qu’il m’était plus facile d’avoir des opportunités à l’étranger. Souvent, il est plus facile d’obtenir des concerts à New York ou à San Francisco, à travers le pays, que d’obtenir quelque chose en ville. Et donc je pense qu’il y a encore vraiment un attrait pour les artistes de l’extérieur de la ville. Je suis ravi d’apprendre qu’il pourrait y avoir des changements en termes de festivals et de programmes. Parce que je pense qu’il y a beaucoup de place pour embrasser et explorer ce qu’il y a dans nos communautés avant de faire venir des artistes ».
« Il y a beaucoup d’anxiété climatique, beaucoup de problèmes de santé mentale en ce moment, autour du climat évidemment, et ce qui me saute aux yeux, c’est simplement d’être maman d’un jeune enfant et d’essayer d’imaginer l’avenir ».
« Mon dernier projet comprenait des thèmes environnementaux très forts. Je faisais des recherches sur les baleines et j’associais chagrin climatique et histoires familiales. Beaucoup de l’anxiété et du chagrin liés au climat sont apparus lors de la création de ce projet. Et, bien sûr, c’était super de mettre ça dans un projet, mais à la fin, ça ne finit jamais. Vous pouvez l’exprimer dans un projet, vous pouvez l’explorer, vous pouvez essayer de travailler sur quelque chose, mais je me retrouve à nouveau, dans ces moments, presque paralysé avec ça. Et donc je suis vraiment intéressé en ce moment d’essayer de trouver un moyen de transformer cette anxiété paralysante en action. Parce que c’est là que c’est juste beaucoup plus productif et utile pour tout le monde, et aussi un état d’esprit plus créatif, où c’est plus confortable pour tout le monde et peut réellement créer du changement. Je pense donc que travailler avec les émotions et des choses comme ça, et essayer de changer à la fois personnellement, créativement et organisationnellement, est très utile ».
« Je m’intéresse à la façon de faire avancer les choses dans une organisation, car chaque fois que nous faisons quelque chose, il semble qu’il y ait tellement de gaspillage. Et encore une fois, comment pouvons-nous créer des choses sans utiliser des choses et ajouter une couche au problème ? ».
« Je suis dans cette phase de me défaire de tout ce que j’ai jamais appris. A savoir, je n’arrête pas de dire que mon mot préféré est d’être incertain. Le désapprentissage est vraiment difficile parce que vous devez vous remettre en question chaque jour et cela vous fait vous sentir vivant et c’est déconcertant en même temps, mais je pense que c’est la seule façon de faire des changements, c’est d’être dans cette zone ».
« Ce que je fais principalement dans tous ces domaines, tant personnels qu’institutionnels, c’est d’essayer de favoriser une sorte d’activisme politique qui ne soit pas lié à une position partisane ou à un mode de pensée idéologique, mais plutôt de retrouver, par des pratiques d’écoute, une honnêteté, une communauté, une façon de vivre ensemble. Mais pas seulement en tant qu’humain, mais dans un contexte de perspectives holistiques et éthiques, ce qui est en fait quelque chose que nous apprenons de plus en plus lorsque nous prêtons attention aux philosophies et phénoménologies indigènes. Cela signifie donc qu’au lieu d’émettre une opinion ou une idéologie spécifique, plutôt créer des cadres pour que les gens aient la possibilité d’écouter autrement, d’activer leurs corps et sens sonores par le mouvement, dans un cadre écologique, dans un cadre d’écoute, qui peut être un environnement – et pas nécessairement un environnement naturel – parce que nous savons que nous pouvons apprendre beaucoup de choses n’importe où. Et ce faisant, en créant, espérons-le, une plus grande prise de conscience dans la communauté. Les changements ne peuvent seulement se produire si un plus grand groupe de personnes est synchronisé sur des idées similaires et sensibilisé à la similitude. J’espère que les gens passeront à l’action, que nous passerons à l’action. Nous n’avons pas besoin de discours politique, nous avons besoin d’un mode de vie qui valorise les manières de se reconnecter à soi, où l’humain connaît les humains, les pierres, les plantes, les eaux, etc. Et donc tout cela est très utopique, mais c’est ce vers quoi j’essaie de me connecter, dans tout ce que nous faisons maintenant ».
« La pandémie a été vraiment bénéfique, car en créant beaucoup d’aliénation, elle a démontré le fait qu’en fait nous devons travailler de façons beaucoup plus regroupées autour du partage, car il s’agit de fraternité ou de sororité avec tout et n’importe quoi autour de nous ».
« Tout ce que j’ai fait par le passé, depuis ma jeunesse jusqu’à cette idée de devenir musicien et compositeur, était guidé par une forme de pensée capitaliste. Ce n’est pas guidé par l’idée de se concentrer sur votre être comme une forme d’énergie qui peut être partagée et peut être produite au profit de tout le reste, pas seulement vous-même, mais la communauté dans laquelle vous vivez. Et cette pratique signifie que je dois réinventer toutes les choses que j’ai faites, rejeter le discours esthétique autour de la pratique que je faisais avant et, sans pour autant sacrifier les compétences et les connaissances que j’ai accumulées, réévaluer toutes ces connaissances, techniques et compétences sous un angle différent ».
« Mais il existe d’autres moyens d’emmener les gens en balade, par lesquels ils seront, d’une certaine manière, plus à l’écoute d’eux-mêmes et davantage capables de libérer leur angoisse d’avoir à approuver ou à désapprouver, une fois que les processus sont partagés et que le cadre n’est pas restrictif. Et c’est en fait l’espace commun sur nos terres. Pas même nos terres, les terres et les océans. Et donc je veux favoriser davantage cette activité et il a été inspirant de voir des gens venir sans qu’on leur dise de faire ceci ou cela et de leur permettre de découvrir leur propre chemin dans un espace qui propose du mouvement sonore, des images ou simplement de s’écouter les uns les autres ».
« Une autre chose qui me frappe vraiment est l’accent local. Pour moi, avoir deux enfants, tout juste sortis de l’école, m’a forcé à devenir un artiste vraiment actif localement. Je n’avais pas vraiment les moyens de comprendre comment voyager avec de jeunes enfants. Et donc la majeure partie de ma carrière a été vraiment axée sur le local. Cela a été un peu un obstacle, c’est sûr. Mais il y a aussi un bon côté, à savoir que cette communauté est un endroit si riche. Et aussi mon travail est tellement enraciné dans tout cela, dans cet endroit, cette nature. Et donc c’est une chose merveilleuse quand nous le comprenons ».
« En tant qu’organisation, nous diffusons et veillons à ce que les artistes, les organisations et les compositeurs locaux aient également un rôle majeur dans la façon dont nous structurons nos saisons. Puisque nous parlons d’intersectionnalité et autre, d’un point de vue de la durabilité, l’une des intersections que j’ai remarquées est la tendance actuelle avec les donations et voir comment nous pouvons réellement financer cette activité. Les donations sont en baisse sur tous les dons de bienfaisance au cours des deux dernières années et continueront de baisser à mesure que l’économie change. Comment pouvons-nous nous permettre de continuer de détricoter et remodeler et de faire ce que nous voulons faire et comment nous voulons le faire de manière durable, si nous n’avons pas les fonds pour le faire. A savoir, en tant que développeurs, et c’est l’une des intersections, mais aussi, à travers la collecte de fonds centrée sur la communauté et ses principes directeurs. Je ne me souviens pas de toutes de mémoire, mais l’une des directives principales est qu’il y a suffisamment de fonds pour tout le monde. Pourquoi les garder pour soi, plutôt s’assurer que nous sommes capables de les répartir. Et en tant qu’organisation, nous pouvons dire : ‘Nous vous encourageons également à faire des dons à d’autres organisations’ ».
« Quand vous désassemblez quelque chose au milieu, pouvez-vous appeler cela du rivetage ? Parfois, il faut faire tremper, raccorder la pièce que l’on a défaite et la laisser reprendre forme avant de pouvoir passer à autre chose. Donc, une partie de cela, le tricotage pour revenir à quelque chose d’autre, demande beaucoup de temps, demande beaucoup d’énergie, demande beaucoup de concentration et de vouloir en faire quelque chose d’autre. Et donc je vois beaucoup de positif, juste pouvoir avoir ces conversations, et aussi d’avoir tellement de ces conversations en même temps sur l’idée de durabilité, l’idée de justice, d’égalité, de diversité, d’inclusion et d’accessibilité, mais également la réconciliation et sur l’idée de comment pouvons-nous nous réconcilier ou changer ».
« Le loyer est extrêmement problématique. A présent aussi, principalement la nourriture, l’épicerie, tout. C’est donc un énorme nuage au-dessus de ma communauté ici. C’est un problème. Lorsque ces choses sont en place, qu’il y a de la sécurité, du confort et que les besoins de base sont pris en charge, alors nous pouvons nous-mêmes plus facilement passer plus de temps dans la nature. L’artiste peut être plus connecté à son environnement ».
« J’ai beaucoup réfléchi au climat et à l’éthique de ce que je fais, même à la façon dont mon ego est concerné dans la poursuite de cette carrière. Je pense à l’éthique des tournées. Autant j’aimerais faire à nouveau une tournée en Europe, autant je trouve que c’est une chose épiquement irresponsable. Même une tournée au Canada, un si grand pays. J’aimerais quand même pouvoir faire des allers-retours. Mais encore une fois, je ne sais pas si c’est éthiquement responsable de ma part de continuer. Alors j’y pense tout le temps ».
« En pensant à la collecte de fonds centrée sur la communauté, comment permettre un plus grand recoupement des outils et des ressources dont nous disposons. En pensant à la sécurité de l’artiste : donc pour moi, juste en essayant de survivre, j’ai en fait trouvé assez difficile de gagner assez d’argent et encore une fois, j’ai donné beaucoup de ces stupides concerts supplémentaires, ce qui n’est pas pour me plaire. Mais on m’a fait voyager à Prince George et Kelowna, Kamloops et je me suis dit, pourquoi y a‑t-il tous ces orchestres ? Pourquoi tant d’argent est-il dépensé en frais d’avion ou en payant des musiciens de Vancouver pour se rendre dans ces endroits ? Encore une fois, pourquoi ? Et je comprends que pour les communautés qui vivent dans ces endroits, ce soit aussi autosuffisant ».
« Certains collègues du jury m’ont dit que pour certaines personnes au Canada, Beethoven est un atout pour la culture canadienne. Et si vous regardez le budget de cette année, ce que le conseil dépense pour les orchestres symphoniques et les compagnies d’opéra de cette province, cela représente 85 % du budget de la musique ».
« 20 entreprises dans le monde produisent la majorité de la pollution. Chaque fois qu’elles démolissent une maison à Vancouver, c’est 70 tonnes ou plus de déchets qui vont à la décharge. Si je recycle toute ma vie – ce que je fais – ça n’y changera rien. Il faut un changement plus important que tout le monde faisant qu’une seule et unique chose. Nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant, nous devrions quand même faire cette seule et unique chose. Mais nous devons nous unir et faire pression sur les gros, gros pollueurs, parce que ce sont eux qui vont vraiment pouvoir faire la différence ».
« Nous devons chercher un cadre complètement différent. Je veux dire que nous sommes trop gâtés. Vraiment. Tout le monde ici a utilisé le mot communauté. Super. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’une communauté ? Ce n’est pas seulement parce que vous habitez géographiquement au même endroit qu’il y a une communauté. Et la communauté de la Sunshine Coast est une communauté de gens de classe moyenne pourris gâtés comme moi, qui vont sous la douche et ont la possibilité de changer la température de l’eau selon leur bon vouloir. Une communauté est un endroit où l’on renonce à quelque chose au bénéfice de tous. Renoncer est quelque chose que nous n’avons pas l’habitude de faire, car nous sommes esclaves de cette idée d’acquérir, acquérir, acquérir ou de capitaliser sur ceci, capitaliser sur cela. La générosité est quelque chose que nous pouvons cultiver de plus en plus ».
« Nous détenons toutes les ressources, nous détenons l’or, nous détenons toutes ces choses. Je pense qu’il y a en fait quelque chose de vraiment positif en termes de ce que nous avons comme expérience. Tout le monde dans cette salle l’a. Et comment revenir en arrière et défaire le tricot et toutes ces choses à venir ? Simplement entretenir ce feu et faire de notre mieux. Et alors toutes les autres pièces s’assembleront d’elles-mêmes. Clairement, le réseautage, avec qui vous vous associez, savoir comment commencer à faire bouger les lignes. Je travaille pour la ville, c’est l’endroit le plus prise de tête qu’il y ait. C’est très désenchantant. Mais si je peux simplement continuer à garder le cap … il y a des jours où c’est terrible, mais il y a des jours où c’est super et tu avances. Nous devons porter cette lumière en nous. Et je ne pense vraiment même pas à un niveau spirituel. Nous avons déjà fait notre part. Et maintenant, nous devons nous y remettre. Nous devons juste continuer de persévérer ».
Rencontre de Montréal
Date : le 14 juin 2023
Lieu : Goethe-Institut, 1626 Boul. Saint-Laurent Bureau 100, Montréal, QC H2X 2T1
Co-diffuseur : Groupe Le Vivier
Comme les réunions précédentes, la rencontre était ouverte par notre hôte et collaborateur, cette fois-ci Le Vivier, avec un mot de Gabrielle Blais-Sénéchal. Le RCMN était particulièrement reconnaissant de l’accueil et du travail du Groupe Le Vivier, vu l’incendie qui a dévasté leurs bureaux et lieux de rencontre, et du Goethe Institut, qui nous a offert leur espace pour la rencontre. La Directrice Générale Terri Hron a continué l’introduction avec une reconnaissance territoriale et un court résumé du projet Avenirs écoresponsables, de ces rencontres régionales et de l’événement national à venir. Nous avions deux invitées qui sont venues nous parler des actions et du soutien possible au Québec pour des actions et des transformations éco-responsables : Caroline Voyer, du Conseil québécois des événements éco-responsables, et Christine Dancause et Nathalie Rae, du Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ), qui ont présenté les politiques environnementales et les outils mis en place pour le milieu.
Caroline Voyer, directrice générale du Conseil québécois des événements écoresponsables, a souligné l’importance de calculer son empreinte carbone avant de réaliser un plan d’actions cohérent et adapté. Elle encourage toute entité culturelle à passer par cette étape. Ce calcul est possible notamment par la plateforme Creative Green qui offre aux organismes culturels un outil d’autocontrôle pour la mesure de leur empreinte carbone.
Les représentantes du CALQ, Christine Dancause et Nathaly Rae, ont présenté le programme de partenariat territorial qui permet aux entités culturelles de bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement dans leur plans d’actions, à la fois sur le volet de la production, de la diffusion, de la promotion et de la consolidation.
Nous avons continué la rencontre, surtout ciblée pour les membres du Vivier, avec des échanges qui ont fait émerger des pistes de réflexion dans le secteur des musiques nouvelles et sur lesquelles Le Vivier pourrait travailler. Parmi celles-ci :
- Encourager la slow-creation/slow-production
- Favoriser la notion de “création durable” et multiplier les spectacles en région
- Remettre en question les représentations uniques avec toute la réflexion sur la logistique des salles que cela engendre
- Limiter la croissance à tout prix
- Faire perdurer les œuvres grâce au numérique (mais quel(s) est/sont également le/les impact(s) du numérique sur l’environnement ?)
« On se dit souvent dans la programmation qu’on devrait ralentir le rythme, pendant le cycle de création, production, diffusion, parce que là, les organismes sont souvent amenés à garder un rythme intensif ».
« Il y a quelque chose qui me semble à la base très difficile : on est des organismes de création, on doit toujours en faire de nouvelles. Il y a une obsolescence dans notre travail à la base. Une création d’il y a quatre ans n’est plus une création. Il y a des questions à se poser là, sur la création durable. Et puis quand on nous demande de réduire, moi, le mandat de ma compagnie, c’est de créer, de produire. Tous mes efforts sont prêts à essayer de produire davantage, mais je vais devoir réduire les coûts. La façon la plus efficace pour moi de réduire mon empreinte, ce serait de produire moins, c’est sûr ».
« À Montréal, pendant la pandémie il y avait « Quand l’art prend l’air » [programme CAM]. Surtout les enfants, quand on pense à réduire l’énergie, ça fonctionnait essentiellement de manière acoustique. [Des projets] qui peuvent être faits sans équipement, sans infrastructure et modestement, ça ça pourrait être des beaux projets à mettre de l’avant. Qui de créer des beaux partenariats, où ces programmes-là pourraient être diffusés plus régulièrement ».
« L’autre chose c’est aussi la croissance à tout prix. Je pense qu’effectivement on ne doit pas aller dans ce sens-là, c’est justement ce qu’on essaie de freiner dans beaucoup de sphères la société, et surtout dans le domaine culturel, où faire croître l’offre n’est plus une solution. Mais c’est beaucoup plus de rejoindre le public, et notamment on parle de régions ».
« On devrait mettre de l’emphase sur la reprise et la consolidation de ressources ».
« De ce que j’entends de nos besoins en termes de mutualisation par rapport à un souci qui est quand même cadré par l’éco-responsabilité, je pense que Le Vivier peut vraiment être un vecteur important pour ses membres en ce moment-là. Je pense que c’est très important qu’on travaille ensemble ».
« On est en train de travailler sur notre plan numérique. C’est sûr qu’on se demande si le numérique peut aider les œuvres à avoir un plus grand cycle de vie plus long. Il y a beaucoup de membres qui ont fait des projets exceptionnels en salle et aussi en ligne, et qu’est-ce qu’on fait avec ces contenus-là, pour qu’ils continuent à vivre ? Donc là, c’est une vraie réflexion qu’on a à l’interne, la discussion par rapport au data. Comment on archive tout ça et comment on crée un pôle de circulation des œuvres et des artistes ».