Rapport Avenirs éco-responsables

Titre Avenirs écoresponsables en lettres déssinées

Au prin­temps 2023, le Réseau cana­dien pour les musiques nou­velles (RCMN) a démar­ré une série de consul­ta­tions régio­nales afin de savoir en quoi, com­ment et si la com­mu­nau­té des arts sonores et des musiques créa­tives envi­sage un ave­nir durable pour notre pra­tique. Ces ren­contres (qui se sont pour­sui­vies jusqu’à l’été 2024) com­pre­naient par­fois une pré­sen­ta­tion, mais elles étaient prin­ci­pa­le­ment concen­trées sur le recueil de réponses, à la fois d’artistes individuel.le.s et des travailleur.euse.s. culturel.le.s. L’objectif du RCMN avec ces ren­contres était double : d’établir ce qui serait le plus utile et le plus appro­prié, concer­nant son propre ave­nir éco-res­pon­sable, et de déter­mi­ner ce dont la com­mu­nau­té pour­rait avoir besoin en matière de res­sources que le RCMN pour­rait four­nir ou aider à organiser.

Vous trou­ve­rez ci-des­sous de courts rap­ports des­crip­tifs de chaque ren­contre, avec un compte ren­du abré­gé de ce que les par­ti­ci­pantes et par­ti­ci­pants ont par­ta­gé. Pour une immer­sion sub­stan­tielle dans le conte­nu, chaque résu­mé est sui­vi de trans­crip­tions légè­re­ment modi­fiées et ano­ny­mi­sées des com­men­taires des participants.

Le RCMN est très recon­nais­sant du sou­tien de FACTOR pour la réa­li­sa­tion du pro­jet Ren­contres Régio­nales sur les Ave­nirs éco-responsables. 


Rencontre de Saint-Jean, T.-N.-L

Le RCMN tient à remer­cier Sound Sym­po­sium pour sa géné­reuse hos­pi­ta­li­té et pour l’aide qu’il a appor­tée à la réa­li­sa­tion de cette conversation.

 

Cette conver­sa­tion a eu lieu le 17 juillet 2024 au First Light Event Space, à St. John’s, NL.

 

Le RCNM remer­cie FACTOR, le gou­ver­ne­ment du Cana­da et les radio­dif­fu­seurs pri­vés cana­diens pour leur sou­tien financier.

 

La dis­cus­sion com­pre­nait une intro­duc­tion et une conclu­sion sous la forme d’une courte acti­vi­té musi­cale diri­gée par Kathy Ken­ne­dy.

 

Cette dis­cus­sion était ani­mée par Raphaël Foi­sy-Cou­ture et Ter­ri Hron, res­pec­ti­ve­ment actuel et ancienne directeur.trice exécutif.ive du CNMN/RCNMN.

 

Plu­sieurs artistes et musicien.ne.s ayant par­ti­ci­pé à cette édi­tion du Sound Sym­po­sium ain­si que de nom­breux musicien.ne.s et tra­vailleu­reuses artis­tiques locaux.ales ont assis­té à cette conver­sa­tion. Nous les remer­cions pour leur géné­reuse contribution.

 

Afin de mieux expo­ser les réa­li­tés et les dyna­miques à l’œuvre dans le domaine de la musique créa­tive et des pra­tiques sonores, ce rap­port com­prend une trans­crip­tion détaillée de la dis­cus­sion qui a eu lieu. Les modi­fi­ca­tions appor­tées ont pour seul objec­tif de faci­li­ter la lec­ture et la compréhension.

 

Les participant.e.s sont d’a­bord dési­gnés par ordre alpha­bé­tique, puis par X pour des rai­sons d’a­no­ny­mat. À l’ex­cep­tion de cer­taines inter­ven­tions spé­ci­fiques des modérateur.ice.s et des intervenant.e.s invité.e.s, les contri­bu­tions de toustes les participant.e.s sont anonymisées.

 

Thèmes abordés lors de la conversation

 

Pra­tiques artis­tiques et crise climatique

  • Rési­lience artis­tique : Com­ment la créa­tion musi­cale aide les artistes à faire face à l’an­xié­té cli­ma­tique et à d’autres crises
  • Explo­ra­tion des thèmes liés au cli­mat dans les pra­tiques artis­tiques et les pro­jets d’art sonore
  • Inter­ro­ga­tion sur le rôle de la musique dans la sen­si­bi­li­sa­tion et la recherche de solu­tions aux pro­blèmes écologiques

 

Approches com­mu­nau­taire et approches institutionnelles

  • Les orga­ni­sa­tions de base sont sou­vent à l’a­vant-garde des pra­tiques durables mal­gré l’ab­sence de poli­tiques formelles
  • Les grandes ins­ti­tu­tions se concentrent sur le lan­gage et la per­cep­tion, mais peuvent man­quer d’ac­tions substantielles
  • Le finan­ce­ment devrait don­ner la prio­ri­té aux ini­tia­tives durables exis­tantes plu­tôt que d’im­po­ser de nou­veaux systèmes

 

Res­pon­sa­bi­li­té per­son­nelle et systémique

  • Équi­li­brer les actions indi­vi­duelles (par exemple, les choix de voyage, la consom­ma­tion) avec les réformes sys­té­miques collectives
  • Débat sur la ques­tion de savoir si ce sont les inéga­li­tés sys­té­miques ou le com­por­te­ment des consommateur.ice.s qui déter­minent l’im­pact sur le climat
  • Appel à la clar­té sur les rôles des indi­vi­dus et des ins­ti­tu­tions dans la réso­lu­tion des pro­blèmes climatiques

 

Le déve­lop­pe­ment durable dans la musique et les arts

  • Défi­nir la dura­bi­li­té comme englo­bant les dimen­sions envi­ron­ne­men­tales, éco­no­miques et sociales
  • La pré­ca­ri­té éco­no­mique et ses consé­quences sur le main­tien des pra­tiques créa­tives à long terme
  • Les pos­si­bi­li­tés d’a­li­gner la dura­bi­li­té sur les valeurs artis­tiques déco­lo­niales et relationnelles

 

Modèles de finan­ce­ment et capitalisme

  • Cri­tique du finan­ce­ment par pro­jet et de son rôle dans la per­pé­tua­tion de cycles artis­tiques non durables
  • Plai­doyer en faveur du reve­nu de base uni­ver­sel comme solu­tion sys­té­mique pour sou­te­nir les artistes
  • Défis de la concur­rence pour des res­sources limi­tées, menant à l’é­pui­se­ment et aux inégalités

 

Pra­tiques inter­dis­ci­pli­naires et collaboratives

  • Ren­for­cer les liens entre la musique et d’autres dis­ci­plines comme les arts visuels ou le théâtre.
  • Exemples de modèles de réus­site tels que l’ap­proche inté­gra­tive et col­la­bo­ra­tive de Sound Symposium.
  • Renouer avec les pra­tiques his­to­riques de pro­gram­ma­tion inter­dis­ci­pli­naire dans les arts

 

Édu­ca­tion et accessibilité

  • L’im­por­tance des pro­grammes de men­to­rat pour ren­for­cer la rési­lience des jeunes générations.
  • Élar­gir l’ac­cès à l’é­du­ca­tion musi­cale au-delà des centres urbains et des espaces privilégiés.
  • Le par­tage des connais­sances par le biais d’a­te­liers et de pro­jets com­mu­nau­taires afin d’é­lar­gir la participation.

 

Poli­tique, lan­gage et action

  • Inquié­tude quant au lan­gage per­for­ma­tif des poli­tiques de dura­bi­li­té qui ne s’inscrive pas en actions.
  • L’im­por­tance de la trans­pa­rence dans la manière dont les fonds et les efforts sont alloués aux objec­tifs liés au climat.
  • La recon­nais­sance du fait que les pra­tiques locales et com­mu­nau­taires per­mettent sou­vent d’at­teindre des modèles sains sans poli­tiques formelles.

 

Pers­pec­tives post-pandémiques

  • COVID-19 comme une période de réflexion et d’ex­pé­ri­men­ta­tion de pra­tiques alternatives.
  • L’ap­pé­tit accru pour la col­la­bo­ra­tion et le chan­ge­ment sys­té­mique dans l’en­semble du sec­teur artistique.
  • Les défis post-pan­dé­miques liés à la recherche de finan­ce­ments et à la concur­rence dans un domaine saturé.

 

Ima­gi­ner un ave­nir meilleur

  • Encou­ra­ger les artistes à créer de nou­veaux sys­tèmes et à envi­sa­ger des alter­na­tives aux cadres actuels.
  • Les artistes en tant que conteurs : Ins­pi­rer l’ac­tion et ima­gi­ner des ave­nirs plus sains par le biais d’un tra­vail créatif.
  • L’im­por­tance de l’op­ti­misme et de la réflexion à long terme pour résoudre les pro­blèmes systémiques.

 

Évo­lu­tion de la mis­sion du RCNM

  • Tran­si­tion vers le Réseau de créa­tion musi­cale et sonore pour mieux reflé­ter les pratiques
  • Favo­ri­ser les liens entre les ini­tia­tives locales et les réseaux natio­naux et internationaux.
  • Élar­gir le man­dat pour don­ner la prio­ri­té à l’in­clu­sion, à l’ac­ti­visme et aux voix sous-représentées.



-Ter­ri Hron : Mer­ci à toustes d’être ici. Il s’a­git d’un flux conti­nu de conver­sa­tions sur ce que nous, les artistes, fai­sons, pou­vons faire ou com­ment nous sommes concer­nés par la crise cli­ma­tique. En ce qui concerne le RCNM, nous avons eu toute une série de ces conver­sa­tions à tra­vers le pays. Lors de la mise en place du réseau, nous nous sommes dit que l’une des par­ti­cu­la­ri­tés du « Réseau cana­dien pour les musiques nou­velles », qui devien­dra bien­tôt le « Réseau de créa­tion musi­cale et sonore », est qu’il repré­sente une très vaste zone en termes de culture créa­tive. C’est assez inha­bi­tuel à l’é­chelle mon­diale et cela rend dif­fi­cile de se ras­sem­bler autour d’autre chose que le fait que nous aimons toustes pro­duire des sons curieux et farfelus. 

 

Notre com­mu­nau­té semble de plus en plus pré­oc­cu­pée et dési­reuse d’être active face aux ques­tions cli­ma­tiques. C’est pour­quoi l’une des choses que le réseau a faites his­to­ri­que­ment est d’or­ga­ni­ser des conver­sa­tions. Ces séries de conver­sa­tions ont com­men­cé en 2016 avec les conver­sa­tions sur la diver­si­té. Ensuite, chaque année, il y a eu une sorte de série de conver­sa­tions qui se sont dérou­lées prin­ci­pa­le­ment en ligne, même avant cet espace vir­tuel par­ti­cu­lier qui s’est créé pour nous toustes pen­dant la pan­dé­mie. Cela s’ex­plique en par­tie par la taille du pays et par le fait que nous ne pou­vons pas sou­vent nous réunir de la sorte. En 2020/2021, nous avons enta­mé ces conver­sa­tions sur la dura­bi­li­té et l’environnement. C’est la hui­tième, ou la sep­tième. J’ai par­ti­ci­pé à toutes ces conver­sa­tions. La plu­part d’entre elles ont eu un for­mat très simple, nous avons four­ni cette liste de ques­tions que vous avez peut-être vu dans l’in­vi­ta­tion ou dans le pro­gramme, mais la plu­part du temps, nous avons sim­ple­ment tenu un cercle de dis­cus­sion. Toutes les dis­cus­sions ne sont pas très actives. Nous vou­lions donc vous faire part de la manière dont ces conver­sa­tions se sont dérou­lées. Je pense que c’est une très bonne façon de vous par­ta­ger ce que nous avons fait et comment. 

 

Je pense que cela a vrai­ment per­mis de par­ta­ger ce que [les participant.e.s] res­sentent à pro­pos de ce qu’iels font ou de ce qui les inquiète, ce qu’iels res­sentent à pro­pos de ces ques­tions de pra­tique artis­tique, de musique et de pra­tique sonore, face à l’ur­gence cli­ma­tique. La deuxième conver­sa­tion s’est dérou­lée à Otta­wa et a ras­sem­blé de nom­breuses per­sonnes impli­quées dans des orga­ni­sa­tions. Lors de cette conver­sa­tion, beau­coup de gens ont par­lé de poli­tique, de la façon dont on demande main­te­nant aux orga­ni­sa­tions d’être res­pon­sables, et du poids sup­plé­men­taire que cela repré­sente. Ensuite, une conver­sa­tion a eu lieu à Bran­don avec les participant.e.s du concours Eck­hardt-Gra­mat­té et leurs pia­nistes collaborateur.ice.s. Il s’a­gis­sait de très jeunes artistes en début de car­rière et leurs pré­oc­cu­pa­tions étaient très dif­fé­rentes. Iels n’a­vaient pas de pro­jets ou d’ac­ti­vi­tés immé­diates autour de la crise cli­ma­tique, mais leur anxié­té latente à ce sujet et la façon dont iels allaient pou­voir évo­luer dans le monde étaient bien plus grandes et c’est ce qu’iels ont expri­mé. Nous avons eu deux conver­sa­tions à Van­cou­ver, toutes deux très dif­fé­rentes. La pre­mière réunis­sait de nom­breux artistes dont le tra­vail est direc­te­ment lié au cli­mat ou à l’en­vi­ron­ne­ment et qui décri­vaient leurs pro­jets. Il s’a­gis­sait de per­sonnes dont le tra­vail était cen­tré sur ces ques­tions depuis de très nom­breuses années.  Iels avaient donc, encore une fois, un point de vue très dif­fé­rent sur la ques­tion. La deuxième réunion s’est dérou­lée dans le cadre d’un ras­sem­ble­ment de dif­fu­seurs de musique et tout ce dont ils vou­laient par­ler était de savoir si nous pou­vions encore prendre l’a­vion en cette période de crise climatique. 

 

Je vous donne quelques exemples de ce qui a été abor­dé lors des dif­fé­rentes réunions pour vous don­ner une idée de l’é­ten­due du sujet. Nous n’al­lons pas nous asseoir ici pour par­ler d’un sujet en par­ti­cu­lier, mais le Sound sym­po­sium est un ras­sem­ble­ment incroyable de praticien.ne.s de tout le Cana­da. C’est vrai­ment spé­cial de ce point de vue. Et beau­coup de gens ont des pro­jets basés sur la terre et sur le cli­mat. Nous sommes donc très heu­reux de pou­voir les accueillir. Je n’ai pas men­tion­né la réunion qui s’est tenue à Mont­réal. Pour vous don­ner une image plus com­plète, un cer­tain nombre de bailleurs de fonds étaient éga­le­ment pré­sents à cette réunion. Au Qué­bec, le prin­ci­pal sub­ven­tion­neur a com­men­cé à mettre en œuvre une poli­tique cli­ma­tique pour les demandes de sub­ven­tion. Toutes les orga­ni­sa­tions doivent donc se doter d’une poli­tique de dura­bi­li­té. C’est donc très inté­res­sant. Cette conver­sa­tion por­tait essen­tiel­le­ment sur la ques­tion de savoir qui allait se char­ger d’é­la­bo­rer ces poli­tiques. Et ce que cela signi­fiait en termes de tra­vail sup­plé­men­taire pour les petites orga­ni­sa­tions. C’est donc une ques­tion très com­plexe. Vous pou­vez lire le rap­port à ce sujet, qui est essen­tiel­le­ment un résu­mé très court de ce qui a été dis­cu­té lors de cha­cune de ces réunions, ain­si qu’un grand nombre de cita­tions ano­nymes de per­sonnes et de ce qui a été dit. Si vous vous inté­res­sez à ce sujet, vous pou­vez donc consul­ter cette ressource. 

 

Je vou­drais éga­le­ment men­tion­ner que nous enre­gis­trons cette réunion, et j’es­père que cela vous convien­dra à toustes. N’hé­si­tez pas à me faire savoir si quelqu’un.e s’y oppose. Et comme je l’ai dit, si nous publions quoi que ce soit, c’est de manière ano­nyme. Les enre­gis­tre­ments ne sont uti­li­sés qu’à des fins d’ar­chi­vage. En ce qui concerne le RCNM, nous sommes éga­le­ment très enthou­siastes, Raphaël et moi, parce que nous n’a­vons jamais par­ti­ci­pé à une réunion ensemble. J’ai lan­cé ce pro­jet parce que c’é­tait le der­nier grand pro­jet dont j’é­tais res­pon­sable au sein du réseau. Et c’est un sujet qui a com­plè­te­ment consu­mé ma vie depuis lors, comme pour beau­coup d’entre vous, j’en suis sûr. C’est un sujet très impor­tant dans notre monde. Je suis donc heu­reuse d’a­voir l’oc­ca­sion d’être ici avec Raphaël et de faire ce genre de tra­vail en com­mun. Nous avons beau­coup de temps aujourd’­hui, car ces réunions ont été dif­fé­rentes en termes de temps. Cer­taines sont très courtes, mais celle-ci est assez longue. Nous pour­rions donc com­men­cer par nous pré­sen­ter briè­ve­ment et faire un tour de table. Et peut-être men­tion­ner une chose qui vous pré­oc­cupe ou à laquelle vous pen­sez en ce qui concerne votre pra­tique artis­tique et l’ur­gence climatique. 

 

Je vais com­men­cer. Je m’ap­pelle Ter­ri Hron. Je suis une tra­vailleuse cultu­relle et une per­sonne créa­tive. J’é­cris, je joue, je fais de l’art et j’es­saie d’or­ga­ni­ser des choses dans ma com­mu­nau­té. Pour moi, cette der­nière période a com­men­cé par un grand nombre de ces conver­sa­tions. Je vou­lais voir si la com­mu­nau­té pou­vait être mobi­li­sée. C’est ain­si que j’ai com­men­cé à lire de plus en plus sur le cli­mat et les réa­li­tés pla­né­taires géné­rales. Et il y a des jours où j’ai beau­coup de mal à voir une voie posi­tive pour l’a­ve­nir. Mais ce sont aus­si les jours où ma pra­tique artis­tique a pu four­nir une piste de réponse. Jouer de mes ins­tru­ments et res­sen­tir les vibra­tions, comme le disait Kathy, me semble être un véri­table cadeau vers lequel je peux me tour­ner parce que j’ai l’im­pres­sion que des temps sombres s’an­noncent. Et je n’aime pas être une rabat-joie, mais je suis très recon­nais­sante de ma pra­tique artis­tique dans ces moments-là. C’est ce que je vais dire sur le sujet…. Je te trans­met la parole.

 

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Je suis Raphael Foi­sy. Je suis impro­vi­sa­teur et orga­ni­sa­teur com­mu­nau­taire. La plu­part de mon tra­vail est basé sur une pra­tique par­ti­ci­pa­tive et com­mu­nau­taire. J’ai orga­ni­sé dif­fé­rentes séries musi­cales, j’ai géré des lieux DIY et j’ai sur­tout tra­vaillé en dehors des cadres ins­ti­tu­tion­nels de la musique. Ma posi­tion en tant que direc­teur d’une orga­ni­sa­tion musi­cale est donc inté­res­sante pour moi. C’est la deuxième fois que je par­ti­cipe à une ren­contre du RCMN sur ce sujet. La der­nière a eu lieu à Yel­lowk­nife et a été très intéressante. 

 

Je vou­drais sim­ple­ment sou­li­gner que l’i­dée de dura­bi­li­té touche aus­si à la pré­ca­ri­té du domaine en ce moment et à la dif­fi­cul­té de faire de la musique [ou pas], en par­ti­cu­lier la ten­sion entre les anciennes méthodes de tra­vail qui étaient plus ins­ti­tu­tion­na­li­sées, et le fait que ma géné­ra­tion et les plus jeunes doivent en quelque sorte faire leur deuil des sys­tèmes qui étaient en place aupa­ra­vant, et com­ment nous pou­vons conti­nuer à faire de la musique et à nous orga­ni­ser, et com­ment nous pou­vons nous réunir en tant que com­mu­nau­té pour pou­voir conti­nuer à faire du tra­vail. Ain­si, sans être néces­sai­re­ment lié direc­te­ment à la dura­bi­li­té en termes d’en­vi­ron­ne­ment, je pense éga­le­ment aux struc­tures que cela repré­sente et à la manière dont nous pou­vons créer. Je tenais donc à le pré­ci­ser. Je pense qu’il est éga­le­ment impor­tant que vous par­ta­giez d’autres choses sur votre pra­tique ou sur la dura­bi­li­té qui, selon vous, sont liées à l’é­tat actuel du sec­teur. Il est impor­tant d’a­voir un endroit où expri­mer ces choses sans qu’elles soient direc­te­ment liées à l’é­co­lo­gie ou à l’en­vi­ron­ne­ment. Parce que je pense que l’en­vi­ron­ne­ment est évi­dem­ment un phé­no­mène holis­tique dans lequel nous sommes impliqué.e.s, il est impor­tant de nom­mer les dif­fé­rents défis que nous tra­ver­sons éga­le­ment. Je vous remer­cie pour votre présence. 

 

- A : Mer­ci pour l’or­ga­ni­sa­tion. J’ai eu une pra­tique basée sur le territoire/la terre, prin­ci­pa­le­ment une pra­tique inter­dis­ci­pli­naire en plein air. Der­niè­re­ment, j’ai éga­le­ment tra­ver­sé une période sombre. J’ai en quelque sorte redé­fi­ni ma façon de pen­ser notre rôle en tant qu’ar­tistes. Pour moi, le Sound Sym­po­sium est un moment de renou­veau total. Parce qu’il me rap­pelle tou­jours que les artistes sont des acteur.ice.s de chan­ge­ment. Et nous pra­ti­quons dif­fé­rents modes de ques­tion­ne­ment et de com­mu­ni­ca­tion, ne serait-ce qu’à tra­vers le son et les vibra­tions, qui sont, je pense, extrê­me­ment impor­tants et néces­saires. Sur­tout si nous vou­lons per­tur­ber cer­tains des modèles qui ont été mis en place et qui ne nous mènent pas dans la bonne direc­tion. J’ap­pré­cie donc beau­coup d’en­tendre tous ces sons émis et j’at­tends le reste avec impa­tience. Je pense en effet qu’il s’a­git là d’une voie impor­tante pour avancer.

 

- B : Cette fois-ci, je par­ti­cipe au sym­po­sium sur le plan tech­nique. Bien que je sois déjà venu par le pas­sé pour faire de l’élec­tro­nique modu­laire ana­lo­gique. Mais mon tra­vail ou ma pra­tique prin­ci­pale est de pro­duire et d’en­re­gis­trer de la musique. Toutes les choses que j’ai décrites uti­lisent donc de l’élec­tri­ci­té. J’ai donc réflé­chi à la manière dont j’a­gis en matière d’en­vi­ron­ne­ment. Il faut prendre en compte l’in­di­vi­du, puis la com­mu­nau­té qui l’en­toure. Et à par­tir de là, les choses se construisent. Et j’ap­pré­cie cette orga­ni­sa­tion parce qu’elle est en quelque sorte la plus grande expan­sion de tout ceci. Mais quand je pense à la façon dont je peux per­son­nel­le­ment chan­ger les choses, c’est dif­fi­cile. Dois-je m’é­qui­per d’un tas de pan­neaux solaires ? Est-ce que c’est une solu­tion durable pour char­ger les bat­te­ries de tout mon maté­riel ? Je n’en sais rien. Ce sont de grandes ques­tions dont je ne suis pas sûr. Je suis donc tou­jours à la recherche d’in­for­ma­tions à ce sujet. 

 

- C : Mer­ci. Je suis une per­sonne qui sou­tient ses pair.e.s et j’ai été for­mée à la jus­tice répa­ra­trice. Mais je suis aus­si un.e. superviseur.e. local.e. L’é­co-res­pon­sa­bi­li­té face au chan­ge­ment cli­ma­tique, la réflexion sur la terre et la nature sont des choses qui devraient être plus impor­tantes pour nous, et qui font par­tie des pra­tiques déco­lo­niales. Je pense sou­vent aux rela­tions, à la com­mu­nau­té, à la rela­tion­na­li­té, ou à la langue et aux arts, et aux pra­tiques déco­lo­niales qui les entourent. Mais je pense que lors­qu’il s’a­git de l’en­vi­ron­ne­ment, nous sommes toustes com­plices d’une cer­taine manière. Je voyage beau­coup parce que mes par­te­naires musi­caux vivent dans d’autres par­ties du monde. Par­fois, je réflé­chis à la façon dont les déci­sions que nous pre­nons au quo­ti­dien peuvent influen­cer notre empreinte car­bone. Dans quelle mesure cer­taines des choses que je fais pour me connec­ter avec les gens et faire de la musique sont-elles durables ? Je pense qu’il est impor­tant d’en prendre conscience. C’est en pre­nant conscience de ces choses que l’on com­mence à faire des changements. 

 

- Kathy Ken­ne­dy : Kathy Ken­ne­dy. Chan­teuse, conseillère musi­cale et artiste com­mu­nau­taire. Je réa­lise prin­ci­pa­le­ment des œuvres de grande enver­gure en plein air. Un livre inti­tu­lé Sin­ging Off the Grid sor­ti­ra au début de l’an­née pro­chaine. Je suis vrai­ment ici pour toustes vous écouter . 

 

- D : Je tra­vaille actuel­le­ment dans le domaine de la musique élec­tro­nique, mais j’ai une for­ma­tion en sculp­ture et en poé­sie. Je lis beau­coup et je tra­vaille beau­coup sur la fabri­ca­tion d’ins­tru­ments. L’his­toire de la ins­tru­men­tale n’a pas de sens sans la nature. À la base, l’ins­tru­ment était quelque chose que quelqu’un.e pos­sé­dait. La chasse [et les acti­vi­tés qui en résul­taient], les os et les peaux étaient tous réuti­li­sés pour la fabri­ca­tion d’ins­tru­ments. Contrai­re­ment à ce qui se passe aujourd’­hui, où la fabri­ca­tion d’ins­tru­ments se fait en masse. Et de nom­breuses per­sonnes qui jouent d’un ins­tru­ment ne pensent pas à leurs ins­tru­ments et aux maté­riaux qu’iels uti­lisent. Com­ment pou­vons-nous récu­pé­rer les maté­riaux et fabri­quer des ins­tru­ments qui ne sont pas pro­duits en série ? Je fabrique donc mes propres instruments.

 

- E : Je gère des sys­tèmes infor­ma­tiques de haute per­for­mance. Ce sont des élé­ments impor­tants dans la consom­ma­tion d’élec­tri­ci­té. Du point de vue de l’en­ga­ge­ment per­son­nel, j’ai depuis long­temps le désir ou la convic­tion que la façon dont les choses changent dans le monde est par le fait de se chan­ger soi-même. C’est pour­quoi il faut consom­mer moins, conduire moins, etc. Le recy­clage. Ces choses que nous connais­sons toustes mais que nous ne fai­sons pas néces­sai­re­ment. [Avec] res­pect pour la pra­tique : Réuti­li­ser et réorien­ter les choses. Créer des ins­tru­ments à par­tir de vieux jouets d’en­fants, etc. Il y a tel­le­ment de façons dif­fé­rentes d’é­vi­ter de jeter tout en étant capable de faire de l’art. 

 

- F : Je suis auteur.ice-compositeur.ice.. Je com­mence éga­le­ment à ensei­gner la musique. Et je suis là pour écouter.

 

- G : Je pense que je suis sur­tout pré­oc­cu­pé par les pos­si­bi­li­tés d’emploi futures, par le fait d’a­voir une car­rière, sur­tout avec la crise climatique. 

 

- H : Je suis compositeur.ice. à la basse, à la gui­tare et à l’har­mo­ni­ca, je suis aus­si saxo­pho­niste. Je suis au tout début de ma car­rière et j’ai déjà beau­coup voya­gé. J’ai réflé­chi à ce que cela allait repré­sen­ter. Est-ce que je dois vrai­ment prendre l’a­vion autant de fois ? Je cherche à gérer ce sen­ti­ment de culpa­bi­li­té et à trou­ver de nou­velles façons d’al­ler de l’a­vant en évi­tant de tou­jours prendre l’a­vion. Ce n’est qu’un aspect de ma réflexion sur le cli­mat dans le cadre de ma pratique. 

 

- I : Il y a quelque chose qui m’in­té­resse vrai­ment dans cette grande com­po­si­tion. C’est le conflit entre l’ac­tion indi­vi­duelle et l’ac­tion gou­ver­ne­men­tale. Parce qu’il est très facile, en tant qu’in­di­vi­du, de dire que le gou­ver­ne­ment doit chan­ger. Et rien ne se pas­se­ra si je ne change pas. Il est éga­le­ment très facile pour le gou­ver­ne­ment de dire qu’il ne se pas­se­ra rien si chacun.ne ne change pas. Et c’est la lutte interne à tra­vers le malaise. Je pense que c’est une période très impor­tante. C’est un sujet dont je n’ai pas beau­coup enten­du par­ler, mais c’est un grand com­bat que je mène. Nous devons donc par­ti­ci­per à trou­ver un équi­libre entre les deux. Mais je pense que c’est une conver­sa­tion impor­tante à avoir dans ce genre d’es­pace. Je suis inté­res­sée et enthou­siaste à l’i­dée d’apprendre. 

 

- J : Je suis un.e artiste polyvalent.e en arts visuels. Je m’in­té­resse éga­le­ment au rôle de l’in­di­vi­du au sein de sys­tèmes plus vastes. C’est l’une des choses qui m’intéressent. 

 

- K : Je suis com­po­si­teu­rice et fon­da­teu­rice d’une res­source d’ap­pren­tis­sage en ligne axée sur l’ap­pren­tis­sage. Je m’in­té­resse éga­le­ment à la tech­no­lo­gie musi­cale. Je suis donc très inté­res­sée par ce pro­jet parce que je suis rela­ti­ve­ment novice en matière de tech­no­lo­gie musi­cale. Cette der­nière offre de nom­breuses pos­si­bi­li­tés créa­tives, en par­ti­cu­lier pour les artistes qui n’ont pas de for­ma­tion en musique clas­sique. Je m’in­té­resse donc beau­coup à la manière dont je peux com­bler cette lacune. Et ce qu’on fait, ce sont des vidéos très courtes, qui sont très faciles et acces­sibles en tant qu’a­ni­ma­tion. Com­ment puis-je aider les artistes qui sou­haitent mettre un pied dans le monde des tech­no­lo­gies musi­cales ? Pour qu’iels puissent les essayer et voir si c’est quelque chose qui les intéresse. 

 

- L : Je suis per­cus­sion­niste. Je ne dirais pas que je suis compositeur.ice, même si j’ai récem­ment inter­pré­té une pièce que j’ai écrite. Je m’in­té­resse au chan­ge­ment cli­ma­tique et à l’en­vi­ron­ne­ment. De plus, je suis ori­gi­naire d”[une grande ville] et je viens d’emménager ici. J’ai le sen­ti­ment que je connais assez les dif­fé­rences entre une grande ville et ici. J’a­dore être ici et être en contact avec la nature. Je pense que c’est très puis­sant et que cela me per­met de gar­der les pieds sur terre. Cela m’ap­porte de la sta­bi­li­té. Cela m’en­cou­rage à essayer de nou­velles choses. Et j’ap­pré­cie d’être ici. La pre­mière fois que je suis venue ici et au Sound Sym­po­sium, j’ai été soulagé.e parce que j’ai tou­jours ensei­gné la musique clas­sique. C’est comme une croyance… Et de savoir ce qui se passe et de ren­con­trer des gens. Mer­ci d’être ici et de partager.



- M : Bon­jour à toustes. Je suis heureux.se d’être ici et de vous ren­con­trer. En fait, je suis membre du RCNM depuis de nom­breuses années, mais vir­tuel­le­ment, je suis donc heureux.se de vous ren­con­trer. Je suis en fait un.e musicien.ne. Je pré­sente de la musique d’une région très spé­ci­fique. Mon peuple est en fait un groupe autoch­tone de 60 mil­lions de per­sonnes vivant en Asie occi­den­tale ou au Moyen-Orient. J’es­saie de déco­lo­ni­ser notre musique. Je joue de nom­breux ins­tru­ments. J’es­saie de pré­sen­ter la musique tra­di­tion­nelle, la musique vocale des ancien.ne.s chanteur.euse.s. J’ai eu le plai­sir de jouer avec des orchestres sym­pho­niques cette année. Et oui, c’est impor­tant parce que je dois le men­tion­ner. Je vais par­ler de dura­bi­li­té et de la façon dont nous devrions être durables. Je pense que nous devrions com­men­cer par nous-mêmes. Toustes les artistes connaissent cette situa­tion. Nous devons nous concen­trer sur nous-mêmes. D’ac­cord, mais com­ment pou­vons-nous être résilient.es ? Et si vous regar­dez à cette table, vous ver­rez que beau­coup de gens sont arrivé.e.s ici en avion. C’est la situa­tion. Par ailleurs, pour­quoi uti­li­sons-nous des voi­tures ? Parce que nous n’a­vons pas de bons trans­ports publics. Si vous allez aux États-Unis, vous le ver­rez. Si vous allez au Royaume-Uni ou en Europe, vous pou­vez aller par­tout grâce aux trains et aux bus. Mais mal­heu­reu­se­ment, nous n’a­vons aucun moyen comme ça ici. Nous devons sim­ple­ment prendre l’a­vion. Si je viens d’Ontario. C’est un long voyage. Et il arrive sou­vent que les vols soient annu­lés. C’est pour­quoi je suis ici. Je suis heureux.se d’être ici et d’“apprendre des autres. Je vous remer­cie de tout cœur.

 

- N : J’ai une his­toire avec le Sound Sym­po­sium. J’ap­pré­cie vrai­ment sa capa­ci­té à inté­grer dif­fé­rentes formes d’art, visuel, danse, théâtre, musique, sonore, envi­ron­ne­men­taux, etc. En ce qui concerne la ques­tion de la conver­sa­tion sur l’élec­tri­ci­té, je pense que c’est très com­plexe parce que l’u­ti­li­sa­tion de bat­te­ries est éga­le­ment toxique. Nous avons toustes par­lé d’être conscient.e.s de notre uti­li­sa­tion d’énergie. […] Nous tra­vaillons ensemble pour essayer d’en­vi­sa­ger des alter­na­tives. Dans le même ordre d’i­dées, je vois le lien entre toutes les dif­fé­rentes pra­tiques artis­tiques repré­sen­tées dans cette salle. Il y a eu des périodes dans l’his­toire de la musique où les dif­fé­rentes sortes de musique étaient anti­thé­tiques les unes par rap­port aux autres. Si nous appor­tons cette col­lé­gia­li­té à une échelle plus large, si nous coopé­rons plu­tôt que de riva­li­ser, nous pour­rons peut-être évi­ter de gas­piller notre propre éner­gie. Je vous remercie. 

 

- O : Mes pro­noms sont « iels » / « elleux ». Je suis tech­no­logue de la musique, mais je suis ici en tant que com­po­si­teu­rice. Je suis géné­ra­le­ment pré­oc­cu­pé par beau­coup de choses qui ont été évo­quées ici. Existe-t-il une tech­no­lo­gie musi­cale durable ? Vivant dans une grande ville, j’ai la chance de pou­voir voya­ger beau­coup en bus et en train pour me rendre à des concerts. Mais en venant à Terre-Neuve, ces ques­tions de vol se posent. Dans ma propre pra­tique, je tra­vaille beau­coup avec des enre­gis­tre­ments de ter­rain. Je tra­vaille beau­coup avec la vidéo. En tant que colo­ni­sa­teu­rices (set­tler), est-ce que c’est juste une conti­nua­tion des pra­tiques de colo­ni­sa­tion ? Ou est-ce que cela peut être déco­lo­ni­sé d’une cer­taine manière ? Ou est-ce que j’u­ti­lise sim­ple­ment la tech­no­lo­gie pour trou­ver de nou­velles et pas­sion­nantes fron­tières à la colonisation ?

 

- P :  Je viens du Nou­veau-Bruns­wick. Je suis un.e fran­co­phone acadien.ne de cette pro­vince, [en visite du] Qué­bec. Je pra­tique géné­ra­le­ment la bat­te­rie et l’élec­tro­nique. Je tra­vaille aus­si beau­coup avec la danse. Mais tous les pro­jets que je réa­lise font géné­ra­le­ment appel à la tech­no­lo­gie à un degré éle­vé. Je suis donc tou­jours pré­oc­cu­pé par cette ques­tion. Mais je n’ai pas de solu­tion à cela parce que j’ai été très heureux.se au cours des cinq der­nières années, lorsque la tech­no­lo­gie est deve­nue plus inté­res­sante et que j’ai pu trai­ter plus de choses plus rapi­de­ment et tout le reste. Ma concep­tion s’est vrai­ment amé­lio­rée. L’ar­chi­vage des pro­jets est éga­le­ment quelque chose qui m’intéresse. Par exemple, des séquences 4K d’un concert en direct, sept camé­ras, etc. Je consomme énor­mé­ment et je ne connais pas de solu­tion à ce pro­blème. Mais je trouve que c’est bien de venir ici et de voir com­ment les gens font de l’art de dif­fé­rentes manières. Et je pense que cela peut aus­si chan­ger mes réflexes lorsque j’a­borde un pro­jet. Peut-être que je n’ai pas besoin de tout faire en 4K ou peut-être que je n’ai pas besoin de consom­mer autant pour ce pro­jet par­ti­cu­lier. Je peux pro­ba­ble­ment, peut-être, trou­ver un moyen plus orga­nique qui consomme moins. Mais c’est une idée qui me vient à l’es­prit. Et j’ai vu cer­tains artistes le faire d’une cer­taine manière. Je pense que c’est en par­tie ce qui me motive à être ici et à apprendre de tout cela. 

 

- Q : Mes pro­noms sont iels, elleux. Je suis per­cus­sion­niste, com­po­si­teu­rice et impro­vi­sa­teu­rice, édu­ca­teu­rice, aca­dé­mique, orga­ni­sa­teu­rice com­mu­nau­taire et je suis musicien.ne.. Je vis en ville et fais de la musique depuis la fin des années 90. Je viens de démé­na­ger avec ma famille dans une plus petite ville en Onta­rio. Tout cela me touche pro­fon­dé­ment. J’ai pas­sé du temps à réflé­chir à toutes ces ques­tions. Je pense qu’il s’a­git pour moi d’un gros nœud d’in­quié­tude un peu nébu­leux. Et sur­tout de frus­tra­tion et de colère. Et je m’in­quiète pour nous toustes. J’ai des adolescent.es à la mai­son. Et je m’in­quiète vrai­ment de ce que sera leur vie à l’a­ve­nir. Et la colère, c’est que je pense que nous avons toustes notre rôle à jouer en tant qu’in­di­vi­dus, bien sûr. Mais il s’a­git de déci­sions infimes. Et il y a peu de gens dans ce monde qui pour­raient prendre des déci­sions rela­ti­ve­ment simples. Et résoudre ce pro­blème. Je trouve vrai­ment frus­trant d’en­tendre les gens dire : « Si je branche un appa­reil et que j’ap­puie sur un bou­ton pour qu’il fasse bip, je fais par­tie du pro­blème. ». Alors qu’il y a des mil­liar­daires qui pour­raient dire : « Allez. Je vais payer pour ça. » Et toutes ces ques­tions dis­pa­raî­traient. Et iels ne pren­dront pas ces déci­sions. Voi­là où j’en suis. C’est très vis­cé­ral pour moi. Et je n’ai pas beau­coup de mots. Mer­ci à toustes pour votre partage. 

 

- R : Il est cer­tain que je res­sens de la frus­tra­tion. Je suis artiste, créateur.ice et mentor.ice. Je suis basée en Onta­rio. J’es­saie sim­ple­ment de trou­ver des moyens d’être une voix plus forte pour la nature. C’est ain­si que je vois les choses. C’est une ave­nue que je veux pour­suivre pen­dant long­temps. J’es­saie donc de m’a­li­gner avec des gens qui par­tagent mes idées. Je dis juste une voix parce qu’il y a tel­le­ment de choses à dire. La situa­tion est tel­le­ment com­plexe. Pour moi, il n’y a pas de solu­tion unique. Mais le meilleur moyen est de faire quelque chose. Parce que cela pour­rait ins­pi­rer quel­qu’un d’autre. Même si cela peut sem­bler petit et insi­gni­fiant. Par exemple, j’ai fait une per­for­mance hier soir sur les arbres. Cela peut sem­bler minime. Mais cela pour­rait ouvrir une porte à quelqu’un.e de plus jeune ou à n’im­porte qui, qui pour­rait ensuite com­men­cer à pen­ser dans une autre direc­tion. C’est un peu le che­mi­ne­ment que je suis en train de faire. Je vous remercie. 

 

- Ter­ri Hron : Mer­ci à toustes de vous être présenté.e.s et d’a­voir par­ta­gé vos expé­riences. Je vou­lais juste ajou­ter une chose. À la suite de cer­taines de ces conver­sa­tions et après s’être plon­gé dans ces ques­tions, j’ai eu l’im­pres­sion de prendre beau­coup d’a­vions dans ma vie. Et je me suis deman­dé si c’é­tait ça la vie d’un.e musicien.ne . Et je me suis ren­du compte que c’é­tait aus­si la façon dont je mesu­rais à quel point j’é­tais une musi­cienne qui réus­sis­sait à de nom­breuses occa­sions : « Oh, je voyage beau­coup. » Et cette sorte de lente prise de conscience. J’ai donc déci­dé de ne pas prendre l’a­vion pen­dant un an. Je vais voya­ger beau­coup en voi­ture, en train, etc., non pas parce qu’il s’a­git d’une grande réso­lu­tion ou d’une grande décla­ra­tion, mais sim­ple­ment pour voir com­ment je me sen­tais dans mon corps. J’ai donc conduit de Mont­réal à St. John’s. Il m’a fal­lu beau­coup de temps pour arri­ver ici. Mais cela m’a aus­si fait prendre conscience du nombre de fois où j’ai fait le plein de la voi­ture et le voyage de tra­ver­sier, et du temps que cela prend. C’est un rap­port com­plè­te­ment dif­fé­rent à l’es­pace entre ces deux endroits. Et aus­si le fait qu’il n’y a pas de sépa­ra­tion entre moi et la nature. Ce n’est pas nous et la nature. Nous sommes la nature. Nous en fai­sons toustes par­ties. L’élec­tri­ci­té, c’est la nature. De même que les ter­ribles plas­tiques syn­thé­tiques que nous fabri­quons sont la nature. J’aime donc beau­coup la nature. Et j’adhère à tout ce que vous dites sur la res­pon­sa­bi­li­té per­son­nelle. Mais vous savez, si les mil­liar­daires du monde entier nous don­naient la moi­tié de leur argent, la pau­vre­té mon­diale pour­rait être réso­lue. C’est aus­si ça la réa­li­té. Nous ne pou­vons donc pas faire grand-chose en tant qu’in­di­vi­dus. Nous avons pré­pa­ré d’ex­cel­lentes ques­tions. Peut-être pour­rons-nous les uti­li­ser comme points de départ d’une conver­sa­tion de type « pop-corn ». 

 

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Je peux lire la pre­mière. Nous avons cette liste que nous avons uti­li­sée. Et je vais être très hon­nête. En géné­ral, nous en posons une ou deux et la conver­sa­tion suit et les gens sont heureux.ses d’a­bor­der d’autres sujets ou d’en­ga­ger la conver­sa­tion. Je vais donc en lire une. Nous ne sommes pas obli­gés de par­cou­rir la liste. Ce n’est pas le but. C’est juste une façon de com­men­cer. Et s’il y a un sujet ou quelque chose que quelqu’un.e veut sou­le­ver pen­dant son temps de parole ou pen­dant les ques­tions, n’hé­si­tez pas à le faire, car c’est pour cela que nous sommes ici, pour par­ler de tout ce que tout le monde juge pertinent. 

 

« Com­ment les orga­ni­sa­tions peuvent-elles sou­te­nir les œuvres et les ini­tia­tives artis­tiques qui pro­meuvent une plus grande sen­si­bi­li­sa­tion aux ques­tions cli­ma­tiques et s’en­gagent dans la créa­tion d’un monde plus sain ? Si quelqu’un.e veut com­men­cer à répondre à cette ques­tion, ce serait idéal.

 

- X : D’a­bord par la recherche. Il faut d’a­bord com­men­cer à sou­te­nir la recherche au sein des ins­ti­tu­tions. Quels sont les élé­ments sur les­quels il faut tra­vailler ? Que pou­vons-nous chan­ger ? Qu’est-ce que nous ne pou­vons pas chan­ger ? Que pou­vons-nous contrô­ler ? Qu’est-ce que nous ne pou­vons pas contrô­ler ? Et à par­tir de là, aller de l’a­vant avec le chan­ge­ment. Je pense aus­si que le son a une vibra­tion parce que notre sys­tème audi­tif est très limi­té. Nous ne pou­vons donc pas du tout contrô­ler la façon dont nous décri­vons le son. Il y a beau­coup de pol­lu­tion pro­ve­nant de quelque chose que nous ne pou­vons pas entendre. Il y a donc beau­coup de choses sur les­quelles nous pou­vons faire des recherches et par­tir de là. Une ins­ti­tu­tion ou quelque chose d’autre. 

 

- X : Je pense qu’il s’a­git sim­ple­ment d’ou­ver­ture, en par­ti­cu­lier sur ce qu’iels font afin que les gens sachent ce qu’iels doivent sou­te­nir. Il y a des fes­ti­vals qui ont lieu et qui impliquent de dépla­cer des cam­pe­ments de sans-abri, ou le finan­ce­ment de cer­taines choses qui pour­raient ne pas être très bonnes. L’ou­ver­ture per­met aux gens de déci­der ce qu’iels veulent sou­te­nir et ce qu’iels ne veulent pas sou­te­nir. Et aus­si l’ac­tion. Être actif dans le sou­tien de cer­taines bonnes choses. 

 

- X : Juste pour être sûr, tu veux dire ouver­ture dans le sens de transparence ? 

 

- X : Oui, la trans­pa­rence. C’est le mot que je cher­chais. Merci

 

- X : C’est une grande ques­tion. Je pense beau­coup à ce que Ter­ri a men­tion­né, cette idée que nous sommes la nature. Que nous ne sommes pas séparé.e.s de la nature. Et cette connexion, je pense que nous pou­vons beau­coup y contri­buer et aider les gens à éta­blir cette connexion. C’est quelque chose que j’ai décou­vert, sur­tout en fai­sant des acti­vi­tés de plein air. Si nous sommes vrai­ment à l’é­coute et conscient.e.s de tout ce qui se passe autour de nous, cela nous rap­pelle à toustes que nous fai­sons par­tie de tout cela. Et plus on a l’im­pres­sion d’en faire par­tie, plus on s’en préoccupe. 

 

- X : J’ai­me­rais faire écho à l’intervention pré­cé­dente. Je pen­sais à chez moi. J’aime faire des sons à l’ex­té­rieur. En grande par­tie parce que lorsque l’on vit en ville, nous n’a­vons jamais un large hori­zon sonore. Et en tant qu’êtres humains, je pense que nous en avons besoin. Mais je pense aus­si qu’il est très impor­tant de sor­tir la musique des salles de concert pour atteindre la popu­la­tion dans son ensemble. Parce qu’à toutes fins pra­tiques, nous prê­chons pour les converti.e.s. Et nous devons faire sor­tir ces pré­oc­cu­pa­tions de nos propres milieux.

 

- X : Ce que nous fai­sons, ce que cel­leux d’entre nous qui sont ici font, c’est une par­tie de la vision du monde dont vous par­lez. Je pense que la musique aven­tu­reuse, je pense que la musique est tou­jours une ques­tion d’é­coute d’a­bord. Je pense que le capi­ta­lisme a fait en sorte que nous avons été for­cés d’éloigner notre musique d’une pra­tique d’é­coute mutuelle pour en faire un pro­duit que nous nous ven­dons les un.e.s aux autres. Je pense donc que nous avons la res­pon­sa­bi­li­té, en tant qu’ar­tistes individuel.le.s et en tant que com­mu­nau­tés d’ar­tistes, de faire pro­gres­ser l’é­coute et d’es­sayer d’é­vi­ter l’as­pect du pro­duit, même si c’est inévi­table à l’heure actuelle. Je pense que les orga­ni­sa­tions peuvent don­ner la prio­ri­té à l’é­coute. Car je pense que c’est dans l’é­coute que l’on com­mence à ima­gi­ner autre chose. 

 

- X : Pour faire suite à ce que vous avez dit, je dirais que la musique créa­tive nous aide à remettre en ques­tion nos habi­tudes de per­cep­tion. Et cela nous concerne toustes, dans tous les domaines de la vie. Ain­si, nous ne sommes plus aus­si habitué.e.s à nous en tenir aux vieilles habi­tudes si nous nous per­met­tons de faire l’ex­pé­rience de la nou­veau­té. C’est sim­ple­ment une note de bas de page à ce que vous avez dit.

 

- X : Oui. Mais pas la même vieille chose nou­velle. Ce sont les mêmes choses qui sont nou­velles depuis 1940. 

 

- X:: Mais il y a aus­si de nou­velles vieilles choses. (Tout le monde rit)

 

- X : Absolument

 

- X : Je pense qu’en ce moment, pour moi qui suis mani­fes­te­ment… je ne sais même pas com­ment le décrire. La culture under­ground, la culture alter­na­tive, la culture indé­pen­dante, je pense que c’est ça le truc. En tant qu’organisateur.ice qui a tra­vaillé, géné­ra­le­ment avec un bud­get inexis­tant, pour tous ses pro­jets. Mais je conti­nue à faci­li­ter des tour­nées d’ar­tistes du monde entier. Des gens dorment chez moi presque chaque semaine, je par­tage mon équi­pe­ment et mes ins­tru­ments de musique. Je par­tage des connais­sances. Je pense que par­fois, il y a une chose que je vis beau­coup avec les bailleurs de fonds, c’est la décon­nexion. J’ai l’im­pres­sion que nous par­lons aus­si de voyages. Depuis que j’ai un nou­vel emploi, j’ai voya­gé plus qu’au cours des dix der­nières années. J’ai voya­gé plus que pen­dant la majeure par­tie de ma vie. La plu­part de ma musique a été très ancrée dans ma ville, dans ma com­mu­nau­té, créant un cer­tain cir­cuit de pra­tique régu­lière, et cela n’a pas du tout été valo­ri­sé par les bailleurs de fonds. Et c’est aus­si amu­sant parce que j’ai l’im­pres­sion, sur­tout avec les Conseils des arts, qu’ils attendent des grandes orga­ni­sa­tions musi­cales qu’elles deviennent de petites orga­ni­sa­tions locales à but non lucra­tif. C’est la même chose avec la résur­gence autoch­tones et toutes ces ques­tions. Avec ces choses qui existent depuis si long­temps, il y a une culture, des manières de faire les choses. Elles ont été signi­fi­ca­tives, elles ont été vibrantes dans les com­mu­nau­tés, et ce n’est que main­te­nant qu’elles sont valo­ri­sées alors que de gros efforts ont été faits his­to­ri­que­ment pour invi­si­bi­li­ser ces efforts et ces pra­tiques et ne pas les reconnaître

 

Je pense qu’il est éga­le­ment dif­fi­cile d’en­tendre par­fois ces per­cep­tions des bailleurs de fonds qui sur­gissent et disent « main­te­nant vous devez faire des choses comme ça ». Et bien, beau­coup de gens font toutes ces choses depuis très long­temps. Vous ne les avez pas valo­ri­sés. Vous n’a­vez même pas eu la cour­toi­sie de les appe­ler des pra­tiques pro­fes­sion­nelles. Rap­pe­lons-nous que la plu­part des arts autoch­tones n’é­taient pas qua­li­fiés d’art jus­qu’à très récem­ment, et nous pou­vons par­ler d’autres cadres de pra­tiques sociales. Je pense donc qu’il est éga­le­ment très dif­fi­cile de récon­ci­lier toutes ces choses, de les réunir et de les rendre pérennes. Nous exis­tons depuis tou­jours et nous avons tant de façons de fonc­tion­ner, et les musiques impro­vi­sées ou expé­ri­men­tales ont cette his­toire de fonc­tion­ner en dehors du cadre. Et main­te­nant, tout à coup, c’est risible, parce que ce que je vois, c’est qu’on s’at­tend à ce qu’un fes­ti­val de plu­sieurs mil­lions de dol­lars devienne une petite orga­ni­sa­tion com­mu­nau­taire qui va recy­cler ou quelque chose comme ça. (Rires) C’est donc inté­res­sant. Pour moi, c’est l’une des choses que je res­sens le plus depuis quelques années, ce chan­ge­ment où j’ai l’im­pres­sion qu’il y a des gens qui font déjà ce tra­vail. Pour­rions-nous sim­ple­ment aller à leur ren­contre ? Et sup­por­ter ce tra­vail et leur voix au lieu d’at­tendre que beau­coup de gens se sentent sou­dai­ne­ment concer­nés par ces questions ? 

 

- X : C’est aus­si une ques­tion de chan­ge­ment de sys­tème, parce que j’ai l’im­pres­sion que j’es­saie de m’é­loi­gner de ces orga­nismes sub­ven­tion­naires dont les valeurs ne reflètent pas le type de tra­vail que je veux faire ou celui des per­sonnes avec les­quelles je veux tra­vailler. Où pou­vons-nous trou­ver les res­sources néces­saires pour faire ce que nous vou­lons plu­tôt que d’at­tendre que les anciens sys­tèmes changent ? Des chan­ge­ments posi­tifs sont en cours, mais comme cela a été dit, il y a déjà des gens qui font toutes ces choses inté­res­santes. Je pense qu’il y a aus­si quelque chose ici, à pro­pos des zones rurales et urbaines. J’é­tais un.e artiste urbain.e et main­te­nant je suis un.e artiste rural.e, mais c’est comme si les gens qui vivent dans ma com­mu­nau­té, qui est vrai­ment petite… Il y a beau­coup d’ar­tistes intéressant.e.s qui vivent de manière très auto­nome et qui ont des pra­tiques artis­tiques très inté­res­santes qui ne font pas par­tie du monde des sub­ven­tions. Il y a aus­si des artistes issues des pre­mières nations et d’autres choses comme ça. Pen­dant un cer­tain temps, j’ai aidé les gens à rédi­ger des demandes de sub­ven­tions, puis j’ai eu l’im­pres­sion que beau­coup de choses n’al­laient pas dans ce sens, comme le fait d’in­té­grer les gens dans un sys­tème qui ne fonc­tionne pas tou­jours comme il le devrait. Iels font déjà quelque chose de for­mi­dable, vous savez : com­ment sou­te­nir les gens qui font déjà ces choses for­mi­dables sans essayer de les faire entrer dans cette boîte ?

 

- X : Et pour­tant, la boîte devient de plus en plus grande. Mon expé­rience récente est qu’il ne suf­fit pas de faire du son. Il faut que ce soit inter­dis­ci­pli­naire et que j’a­borde direc­te­ment les ques­tions cli­ma­tiques d’une manière très spé­ci­fique. Les choses ne cessent de s’ac­cu­mu­ler. Et cela va à l’en­contre de la diver­si­té des pra­tiques dont nous avons besoin pour résoudre ce pro­blème. Vous savez, je ne peux pas être toute la diver­si­té seul.e. Ce n’est pas comme ça que fonc­tionne la diver­si­té, n’est-ce pas ? C’est une chose très étrange à obser­ver. Même si nous devons assu­mer notre res­pon­sa­bi­li­té indi­vi­duelle, nous ne pou­vons pas résoudre tous ces pro­blèmes à la place de chaque indi­vi­du. C’est donc une pres­sion très étrange. Et je pense qu’elle nous détourne du fait qu’il y a des per­sonnes très puis­santes qui peuvent prendre des déci­sions très simples et chan­ger la nature de cette ques­tion. Et je suis sûr que les ques­tions exis­te­raient tou­jours, mais nous serions au moins en mesure de poser la pro­chaine série de questions.

 

- X : Je ne suis pas d’ac­cord avec le fait que la pres­sion ne devrait pas être exer­cée sur les indi­vi­dus. Elle devrait être exer­cée par chacun.e d’entre nous, afin que nous chan­gions notre façon de nous enga­ger dans le monde. Nous devons arrê­ter d’a­che­ter des SUV, nous devons arrê­ter de prendre l’a­vion, mais beau­coup de choses sont dues à un mau­vais com­por­te­ment des consommateur.ice.s. Regar­dez la crois­sance de l’u­ti­li­sa­tion des SUV. C’est abso­lu­ment dégoû­tant. Et tout cela s’est pro­duit au cours des 15 der­nières années, à cause de notre com­por­te­ment. Il est donc impor­tant que nous pre­nions nos responsabilités. 

 

- X : Oui, je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Je dis juste que l’i­dée qu’il n’y a rien d’autre à faire res­semble à une dis­trac­tion face à quelque chose de plus grand et de plus sys­té­mique dont nous devons aus­si être conscient.e.s. 

 

- X : Abso­lu­ment. Bien sûr, il y a des besoins sys­té­miques plus impor­tants à prendre en compte, mais vous ne pou­vez pas relâ­cher la pres­sion. Et dire qu’il faut sim­ple­ment deman­der à ces riches indi­vi­dus de nous sau­ver, parce que ce n’est pas juste. 

 

- X : Je ne sug­gère pas de leur deman­der (Les gens rient). Et vous savez, pour être juste, ce sont les déci­sions de ces per­sonnes qui nous poussent à vou­loir des SUV. Je ne veux pas de SUV. C’est peut-être plus com­plexe que les habi­tudes de consom­ma­tion. Je vais à l’é­pi­ce­rie, par exemple. Je n’ai pas le choix d’a­che­ter une pomme qui est embal­lée dans du plas­tique. Ce n’est pas un choix, non ? Au milieu de l’hi­ver. Je peux évi­dem­ment faire mes courses auprès des agri­cul­teurs locaux. Tout le monde n’a pas le pri­vi­lège de pou­voir le faire. Mais oui, il y a des déci­sions plus impor­tantes qui sont prises et qui contrôlent leurs habi­tudes et enferment nos habi­tudes face à l’en­vi­ron­ne­ment dans ces choses qui ne sont pas éco­lo­giques. Je ne sug­gère donc pas que nous leur deman­dions la permission.

 

- X : Je pense que les chan­ge­ments indi­vi­duels et sys­té­miques sont impor­tants et néces­saires. Les artistes sont des conteur.euse.s qui reprennent ce qu’iels voient du monde qui les entoure et le pré­sentent dans leur art. Ils changent l’es­prit des gens qui les regardent. En tant qu’ar­tistes, nous pou­vons exploi­ter cette influence pour créer du chan­ge­ment. La com­mu­ni­ca­tion est l’ou­til le plus puis­sant dont nous disposons.

 

En tant que membre de la géné­ra­tion Z, les chan­ge­ments cli­ma­tiques sont au cœur de ma vie. Si les artistes sont assez audacieux.euses pour faire de l’art inten­tion­nel et déli­bé­ré sur ce sujet, iels peuvent inci­ter les gens à s’ar­rê­ter, à réflé­chir et à prendre conscience du pro­blème. Un.e artiste qui tra­vaille avec une orga­ni­sa­tion qui sou­tient [son tra­vail] peut créer des œuvres qui changent le point de vue des gens et sus­citent des conver­sa­tions. C’est comme une infec­tion qui se pro­page d’une per­sonne à l’univers.

 

Pour les orga­ni­sa­tions, l’ac­tion la plus signi­fi­ca­tive consiste à inves­tir de l’argent,des fonds et créer des pro­grammes avec des pro­jets qui incitent d’autres per­sonnes à chan­ger les choses. En tant qu’ar­tistes, nous pou­vons moti­ver et ins­pi­rer d’autres per­sonnes à se joindre à nous pour géné­rer cette trans­for­ma­tion significative.

 

- X : De nos jours, il est éga­le­ment très dif­fi­cile de main­te­nir une pra­tique, en rai­son du stress éco­no­mique et de la dif­fi­cul­té à tout faire fonc­tion­ner. Je pense que cen­trer ce tra­vail [envi­ron­ne­men­tal] dans le monde de l’art est une chose très dif­fi­cile à faire. Je pense que de se mettre toute la res­pon­sa­bi­li­té sur soi ou sur l’art en géné­ral est aus­si exa­gé­ré. Si vous êtes musicien.ne. ou artiste et que vous êtes capable de main­te­nir une pra­tique régu­lière par les temps qui courent, quelle qu’en soit l’é­chelle, vous êtes dans une posi­tion de suc­cès. Vous êtes en train de réus­sir d’une manière très élo­quente, parce qu’il y a tel­le­ment de musicien.ne.s et de gens autour de moi qui ont aban­don­né ou qui se sont désen­ga­gés parce que ça devient tel­le­ment com­pli­qué d’a­voir deux ou trois emplois, de faire de la musique, d’es­sayer de joindre les deux bouts et tout le reste. Il y a aus­si des choses à dire sur le stress lié au simple déve­lop­pe­ment et main­tien d’un espace créa­tif régu­lier dans nos vies. Et je pense que c’est quelque chose qui n’est pas néces­sai­re­ment abor­dé non plus. C’est un véri­table défi.

 

- X : Mais tout au long de l’his­toire, toustes ces artistes avaient un.e mécène pour les sou­te­nir et c’é­tait leur tra­vail [l’art]. Et c’est inté­res­sant, la tech­no­lo­gie aide aus­si à savoir où se limi­ter, quand s’ar­rê­ter. Parce que dans la tech­no­lo­gie, il y a tou­jours quelque chose de nou­veau. Et les gens qui pos­sèdent ces choses, c’est trop d’in­for­ma­tions. Tout est trop. Com­ment pou­vez-vous connaître vos limites, vous connaître vous-même, quels sont vos points forts, ce que… et nous pou­vons dire « je m’ar­rête ici ». Parce que je suis musicien.ne. Parce qu’on peut créer tel­le­ment de choses avec des choses limi­tées. Et vous n’a­vez pas besoin d’en avoir tou­jours plus ; de créer plus de choses. En aus­si, en créant de l’art, il ne s’a­git pas seule­ment d’un pro­blème cli­ma­tique. Il s’a­git d’une part de sen­si­bi­li­sa­tion et d’autre part de solu­tions. Créer un cor­pus d’œuvres, c’est en quelque sorte sen­si­bi­li­ser les gens. Mais quelle est la solu­tion ? Il s’a­git sim­ple­ment d’ap­prendre. La limi­ta­tion est une force. Ce n’est pas une faiblesse.

 

- X : Pour reve­nir à ce que vous disiez sur ce que les orga­ni­sa­tions artis­tiques, musi­cales et sonores peuvent faire, j’ai­me­rais que celles-ci tra­vaillent ensemble dans le cadre des modèles de finan­ce­ment exis­tants. S’é­loi­gner de ce modèle frag­men­taire, basé sur des pro­jets, essen­tiel­le­ment un modèle capi­ta­liste basé sur des pro­duits, où nous sommes payés uni­que­ment pour les pro­jets que nous réa­li­sons. Cela nous oblige, en tant qu’ar­tistes, à tra­vailler tou­jours plus. Nous ne sommes payé.e.s que lorsque nous réa­li­sons un pro­jet. Qu’en est-il de la dif­fu­sion de ce pro­jet dans le monde et de sa redif­fu­sion ? Nous ne pou­vons pas nous per­mettre de le faire dans le sys­tème actuel, car la seule chose pour laquelle nous sommes compensé.e.s sera un nou­veau pro­jet. Et il y a trop de pro­jets. Nous le savons toustes. Nous le savons parce que nous sommes toustes obligé.e.s d’in­ves­tir constam­ment notre temps dans ces demandes de sub­ven­tion. Et si nous arrê­tions toutes ces demandes de sub­ven­tion ? Et si nous libé­rions tout ce temps. Je suis juste en train de rêver. (Tout le monde rit) Et si nous nous diri­gions vers un reve­nu de base uni­ver­sel ou une sorte de sys­tème dans lequel nous n’a­vons pas besoin de fabri­quer des produits ?

 

Nous ne sommes pas obli­gés de mul­ti­plier les pro­jets. Mais nous pou­vons être des artistes. Et nous par­lions de mécé­nat. C’est de cela qu’il s’a­gis­sait. Il ne s’a­gis­sait pas de dire « tu dois me faire 25 sym­pho­nies cette année ». Non, vous êtes le Meis­ter… Nous avons été acculé.e.s à cette façon capi­ta­liste de conce­voir la créa­tion artis­tique. Et nous avons été individualisé.e.s en étant forcé.e.s de riva­li­ser les un.e.s avec les autres, non seule­ment en tant qu’in­di­vi­dus, mais aus­si en tant qu’or­ga­ni­sa­tions. Je pense que c’est toxique. Il est deve­nu très dif­fi­cile de res­sen­tir un sen­ti­ment d’ap­par­te­nance à une com­mu­nau­té et de réus­sir à vivre plus de cinq ou dix ans en tant qu’ar­tiste. Je pense donc que les orga­ni­sa­tions devraient faire pres­sion en ce sens. Et je sais qu’on en parle. Mais tout le monde a peur d’ar­rê­ter de faire ce qu’il fait. D’ar­rê­ter d’être dans la roue de ham­ster dans laquelle nous sommes actuel­le­ment. Parce que se pas­se­ra-t-il si je m’ar­rête ? Je n’au­rai plus de moyens de sub­sis­tance. Voi­là où nous en sommes.

 

- X : Mais nous nous sommes arrêté.e.s lors de la pan­dé­mie. Et c’é­tait comme avoir un reve­nu de base uni­ver­sel. Et beau­coup d’ar­tistes que je connais ont vécu la meilleure année de leur vie finan­ciè­re­ment. (Les gens approuvent bruyam­ment). Et je pense qu’il y a eu beau­coup d’ex­cel­lents tra­vaux créa­tifs… Dans une cer­taine mesure, je ne connais pas les anté­cé­dents de toutes les per­sonnes pré­sentes dans cette salle. Il semble que les artistes qui sont capables de conti­nuer ont plus d’une corde à leur arc. Par exemple, vous avez un.e par­te­naire qui a un tra­vail régu­lier. Ou vous venez d’un cer­tain niveau de [richesse]. Ce n’est pas tou­jours le cas. Mais il y a beau­coup d’ar­tistes qui me pré­oc­cupent beau­coup. Je crains que l’on n’en­tende plus par­ler d’el­leux. Parce qu’iels vont s’é­clip­ser et se lan­cer dans d’autres acti­vi­tés, pour qu’iels puissent conti­nuer à vivre.

 

- X : L’un des pro­blèmes, c’est que, comme vous le disiez, c’est qu’il y a trop de pres­sion. Il faut tou­jours [pro­duire]. Et fon­da­men­ta­le­ment, les uni­ver­si­tés pro­duisent des artistes. Mais ce n’est pas ain­si que fonc­tionne l’art. C’est comme si les artistes devaient être : une per­sonne qui va à l’é­cole pour pou­voir créer. Et vous pen­sez : « si je vais à l’é­cole, je devien­drai un.e artiste. ». Ce n’est pas la bonne façon de pen­ser. Il y a donc toutes ces per­sonnes qui sortent de la pro­duc­tion aca­dé­mique. Et le monde uni­ver­si­taire vous forme de manière très sys­té­ma­tique, sans se baser sur la pen­sée créa­tive. Mais sur la façon dont nous vou­lons pro­duire des choses et tirer pro­fit du maté­riel que nous pré­sen­tons. Ain­si, en sor­tant de l’u­ni­ver­si­té, de nombreux.euses étudiant.e.s deviennent ingénieur.e.s. Et iels partent de cette com­pré­hen­sion : « Pour­quoi ne pas mettre cela dans le monde de l’art ? ». C’est sim­ple­ment que la pen­sée qui se crée dans les uni­ver­si­tés est très oppo­sée à la dura­bi­li­té. Alors vous en sor­tez et vous cher­chez le pro­fit : « Com­ment pou­vons-nous tirer pro­fit de l’art ?». Et tout comme la recherche du pro­fit, l’art est pour moi une forme de pen­sée plus vaste.. Soit vous créez [de l’art], soit vous n’en créez pas. C’est une néces­si­té dans votre vie. Vous devez le faire. […] L’ins­ti­tu­tion, dès le départ, me paraît dans le tort.

 

- X : En tant que jeune diplômé.e uni­ver­si­taire, je peux consta­ter que j’y ai pas­sé de bons moments. [Mais] c’é­tait aus­si très épui­sant. Mais en tant que compositeur.ice., j’ai l’im­pres­sion que je ne peux pas com­po­ser comme je le fai­sais à l’é­cole. Sans cette pres­sion exté­rieure, je ne peux pas com­po­ser comme je le fai­sais. Quand  je ne suis plus à l’é­cole, j’é­cris une musique très dif­fé­rente. C’est tout sim­ple­ment dif­fé­rent. Je ne sais pas pour­quoi. Je suis pas­sé du sta­tut de compositeur.ice à celui d’auteur.ice de chan­sons.. Je ne sais pas vrai­ment pourquoi.

 

- X : (Avec un ton encou­ra­geant) Parce que tu es censé.e écrire des chansons!.

 

- X : (Les gens approuvent avec enthou­siasme) Oui, on dirait !

 

- X : Pour le moment ! C’est ce que je crois. Déso­lé d’être aus­si direct.e

 

- X : C’est ça. C’est quelque chose que j’ai décou­vert sur moi-même.

 

- X : J’apprécie ce que tu as dis. Je viens d’un milieu anar­chiste auto­di­dacte et com­mu­nau­taire. Sou­vent à cause des classes, du clas­si­cisme et des conver­sa­tions autour de l’ac­ces­si­bi­li­té… Par­fois l’é­du­ca­tion n’est pas acces­sible à tout le monde. Sou­vent, nous ne consi­dé­rons pas les auto­di­dactes, les gens formé.e.s dans la com­mu­nau­té, ou leur pra­tique artis­tique, comme étant légi­times. Je pense que les dis­cus­sions sur l’environnement et le capi­ta­lisme sont impor­tantes. Mais je vois aus­si l’in­té­rêt pour les gens de pour­suivre des études post­se­con­daires s’ils en ont la pos­si­bi­li­té. C’est une ques­tion à laquelle je pense sou­vent : « Est-ce que je veux plus d’é­du­ca­tion ? Com­ment puis-je l’ob­te­nir ? Qu’est-ce que je peux faire avec ça ?». Et est-ce que cela peut ser­vir à aider d’autres per­sonnes à s’é­le­ver : « Quelle uti­li­té cela aurait-il pour moi ?». J’ai vrai­ment appré­cié ton ana­lyse. Je te remercie.

 

- X : Oui. Ce n’est pas seule­ment que vous devez faire beau­coup de choses, mais vous devez tra­vailler pour obte­nir dif­fé­rents prix, vous vous devez de faire ceci. On nous pousse donc à se caté­go­ri­ser d’une manière que l’on ne sou­haite peut-être pas. Alors, je ne dis jamais que je suis musicien.ne. « Que faites-vous ?»:  « Rien ! ». Je fais des choses. Je ne veux pas me caté­go­ri­ser. Parce que cela sus­cite des attentes. Des attentes de la part des per­sonnes les moins éner­giques, je fais mon propre truc. 

 

- X : J’aime beau­coup l’u­ti­li­sa­tion du terme « travailleur.euse culturel.le ». J’ai l’im­pres­sion que cela décrit bien la situa­tion, parce que notre socié­té est for­te­ment axée sur la pro­duc­ti­vi­té. Et il est irréa­liste de pen­ser que seuls les artistes pro­duisent. L’art est un vaste pro­ces­sus. Et il y a de nom­breuses façons de s’im­pli­quer dans ce pro­ces­sus, comme ceci.

 

- X : J’ap­pré­cie que la conver­sa­tion ait por­té sur la via­bi­li­té des ins­ti­tu­tions uni­ver­si­taires, car j’y ai beau­coup réflé­chi. Mais j’ai remar­qué que tu as men­tion­né le men­to­rat hier soir et que tu l’as éga­le­ment men­tion­né aujourd’­hui. Je suis curieux.se de connaître d’autres modèles de trans­mis­sion des connais­sances et de savoir quelle a été votre expé­rience avec ceux-ci.

 

- X : Les enfants assu­ré­ment. J’es­saie de leur faire com­prendre, parce qu’iels sont vrai­ment l’a­ve­nir. À beau­coup de conver­sa­tions dans les fes­ti­vals, je vois tou­jours le même genre de public, sur­tout quand je pense à la plu­part des fes­ti­vals expé­ri­men­taux ou élec­tro­niques. Mais ce sont tou­jours les enfants qui ne sont pas présent.e.s. Je pense donc que c’est une bonne façon de com­men­cer à réflé­chir à la manière d’in­tro­duire dans les écoles une par­tie des connais­sances sur des sujets tels que l’en­vi­ron­ne­ment et toutes ces autres ques­tions. Mais il faut trou­ver des moyens intel­li­gents d’y par­ve­nir. Je pense que nous devons être tout aus­si intel­li­gents pour ça que pour vendre des VUS. (Tout le monde rit) Adop­tez une par­tie de la stra­té­gie et de la réflexion des grandes entre­prises sur les manières de pro­mou­voir, afin de pré­sen­ter les choses sous un autre angle et de trou­ver un moyen de les faire entrer dans les bonnes têtes.

 

- X : Tu fais beau­coup ça ?

 

- X : Je fais des ate­liers avec des enfants. Je vais dans les écoles et je parle de tout ça. Pen­dant la pan­dé­mie, c’é­tait une bonne période, cer­tai­ne­ment. Mais j’é­tais aus­si très occu­pé, parce que je fai­sais beau­coup d’a­te­liers en ligne à tra­vers le Cana­da, ce qui était plu­tôt cool. Il est très impor­tant de trou­ver com­ment on peut rejoindre les gens. J’ai eu des tonnes de dis­cus­sions à ce sujet dans ma ville, sur la façon de sor­tir du centre-ville, de se décloi­son­ner et d’aller dans les écoles et chez les gens qui ne peuvent pas prendre le bus pour se rendre au centre-ville. 

 

- X : Et c’est un pro­blème dans toutes les com­mu­nau­tés rurales. 

 

- X : Oui, il faut donc sor­tir et trou­ver des espaces ailleurs. Oui, l’ac­ces­si­bi­li­té est un élé­ment clé. 

 

- X : L’es­sence même de la réflexion sur la musique et l’é­co-res­pon­sa­bi­li­té. C’est une idée très colo­niale. Dans d’autres par­ties du monde, il y a de la des­truc­tion en masse et les gens doivent pen­ser à leur vie au jour le jour. C’est un luxe de pen­ser en terme de durée, de faire pres­sion sur les gens à ce sujet. Par­ler de la façon dont la musique détruit le monde alors que le monde est en train d’être détruit, c’est un luxe. C’est ce qui me dérange par­fois avec ce genre de dis­cours sur la musique et le déve­lop­pe­ment durable. 

 

- Ter­ri Hron : Cela nous ramène à la ques­tion sui­vante, qui porte éga­le­ment sur le lan­gage et les mots que nous uti­li­sons. Dans ce contexte, que signi­fient les mots « dura­bi­li­té et éco-res­pon­sa­bi­li­té » dans le contexte de la musique alors que le contexte mon­dial n’est pas tenable ? La deuxième ques­tion que nous nous posons est donc la sui­vante : Com­ment le lan­gage et la poli­tique évo­luent-ils pour prendre en compte, ou non, l’im­pact des pro­blèmes cli­ma­tiques, et l’im­pact du cli­mat sur les pra­tiques musi­cales et sonores et sur leur présentation ? 

 

Je pense que cette ques­tion a été sou­le­vée dans notre groupe pré­pa­ra­toire parce qu’un grand nombre de conseils des arts et d’organisations demandent main­te­nant aux artistes d’a­voir des poli­tiques de déve­lop­pe­ment durable et d’a­bor­der cette ques­tion de manière plus publique. Nous nous deman­dons donc si c’est aux artistes qu’il incombe de trai­ter de ces ques­tions ou s’il s’a­git d’un trans­fert de ce far­deaux à la com­mu­nau­té artistique.

 

- X : Vous vous ques­tion­nez à savoir si les artistes individuel.le.s ou les petites orga­ni­sa­tions devraient avoir une poli­tique de durabilité ?

 

- X : C’est ce qui semble se mettre en place, à prio­ri dans le domaine des arts.

 

- X : Je pense qu’il est tou­jours utile d’ex­pri­mer clai­re­ment ses valeurs en tant qu’in­di­vi­du. Par exemple, nous avons une pra­tique qui consiste à déve­lop­per des recon­nais­sances ter­ri­to­riales, n’est-ce pas ? Au début, per­sonne ne com­pre­nait ce que c’é­tait ou ce que nous étions censé.e.s faire. Mais je pense que c’est un pro­ces­sus, n’est-ce pas ? Ça nous met dans une situa­tion où l’on doit apprendre et réflé­chir à son lan­gage, à son sys­tème de valeurs et à son évo­lu­tion constante. Je pense donc qu’il pour­rait s’a­gir d’une pra­tique simi­laire en termes d’éco-responsabilité dans les orga­ni­sa­tions et de ce qui nous aide à y réflé­chir et à déve­lop­per ces pra­tiques . Je ne suis pas sûr de ce que vous disiez sur le fait de se ren­voyer la balle. Ça peut cer­tai­ne­ment par­fois être le cas. Mais je ne pense pas que ce le soit forcément.

 

- X : Oui, c’est cer­tai­ne­ment toutes ces choses à la fois.

 

- X : J’évolue dans le monde de la musique clas­sique, le lan­gage y est uti­li­sé comme une pana­cée, un peu comme nous l’a­vons fait avec les recon­nais­sances ter­ri­to­riales : « C’est à vous d’y réflé­chir. Nous n’a­vons pas besoin de prendre des mesures concrètes parce que nous avons dit ces mots ». Et je pense que les actions sont tou­jours plus impor­tantes que les mots. L’é­la­bo­ra­tion d’une poli­tique est une chose. Avoir un para­graphe qui dit ce que l’on fait est une chose, mais prendre des mesures concrètes en est une autre. Et je pense que nous devons accor­der plus d’importance à ces dernières. 

 

- X : Pen­sez-vous qu’un orga­nisme de finan­ce­ment qui demande aux per­sonnes et aux orga­ni­sa­tions qu’il finance, ou qui sont finan­cées par lui, reçoive la direc­tive de trai­ter ces ques­tions elles-mêmes ? Et la façon la plus claire de le faire est d’at­tendre des per­sonnes aux­quelles ils donnent des fonds qu’elles fassent ce tra­vail en leur nom. Est-ce là le sys­tème dont nous par­lons ? Par exemple, le Conseil des Arts du Cana­da. Est-ce qu’ils reçoivent une cer­taine somme d’argent, une somme d’argent des contri­buables, et est-ce qu’on leur donne cer­taines res­pon­sa­bi­li­tés quant à la façon dont ils uti­lisent cet argent ? L’une d’entre elles consiste à s’at­ta­quer aux pro­blèmes cli­ma­tiques. Et ils n’ont pas d’autre capa­ci­té que d’at­tendre de nous tous que nous fas­sions ce tra­vail, n’est-ce pas ? Et si nous remon­tons l’é­chelle, qui leur donne cet argent et quel est le tra­vail qu’ils font pour résoudre ces pro­blèmes ? Ou bien est-ce à cette orga­ni­sa­tion qu’il incombe de s’at­ta­quer à ces pro­blèmes ? Qui nous demande de nous occu­per de ces ques­tions ? Je sup­pose que je répète sans cesse le même refrain, mais j’ai l’im­pres­sion qu’il y a des gens au som­met de ces hié­rar­chies qui poussent vers le bas.

 

- X : Croyez-vous que les orga­nismes sub­ven­tion­naires qui inter­rogent les per­sonnes et les orga­ni­sa­tions financé.e.s reçoivent la direc­tive de trai­ter ces ques­tions eux-mêmes ? Et que la façon la plus simple de le faire est de s’at­tendre à ce que les per­sonnes qui reçoivent des fonds fassent ce tra­vail à leur place. Est-ce que c’est le sys­tème dont on parle ? Par exemple, le Conseil des Arts du Cana­da reçoit-il une cer­taine somme d’argent, une par­tie des taxes des contri­buables, et se voit-il confier cer­taines res­pon­sa­bi­li­tés dans la façon d’utiliser cet argent ? Et l’une de ces res­pon­sa­bi­li­tés serait de trai­ter des ques­tions cli­ma­tiques. Et il n’a pas de capa­ci­té autre que de s’at­tendre à ce que nous fas­sions ce tra­vail, n’est-ce pas ? Et si on remonte encore plus haut au som­met de cette échelle, qui est-ce qui accorde cet argent et quel tra­vail y est fait pour trai­ter de ces ques­tions ? Le far­deau est-il repor­té sur l’organisation [le Conseil des Arts du Cana­da] pour trai­ter de ces pro­blèmes ? Qui nous pousse à abor­der ces pro­blèmes ? Je sup­pose que je répète la même chose encore et encore, mais j’ai l’im­pres­sion qu’il y a des per­sonnes au som­met de ces hié­rar­chies qui repoussent sans cesse la res­pon­sa­bi­li­té vers le bas.

 

- X : Je pense que par­fois aus­si, même ce genre de conver­sa­tions, mais en géné­ral, avec les orga­ni­sa­tions… J’ai par­ti­ci­pé à des conver­sa­tions, notam­ment dans le cadre d’une réunion d’or­ga­ni­sa­tions de ser­vices orga­ni­sée par le CAC [Conseil des arts du Cana­da]. Et je pense qu’une grande par­tie du dis­cours, en par­ti­cu­lier sur le lan­gage et les meilleures pra­tiques, par exemple, concerne la pré­ven­tion, alors qu’en réa­li­té il est géné­ra­le­ment déjà trop tard. Par exemple, com­ment allons-nous abor­der les pro­blèmes cli­ma­tiques à venir ? Ils sont déjà là. Ou com-

ment allons-nous nous occu­per des travailleur.euse.s qui vont s’é­pui­ser, des travailleur.euse.s artis­tiques ? Et je ne sais pas com­ment c’est autour de vous, mais [pour moi] c’est comme si tout le monde était en burn-out. Il ne s’a­git donc pas de savoir com­ment nous allons [réel­le­ment] résoudre les pro­blèmes de san­té ou com­ment nous allons [réel­le­ment] résoudre les pro­blèmes du cli­mat. Et je pense que par­fois, les meilleures pra­tiques seraient idéales si cela était fait, d’une cer­taine manière, avant qu’il ne soit trop tard. Mais à bien des égards, c’est déjà le cas. Et je pense qu’une fois que l’on se retrouve dans ce chaos, les meilleures pra­tiques tombent en quelque sorte à l’eau

 

C’est comme si nous par­lions par­fois de choses qui ne sont pas vrai­ment repré­sen­ta­tives de ce qui se passe. Et aus­si pour reve­nir à toi (en s’adressant à un.e des participant.e.s), tu par­lais de chan­ter le même refrain, mais je revien­drai peut-être sur le mien à pro­pos de l’organisation com­mu­nau­taire. Beau­coup d’or­ga­ni­sa­tions locales ou plus modestes n’ont pas de poli­tique écrite, mais leurs pra­tiques sont presque tou­jours plus effi­caces, meilleures et plus saines que celles des grandes orga­ni­sa­tions. Et puis il y a toutes ces asso­cia­tions plus com­plexes qui ont un dis­cours, qui ont ces belles lignes dans leurs poli­tiques. Mais lors­qu’on exa­mine leur tra­vail réel, on se demande : « mais qu’est ce qui se passe ici ? » . Et puis on arrive dans une série musi­cale com­mu­nau­taire et on sent qu’il y a un pro­ces­sus et que les choses sont pen­sées de manière très orga­nique et natu­relle. Cela crée de meilleures habi­tudes. Mais cela n’a pas été néces­sai­re­ment intel­lec­tua­li­sé non plus. C’est donc aus­si , je pense, une situa­tion complexe. 

 

- X : J’ai été impli­qué dans de nom­breux groupes ins­ti­tu­tion­nels où j’ai fait pres­sion pour que des ini­tia­tives soient mises en œuvre et où l’on m’a répon­du « non, cela ne se fera pas… Oh non, le FRQSC [Fonds de recherche du Qué­bec – Socié­té et culture] l’exige main­te­nant… Super nous avons un comi­té EDI [Équi­té, diver­si­té, inclu­sion]! ». C’est alors que l’ac­tion com­mence enfin à se mettre en place. Je n’aime pas que cela arrive si tard, mais d’un autre côté, j’aime que cela arrive tout court. Je ne veux pas féli­ci­ter les gens qui font le strict mini­mum, parce qu’en tant que per­sonne membre de la com­mu­nau­té Trans, c’est l’histoire de ma vie mais d’un autre côté, je suis heureux.euse. de voir que les choses changent. Je ne sais pas, si on ne peut pas espé­rer que les choses changent, alors à quoi bon se lever le matin. Je ne veux donc pas igno­rer com­plè­te­ment le fait que la pres­sion est pous­sée vers le bas, car je vois les choses chan­ger très len­te­ment. Je veux dire que les ins­ti­tu­tions sont très lentes à chan­ger, ce qui fait par­tie du pro­blème et de la rai­son pour laquelle nous sommes ici, mais il est bon de voir un peu de changement. 

 

- X : C’est drôle. J’ai l’im­pres­sion que leur crier des­sus, ou essayer de les convaincre, ou quoi que ce soit de ce genre, n’a jamais fonc­tion­né. Je me sou­viens d’a­voir fait par­tie d’un comi­té d’é­tu­diants et d’a­voir conti­nué à aller voir la même per­sonne qui m’a­vait dit que dans un domaine pro­fes­sion­nel, rien de tout ça ne se ferait. Ensuite, j’ai fait tout ce tra­vail pour trou­ver des orchestres pro­fes­sion­nels qui fai­saient des efforts en ce sens, puis on m’a dit « nous ne sommes pas un orchestre pro­fes­sion­nel, nous sommes une uni­ver­si­té, ce sont des étudiant.e.s ». 

 

Quand vous êtes dans un orchestre, vous avez une cer­taine rou­tine. Dans deux mois, j’au­rai cette semaine de répé­ti­tion, mais à l’é­cole, c’é­tait jus­qu’à minuit la veille du concert. L’école avait le contrôle total jus­qu’à la der­nière minute pour dire si vous alliez jouiez ou non, et pou­vait chan­ger ce qu’elle disait en fonc­tion du scé­na­rio. Était-il pré­fé­rable de dire : « non, nous trai­tons cela de manière pro­fes­sion­nelle. », ou encore « fai­sons comme s’il s’a­gis­sait d’une école, vous êtes des étudiant.e.s et vous devez donc être présent.e.s tout le temps ». Mais c’est bien parce que je me suis beau­coup battu.e. pour appor­ter des chan­ge­ments, et j’ai hon­nê­te­ment l’im­pres­sion que je n’ai appor­té grand chose, mais quand ça venait d’en haut… c’est là qu’il y avait une obli­ga­tion de suivre, donc c’é­tait juste comme un pari sur qui est le/la doyen.ne cool qui va appor­ter des modi­fi­ca­tions cools et ne pas accep­ter que ces ins­tances diri­geantes disent non aux étu­diants. [C’est] un paral­lèle très académique. 

 

- X : Il s’a­git d’un exemple qué­bé­cois, mais le Conseil des arts du Qué­bec a récem­ment ins­ti­tué cette exi­gence d’a­voir une sorte de décla­ra­tion sur la dura­bi­li­té. Pour ce cycle de finan­ce­ment qua­drien­nal des orga­ni­sa­tions, un cer­tain nombre d’or­ga­ni­sa­tions étaient concer­nées, et un cer­tain nombre d’évaluateur.ice.s com­mu­nau­taires ont été chargé.e.s d’é­va­luer ces décla­ra­tions. Iels n’al­laient pas influen­cer si ces orga­ni­sa­tions obtien­drait ou non le finan­ce­ment qu’elles avaient reçu, iels allaient lais­ser cela pour le pro­chain cycle dans quatre ans, mais on vou­lait faire cet exer­cice afin de don­ner aux orga­ni­sa­tions un retour indi­ca­tif sur la façon dont elles se com­por­taient et pour voir où en était la com­mu­nau­té. J’é­tais l’un.e des évaluateur.ice.s des orga­ni­sa­tions musi­cales les plus impor­tantes, comme l’Or­chestre sym­pho­nique, des orga­ni­sa­tions qui repré­sentent peut-être 40 % du bud­get de la musique et du son au Qué­bec. C’é­tait vrai­ment inté­res­sant de voir com­ment les orga­ni­sa­tions par­laient de ce qu’elles fai­saient, et ce que fai­saient les petites orga­ni­sa­tions. Je devais tou­jours reve­nir à la ligne bud­gé­taire. « Quel pour­cen­tage de votre bud­get consa­crez-vous à cela ? », parce que par­fois ils disaient « bla­bla­bla­bla 500 $ » et je me disais qu’ils ne pour­raient rien faire avec ça… D’autres petites orga­ni­sa­tions, qui essaient de faire beau­coup de choses à l’a­ve­nir, consa­craient un pour­cen­tage assez impor­tant de leur bud­get total à ces ques­tions.  On voit alors ce que fait une orga­ni­sa­tion comme un orchestre sym­pho­nique, et c’est énorme ce qu’ils font. Mais si l’on consi­dère l’en­ve­loppe totale, on fait rapi­de­ment le cal­cul : cela ne repré­sente que 0,5 % de leur bud­get. Ce n’est rien. 

 

Je donne cet exemple comme une sorte de paral­lèle. Nous avons ces grandes orga­ni­sa­tions qui parlent beau­coup de toutes les choses qu’elles font, et elles sont sou­vent féli­ci­tées pour cela. Mais lors­qu’on regarde leur résul­tat net, quel pour­cen­tage de leur bud­get total cela repré­sente-t-il en réa­li­té ? Ce n’est rien. Et nous devons aus­si nor­ma­li­ser ces choses. Ain­si, lorsque je réflé­chis à la langue et à la poli­tique, je me dis tou­jours que la langue est comme un bel embal­lage. On peut vrai­ment don­ner une belle image de la situa­tion en disant que l’on fait toutes ces choses. Mais où sont les gros mon­tants qui sont réel­le­ment inves­tis dans tout cela ? Et que faites-vous réel­le­ment ? Et com­ment faites-vous entrer les artistes dans les écoles pour en par­ler ? Ce genre de choses ne se résume pas néces­sai­re­ment à : « Nous avons un moyen de recy­cler les acces­soires pour notre pro­duc­tion théâ­trale », mais dans quelle mesure sommes-nous réel­le­ment pré­sents et édu­quons-nous les gens à ce sujet. Je me méfie donc tou­jours un peu du lan­gage, parce que par­fois les choses peuvent paraître très jolies, mais ce qui se passe vrai­ment en cou­lisse ? Com­bien est réel­le­ment consa­cré à ces choses ? Et chacun.e d’entre nous, qu’est-ce que nous don­nons toustes ? J’y pense aussi. 

 

- X : Oui, nous devons conti­nuer à défier ces orga­ni­sa­tions. Je pense que c’est ce qui compte, car le chan­ge­ment ne se fait pas comme ça. Je pense que beau­coup de poli­tiques qui semblent brillantes doivent être tes­tées et mise à l’épreuve plu­sieurs fois. J’ai eu affaire à un cer­tain nombre d’or­ga­ni­sa­tions qui disent une cer­taine chose, et je ne suis que la per­sonne qui cor­res­pond à une case cochée… Et ce n’est pas très agréable comme sen­sa­tion. Lorsque vous entrez dans une orga­ni­sa­tion et que vous n’y trou­vez aucun sou­tien réel. Pour être hon­nête, c’est dan­ge­reux. J’en ai fait l’ex­pé­rience. Je dirais que dans le monde de la musique clas­sique contem­po­raine, j’ai cer­tai­ne­ment connu cette situa­tion où l’on répon­dait aux exi­gences des demandes de sub­ven­tions, mais ce n’é­tait pas le cas dans la pra­tique. Je pense donc qu’il s’a­git d’un défi à rele­ver à chaque fois. Et pour que ça change. Plus il y aura de pres­sion, moins elles obtien­dront de sub­ven­tions une fois que la nou­velle sera connue. Grâce à la com­mu­nau­té artis­tique, tout le monde com­mence à se connaître. Si on vous traite d’une cer­taine manière et que vous com­men­cez à en par­ler, cette per­sonne devra vrai­ment pen­ser à chan­ger et à hono­rer ses politiques.

 

- X : Par ailleurs, de nom­breuses sub­ven­tions accor­dées à des orga­ni­sa­tions à but non lucra­tif sont des­ti­nées à des artistes et non aux opé­ra­tions. Et cela peut être pro­blé­ma­tique en soi, car vous avez besoin du sou­tien d’autres per­sonnes si vous vou­lez mettre en œuvre une poli­tique ou d’autre chose. Je pense que le fait de ne pas dis­po­ser d’un bud­get de fonc­tion­ne­ment suf­fi­sant est un pro­blème majeur. Il s’a­git de la per­sonne qui tra­vaille sur place, et à elle de savoir si son bud­get peut ser­vir à payer les artistes qui jouent ou la per­sonne qui tra­vaille sur place. […] En géné­ral, il n’y a pas ou peu de sub­ven­tions pour le fonc­tion­ne­ment. Elles sont toutes des­ti­nées à la créa­tion. La plu­part du temps, les groupes de sou­tien sont aus­si impor­tants pour l’art que les artistes. 

 

- X : Et il y a aus­si beau­coup d’i­né­ga­li­tés dans ce domaine. Les grandes orga­ni­sa­tions ont des lignes bud­gé­taires pour l’ad­mi­nis­tra­tion et les autres choses. Et je vois beau­coup de petites orga­ni­sa­tions et d’in­di­vi­dus qui font tout. C’est beau­coup d’ad­mi­nis­tra­tion, et cela vous prive de votre temps de pra­tique artis­tique. Mais je pense qu’il y a d’autres per­tur­ba­tions dans le sys­tème […]. Mais sié­ger à des jurys, c’est très édu­ca­tif aus­si. C’est aus­si très infor­ma­tif. Parce qu’une chose que j’ai remar­quée depuis long­temps, c’est que dans un grand nombre de jurys aux­quels j’ai par­ti­ci­pé, ce n’est même pas dit à haute voix, mais il y a ce sen­ti­ment de : « Bien sûr, nous devons finan­cer le Fes­ti­val Bee­tho­ven. Bien sûr, nous allons finan­cer cet ensemble de musique de chambre. Nous allons finan­cer l’or­chestre sym­pho­nique, cer­tai­ne­ment… Et puis ensuite nous par­le­rons de ce qui reste ».  Ce n’est pas dit à haute voix, mais c’est par­fois vrai­ment dis­pro­por­tion­né. Par exemple, je vis dans les Mari­times et j’a­dore la musique clas­sique. Mais nous avons beau­coup de dif­fu­seurs de musique clas­sique. Et beau­coup d’or­ga­ni­sa­tions sont blanches, et d’héritage euro­péen. Je veux dire que cela me tient à cœur, mais c’est un peu comme une socié­té de recons­ti­tu­tion historique.

 

 Mais j’ai l’im­pres­sion que si nous vou­lons appor­ter des chan­ge­ments sys­té­miques, il y a beau­coup d’or­ga­ni­sa­tions com­mu­nau­taires, d’ar­tistes expérimentaux.ales et beau­coup d’autres per­sonnes qui sont plus proches de la ligne de front. C’est ce qu’iels ont tou­jours pra­ti­qué dans leurs propres com­mu­nau­tés. Tout le monde dit en quelque sorte la même chose. Mais je pense que si les orga­ni­sa­tions recon­nais­saient que ce sont les per­sonnes qui ont déjà fait le tra­vail, qui font le tra­vail, et qu’on les financent pro­por­tion­nel­le­ment… Ce sont éga­le­ment les orga­ni­sa­tions qui semblent être un peu plus durables ; elles ne dis­posent pas d’in­fra­struc­tures mas­sives. Je ne dis pas que nous ne devrions pas avoir d’or­chestres, d’ailleurs. Dieu mer­ci, cette conver­sa­tion est ano­nyme (tout le monde rit) ! Mais notre com­mu­nau­té artis­tique devrait res­sem­bler à ce à quoi res­semblent nos com­mu­nau­tés. Pas 90 % de per­ruques pou­drées (tout le monde rit encore). Si votre propre orga­ni­sa­tion ne res­semble pas à cela, je pense que vous devez com­men­cer à poser des ques­tions. Sur qui n’est pas inclus.e..

 

- X : Oui, parce que la ques­tion. Pour en reve­nir à la ques­tion, je pense qu’il s’a­git de dura­bi­li­té. Un orchestre sym­pho­nique est-il vrai­ment durable ? Je ne dis pas le contraire, mais c’est une ques­tion impor­tante. Et je dis aus­si que ce n’est pas néces­sai­re­ment le cas. Mais nous ne posons pas ces ques­tions. Non ? Et je dis cela en tant que per­sonne qui, assise dans ces salles, assiste à ces sons orga­ni­sés par autant de per­sonnes, c’est magique. Mais nous par­lons de ces ques­tions exis­ten­tielles. Et comme vous le dites, le sou­tien à ces struc­tures mas­sives et vrai­ment insou­te­nables ne fait pas par­tie de la réflexion. 

 

- X : Mais d’un autre côté, ils sou­tiennent les musicien.ne.s. C’est l’un des seuls emplois où l’on paie des coti­sa­tions syn­di­cales et où l’on est payé. C’est le seul moment où je suis payé. Mais c’est acces­sible uni­que­ment pour les gens qui ont eu le pri­vi­lège de cette édu­ca­tion et tout ça.

 

- X : Mais est-ce qu’ils seraient sou­te­nus [par la com­mu­nau­té] ? Il y a tel­le­ment de petites orga­ni­sa­tions locales qui sont viables dans la com­mu­nau­té grâce au tra­vail qu’elles font. Il n’y a pas d’or­chestre sym­pho­nique qui per­du­re­rait sans un énorme finan­ce­ment gouvernemental.

 

- X : Pour avoir vécu à Terre-Neuve, une grande par­tie de ma for­ma­tion en musique clas­sique a été finan­cée par les com­pa­gnies pétro­lières. Les orga­ni­sa­tions artis­tiques peuvent donc trou­ver leur argent ailleurs, et je pense que les orchestres sym­pho­niques s’en sortiront. 

 

- X : Inté­res­sant. Elles peuvent alors béné­fi­cier d’a­van­tages fis­caux sur tout cela. (Énorme sou­pir, sui­vi de rires)

 

- X : Soit dit en pas­sant, pen­dant long­temps, j’ai vrai­ment aimé… Depuis assez long­temps, je lisais des romans dys­to­piques, je crois que cela a com­men­cé avec Mar­ga­ret Atwood. Mais j’ai remar­qué qu’un grand nombre de ces romans, un grand nombre de ces futurs dont nous sommes les auteur.ice.s sont sombres, et que des choses ter­ribles se pro­duisent après une apo­ca­lypse. Et il est facile d’i­ma­gi­ner que cela arri­ve­ra. Mais il n’y a pas beau­coup d’é­cri­ture d’un monde se dérou­lant après avoir trou­vé des solu­tions et s’être enga­gé dans une meilleure pra­tique et une meilleure façon d’être. Il y a dans nos ques­tions un voca­bu­laire lié à l’en­ga­ge­ment et à la créa­tion d’un monde plus sain. Et je pense que l’une des choses aux­quelles je réflé­chis, c’est que ce que nous fai­sons en tant qu’ar­tistes, c’est d’i­ma­gi­ner la nais­sance de ce monde. Et donc, à tra­vers beau­coup de ces choses que nous abor­dons. Nous par­lons de ce monde. Nous par­lons de manière cri­tique du sys­tème actuel, mais je me demande éga­le­ment si nous ne devons pas nous concen­trer à ima­gi­ner un sys­tème dif­fé­rent et vrai­ment uto­piste et l’é­crire ou l’i­ma­gi­ner, sans avoir à être enchaî­né par le sys­tème que nous avons aujourd’­hui. En cri­ti­quant sim­ple­ment le sys­tème actuel, et c’est ce qui doit être fait, nous n’a­vons pas néces­sai­re­ment de vision à laquelle nous atta­cher ou vers laquelle nous diri­ger. Je lance juste ce défi à toustes de pen­ser à ce monde idéal qui est peut-être pos­sible, au lieu d’être pris dans un endroit sombre où tout est hor­rible. À quoi pour­rait res­sem­bler ce monde meilleur ? 

 

- X : Je pense que le Sound Sym­po­sium est un peu… Oui. Je veux dire, vivons sim­ple­ment comme ça.

 

- X : Possiblement

 

- X : Je ne sais pas, j’ai l’im­pres­sion qu’il y a, tout le temps, tel­le­ment de choses qui se passent à une très petite échelle et qui sont très ins­pi­rantes, en par­ti­cu­lier dans le domaine des arts et de l’en­ga­ge­ment com­mu­nau­taire. D’a­près mes expé­riences, je suis constam­ment épous­tou­flée par le niveau d’en­ga­ge­ment, de créa­ti­vi­té ; par ce que les gens mettent en place. Je pense qu’à un cer­tain degré, s’il n’y a pas de sou­tien, on en revient à la ques­tion de ce qui est tenable. Si tout est tou­jours ali­men­té par l’éner­gie des gens sans aucune forme de sou­tien. Il y a tou­jours deux dan­gers impor­tants ici, l’argent ou l’é­pui­se­ment, parce que ce sont les deux seules choses qui sou­tiennent beau­coup de choses. Je pense que ce que l’on décrit ici, tous ces autres ave­nirs, ils sont tout sim­ple­ment en épui­se­ment. Les gens font cer­taines choses pen­dant un cer­tain temps, mais à un moment don­né, s’il n’y a pas de com­mu­nau­té ou de sou­tien finan­cier, iels ne peuvent pas aller plus loin. Mais je pense qu’il y a des cen­taines d’i­ni­tia­tives, en termes d’or­ga­ni­sa­tion musi­cale com­mu­nau­taire ou d’or­ga­ni­sa­tion mili­tante, de banques ali­men­taires, de mobi­li­sa­tion sociales, sur­tout main­te­nant, nous le voyons à tra­vers toutes les mani­fes­ta­tions, avec tous ces camps d’étudiant.es pour la Pales­tine, c’est tout à fait à pro­pos de la com­mu­nau­té. Ce sont toutes des choses très ins­pi­rantes qui tracent une voie vers l’a­ve­nir ; com­ment nous pou­vons en quelque sorte nous mobi­li­ser afin de rendre le monde dif­fé­rent. Mais com­ment les accueillir dans le cadre plus large de la vio­lence capi­ta­liste et du monde dans lequel nous vivons ? Je pense donc que la vision est là, c’est juste que nous devons peut-être nous faire davan­tage confiance, nous don­ner plus de pou­voir et lut­ter davan­tage pour elle. Je ne sais pas ce que cela repré­sente exac­te­ment, mais les graines sont là. Beau­coup de choses sont prêtes.

 

- X : Mais à quoi res­semble l’arbre ? (Les gens rient)

 

- X : On ne le sau­ra pas si on le coupe tou­jours à la racine.

 

- X : Est-ce qu’il faut savoir à quoi res­semble l’arbre ? 

 

(Long silence)

 

- X : Il suf­fit de l’arroser. 

 

- X : Oui, j’ai l’im­pres­sion que ce sont nos enfants et nos arrière-petits-enfants qui s’oc­cu­pe­ront du feuillage. Notre tra­vail consiste sim­ple­ment à plan­ter l’arbre et à le faire pousser. 

 

- X : Déso­lé, je suis arri­vé tard et j’ai man­qué la plu­part de vos échanges, mais quelque chose m’a tra­ver­sé l’es­prit. Je siège sur un cer­tain nombre de conseils d’ad­mi­nis­tra­tion et de conseils au Cana­da et aux États-Unis. Ce qui se passe autour des cultures dans les­quelles je suis impli­qué, c’est que les gens construisent exac­te­ment cela. Je pense que le Sound Sym­po­sium est un très bon exemple de ce rap­pro­che­ment des dis­ci­plines de manière plus active et plus struc­tu­rée. Et il y a beau­coup de bons modèles qui se sont pro­duits dans la ville de Qué­bec, où toutes les dis­ci­plines ont trou­vé des lieux ensemble, des ins­ti­tu­tions qu’elles ont for­mées ensemble. J’en­seigne éga­le­ment dans une uni­ver­si­té. Nous par­lons de telles choses main­te­nant. Nous tra­vaillons ensemble pour créer des orga­ni­sa­tions com­mu­nau­taires dans toutes les dis­ci­plines. Et il y a beau­coup plus de fonds dis­po­nibles pour ce type de questionnements. 

 

Même dans les conseils d’ad­mi­nis­tra­tion des gale­ries d’art dont je fais par­tie, il semble qu’il y ait beau­coup plus de diver­si­té. Je pense que Sound Sym­po­sium est un très bon modèle. Il y a donc là quelque chose qu’il faut vrai­ment ana­ly­ser pour voir ce qui peut être fait dans nos dif­fé­rentes com­mu­nau­tés […] Il fut un temps où les gale­ries d’art tra­vaillaient en étroite col­la­bo­ra­tion avec la musique, par exemple. Certain.e.s d’entre vous s’en sou­viennent. Lorsque les ins­ti­tu­tions étaient beau­coup plus ouvertes à la pro­gram­ma­tion, elles incluaient éga­le­ment les dif­fé­rentes dis­ci­plines de manière plus active. […] Il est peut-être temps de par­tir à la pêche, de voir s’il peut se pas­ser autre chose.

 

- X : Alors, quelle est la pre­mière étape pour appro­cher les musées ? « Nous aime­rions prendre une par­tie de votre bud­get, mer­ci, et prière de pro­gram­mer des concerts ? ». (Tout le monde rit)

 

- X : Je ne cesse de dire aux gens de faire des pro­po­si­tions et d’a­voir des conver­sa­tions. C’est pos­sible. Vous pou­vez avoir une dis­cus­sion, faire des sug­ges­tions et envoyer des perches. J’y tra­vaille sur mes conseils d’administration, j’es­saie d’a­me­ner les gens à s’ouvrir. 

 

- X : Comme vous venez de la com­mu­nau­té des arts visuels, je vais vous poser la ques­tion. Une gale­rie d’art gagne­rait-elle à consa­crer une par­tie de son bud­get aux arts vivants ? Et quelques ate­liers publics, cela serait-il béné­fique ? Ou est-ce seule­ment un avan­tage pour les per­sonnes qui veulent faire des performances ? 

 

- X : C’est un avan­tage pour elleux parce que vous allez ame­ner un public dif­fé­rent qui va avoir une expé­rience dif­fé­rente en inter­agis­sant avec ce qui est offert. J’ai fait beau­coup de col­la­bo­ra­tions avec des gale­ries, et c’est vrai­ment gagnant-gagnant. 

 

- X : Oui, vous pou­vez aug­men­ter la fré­quen­ta­tion, abso­lu­ment. Les gens aiment quand il y a plus de diver­si­té, plus de membres, plus de pos­si­bi­li­tés, plus de communauté. 

 

- X : J’ai tra­vaillé avec de nom­breuses per­sonnes, et aux postes les plus éle­vés, iels viennent nous par­ler, iels sont très ouvert.e.s, vous pou­vez par­ta­ger des idées, mais c’est elleux qui finissent par déci­der, ce n’est pas à votre décision.

 

- X : Mais par­fois, leur finan­ce­ment dépend main­te­nant de cette diver­si­té de pers­pec­tives. Et cer­tains finan­ce­ments ne leur par­viennent pas en ce moment si ce n’est pas consi­dé­ré. C’est la dif­fé­rence entre aujourd’­hui et hier. C’est quelque chose que je constate. C’est pour­quoi il ne faut pas y renoncer.

 

- X : Aupa­ra­vant, au Sound Sym­po­sium, il y avait un lien très fort avec la com­mu­nau­té des arts visuels. Iels ont com­man­dé beau­coup de sculp­tures sonores ou d’ins­tal­la­tions sonores spa­tia­li­sées, peu importe le nom qu’on leur donne, et les ont finan­cées. Iels ont tra­vaillé très dur pour obte­nir du finan­ce­ment, pour inclure cette com­mu­nau­té. Mais depuis je ne sais quelle décen­nie, iels se sont en quelque sorte rétrac­tés. Je me demande pour­quoi. Je ne sais pas pourquoi.

 

- X:Ça s’est arrê­té au début des années 2000. 

 

- X : Je pense que Sound Sym­po­sium est très unique. Par exemple, vous logez chez des gens d’ici. Ce n’est géné­ra­le­ment pas le cas lorsque l’on voyage quelque part. Il faut trou­ver un hôtel ou quelque chose comme ça. Mais ici, c’est vrai­ment unique de loger loca­le­ment. C’est pour­quoi, en tant qu’ar­tiste, j’ap­prends beau­coup sur l’his­toire de cet endroit, en vivant avec les habitant.e.s et en par­lant avec eux. Main­te­nant, j’ap­pré­cie cela, cela me per­met de com­prendre les gens d’une manière dif­fé­rente. J’ai donc l’im­pres­sion d’ap­prendre beau­coup, contrai­re­ment aux per­sonnes qui se contentent de jouer et de par­tir. Par exemple, c’est l’un des modèles qui peut être durable. Il s’a­git de s’y rendre et d’u­ti­li­ser les res­sources déjà présentes. 

 

- X : Oh, la ques­tion des vols aus­si. Le fait d’ar­ri­ver en avion et d’être ici pen­dant une longue période. Je sais que beau­coup d’entre nous sont venu.e.s en avion et je sais que c’est pro­blé­ma­tique, mais il n’y avait pas trois fois plus de gens qui venaient en avion, jouaient un concert et repar­taient ensuite en avion. Je pense qu’il s’a­git d’un modèle pré­fé­rable à la culture des fes­ti­vals, où il s’a­git d’un concert unique pour tout le monde. Et le type de col­la­bo­ra­tion que cela per­met de mettre en œuvre est consi­dé­rable. Je pense donc, comme cela a été dit à plu­sieurs reprises, qu’il s’a­git d’un modèle qui per­met de faire les choses de manière plus durable. Ce ne sera pas immé­dia­te­ment par­fait, nous n’al­lons pas résoudre le pro­blème, mais en tant que modèle c’est infi­ni­ment plus tenable, c’est un modèle for­mi­dable. Je pense que c’est un très bon modèle.

 

- X : C’est une façon de par­ta­ger ce qui existe, de ne pas tout pos­sé­der. La pro­prié­té de tout est partagée.

 

- X : C’est pour ça que c’est un symposium.

 

- X : Oui !

 

- X : J’ai enten­du dire que beau­coup d’ar­tistes ont désor­mais des dif­fi­cul­tés, qu’il y a un obs­tacle finan­cier à venir à un fes­ti­val pen­dant 10 jours. Parce que cela signi­fie que vous ne don­nez pas de concert ailleurs ou que vous quit­tez votre famille pen­dant 10 jours. Il y a donc de nom­breuses rai­sons pour les­quelles les gens viennent et repartent. Mais l’i­dée ini­tiale de venir et de res­ter pen­dant toute la durée du fes­ti­val et de faire des col­la­bo­ra­tions, c’est l’une des prin­ci­pales rai­sons pour les­quelles je fais mon pro­jet. Depuis long­temps, nous nous deman­dons com­ment mettre rapi­de­ment les artistes en contact les un.e.s avec les autres à l’oc­ca­sion du Sound Sym­po­sium, afin de don­ner le coup d’en­voi à de nou­velles col­la­bo­ra­tions. C’est l’une des grandes valeurs de ce projet. 

 

- X :  J’ai une ques­tion à poser. Elle n’a pas grand-chose à voir [avec la dis­cus­sion], mais je suis curieuse. Tout d’a­bord, quel est le man­dat du RCMN ? Je sais en quelque sorte ce que vous faites, mais com­ment existe-t-il et dans quel but ? Quels sont les grands objec­tifs ? Mais aus­si, com­ment votre orga­ni­sa­tion a‑t-elle chan­gé et s’est-elle trans­for­mée, en termes de finan­ce­ment ? Cela m’in­trigue. Je ne sais pas si cela fait par­tie de cette conversation. 

 

 -Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Je ferai de mon mieux pour y répondre en tant que nou­veau direc­teur. Le RCMN a été fon­dé au début de 2000. À l’o­ri­gine, il s’a­gis­sait plu­tôt d’un réseau pour les ensembles, les fes­ti­vals et les orga­ni­sa­tions de musique nou­velle qui exis­taient à ce moment-là. Et je pense que rapi­de­ment, il y a eu un besoin de la part de nom­breuses pra­tiques musi­cales vague­ment liées aux musiques nou­velles. Je peux inclure ici l’im­pro­vi­sa­tion, l’art sonore, la musique plus expé­ri­men­tale, pour avoir un moyen de réseau­ter. Par ailleurs, en tant qu’or­ga­ni­sa­tion, l’une des choses inté­res­santes dès le départ était qu’elle ne s’a­dres­sait pas uni­que­ment aux musicien.ne.s, aux orga­ni­sa­tions et aux programmateur.ice.s. Elle avait le désir de s’é­tendre et d’in­clure beau­coup plus de per­sonnes. La pre­mière mis­sion est donc de construire un réseau, d’a­voir une struc­ture pour connec­ter toutes ces pra­tiques, et d’a­voir un endroit où les gens qui se sentent lié.e.s ou connecté.e.s à ces pra­tiques musi­cales ou sonores puissent avoir une struc­ture dans laquelle s’engager. Il s’a­git d’a­bord de créer ce regrou­pe­ment de per­sonnes. Il s’a­git de créer une res­source, une com­mu­nau­té de per­sonnes qui échange ensemble. Le Cana­da est une zone géo­gra­phique très vaste. Si vous êtes à Saint-Jean de Terre-Neuve, vous n’êtes peut-être pas au cou­rant de ce qui se passe à Van­cou­ver comme une autre per­sonne pour­rait l’être. Au début, il y avait donc ce besoin. 

 

L’or­ga­ni­sa­tion s’est éga­le­ment élar­gie pour offrir des conseils dans cer­tains domaines. Il existe par exemple un pro­gramme de men­to­rat. Il y a aus­si de la repré­sen­ta­tion sur cer­tains sujets et des conver­sa­tions comme ce que nous fai­sons main­te­nant. Il y a une volon­té d’in­té­grer des ques­tions d’ac­ti­visme dans ce que nous fai­sons, qu’il s’a­gisse de la nature, de repré­sen­ta­tion ou de diver­si­té. Ces ques­tions sont abor­dées avec un réel désir de les prendre au sérieux, d’a­bor­der ces conver­sa­tions et de les consi­dé­rer. Mais je dirais que l’élément prin­ci­pal du RCNM, ce sont ses membres. Et je pense que c’est l’une des plus grandes ques­tions que nous nous posons en tant que réseau, car cha­cun a une vision dif­fé­rente de ce qu’un réseau devrait faire, de son objec­tif, de ce dont le réseau devrait par­ler ou de la manière dont il devrait sou­te­nir les musicien.ne.s. Je pense que ce j’essaie de faire en ce moment, en tant que nou­veau direc­teur, c’est de reve­nir à ce qu’un réseau est cen­sé faire. Faire en sorte que les gens se parlent, se découvre, trouvent la manière com­mune d’a­van­cer sur ces ques­tions et l’é­tendent autant que pos­sible afin de repré­sen­ter un grand nombre de pra­tiques musi­cales dif­fé­rentes à tra­vers le pays.

 

Per­son­nel­le­ment, en tant qu’or­ga­ni­sa­teur de musique com­mu­nau­taire, je ne me sen­tais pas néces­sai­re­ment consi­dé­ré par un grand nombre de ces orga­ni­sa­tions de musique nou­velle. L’une des choses que je fais en ce moment, c’est d’es­sayer de mettre en rela­tion dif­fé­rentes séries et petites ini­tia­tives à tra­vers le pays. Cer­taines d’entre elles existent depuis 30 ans, mais elles n’ont jamais béné­fi­cié d’un quel­conque finan­ce­ment, si bien qu’elles étaient en quelque sorte invi­sibles. Ma vision plus per­son­nelle est peut-être la sui­vante : un réseau de réseaux. Un réseau de réseaux, parce que j’ai l’im­pres­sion qu’à notre époque, tout le monde est un réseau. On a des res­sources, on a des connais­sances, on a des choses à par­ta­ger. Il s’a­git donc de créer un lieu où l’on peut ras­sem­bler ces infor­ma­tions, les par­ta­ger et valo­ri­ser les dif­fé­rentes expé­riences musi­cales dans tout le pays. 

Mais nous avons un bud­get limi­té, nous sommes une très petite orga­ni­sa­tion. Je suis un des seul employé per­ma­nent et je tra­vaille à temps par­tiel. Deux autres per­sonnes tra­vaillent entre cinq et dix heures par semaine. Il s’a­git donc d’une très petite orga­ni­sa­tion dont l’ob­jec­tif est très vaste et ambi­tieux, mais dont les moyens sont très limités.

 

- Ter­ri Hron : D’un point de vue his­to­rique, l’é­vé­ne­ment prin­ci­pal était le Forum. L’ob­jec­tif était, du moins dans la vision du fon­da­teur, de créer une vitrine pour la musique nou­velle. Il s’a­git donc d’une vision très par­ti­cu­lière. Les per­sonnes et les orga­ni­sa­tions qui y par­ti­ci­paient étaient des orga­ni­sa­tions déjà bien éta­blies. Puis, à un moment don­né, on s’est éloi­gné de cette vision pour essayer d’al­ler vers quelque chose qui ser­vait une repré­sen­ta­tion beau­coup plus large d’ar­tistes. Et main­te­nant, nous nous diri­geons davan­tage vers la base, les per­sonnes qui ne peuvent pas néces­sai­re­ment se rendre quelque part pour être repré­sen­tées, mais que nous repré­sen­tons. Et je pense que dans ce chan­ge­ment, au cours des six der­nières années où j’ai tra­vaillé pour le réseau, je pense que le pro­jet qui a vrai­ment défi­ni la nou­velle direc­tion a été le car­re­four de la musique de créa­tion par­ti­ci­pa­tive, que je vous encou­rage tous à aller voir. 

 

Le car­re­four de la musique de créa­tion par­ti­ci­pa­tive, le car­re­four CMP. Il y a tel­le­ment de pro­jets, et ce sont des pro­jets réa­li­sés par des facilitateur.rice.s où les participant.e.s jouent un rôle créa­tif dans le pro­jet. La plu­part de ces pro­jets sont réa­li­sés avec des non-pro­fes­sion­nels. Le fait de docu­men­ter tous ces pro­jets et d’a­me­ner toustes ces facilitateur.rice.s et tous ces créateur.trice.s dans notre com­mu­nau­té nous a fait réa­li­ser que l’as­pect pro­fes­sion­nel des musicien.ne.s était quelque chose que nous vou­lions peut-être reti­rer de notre mis­sion. Car, encore une fois, cela revient à res­treindre plu­tôt qu’à élar­gir la com­mu­nau­té. Je pense donc que cela a beau­coup chan­gé. L’an­née der­nière, lorsque le man­dat a été refor­mu­lé, l’as­pect mili­tant a été inté­gré au man­dat de l’or­ga­ni­sa­tion. Il y a un pen­chant pour l’ac­ti­visme. Vous pou­vez donc consul­ter la for­mu­la­tion de ce man­dat telle qu’elle a été éla­bo­rée par le conseil d’administration. 

 

- X : Son nom est-il dépassé ?

 

-Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Nous chan­ge­rons de nom l’an­née pro­chaine. Le nou­veau nom est déjà en pré­pa­ra­tion. Ce sera le Réseau de créa­tion musi­cale et sonore. Il n’y aura donc plus de musiques nou­velles. Je pense que nous savons tous que le terme de « musique nou­velle » est peut-être trop limi­té. Il ne repré­sente pas néces­sai­re­ment toute la varié­té des pra­tiques. Mais chan­ger de nom est une opé­ra­tion très com­plexe bureau­cra­ti­que­ment et cela néces­site beau­coup de choses. Nous sommes donc en train de le faire. Le chan­ge­ment de nom est offi­ciel et il aura lieu. 

 

Et je pense qu’en géné­ral, la culture de l’or­ga­ni­sa­tion change aus­si beau­coup par rap­port à ce qu’elle était à l’o­ri­gine. Même le réseau de tour­nées exis­tant, ou l’i­dée d’un réseau de tour­nées bien éta­bli autour des fes­ti­vals, ou essen­tiel­le­ment la com­mande de nou­velles œuvres, tout a éga­le­ment chan­gé dans sa manière de fonc­tion­ner. Ce n’est donc pas néces­sai­re­ment le meilleur modèle pour repré­sen­ter les pra­tiques en géné­ral. Un effort est fait pour être plus pré­sent par­mi les ini­tia­tives qui existent déjà, plu­tôt que de sim­ple­ment créer plus de tra­vail. C’est l’une des choses que nous vou­lions faire avec le car­re­four. Nous tra­vaillons donc avec un grand nombre de pra­ti­ciens de la musique, de thé­ra­peutes et de per­sonnes tra­vaillant dans des envi­ron­ne­ments musi­caux axés sur le com­mu­nau­taire. Il y a quatre sec­teurs prin­ci­paux, dont celui de la san­té, qui regroupe les per­sonnes tra­vaillant dans les hôpi­taux et les centres de soins, par exemple. Il y a éga­le­ment toute une res­source qui se concentre sur les ini­tia­tives com­mu­nau­taires. Une autre res­source concerne la musique dans les écoles et dans les milieux édu­ca­tifs et sco­laires. Et il y a aus­si toute une res­source sur les per­sonnes tra­vaillant dans les éta­blis­se­ments cor­rec­tion­nels et car­cé­raux. C’est éga­le­ment très intéressant.

 

Je pense que l’un des aspects les plus impor­tants de ce pro­jet est qu’il a per­mis à de nombreux.euses musicien.ne.s de se décou­vrir et de se connaître, parce qu’ils ne savaient même pas qu’il pou­vait y avoir un lien entre une pra­tique plus large et ce qu’iels fai­saient. Il a donc ren­for­cé du tra­vail qui exis­tait déjà, au lieu de créer encore un nou­veau pro­jet ou une nou­velle chose. 

 

C’est aus­si l’un des aspects posi­tifs du Sound Sym­po­sium des dis­cus­sions qui se déroulent où il y a d’autres choses qui se passent. Nous pou­vons béné­fi­cier de l’ex­pé­rience des gens qui sont déjà là. Et nous n’a­vons pas besoin de créer un autre pro­jet où les gens doivent prendre 20 avions. Nous sommes déjà sur place. Nous nous réunis­sons déjà sur place. Nous essayons donc doré­na­vant d’or­ga­ni­ser ces réunions et ces conver­sa­tions dans de pareils contextes. Là où il y a déjà une mobi­li­sa­tion qui semble plus orga­nique et natu­relle. J’es­père que c’est aus­si une façon d’être plus responsable.

 

- X : J’ap­plau­dis le chan­ge­ment de nom et tout ce que vous venez de dire. Je vous encou­rage, en par­lant de lan­gage, à vous pen­cher sur l’his­toire du terme musique créa­tive et ses racines dans l’AACM [Asso­cia­tion for the Advan­ce­ment of Crea­tive Musi­cians] à Chi­ca­go, si ce n’est pas une pré­oc­cu­pa­tion majeure du pro­ces­sus de chan­ge­ment de nom. Ça devrait l’être.

 

- X : Est-ce que je peux poser une ques­tion simple ? Est-ce que tout le monde a remar­qué que ce désir de conver­sa­tion est beau­coup plus fort depuis la COVID ? Le désir d’é­ta­blir de nou­veaux liens entre nous ? D’é­lar­gir, en quelque sorte, le lan­gage et de trou­ver de meilleurs modèles ? 

 

- X : Je pense que nous avons eu le temps de réflé­chir, n’est-ce pas ? Nous avons eu le temps de nous repo­ser et de faire une pause. Et main­te­nant, nous avons l’im­pres­sion de vivre une période de recon­nexion très éner­gique. Mais je me suis aus­si deman­dé […] si c’est parce qu’on a l’im­pres­sion que c’est une période très dif­fi­cile pour les artistes sur le plan finan­cier. Et je pense qu’il y a de la liber­té dans ça. Je ne sou­haite ceci à per­sonne. Mais c’est comme s’il y avait une cer­taine liber­té dans cette situa­tion, parce que j’ai l’im­pres­sion que nous pou­vons accé­lé­rer le chan­ge­ment sys­té­mique. Il est urgent de pra­ti­quer des modes de réflexions et d’ac­tion créa­tifs. Même sim­ple­ment à tra­vers notre musique. Je ne veux pas dire que l’on doit s’affirmer et par­ler des grandes choses ; pour moi, la musique suf­fit. Je suis très enthou­siaste lorsque je vois des gens. Le concert d’hier soir et tout ce qui s’est dérou­lé hier ; pour moi c’est essen­tiel à ma san­té men­tale et pour ma confiance en l’a­ve­nir. Main­te­nant que je suis plus âgée, j’ai envie de créer quelque chose qui peut être par­ta­gé avec les jeunes tout en leur don­nant l’im­pres­sion que nous pou­vons tra­vailler ensemble. Nous pou­vons com­mu­ni­quer en dehors de ces para­mètres. C’est aus­si une sorte de pen­sée anti­ca­pi­ta­liste. Nous ne pou­vons pas faire les choses dans la faci­li­té, mais c’est véri­ta­ble­ment un exemple de com­ment nous pou­vons faire les choses dif­fé­rem­ment. C’est très puis­sant. Sou­vent, dans notre vie quo­ti­dienne, nous avons l’im­pres­sion de ne pas être super impor­tants. Nous ne pou­vons pas toustes être des travailleur.euse.s de pre­mière ligne. Ça c’est très impor­tant. Mais il y a aus­si quelque chose de très impor­tant à pro­pos de ce que nous fai­sons ici, du moins ceci l’est pour moi. C’est pour­quoi je l’ap­pré­cie. Se réunir. Nous n’a­vons jamais l’oc­ca­sion d’être toustes ensemble, des gens aux par­cours différents.

 

- X : Je pense aus­si que l’a­près-COVID a per­mis aux gens d’i­ma­gi­ner qu’il pour­rait y avoir un meilleur ave­nir. Aupa­ra­vant, j’a­vais sou­vent l’im­pres­sion que les gens étaient coincé.e.s dans cette situa­tion : « Je ne vois pas com­ment les choses pour­raient être meilleures, alors pour­quoi chan­ger ? » Et puis, quand nous sommes arrivé.e.s à la COVID. Je n’é­tais plus la per­sonne débile qui pen­sait au reve­nu de base uni­ver­sel. Nous l’a­vons fait et nous pou­vons le refaire. Et je pense que cela a revi­go­ré beau­coup de choses. 

 

-X : Avec la pan­dé­mie, il n’y avait pas d’op­por­tu­ni­tés, sauf peut-être de créer et de tra­vailler sur sa propre pra­tique, ce qui, je pense, est très impor­tant. Je pense que c’est vrai­ment très impor­tant. Mais il n’y avait pas de série de concerts à laquelle on pou­vait appli­quer. Aujourd’­hui, il y a tel­le­ment d’op­por­tu­ni­tés qui sont réap­pa­rues. Il y a toustes ces grand.e.s artistes qui se battent pour un nombre très limi­té de places. Je trouve que c’est un véri­table chan­ge­ment dans la façon dont on se per­çoit. Il y a beau­coup d’es­pace pour ce ques­tion­ne­ment dif­fi­cile, par exemple sur la péren­ni­té d’une car­rière quand on se bat toustes pour les mêmes oppor­tu­ni­tés. Chacun.e. d’entre eux/elles [séries/festivals] a un man­dat dif­fé­rent, par­fois très pré­cis. Soit j’es­saie de faire en sorte que ce que je fais fonc­tionne dans le cadre de leur man­dat et, sou­dain, ma pra­tique est recon­tex­tua­li­sée. Ou bien j’ap­plique avec ce que je fais et iels s’en moquent parce qu’iels veulent autre chose. Je trouve que c’est une situa­tion bizarre à laquelle il faut faire face. Rece­voir un tas de refus c’est assez dif­fi­cile. J’ai eu des retours sur cer­tains de ces refus et j’ai l’im­pres­sion que leur man­dat était tout sim­ple­ment trop limi­té. Je ne sais pas quoi en faire. Je ne pour­rai jamais jouer dans ces espaces parce qu’ils veulent des groupes de musique par­ti­cu­liers. Je ne suis pas invi­té.  C’est un défi de dépo­ser à ces appels et d’en être exclu.e.

 

- X : C’est peut-être une idée amu­sante, mais j’ai de bonnes nou­velles à ce sujet : Avec beau­coup de non viennent beau­coup de oui. Il faut juste conti­nuer à faire ce en quoi on croit et s’y tenir. Avec la pan­dé­mie, j’ai eu un moment où je me suis dit : « Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que l’art ? » Tout ce que j’a­vais fait signi­fiait peu à ce moment-là, ça m’a pous­sé à repen­ser à la manière dont je vou­lais y reve­nir. « Qu’est-ce que je veux ? Quels sont les sujets dont je veux par­ler davan­tage ? ». D’a­près mon expé­rience, j’aime bien les « non », parce que ceux qui disent non reviennent plus tard. Pen­dant que nous, on s’améliore quant à notre message..

 

- X : Excu­sez-moi, mais je peux vous faire part de mon expé­rience en cou­lisse. Je suis membre du comi­té d’or­ga­ni­sa­tion du Sym­po­sium depuis de nom­breuses années et nous avons long­temps essayé de spé­ci­fier le contexte de par­ti­ci­pa­tion. Nous four­nis­sions un thème, nous par­lons donc ici d’un man­dat. Le résul­tat était que nous rece­vions des can­di­da­tures d’ar­tistes qui se tor­tu­raient pour essayer de s’y confor­mer, et nous détes­tions cette situa­tion. Nous avons donc arrê­té parce que c’était évident que c’é­tait ridicule. 

 

(Les gens rient) 

 

- X : Oui, nous avons toustes déjà fait ça. Il y a un appel qui est très spé­ci­fique, et vous êtes comme hummm…

 

- X : « Oh oui, bien sûr que ma pièce parle de l’eau » (Fou rire géné­ral)

 

- X : Ou du moins, main­te­nant elle en parle. (Les rires continuent)

 

- X : Ce n’est pas la musique qui compte, c’est ce que vous écri­vez. Nous avons toustes vu des gens qui ont une très belle plume, mais ensuite vous écou­tez ce qu’iels font et ça ne le tra­duit pas.

 

- X : Je tiens à vous remer­cier d’a­voir orga­ni­sé cette conversation. 

 

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Mer­ci beau­coup à vous toustes. Mer­ci d’être ici et d’a­voir été très généreux.euses avec votre temps. Nous avons pas­sé quelques heures agréables. Mer­ci beau­coup. Nous avons main­te­nant une acti­vi­té musi­cale pour clô­tu­rer cette réunion.

 

Le RCMN tient à remer­cier Michelle Lacour, Kathy Clark Wher­ry et Sound Symposium.

 

Le RCMN tient éga­le­ment à remer­cier et à féli­ci­ter toustes les artistes qui se sont produit.e.s dans le cadre de cette édi­tion du Sound Symposium.

 

Rencontre de Yellowknife

 

Date : le 9 juin 2024
Lieu : Stu­dio de Carment Bra­den, à Yel­lowk­nife.
Co-dif­fu­seur : le Fes­ti­val Longshadow 

Le CNMN remer­cie FACTOR, le gou­ver­ne­ment du Cana­da et les radio­dif­fu­seurs pri­vés cana­diens pour leur sou­tien financier.

Le RCMN tient à remer­cier le fes­ti­val Long­sha­dow pour sa géné­reuse hos­pi­ta­li­té et pour l’aide appor­tée à la réa­li­sa­tion de cette conversation.

 

Raphaël Foi­sy-Cou­ture, direc­teur géné­ral actuel du RCMN, a ouvert cette conver­sa­tion en recon­nais­sant qu’elle avait lieu sur le ter­ri­toire du chef Dry­geese, dans le Trai­té no 8, la terre tra­di­tion­nelle des Dénés de Yel­lowk­nives et le domi­cile des Métis de North Slave et du peuple Tłı̨chǫ.

Foi­sy-Cou­ture a éga­le­ment pris le temps de remer­cier et de féli­ci­ter l’é­quipe et les artistes de Long­sha­dow pour le soin artis­tique et le res­pect qu’iels ont appor­tés à la réa­li­sa­tion de ce fes­ti­val et pour avoir per­mis au RCMN d’y contri­buer. Foi­sy-Cou­ture a éga­le­ment pris le temps de remer­cier ses hôtes Rob Elo, Nai­ma Jutha et Forest pour l’a­voir accueilli dans leur mai­son ; et d’ex­pri­mer une énorme gra­ti­tude à Car­men Bra­den sans qui la pré­sence du CNMN n’au­rait pas été pos­sible. Toustes les par­ti­ci­pants ont éga­le­ment pris un moment pour se pré­sen­ter en cercle au groupe.

Cette conver­sa­tion a com­por­té de brèves inter­ven­tions sur l’in­cu­ba­teur musi­cal cana­dien de la part de Rob Elo, ain­si que des inter­ven­tions de Robert Uchi­da et du Gar­neau Strings Quar­tet en tant que contri­bu­teu­rices invité.e.s. Elle était ani­mée par Raphaël Foi­sy-Cou­ture en tan­dem avec Car­men Bra­den, codi­rec­trice artis­tique de Long­sha­dow. Hor­mis cer­taines  inter­ven­tions spé­ci­fiques des modérateur.rice.s et des intervenant.e.s invité.e.s, les contri­bu­tions de toustes les participant.e.s sont anonymes.

Plu­sieurs artistes et musicien.ne.s ayant par­ti­ci­pé au fes­ti­val de musique Long­sha­dow ain­si que de nombreux.euses musicien.ne.s et travailleur.euse.s artis­tiques locaux ont assis­té à cette conver­sa­tion. Nous les remer­cions pour leur géné­reuse contribution.

Afin de mieux expo­ser les réa­li­tés et les dyna­miques à l’œuvre dans le domaine de la musique créa­tive et de la pra­tique du son à Yel­lowk­nife et dans les Ter­ri­toires du Nord-Ouest, et pour célé­brer la pre­mière conver­sa­tion du RCMN dans la région, ce rap­port com­prend une trans­crip­tion détaillée de la dis­cus­sion qui a eu lieu. Les modi­fi­ca­tions appor­tées ont pour seul objec­tif de faci­li­ter la lec­ture et la compréhension.

Thèmes abordés lors de la conversation

Contexte et défis à Yellowknife

  • Le carac­tère unique de Yel­lowk­nife sur les plans géo­gra­phique, éco­no­mique et artistique
  • Le manque d’in­fra­struc­ture artis­tique et les dif­fi­cul­tés d’accès au financement
  • Les défis des musicien.ne.s du Nord : iso­le­ment, frais de dépla­ce­ment et manque de lieux de diffusion

Dura­bi­li­té et déve­lop­pe­ment dans la musique

  • Déve­lop­pe­ment durable et péren­ni­té structurelle
  • Équi­libre entre l’empreinte car­bone des tour­nées et l’en­ri­chis­se­ment local
  • L’impact éco­no­mique et social des petits évé­ne­ments axés sur la communauté

Com­mu­nau­té et collaboration

  • L’importance de construire des rela­tions au sein de la com­mu­nau­té artistique.
  • Le rôle des fes­ti­vals et des orga­ni­sa­tions dans la pro­mo­tion et la collaboration
  • Pos­si­bi­li­tés inter­cul­tu­relles et inter­gé­né­ra­tion­nelles au sein des pra­tiques musicales

Enga­ge­ment des jeunes et éducation

  • La Néces­si­té de l’éducation musi­cale dans les écoles
  • L’im­por­tance de lieux acces­sibles pour les jeunes musicien.ne.s
  • Les pos­si­bi­li­tés de favo­ri­ser rapi­de­ment des ren­contres avec la musique et le spectacle

Obs­tacles au déve­lop­pe­ment de la car­rière des artistes nordiques

  • Accès limi­té aux res­sources telles que les sub­ven­tions et les gérant.e.s d’artiste
  • Manque d’op­por­tu­ni­tés de repré­sen­ta­tions locales et de sou­tien aux tournées
  • Dif­fi­cul­tés à s’o­rien­ter dans les sys­tèmes de sub­ven­tions et dans l’in­dus­trie de la musique

Sen­si­bi­li­sa­tion et politique

  • Res­pon­sa­bi­li­té des gou­ver­ne­ments et des entre­prises dans le sou­tien aux arts
  • Pos­si­bi­li­tés de tirer par­ti du carac­tère cultu­rel unique de Yellowknife
  • Appels à l’a­mé­lio­ra­tion des infra­struc­tures et au mécé­nat d’entreprise

Expé­riences de l’in­cu­ba­teur musi­cal cana­dien  (IMC)

  • Réflexions sur la valeur du pro­gramme pour le déve­lop­pe­ment professionnel
  • Réflexions sur les rede­vances, les droits d’auteurs et l’im­por­tance d’être à jour sur ces enjeux
  • Défis liés aux médias sociaux, à l’au­to-pro­mo­tion et à la crois­sance indi­vi­duelle dans l’industrie

La SOCAN et les licences musicales

  • L’importance de s’ins­crire auprès de la SOCAN et de com­prendre ses droits
  • Rôles et res­pon­sa­bi­li­tés des artistes et des salles en matière de licences et de redevances
  • Mesures pra­tiques à prendre par les musicien.ne.s pour pro­té­ger leur pro­prié­té intellectuelle

Iden­ti­té cultu­relle et diver­si­té en musique

  • Inté­gra­tion des tra­di­tions cultu­relles dénées, métisses, inuites et de la diver­si­té cultu­relle dans la scène musicale
  • Pos­si­bi­li­tés d’é­changes cultu­rels et de collaboration.
  • Embras­ser la diver­si­té pour créer une com­mu­nau­té artis­tique uni­fiée et distinctive

Approches DIY et musique expérimentale

  • Pers­pec­tives offertes par les pra­tiques de musique expé­ri­men­tale et indépendante
  • Construire des lieux alter­na­tifs et encou­ra­ger les com­mu­nau­tés à la racine
  • Élar­gir l’ac­cès aux formes non tra­di­tion­nelles de créa­tion musicale

Impact éco­no­mique et social de la musique

  • Recherche sur les effets éco­no­miques mul­ti­pli­ca­teurs de la musique communautaire
  • Com­pa­rai­son avec des modèles inter­na­tio­naux tels que Reyk­ja­vik et Daw­son City
  • La musique comme acti­vi­té éco­no­mique à faible consom­ma­tion avec un poten­tiel de croissance

Réflexions sur le fes­ti­val et expé­riences des artistes

  • Expé­riences de col­la­bo­ra­tion pen­dant le fes­ti­val Longshadow.
  • Déve­lop­pe­ment per­son­nel, ins­pi­ra­tion et appren­tis­sage mutuel entre les participant.e.s.
  • Épa­nouis­se­ment émo­tion­nel et créa­tif grâce à la créa­tion musi­cale collective.

Ques­tion d’ou­ver­ture de Raphaël Foisy-Couture : 

- Je vais donc poser une pre­mière ques­tion pour ouvrir la dis­cus­sion et nous pour­rons ensuite en dis­cu­ter ensemble:« Com­ment les orga­ni­sa­tions musi­cales et sonores peuvent-elles sou­te­nir le tra­vail artis­tique et les ini­tia­tives qui pro­meuvent une plus grande sen­si­bi­li­sa­tion aux ques­tions cli­ma­tiques et s’en­gagent dans la créa­tion d’un monde plus sain ? Je sais qu’il s’a­git déjà d’une ques­tion assez vaste. Je répon­drai d’a­bord qu’en tant qu’or­ga­ni­sa­tion, c’est quelque chose que nous avons essayé de faire en orga­ni­sant ces ren­contres. Tout d’a­bord, en y réflé­chis­sant, mais aus­si en nous enga­geant de plus en plus dans des ini­tia­tives com­mu­nau­taires qui par­tagent aus­si, je pense, beau­coup de res­sources et s’en­gagent à rele­ver les défis de cette pers­pec­tive. Je pense que c’est per­son­nel­le­ment ce que j’ai beau­coup remar­qué ici. J’ai été éton­né par le par­tage des res­sources et par la façon dont tout le monde semble avoir un esprit de col­la­bo­ra­tion. Iels sont capables de faire des choses qui ne seraient pro­ba­ble­ment pas pos­sibles s’iels espé­raient les faire seuls ou d’une manière plus tra­di­tion­nelle ou com­mer­ciale. Cela m’a beau­coup ins­pi­ré. Si quel­qu’un veut par­ta­ger quelque chose sur la situa­tion par­ti­cu­liè­re­ment, très rare, de Yel­lowk­nife, je serais heu­reux d’en savoir plus. 

-  Vous deman­dez com­ment uti­li­ser la musique pour pro­mou­voir des choses comme la sen­si­bi­li­sa­tion à l’en­vi­ron­ne­ment et ce genre de choses. Est-ce le but de la question ? 

–Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Ça peut l’être

- Et c’est aus­si une par­tie de la ques­tion : est-ce que ça doit être expli­cite dans la musique ou peut-être que c’est plus au niveau de l’or­ga­ni­sa­tion ou de la façon dont nous nous orga­ni­sons collectivement ?

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Si vous pen­sez que cela doit être plus dans la musique, c’est quelque chose de très pré­cieux et inté­res­sant et je serais heu­reux de vous entendre en dire plus à ce sujet. 

- Je n’y avais pas pen­sé aupa­ra­vant, mais la pre­mière chose qui m’est venue à l’es­prit lorsque vous avez posé la ques­tion, c’est quelque chose comme Folk on the Rocks, le fes­ti­val de musique qui a lieu ici chaque année. La pré­sence d’une orga­ni­sa­tion [trai­tant des ques­tions de cli­mat, de sen­si­bi­li­sa­tion à l’en­vi­ron­ne­ment et de rési­lience] au fes­ti­val, que ce soit sur scène ou dans l’un des kiosques ou quelque chose comme ça. Et pro­fi­ter de ce genre d’oc­ca­sion pour inter­agir avec les gens et pro­mou­voir les objec­tifs de l’or­ga­ni­sa­tion de cette manière. Ce serait une idée en tout cas. Juste une petite idée. Et peut-être même […] dire quelque chose au NACC (Nor­thern Arts and Cultu­ral Cen­ter).

- C’est ce que j’al­lais dire.

- Oui, donc peut-être avoir un pan­neau d’af­fi­chage ou un kiosque d’une sorte ou d’une autre lors des grandes repré­sen­ta­tions au NACC, quelque chose comme ça.

- J’ai l’im­pres­sion que ce qui me vient tout de suite à l’es­prit, c’est quel­qu’un qui n’est pas ici, comme Munya Man­da­rus. Les vidéos qu’il réa­lise lui-même et celles qu’il a faites pour Long­sha­dow, les évé­ne­ments que nous orga­ni­sons ici… Je sup­pose que Long­sha­dow était plus en salle, mais les vidéos qu’il filme de sa musique, c’est de la musique afri­caine, qui vient de notre envi­ron­ne­ment, dans le pay­sage de Yel­lowk­nife. Et le fait d’a­voir une orga­ni­sa­tion comme la vôtre qui peut par­ta­ger ce genre de choses.  Et Folk on the Rocks […] pré­sente des artistes qui s’en­gagent dans notre pay­sage et notre com­mu­nau­té. Et sim­ple­ment […] sen­si­bi­li­ser le pays à la beau­té dont nous sommes entou­rés ici et à la com­mu­nau­té que nous avons ici, qu’elle soit artis­tique ou autre. Je pense que c’est vrai­ment bien. C’est créer plus d’art, essen­tiel­le­ment, qui a à voir avec la com­mu­nau­té. […]  Les chan­sons que Ryan McCord écrit, […] vous savez, la musique folk. C’est de la bonne musique folk, mais elle parle de Yel­lowk­nife en par­ti­cu­lier. Des visuels qui montrent ce qu’est Yel­lowk­nife et le fait d’a­voir quel­qu’un comme le Réseau cana­dien pour les musiques nou­velles pour par­ta­ger cela avec le reste du Cana­da. J’es­père que c’est une source d’ins­pi­ra­tion qui peut tou­cher le reste du pays, je sup­pose. Par exemple :«  Voi­là une com­mu­nau­té qui tra­vaille et inter­agit vrai­ment avec son envi­ron­ne­ment naturel ! ».

- Je pense qu’il s’a­git éga­le­ment d’un moyen d’ai­der les musicien.ne.s à avoir une idée claire de la manière dont, com­ment décrire cela ? […] Des moyens d’o­rien­ter l’ac­ti­visme des gens pour faire pres­sion sur le gou­ver­ne­ment au sein de l’in­dus­trie de la musique afin qu’il s’at­taque à des pro­blèmes tels que la conso­li­da­tion de l’in­dus­trie de la musique autour de spec­tacles gigan­tesques et à forte empreinte car­bone. C’est ce que nous consta­tons aux États-Unis, ici et dans d’autres pays dans une moindre mesure : les grands four­nis­seurs de billets étouffent les petites salles de concert et orientent l’in­dus­trie musi­cale vers des spec­tacles et des sys­tèmes de tour­née coû­teux et pol­luant, qui excluent un grand nombre de musicien.ne.s. […] Je ne sais pas vrai­ment quel est l’im­pact éco­no­mique glo­bal sur le sec­teur de la musique. Il serait très inté­res­sant de finan­cer des recherches sur ce point pré­cis, afin de déter­mi­ner dans quelle mesure les per­sonnes qui envi­sagent de faire car­rière dans les arts du spec­tacle […] comptent sur cette par­tie de l’in­dus­trie qui dépend de ces très grands spec­tacles pour entrer dans ce sec­teur. Et que pou­vons-nous faire en tant qu’ac­ti­vistes, que peut faire le gou­ver­ne­ment en tant que déci­deurs poli­tiques pour y remé­dier un peu ? […] C’est peut-être un peu sec, mais c’est une sorte de pré­oc­cu­pa­tion pra­tique sur la façon dont nous pour­rions, en tant que musicien.ne.s, faire pres­sion pour une indus­trie plus carboneutre.

- [Au départ], j’a­vais pen­sé à mini­mi­ser l’im­pact car­bone des musicien.ne.s qui se déplacent, aux vols et à d’autres choses de ce genre. Mais j’ai pris un virage à 180 degrés et je me suis ren­du compte qu’en fai­sant venir quatre musicien.ne.s, toute la com­mu­nau­té pou­vait vivre un moment cultu­rel enri­chis­sant ; ain­si, une cen­taine de per­sonnes n’a­vaient plus à se dépla­cer. Comme Yel­lowk­nife est iso­lée, je pense que plus nous pour­rons offrir de grandes pos­si­bi­li­tés d’en­ri­chis­se­ment cultu­relles à cette com­mu­nau­té, moins les gens auront envie de se rendre ailleurs pour un festival. 

- Il serait for­mi­dable de finan­cer des recherches sur les impacts éco­no­miques de ce que vous décri­vez. Quel est l’im­pact de ces évé­ne­ments plus petits et plus intimes qui sont ren­dus pos­sibles par les petites salles indé­pen­dantes par rap­port à ce dont vous par­lez, une cen­taine de per­sonnes qui se déplacent pour aller voir un grand spec­tacle où le billet coûte 200 ou 300 dollars. 

- Ce que [les gens] conti­nue­ront à faire parce que c’est génial, mais peut-être moins sou­vent si et parce que nous avons plus de choses à faire ici. […] Il est pro­ba­ble­ment plus éco­no­mique d’a­me­ner l’ac­tion ici.

-  Parce que nous étions ici, nous avons pu aller dans des écoles de petites com­mu­nau­tés à l’ex­té­rieur de Yel­lowk­nife et jouer pour des gens qui, autre­ment, n’au­raient pro­ba­ble­ment pas envi­sa­gé de prendre l’a­vion pour Edmon­ton. […] J’i­ma­gine qu’une fois qu’iels sont ici (les artistes), vous vou­lez vous assu­rer de les ame­ner dans des endroits où les gens peuvent entendre des choses dif­fé­rentes dans leur propre envi­ron­ne­ment… Vous ame­nez l’ar­tiste sur place.

- Je pense qu’il est éga­le­ment très utile que ces petits groupes viennent pré­sen­ter des spec­tacles intimes et inter­agir avec les gens d’i­ci, car je me sou­viens de la pre­mière fois que j’ai vu, et j’ai gran­di dans une région où il y avait beau­coup de violoneux.euses, un qua­tuor à cordes com­plet, c’é­tait au fes­ti­val open sky de Fort Simp­son, qui est très petit ;  tel­le­ment bon ! Ils font des choses vrai­ment cool ! Et j’é­tais jeune enfant et j’ai vu ça pour la pre­mière fois et ça m’a immé­dia­te­ment inté­res­sé. C’est à par­tir de là que j’en suis arri­vé là (à étu­dier la com­po­si­tion et à jouer). C’est pour­quoi [appor­ter] ces expé­riences à des com­mu­nau­tés qui n’en ont pas vrai­ment l’oc­ca­sion est une très bonne façon de les ins­pi­rer. Et puis, dix ans plus tard, vous avez ce groupe de jeunes musicien.ne.s, compositeur.rice.s, inter­prètes dans la com­mu­nau­té qui font des choses, ce qui est aus­si une très bonne façon d’en parler.

- Cela m’a­mène à réflé­chir à une chose à laquelle je pen­sais éga­le­ment. Il y a d’autres fes­ti­vals ici dans les Ter­ri­toires du Nord-Ouest, dans les petites com­mu­nau­tés, comme l’O­pen Sky. Il y en avait un à Fort Smith, le Friend­ship Fes­ti­val ; il y a le Great Nor­thern Music Fes­ti­val à Inuvik ; il y a eu pen­dant un cer­tain temps le Mid­way Lake Fes­ti­val au milieu de nulle part, près de Fort McPher­son… Ces fes­ti­vals pour­raient éga­le­ment béné­fi­cier d’un sou­tien. Il est très impor­tant de conser­ver ce que nous avons ici. Ces autres petits fes­ti­vals ont aus­si leur impor­tance. Tu par­lais de l’ef­fet et de l’in­fluence que cela a eu sur toi, cela pour­rait être (influent) pour d’autres per­sonnes là-bas aus­si. Ce n’est pas seule­ment ici à Yel­lowk­nife, mais aus­si dans d’autres endroits, qu’il y a des gens qui s’in­té­ressent aux ques­tions dont nous par­lons ici.

- L’é­co­no­mie des TNO (Ter­ri­toires du Nord-Ouest) est énor­mé­ment basée sur les res­sources, ou du moins c’est ce qui est pro­mu par le gou­ver­ne­ment, mais ils parlent aus­si de la diver­si­fi­ca­tion de l’é­co­no­mie et de la musique dans son ensemble, qui uti­lise très peu de res­sources, n’est-ce pas ? Ain­si, sur le plan envi­ron­ne­men­tal, à l’exception de ces grands fes­ti­vals, il s’a­git pour l’es­sen­tiel d’un mode de vie non consom­ma­teur et nous devrions le pro­mou­voir davan­tage et le célé­brer beau­coup plus dans notre éco­no­mie. Je veux dire que ce (grand) nombre de per­sonnes qui gagnent au moins une par­tie de leur vie avec la musique est énorme et consomme tel­le­ment moins que les autres types de choses et d’ac­ti­vi­tés éco­no­miques que l’on pro­meut habi­tuel­le­ment ici.

- C’est un point très impor­tant, et tu l’as très bien for­mu­lé. Faire ce que nous pou­vons pour aider les gens à faire car­rière dans les arts du spec­tacle. Je pense que nous nous heur­tons peut-être ici à des obs­tacles que les gens ne ren­contrent pas ailleurs. J’ai gran­di dans une ville de taille moyenne, à envi­ron une heure de Londres (Royaume-Uni), où la scène musi­cale était flo­ris­sante. Les pos­si­bi­li­tés d’ex­pé­ri­men­ter la musique et les choses (cultu­relles) étaient illi­mi­tées. On dit aux gens que faire car­rière dans les arts du spec­tacle est un peu fan­tai­siste, alors qu’en réa­li­té, nous consta­tons par­tout dans le monde que le sec­teur des arts du spec­tacle est un sec­teur extrê­me­ment impor­tant sur le plan éco­no­mique et qu’il offre des emplois inté­res­sants. Plus nous aidons les gens à pour­suivre ces emplois, moins ils risquent de se retrou­ver dans des emplois de type plus consomp­tif et consom­ma­tif.. C’est un point très important.

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Mer­ci beau­coup pour ces réponses.

- Je vou­drais éga­le­ment dire quelque chose à pro­pos de cette ques­tion. Je me sou­viens qu’en 2017, j’é­tais à Mont­réal et l’un de mes cou­sins était ici. Il vou­lait que je vienne lui rendre visite. Mais j’ai par­lé à certain.e.s de mes amis.e.. J’ai dit que j’al­lais quit­ter Mont­réal pour aller à Yel­lowk­nife. Beau­coup de gens, presque tous, même moi, ne savaient pas où c’é­tait exac­te­ment. Et d’a­bord, je suis fran­co­phone, mais je vais essayer de don­ner mon idée en anglais, mais ça ne va pas être facile pour moi (rire). 

En par­lant de musique, je pense que la musique peut vrai­ment être une chose qui peut aider une com­mu­nau­té comme Yel­lowk­nife et puis avoir de la valeur, être sous les feux de la rampe. Mais je me demande si le gou­ver­ne­ment a un plan pour uti­li­ser les musicien.ne.s, l’in­dus­trie de la musique, pour aider à don­ner cette valeur, pour mettre Yel­lowk­nife sur le devant de la scène. Car si les musicien.ne.s com­mencent à par­ler de Yel­lowk­nife, à faire des clips vidéo qui valo­risent cet espace, à mon­trer la terre dans leurs vidéos. Ces vidéos pour­raient être vues par­tout dans le monde […] La musique pour­rait encou­ra­ger les tou­ristes à venir, mais aus­si aider Yel­lowk­nife et les Ter­ri­toires du Nord-Ouest à faire par­ler d’eux. Je ne sais pas, mais par­fois j’ai l’im­pres­sion que beau­coup de gens veulent aider, mais ne veulent pas aller sur le ter­rain pour culti­ver quelque chose, ou aider quel­qu’un à même le sol pour les aider à se lever. Iels attendent juste que la per­sonne essaie de s’é­le­ver toute seule, et quand elle se lève, ensuite vont vers [elle] pour dire : « d’ac­cord, main­te­nant je veux t’accompagner. » […].

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : J’au­rais une autre ques­tion que beau­coup de gens ont sou­le­vée. Quels outils et quel sou­tien des orga­ni­sa­tions comme la mienne, mais aus­si au niveau natio­nal, d’autres orga­ni­sa­tions musi­cales ou des orga­ni­sa­tions gou­ver­ne­men­tales pour­raient-elles appor­ter pour conti­nuer à offrir un sou­tien et à assu­rer la per­ti­nence et la via­bi­li­té du sec­teur de la musique, et qu’est-ce qui serait rai­son­nable ou qu’est-ce que vous consi­dé­re­riez comme radical ? 

-  En termes de sou­tien gou­ver­ne­men­tal, les Ter­ri­toires du Nord-Ouest donnent l’impression d’a­voir vingt ans de retard sur tous les autres. En ce qui me concerne, l’une des plus grandes dif­fi­cul­tés que je ren­contre actuel­le­ment est qu’il m’est très dif­fi­cile de pour­suivre une car­rière à Yel­lowk­nife, alors je voyage beau­coup. Je recon­nais que j’ai ce pri­vi­lège, mais c’est comme si je ne pou­vais pas vrai­ment [faire autre­ment]… Je le fais à ce stade de ma car­rière pour me faire connaître dans plus d’en­droits et, dans cer­tains cas, je subis une perte et ne gagne même pas d’argent en allant à Cal­ga­ry, ou Edmon­ton, ou ailleurs pour faire ces choses. J’ai contac­té le gou­ver­ne­ment […] pour savoir où en est le sou­tien aux tour­nées pour les musicien.ne.s des TNO. Je n’aime pas vrai­ment faire cela. 

Je n’aime pas vrai­ment faire cela parce que j’ai l’im­pres­sion de croire que des choses me sont dues, mais en même temps, je suis déjà confron­té à ces obs­tacles : Je suis plus loin dans le pays que tout le monde, j’ai des coûts sup­plé­men­taires, et mes autres homo­logues du Nord ont beau­coup plus de fonds et de sou­tien pour pou­voir le faire. Je pense donc qu’une orga­ni­sa­tion (comme le RCNM) et d’autres pour­raient nous aider à faire pres­sion sur le gou­ver­ne­ment : «  Hé ! Pour rendre cela acces­sible à certain.e.s musicien.ne.s nor­diques très talentueux.euses. nous devons…» . Il y a tel­le­ment de talent qui sort des TNO en ce moment. Pas seule­ment en musique, mais aus­si en écri­ture. C’est assez fou. J’ai l’im­pres­sion que nous avons encore beau­coup d’obs­tacles à sur­mon­ter pour atteindre les mar­chés aux­quels nous devons accé­der pour nous faire une place sur la scène. Quelle que soit la scène dans laquelle vous vous trou­vez. J’ai quit­té une car­rière d’en­sei­gnant à plein temps juste avant COVID. 

- Outch ! (Rires du groupe)

- Cela fait quatre ans que je m’a­charne sur cette ques­tion, ce qui, je le sais, n’est rien com­pa­ré à beau­coup d’autres per­sonnes, et c’est juste pour avoir un sou­tien sup­plé­men­taire de la part d’autres per­sonnes qui ont les moyens de faire des recherches. (…) Et il y a des recherches sur ce dont vous par­lez, je ne me sou­viens plus de qui c’é­tait, […] mais iels ont spé­ci­fi­que­ment étu­dié l’im­pact de la musique autoch­tones et des pre­mières nations sur les com­mu­nau­tés et les béné­fices éco­no­miques (voir le lien au bas de la page) et j’ai sor­ti ça et je l’ai mis dans des plans d’af­faires et d’autres choses, mais des recherches plus solides sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en géné­ral, je pense que ça aide­rait les musicien.ne.s à vrai­ment […]. | Je pense qu’une recherche plus solide sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en géné­ral aide­rait les musicien.ne.s à vrai­ment prou­ver leur valeur et leur uti­li­té si nous devons la jus­ti­fier en termes de résul­tats, ce qui est sou­vent le cas en termes de finan­ce­ment et de sou­tien gouvernemental.

- Nous devons tou­jours le faire (les gens acquiescent).

-Ce n’est pas comme si les gens étaient : « Oh, créez votre art, nous n’at­ten­dons rien ». Il serait donc pro­ba­ble­ment utile de faire pres­sion pour ren­for­cer cette voix et de mener des recherches. 

- Il y avait du sup­port par le Nor­thern Per­for­mers Grant. Je pense qu’il s’a­gis­sait d’un excellent pro­gramme. […] Ça n’existe plus. Je ne sais pas pour­quoi. Il n’y a pas moins d’argent, mais il y a eu toute une trans­for­ma­tion du finan­ce­ment de l’art que nous sommes toustes en train d’ap­prendre à connaître. En gros, il y a les petites, les moyennes et les grandes demandes. Pour une grande demande, il faut être une socié­té et c’est cent mille dol­lars, mais ce n’est pas pour le tra­vail indi­vi­duel. Pour une petite demande, c’est cinq mille dol­lars, que nous pour­rions pro­ba­ble­ment toustes obte­nir, mais c’est seule­ment une fois par an. Et cela ne fonc­tionne pas pour quelqu’un.e qui a besoin de quit­ter 3–4‑5 fois par an pour faire une tour­née. Ensuite, vous vous adres­sez au Conseil des arts du Cana­da et à FACTOR, ce qui est bien, mais vous atten­dez la moi­tié d’une année en croi­sant les doigts pour que cela se concré­tise ou vous allez devoir vous endet­ter pour faire cette tour­née. C’est difficile.

-  Et elles ne sont pas très acces­sibles (les sub­ven­tions). Cela peut paraître bizarre, mais je me consi­dère comme une per­sonne assez édu­quée, sou­te­nue par mon père entre­pre­neur-colo­ni­sa­teur qui m’aide à navi­guer dans le sys­tème colo­nial de demande de sub­ven­tions et de tout ce qui s’y rat­tache. Je vois beau­coup de gens talentueux.ses qui ne peuvent tout sim­ple­ment pas navi­guer dans ce sys­tème. Je suis ici en train de me cogner la tête contre le mur et j’ai beau­coup de res­sources der­rière moi. C’est triste de voir que des gens très talentueux.ses. ne peuvent pas obte­nir (la sub­ven­tion). Je pense que nous fai­sons peut-être un meilleur tra­vail à Yel­lowk­nife, mais je pense que des com­mu­nau­tés sont oubliées.

- Je vais uti­li­ser un gros mot, je suis déso­lé et je m’excuse devant tout le monde : « Et si tu avais un.e gérant.e ? » Qui s’oc­cupe de la pape­rasse, du défri­chage, de l’ex­ca­va­tion, etc. à ta place ?

- Cela fait quatre ans que j’es­saie de trou­ver un.e gérant.e ! […] Dans le Nord… Avant qu’un.e. mana­ger ne vous prenne, iel veut être sûr que vous allez lui rap­por­ter assez d’argent pour lui don­ner son 10 à 15 %. Vous devez d’a­bord le prou­ver par vous-même. Avec de l’aide et des rela­tions, j’ai essayé d’ap­pro­cher de grands noms, mais aus­si de petits noms. Ils m’ont don­né des conseils.  Les conseils : Je dois amé­lio­rer mes pro­fils dans les médias sociaux. – Ce que je déteste ! Ce n’est pas ain­si que je veux inter­agir avec le monde. – Et d’être essen­tiel­le­ment plus connu. Il faut un trem­plin et nous ne l’a­vons pas pour l’ins­tant. Et c’est ce que les orga­ni­sa­tions peuvent faire, à mon avis, en plai­dant pour ce tremplin.

- Ça marche, oui.

(Les participant.e.s dis­cutent de leurs expé­riences spé­ci­fiques en matière de demande de sub­ven­tion pour des pro­jets à petites échelles dans les Ter­ri­toires du Nord-Ouest)

- Mon expé­rience est bonne. Par exemple, si vous vou­lez faire un nou­vel album, vous devez faire une demande. Il faut comp­ter entre 15 000 et 20 000 dol­lars pour faire un album aujourd’­hui. Je ne pense pas que ce soit un mon­tant éle­vé, vrai­ment pas. Si vous l’ob­te­nez, on vous donne géné­ra­le­ment la moi­tié de cette somme. Ce qui est très frus­trant. Je com­prends, j’ai par­lé aux employé.e.s et iels font ça parce qu’iels veulent que plus d’argent aille à plus de gens, ce qui est juste et bien. Mais en tant que musicien.ne., vous devez faire le tour et essayer de trou­ver d’autres per­sonnes qui sont prêtes à inves­tir dans ce pro­jet. C’est le tra­vail d’un musicien.ne je suppose. 

Je pense donc qu’il existe un sou­tien aux petits pro­jets, ce que nous avons réus­si à faire dans de nom­breux sec­teurs. Le sec­teur ciné­ma­to­gra­phique, par exemple, est très bon lors­qu’il s’a­git d’of­frir une for­ma­tion pro­fes­sion­nelle aux débutant.e.s et de la rendre acces­sible. Mais il faut atteindre un cer­tain stade […] Il y a tel­le­ment d’obs­tacles à l’ac­cès et à des­cendre vers le sud. Alors on part en tour­née et je n’ai pas par­ti­cu­liè­re­ment envie de pas­ser autant de temps à l’ex­té­rieur… mais j’en ai besoin. Et c’est dif­fi­cile. Et je n’ai pas d’en­fants. À part mon amour pour Yel­lowk­nife et ma mai­son, je n’ai pas autant de choses qui me retiennent ici que bien des gens, alors j’ai moins d’obs­tacles que bien des gens, je crois.

- Je pense que le revers de la médaille est de savoir com­ment, en tant qu’ar­tistes, nous nous frayons un che­min sur le grand mar­ché plus vaste au sud mais en ce qui concerne la ques­tion de la péren­ni­té, il s’a­git de savoir com­ment nous pou­vons, une fois de plus, faire venir plus d’ar­tistes ici pour ins­pi­rer la créa­tion ici ? Nous pou­vons donc faire des pre­mières par­ties des gens, ça on peut le faire. Je sais que j’ai pro­ba­ble­ment eu cette conver­sa­tion avec de nom­breuses per­sonnes dans cette salle. Nous sommes confron­tés à un vrai pro­blème à Yel­lowk­nife, celui de ne pas avoir de salle de spec­tacle autre que le NACC (The Nor­thern Arts and Cultu­ral Centre), qui est conçu pour offrir un type d’ex­pé­rience artis­tique très spé­ci­fique. Ce centre est génial, il faut le dire. Mais il n’y a pas de places debout, pour dan­ser, pour les genres de diver­tis­se­ments qui ne sont pas des­ti­nés à ce type d’installation.

- Sur­tout si vous avez moins de 19 ans (les gens acquiescent). Je me sou­viens avoir assis­té à la chose la plus ridi­cule qui soit. Un groupe de musique était rejoint par son bat­teur. Le bat­teur avait dix-sept ans et devait être escor­té jus­qu’à la scène par l’agent de sécu­ri­té. L’agent de sécu­ri­té a atten­du près de la scène jus­qu’à la fin du concert, puis a escor­té le pauvre jeune gar­çon jus­qu’à la sor­tie. C’est une énor­mi­té pour moi. Les per­sonnes qui envi­sagent une car­rière dans les arts du spec­tacle n’ont rien vécu pen­dant ces années de for­ma­tion, entre 14 et 19 ans. C’est au cours de ces années que j’ai com­men­cé à jouer dans les cir­cuits de tour­née et à assu­rer la pre­mière par­tie de grands groupes, etc. C’est une chose fon­da­men­tale que d’ac­qué­rir cette expé­rience. C’est à ce moment-là que l’on est expo­sé à l’in­dus­trie, que l’on voit com­ment elle fonc­tionne, que l’on voit com­ment les concerts sont orga­ni­sés, que l’on ren­contre des organisateur.rice.s, des res­pon­sables de la vente de mar­chan­dise, d’autres musicien.ne.s, tout ce genre de choses. Il n’y a rien de tel pour les jeunes ici, à l’ex­cep­tion de Folk on the Rocks, et je pense que c’est dû au manque d’es­paces phy­siques. Mais il se peut que je sois extrê­me­ment par­tial à cet égard.

- C’est aus­si une période où il est plus accep­table d’é­chouer ; quand on est jeune. 

- Abso­lu­ment

- Main­te­nant, j’ar­rive à la tren­taine et j’ap­prends toutes ces choses et les gens s’at­tendent à plus de per­fec­tion, mais je me demande com­ment diable je suis cen­sé savoir com­ment faire cela si je ne l’ai jamais fait comme ça auparavant.

- C’est là que les salles indé­pen­dantes acces­sibles doivent inter­ve­nir. Il y avait un pub dans ma ville natale où nous jouions. Quand mon groupe avait qua­torze ans. C’é­tait 2 dol­lars le billet, on gar­dait un dol­lar pour chaque billet ven­du et ensuite le pub se fai­sait de l’argent avec les bars et d’autres choses, mais le niveau d’entrée était inexis­tant. On était vrai­ment nuls (tout le monde rit) mais on fai­sait venir une cin­quan­taine d’étudiant.e.s qui s’amusaient et on appre­nait tel­le­ment de choses en fai­sant ça. Nous étions un groupe de métal et nous avons ouvert pour Napalm Death. C’é­tait une expé­rience impor­tante ! On peut voir des groupes pro­fes­sion­nels, c’est une expé­rience tel­le­ment impor­tante pour le développement.

- Je dirais que nous avons l’autre visage de cette même pièce, la façon dont les grandes orga­ni­sa­tions artis­tiques pour­raient poten­tiel­le­ment aider à sou­te­nir plus d’ar­tistes venant ici et plus d’ar­tistes à aller dans le Sud, c’est avec plus [de sou­tien aux lieux]. Mais avant de pou­voir mettre en place un pro­gramme d’é­change, nous avons besoin de plus d’es­pace phy­sique. L’ob­jec­tif final étant de créer une com­mu­nau­té musi­cale plus rési­liente, l’un des moyens serait d’a­voir des échanges bien éta­blis. Des échanges d’ar­tistes en rési­dence où nous pour­rions envoyer des gens d’i­ci dans le Sud et en échange nous pour­rions faire venir des artistes de là-bas. Je pense qu’il serait très utile de faire cela et d’a­voir des orga­ni­sa­tions artis­tiques plus impor­tantes comme le CAC (Conseil des arts du Cana­da) ou le RCNM qui aide­raient à créer les infra­struc­tures néces­saires à ce type d’échanges.

- À ce pro­pos, l’une des choses que j’ai trou­vées les plus utiles dans cette idée de construire des rela­tions entre le sud et au sein de notre com­mu­nau­té est cette attente d’être inté­gré dans la com­mu­nau­té, d’être humble et de reve­nir. Si je regarde les per­sonnes qui sont reve­nues plu­sieurs fois, je leur ai dit : « Je ne vous lais­se­rai pas tom­ber », mais l’i­dée que les gens viennent et repartent une fois, c’est bien et cela apporte un petit élan d’éner­gie, mais ce n’est pas durable. Si vous vou­lez com­men­cer à nouer des rela­tions avec des gens, je pense que l’une des choses les plus fortes que vous puis­siez faire dès le départ est de leur dire pour com­bien de temps vous êtes inves­ti. Est-ce que c’est pour une seule fois ? Et si c’est le cas, quelle en est la valeur ? Il peut y avoir une valeur énorme, mais je pense qu’il y a une valeur plus longue et plus pro­fonde dans la dura­bi­li­té ; dans la construc­tion de rap­ports où les gens reviennent, ou vous allez là-bas. Ensuite, cela se construit, se recons­truit et se déve­loppe encore davantage..

- Je pense aus­si qu’il y a des pré­cé­dents à cette attrac­tion pour ici, n’est-ce pas ? Je pense à Desi­rée Daw­son qui est venue pour une rési­dence à Folk [on the Rocks], et qui depuis, de son propre chef, est venue deux fois de plus parce qu’elle aime cet endroit, ce que je trouve plu­tôt cool. Il y a un pré­cé­dent qui sug­gère qu’une fois que les gens sont là, ils se disent : « Oh, nous pour­rions reve­nir encore… ».

- C’est quelque chose que nous pour­rions tous faire, nous devrions avoir une petite orga­ni­sa­tion infor­melle qui couvre d’a­mour les musicien.ne.s en visite.

(Tout le monde rit)

- Tout le monde est si gen­til ici

- Nous fai­sons du bon tra­vail dans ce domaine ! 

(L’au­di­toire approuve)

- Car­men Bra­den : Je veux dire qu’avec les gens pré­sents ici [dans la salle]|. Il y a déjà beau­coup de liens avec Edmon­ton ici. Nous venons d’ac­cueillir quatre artistes d’Ed­mon­ton. Les gens vont à l’é­cole là-bas. Vous pas­sez du temp à Edmon­ton, vous êtes comme le groupe de reprises de musique clas­sique (en plai­san­tant sur le qua­tuor à cordes Gar­neau). C’est ain­si que j’ap­pelle l’[orchestre sym­pho­nique]  (rires du public). Pour moi, c’est une petite graine qui peut pousser.

-  Je pense que les artistes […] [nous fai­sons] un assez bon tra­vail pour faire venir des artistes du Nord par le biais de dif­fé­rentes rési­dences, mais pas néces­sai­re­ment quand il s’agît d’envoyer des artistes d’ici dans d’autres rési­dences… Le simple fait de par­ti­ci­per aux rési­dences Folk on the Rocks, Mo Ken­ney, est venue ici, nous avons fait des spec­tacles ; c’était le même pro­gramme que Dési­rée Daw­son, et je me suis dit : « C’est cool et je suis vrai­ment heureux.se de ren­con­trer quel­qu’un, de col­la­bo­rer et de faire toutes ces choses, mais ce serait cool si je pou­vais aus­si aller là-bas ». Le finan­ce­ment n’est pas pré­vu pour cela, et je pense que ce serait une vraie réci­pro­ci­té. Yel­lowk­nife attire beau­coup de monde parce qu’elle est iso­lée, c’est une par­tie du Cana­da que beau­coup de gens ne connaissent pas, et nous par­ve­nons très bien [à atti­rer les artistes]. Mais je pense qu’en termes de réci­pro­ci­té, il est éga­le­ment impor­tant que nous fas­sions connaître nos musicien.ne.s dans le reste du Canada.

- Je pense que les musicien.ne.s de Yel­lowk­nife, des Ter­ri­toires du Nord-Ouest, et du Nord en géné­ral, ont tou­jours une telle ori­gi­na­li­té dans l’art qu’ils créent, je pense à Lee­la Gil­day, à Miran­da Cur­rie et à beau­coup de gens qui ont com­men­cé dans le Nord et y sont res­tés, nous avons une approche un peu dif­fé­rente de la musique et aus­si sim­ple­ment grâce à notre lien avec le Nord… J’ai l’im­pres­sion que nous envoyer dans le Sud pour aller par­ler aux musicien.ne.s du Sud et inter­agir avec les gens serait très pré­cieux autant pour nous que pour elleux, car c’est un point de vue très unique que nous avons.

Cette par­tie de la dis­cus­sion a été ani­mée par Rob Elo, qui a fait part de son expé­rience de par­ti­ci­pa­tion à l’in­cu­ba­teur musi­cal canadien

-Rob Elo : J’ai par­ti­ci­pé au pro­gramme de l’incubateur musi­cal cana­dien à Toron­to, c’est là que j’ai posé ma can­di­da­ture pour par­ti­ci­per à ce pro­gramme où l’on prend des musicien.ne.s de tout le pays. Il s’a­git essen­tiel­le­ment d’un cours de cinq semaines sur la façon d’être un.e musicien.ne dans le monde moderne, d’ex­plo­rer toutes les pos­si­bi­li­tés de gagner de l’argent et d’ap­prendre à connaître tous les types de per­sonnes, producteur.rice.s, ingénieur.e.s, co-auteur.rice.s, coachs, vidéo­graphes et toustes cel­leux avec qui il faut tra­vailler. Com­ment tra­vailler avec ces per­sonnes et apprendre qui elles sont, ou du moins qui elles sont dans la com­mu­nau­té toron­toise. C’é­tait une expé­rience vrai­ment cool d’al­ler là-bas et de faire ça, et tout le monde dans ce pro­gramme […], com­men­cé il y a envi­ron douze ans, par une per­sonne qui est un ancien cadre de Sony et qui s’est dit : « Je veux aider les jeunes musicien.ne.s, je veux donner […] ».

- J’ai éga­le­ment sui­vi le pro­gramme. J’é­tais à Cal­ga­ry l’an­née dernière.

- Rob Elo : J’ai­me­rais savoir com­ment cela s’est pas­sé pour toi. Ce que j’en ai pen­sé, c’est que c’é­tait génial et que tout le monde là-bas vou­lait vrai­ment aider. Nous sommes très loin d’el­leux mais cela m’a vrai­ment aidé à les rejoindre. Tu y es allé ?

- Oui, je suis allé à Cal­ga­ry, au Bell Stu­dio, pen­dant cinq semaines.

- Rob Elo : Oh, c’est vrai ! Tu devrais abso­lu­ment en par­ler aus­si ! Mon expé­rience m’a beau­coup appris sur les droits et les rede­vances que je peux obte­nir ; elle m’a don­né beau­coup de res­sources pour du conte­nu. J’ai fil­mé des vidéos de per­for­mances en direct, j’ai fait des séances de pho­tos, j’ai fait des séances d’é­cri­ture col­la­bo­ra­tive avec des gens. J’ai noué de nom­breuses rela­tions. Et toustes les par­ti­ci­pants au pro­gramme m’ont dit d’appeler à tout moment si jamais […] tout le monde avait l’air très enthou­siaste à pro­pos de Yel­lowk­nife. C’est ce qui m’a fait dire que je venais de Yel­lowk­nife. Je suis un poseur. (Tout le monde rit) Je ne suis pas comme vous autres, mais main­te­nant j’ai fait de Yel­lowk­nife ma mai­son, et je suis tel­le­ment exci­té d’être ici et de tra­vailler avec tout le monde. Mais je suis arri­vé ici il y a seule­ment deux ans. Certain.es d’entre vous sont donc de vrais habitant.e.s de Yel­lowk­nife. Je pense que le reste du Cana­da est très enthou­siaste à chaque fois que vous men­tion­nez Yel­lowk­nife. « Oh mon Dieu ! ». Je tavaillais avec ce pro­duc­teur. Il m’a dit : « d’où viens-tu exac­te­ment ? » Et je lui ai mon­tré sur la carte où se trouve Yel­lowk­nife. Il m’a dit : « Oh la la ! ». Mais j’ai trou­vé…, et j’ai­me­rais que tout le monde, en par­ti­cu­lier les per­sonnes qui ont sui­vi le pro­gramme, si vous pen­sez que l’on pour­rait uti­li­ser quelque chose comme cela ici ? 

Ce qu’il y a de bien avec ce pro­gramme, c’est qu’il vous donne toutes ces infor­ma­tions sur les droits et les rede­vances, tous ces contacts, ces listes de per­sonnes, ces listes de sub­ven­tions que vous pou­vez deman­der, ou ce que les gens […] qui sont au cœur de l’in­dus­trie, qui tra­vaillent avec les prix Juno et qui sont affi­liés à… Iels sont  par­tout, et encore une fois, iels se déplacent dans tout le pays pour don­ner ce genre d’a­te­liers. Pas encore à Yel­lowk­nife, mais peut-être… Tout a été conden­sé, et vous avez un dos­sier conte­nant tous les contacts, les sub­ven­tions et les orga­ni­sa­tions. Voi­ci toutes les orga­ni­sa­tions. Voi­ci un plan que vous pou­vez suivre, où vous pou­vez prendre ce que vous vou­lez, trou­ver votre direc­tion. Parce qu’en tant que musicien.ne.s, je trouve que ce n’est pas comme :« Qu’est ce que vous faites ? Oh, vous vou­lez être musicien.ne. D’ac­cord ? C’est comme ci. Comme ça. »  Non ! Ça peut être fou. Ça peut être n’im­porte quoi, et ça peut chan­ger à tout moment, en fonc­tion de ce que vous vou­lez et de la situa­tion dans laquelle vous vous trou­vez. Et j’ai l’im­pres­sion qu’iels l’ont com­pris. Vous avez des entre­tiens indi­vi­duels avec des gens qui vous disent :« D’ac­cord, voi­ci ce que vous vou­lez faire. Voi­ci les per­sonnes que vous vou­lez rencontrer ».

- Ques­tion rapide : vous nous deman­dez direc­te­ment s’il serait judi­cieux d’in­vi­ter cette même orga­ni­sa­tion ? Pour orga­ni­ser une semaine d’activité à Yellowknife ?

- Rob Elo : Oui.

- D’a­près votre expé­rience, et pour reve­nir à la ques­tion de l’in­fra­struc­ture, pen­sez-vous qu’un tel pro­gramme peut fonc­tion­ner avec l’in­fra­struc­ture actuelle de Yellowknife ?

- Rob Elo : Je pense qu’une ver­sion de ce pro­gramme peut, oui, […] Je pense que tout ce que vous dites, c’est que nous avons besoin de plus de lieux. Nous avons besoin de plus de sou­tien pour les lieux et pour avoir cette sorte de dyna­misme qu’une ville devrait avoir, et où vous pou­vez aller dans beau­coup d’en­droits. Et oui, il y a un café génial où il y a de la musique folk toutes les semaines. Et oui, il y a une atmo­sphère de bar. Et oui, il y a une salle ouverte à toustes où les enfants qui s’in­té­ressent à n’im­porte quel type de musique peuvent orga­ni­ser leurs propres spec­tacles et faire venir leurs ami.e.s sans se faire escor­ter par la sécu­ri­té. En ce qui concerne l’in­cu­ba­teur musi­cal cana­dien, je suis arri­vé à une époque plu­tôt cool, parce qu’avant  c’était situé à l’ex­té­rieur de Toron­to, dans une sorte d’es­pace clos où tout était fait à l’in­terne. C’é­tait donc dix ans avant que je com­mence le pro­gramme. Je suis arri­vé la dou­zième année, et pen­dant dix ans, tout a été fait à l’ex­té­rieur de la ville. Il y avait un stu­dio d’en­re­gis­tre­ment. Il y avait des salles de confé­rence, des salles d’é­cri­ture et tout le reste. Iels ont donc fait venir tout le monde et iels ont pu faire toutes ces choses à l’in­té­rieur, et c’é­tait génial. 

Mais l’une des choses que j’ai le plus reti­rées du pro­gramme, c’est qu’il a été dépla­cé en plein centre-ville. Le bureau cen­tral n’a­vait pas encore été mis en place. L’une des choses que nous devions faire était donc de par­cou­rir la ville pour nous rendre dans les dif­fé­rents lieux qui accueillaient les évé­ne­ments. Nous sommes allés dans des stu­dios de musique locaux et nous avons tra­vaillé avec des producteur.rices.s locaux.ales. Nous sommes allés dans des lieux pour réa­li­ser ma vidéo en direct. Nous sommes allés dans un lieu où il y avait des spec­tacles live, et qui était éga­le­ment équi­pé pour faire un enre­gis­tre­ment vidéo en direct… Ain­si, vous n’a­vez pas seule­ment l’ex­pé­rience de tra­vailler avec tous ces gens et de faire toutes ces choses. Vous vous retrou­vés dans la ville. Et je pense que cela pour­rait être utile : « Voi­là ce qu’est Yel­lowk­nife ! ».  Évi­dem­ment, en amé­lio­ra­tion constante, avec l’es­poir de trou­ver de nou­velles salles et de nou­veaux endroits pour le faire. Mais si un pro­gramme de ce genre voyait le jour, nous pour­rions peut-être l’or­ga­ni­ser à dif­fé­rents endroits, à Yel­lowk­nife, et faire en sorte que des musicien.ne.s d’ici, jeunes, à n’im­porte quel stade de leur car­rière musi­cale, fassent des choses à dif­fé­rents endroits et voient com­ment cela pour­rait fonc­tion­ner. Quel­qu’un a‑t-il une opi­nion à ce sujet ?

- Il y a quatre ans, quel­qu’un a orga­ni­sé un ate­lier de deux jours avec l’IMC, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? J’ai une pho­to… (Les gens rient)

- Ce que j’ai appré­cié, c’est qu’il y avait des gens qui connais­saient bien les réa­li­tés du Nord, n’est-ce pas ? Et puis il y a des gens qui connaissent bien, et qui sont très com­pé­tents, en ce qui concerne les affaires de l’in­dus­trie musi­cale cana­dienne, les rede­vances et toutes ces choses. Et je pense qu’é­vi­dem­ment […] ce qui me pré­oc­cupe, ce sont les tour­nées, d’ac­cord ? J’ad­mets que per­sonne d’autre ne s’en pré­oc­cupe (les gens rient). On m’a dit […] « tu peux aller à FACTOR, tu peux faire ceci, tu peux faire cela ». D’ac­cord, si je veux aller dans les com­mu­nau­tés de Cal­ga­ry, c’est comme ça qu’il faut faire. Mais si je veux faire une tour­née nor­dique dans les TNO., la logis­tique et tout ce qui s’y rat­tache sont presque impos­sibles, à moins de s’as­so­cier au NACC. […] Avoir un hybride, une sorte d’IMC, et puis des gens qui ont vrai­ment […] beau­coup de connais­sances sur, vous savez, les sub­ven­tions et le finan­ce­ment. […] Il s’a­git donc d’un hybride entre l’in­dus­trie musi­cale et les réa­li­tés du Nord. Mais il y a aus­si les réa­li­tés du Nord qui, à mon avis, ne sont pas prises en compte lorsque nous nous tour­nons vers le Sud. 

-Bien sûr, oui

- Quand vous par­lez de tour­nées, vous par­lez de tour­nées dans le Nord ou dans le Sud. Les deux, oui ? 

- J’ai­me­rais bien faire une tour­née des écoles du Nord, par exemple, dans toutes les dif­fé­rentes com­mu­nau­tés, parce que je pense que la musique que je fais pour les enfants est, vous savez… C’est une musique autoch­tone du Nord en par­ti­cu­lier. Pour­quoi ne vou­drais-je pas trans­mettre ce mes­sage aux éco­liers, n’est-ce pas ? Et puis, il faut aus­si l’ap­por­ter aux [réserves] et à d’autres endroits dans le sud et ailleurs. J’ai­me­rais aus­si jouer dans des théâtres à places assises. J’ai­me­rais aus­si jouer… Je veux connaître toute la gamme […] com­ment faire pour que cela se pro­duise sans agent.e., parce que je n’en ai pas.

- Bien sûr, bien sûr.

-  Eh bien, oui, j’ai presque l’im­pres­sion que […], même en voyant tout le monde ici main­te­nant, nous pour­rions presque avoir les res­sources néces­saires. Mettre les res­sources en com­mun. Parce que je sais que cer­taines per­sonnes ici connaissent le Nord… En tout cas, [les gens] ont été for­mi­dables, comme tou­jours, en par­ta­geant des infor­ma­tions sur les sub­ven­tions que nous pou­vons deman­der, sur ce à quoi elles servent. […] Vous avez beau­coup d’in­for­ma­tions à ce sujet, sur les dif­fé­rents endroits autour de Yel­lowk­nife, où l’on peut orga­ni­ser des spec­tacles de ce genre. Cer­taines per­sonnes ont cette infor­ma­tion. Ce serait bien d’a­voir cela… l’IMC  avait tout ça dans un joli petit paquet. Et nous n’a­vons pas néces­sai­re­ment besoin que l’IMC le fasse pour nous, mais si nous pou­vions d’une manière ou d’une autre ral­lier les troupes et avoir cette sorte de chose acces­sible, vous savez, peut-être sous la forme d’un programme.

- Je pense que l’hy­bride est […] oui, ces deux choses sont cool.

- Quel était le nom de ce programme ?

- Rob Elo : L’in­cu­ba­teur musi­cale canadien

- La musique cana­dienne, l’œuf à par­tir duquel vous éclo­sez,  faire éclore de la nou­velle musique. 

- Rob Elo : C’est vrai, oui (rires du public). J’ai l’im­pres­sion que… Je n’ai pas encore l’im­pres­sion d’a­voir com­plè­te­ment éclos, avez-vous une expé­rience du programme ?

-  J’é­tais super enthou­siaste à l’i­dée d’y par­ti­ci­per […]. Quand j’y suis allée, je me suis dit : « Ok, c’est le bon tuyau. Voi­là les rela­tions que je dois éta­blir, les choses que je dois faire pour arri­ver là où je veux arri­ver. […] J’y ai accor­dé beau­coup d’importance. 

- Oui.

- C’est un excellent pro­gramme […] et j’ai noué de nom­breux contacts. Je pense que ce que j’ai rete­nu, c’est que j’ai eu une petite crise exis­ten­tielle à mon retour, pour vous dire la véri­té, parce que […] les gens qui étaient dans ce pro­gramme ont tra­cé très clai­re­ment un cer­tain che­min vers la réus­site et mon che­min […] est très dif­fé­rent de ce qui était tra­cé comme ce che­min vers la réus­site. Et, je veux dire, c’est juste moi en tant que per­sonne. J’aime faire des choses dif­fi­ciles. (Tout le monde rit).

- C’est vrai. Iels aiment vrai­ment… vous savez, iels sont comme « les médias sociaux ! ». Donc si vous n’é­tiez pas sur les médias sociaux…

- C’est ce que j’ai fait après y être allé, j’é­tais sur Face­book, et j’ai embau­ché une per­sonne char­gée des médias par la suite, et main­te­nant je suis sur Tik­Tok et Ins­ta­gram […]. Nous avons créé du conte­nu sur un calen­drier, en le publiant chaque semaine, nous étions capables de créer ce conte­nu six mois à l’a­vance. Iels m’ont donc ensei­gné beau­coup de com­pé­tences de cette manière. […] et c’est à moi de pour­suivre dans cette voie, ce que je ne fais pas vrai­ment. […] Je vais juste être très hon­nête, parce que je pense que c’est impor­tant, et je pense que nous avons toustes ces pen­sées. Je me suis dit : « Wow ! Je ne suis pas aus­si bon.ne que la plu­part des autres participant.e.s au pro­gramme […], iels ont vrai­ment du talent ! » […] iels ont aus­si, […] la plu­part d’entre elleux, je pense, une cer­taine appa­rence pour être vrai­ment com­mer­cia­li­sables là-bas. Et je ne res­semble pas à ça. Ce n’est pas moi. Et j’en suis res­sor­tie avec un sen­ti­ment de : « Oh, mon Dieu, est-ce que je fais ce qu’il faut ? ».  Et je pense que nous sommes toustes confronté.e.s à cette situa­tion, c’est pour­quoi je tiens à la par­ta­ger. Nous avons toustes des doutes quelque part. 

- Tout à fait.

- Et puis […] j’ai eu l’im­pres­sion que ma voix n’é­tait pas assez bonne. Je n’a­vais pas le bon look, et mes médias sociaux étaient nuls. C’est ce que j’ai appris en sor­tant de ce pro­gramme. Mais c’é­tait vrai­ment génial, parce que per­sonne d’autre ne m’au­rait dit ça.

- Oui, c’est vrai. (Tout le monde rit)

- L’é­té der­nier, j’ai pas­sé l’é­té à Van­cou­ver, où j’ai pris des cours de chant pri­vés auprès d’un.e. professeur.e. […] Vous savez : « Ok, je vais amé­lio­rer ma voix ». J’y suis allée et […] J’en ai appris davan­tage sur les médias sociaux, et je suis tou­jours aus­si nulle. Je pré­fé­re­rais confier cette tâche.

- Tota­le­ment

- 100%

 – J’ai pas­sé l’hi­ver à écrire deux albums, un nou­vel [album pour] enfants et un nou­vel [album pour] adultes […]. Par­ler aux gens de ce pro­gramme, ouais, ça m’a vrai­ment aidé. Par­ler avec des gens de ce pro­gramme, oui, a été très utile : « Hé, qu’est-ce que vous en pen­sez ? ». Et avoir une vraie cri­tique, une cri­tique artis­tique du tra­vail des gens, c’est très utile aus­si. Il n’est pas néces­saire de suivre ce pro­gramme pour cela, mais c’est ce qui s’est pas­sé. Il m’a per­mis de m’ef­fon­drer pour me reconstruire.

- Rob Elo : Oui, j’ai res­sen­ti la même chose. Et je me sens comme […], ce, vous savez, cette conver­sa­tion, ou ce moment, vous par­lez ici à vous tous. J’é­tais comme : « Ok, je l’ai en quelque sorte struc­tu­ré ». Et, bien sûr, ce n’est pas du tout ce que je pen­sais, mais je pense que l’un de mes grands thèmes était la direc­tion musi­cale et l’intention. C’est la rai­son pour laquelle j’ai sui­vi le pro­gramme au départ, j’é­tais comme : « Ok, quelle est ma direc­tion ? ». J’ai pas­sé tel­le­ment de temps à jouer dans des groupes, à jouer avec d’autres per­sonnes, à faire par­tie d’un groupe, ce que j’a­dore, et je le fais tou­jours, et c’est la meilleure chose qui soit, mais je vou­lais vrai­ment avoir une direc­tion musi­cale pour moi-même. J’a­vais envie de prendre un peu les rênes, et je ne savais pas exac­te­ment com­ment faire, et c’é­tait presque une alter­na­tive à l’é­du­ca­tion for­melle, qui est tou­jours géniale et valable. Mais c’é­tait quelque chose comme […] « ok, tu veux être musi­cien et essayer une sorte d’al­ter­na­tive, écrire ta propre musique qui est comme, pop ou cen­trée sur le rock et en faire quelque chose. ». C’é­tait cool, mais ça m’a défi­ni­ti­ve­ment rame­né à cet endroit où je me suis dit : « Oh… ». C’é­tait génial, parce que tout le monde dans le pro­gramme était un peu dans cet espace, même sou­vent. Cer­taines per­sonnes étaient for­mi­dables. D’autres me disaient : « Oh, mon Dieu, tu es si doué ! ». 

Et puis d’autres per­sonnes […] peut-être que je n’ai pas autant vibré avec leur musique, mais tout le monde avait ce sen­ti­ment : « Qu’est-ce qu’on est ? Dans quelle direc­tion allons-nous ? Et j’ai l’im­pres­sion que tout le monde a fait une sorte de bilan. Le mien s’est fait dans la per­for­mance, et c’est pour­quoi c’est si cool […] parce que j’ai réa­li­sé que je jouais beau­coup de reprises, et que je jouais beau­coup dans des groupes. J’aime la musique que je joue dans les groupes, et j’aime jouer des reprises, tenir le rythme et des choses comme ça. Et je me suis ren­du compte que nous avions plu­sieurs per­for­mances à faire, ce qui est, je pense, une bonne chose pour tout le monde ; nous avions des per­for­mances à faire devant toute l’é­quipe. Nous avions la vidéo de la per­for­mance en direct, nous avons repro­duit un contexte de concert vitrine à la fin, où tout le monde a fait un set. Et je me suis ren­du compte qu’il n’y avait que moi qui jouais en solo. J’ai fait de la musique d’am­biance pen­dant si long­temps […]. Je ne sais pas ce que ça fait d’être juste moi en train de le faire, de mon­ter un spec­tacle. Je me suis ren­du compte que je n’ai­mais pas ma musique telle que je la jouais, [la façon dont] je la jouais pour les gens. […] C’é­tait ma propre révé­la­tion. Et j’é­tais comme : « Oh mon Dieu ! ». C’est un coach qui m’a dit que […] il fal­lait trou­ver ce que l’on aimait vrai­ment, et que cela pou­vait ensuite être res­sen­ti par les gens […]. Le pro­gramme m’a en quelque sorte aidé à remar­quer où, que ce soit parce qu’on m’a dit, ce que je devais décou­vrir par moi-même. […] Je me suis tel­le­ment impré­gné de toustes ces musicien.ne.s, de toustes ces per­sonnes dif­fé­rentes, de ce sur quoi je devais tra­vailler, de ce que je vou­lais faire et de l’en­droit où je vou­lais aller.  […] Et j’ai res­sen­ti du déses­poir à cer­tains égards, mais c’é­tait bon. cela m’a conduit à…

- À l’in­cu­ba­teur de musique cana­dienne et du déses­poir ! (Tout le monde rit)

- Exac­te­ment, l’in­cu­ba­teur du désespoir !

(les gens rient plus fort)

- Je pense que si je devais offrir quelque chose aux gens du groupe, c’est que c’est ce qui est res­sor­ti de tout cela pour moi aus­si. […] J’ai beau­coup tra­vaillé avec [plu­sieurs per­sonnes] pour affi­ner ce que je vou­lais que ma musique soit et trou­ver […] J’ai pen­sé à cela comme à un énon­cé de thèse, parce que je fais des trucs pour enfants et des trucs pour adultes, n’est-ce pas ? […] Par exemple pour moi : « Oh, je crée un conte­nu autoch­tone nor­dique authen­tique qui est acces­sible aux enfants et aux familles » […] et essayer de dire aux gens quel genre de musique on joue, n’est-ce pas ? C’est tou­jours très dif­fi­cile. Mais si vous pou­vez avoir quelque chose de solide et de suc­cinct autour de cela, il faut beau­coup de tra­vail de fond pour entrer en vous-même en tant que musicien.ne et être comme : « De quoi s’a­git-il ? Qu’est-ce que je veux faire ? « . Et puis il y a cette phrase. Je pense que si chaque per­sonne dans cette pièce avait cette idée, nous serions toustes de meilleur.e.s musicien.ne.s.

- Oui, oui.

- Rob Elo : […] J’ai appris beau­coup de choses dans le cadre du pro­gramme, mais les dif­fé­rents orga­nismes de droits auprès des­quels vous pou­vez enre­gis­trer votre musique ori­gi­nale, et toutes les dif­fé­rentes sources de finan­ce­ment pos­sibles, [c’est] vrai­ment impor­tant main­te­nant de les mémo­ri­ser (en plai­san­tant). Tout le monde a enten­du par­ler de la SOCAN, n’est-ce pas ?

- Pas tout le monde.

Rob Elo : La SOCAN est une orga­ni­sa­tion où vous pou­vez enre­gis­trer votre musique et rece­voir des rede­vances. Vous rece­vez des paie­ments tri­mes­triels chaque fois que votre musique est jouée. […] vous pou­vez être payé lorsque votre musique est jouée et dif­fu­sée d’une manière que vous savez, pas seule­ment votre édi­teur (publi­sher), votre édi­teur (publi­sher) de musique vous don­ne­ra. Mais en fait, l’IMC m’a fait com­prendre que j’ou­bliais tou­jours de m’ins­crire à la SOCAN. […] J’ai joué dans beau­coup de groupes quand j’é­tais jeune, et nous n’a­vions jamais de compte à la SOCAN […] Nous étions juste comme : « c’est un truc mys­té­rieux dont je ne veux pas me pré­oc­cu­per ». Mais tu peux aller sur le site de la SOCAN, tu peux t’ins­crire, et tout ce que tu as écrit, tout ce que tu as fait avec d’autres groupes, tu peux mettre toute ta musique là-dedans, et à chaque fois que cette musique est jouée ou uti­li­sée, tu seras payé pour ça.  Et l’une des choses qui a été mar­te­lée à ce sujet, c’est qu’on ne sait jamais quand ces choses vont se pro­duire, où votre musique peut être uti­li­sée ou jouée, et si vous n’êtes pas bien orga­ni­sé, vous allez vous en mordre les doigts si vous n’êtes pas payé. […] L’une des choses que je ne sais pas, c’est si quel­qu’un d’autre ici joue dans des pro­jets comme des groupes, […] des scé­na­rios où il y a des par­tages ? […] Qui reçoit quoi ?

- Oui, je pense que c’est l’une des choses les plus impor­tantes, qu’il s’a­gisse de tra­vailler avec des groupes ou de jouer dans un groupe, c’est que cette dis­cus­sion ait lieu le plus tôt pos­sible pour des rai­sons de trans­pa­rence. Si quelque chose rap­porte beau­coup d’argent, il faut s’as­su­rer que tout le monde sait qui va rece­voir quoi et qu’on n’es­saie pas de le décou­vrir au mau­vais moment. 

-Rob Elo : Oui, exac­te­ment. C’est vrai­ment, encore une fois, en par­lant de ce qui a été dit, je m’en suis ren­du compte. Et main­te­nant que je fais mes propres trucs en solo, je me pré­pare à enre­gis­trer chaque mor­ceau de musique que je sors à tous ces endroits dont je par­le­rai plus tard. Mais pour les groupes dans les­quels j’ai joué et qui ont été joués dans dif­fé­rentes régions, je me dis : « Ah !  Nous n’en avons jamais par­lé ! ». C’est donc une bonne chose de tou­jours par­ler du par­tage. L’une des choses qui m’a frap­pée lorsque j’ai pas­sé mon entre­tien pour l’IMC et leur pro­gramme, c’est qu’ils m’ont appe­lée : « Hé, vous êtes un des can­di­dats que nous consi­dé­rons. Pou­vons-nous vous par­ler davan­tage de ce que vous faites et de ce qui vous convien­drait le mieux ? ». Ils vous posent toute une série de ques­tions, dont l’une est la sui­vante : « Quels sont les droits aux­quels vous avez droit ? Connais­sez-vous ce genre de choses ? » Pour une rai­son ou une autre, je connais la SOCAN, mais c’est à peu près tout. Vous pou­vez vous ins­crire à la SOCAN pour vos droits d’au­teur, mais vous pou­vez aus­si vous ins­crire pour vos droits d’é­di­tion et c’est un pro­ces­sus dif­fé­rent. Voi­là donc les droits d’au­teur dont vous disposez. 

De l’autre côté, vous avez vos enre­gis­tre­ments, vous pou­vez donc aus­si enre­gis­trer les enre­gis­tre­ments de votre musique, la par­tie méca­nique chaque fois que votre chan­son est jouée à la radio […]. Chaque fois que l’ [IMC] parlent de la dif­fu­sion de votre musique, il en parle comme d’une per­for­mance, ce que j’ai trou­vé inté­res­sant, parce que vous ne pen­sez qu’à une per­for­mance en direct, mais il s’a­git en fait d’une per­for­mance numé­rique éga­le­ment. […] Il y a aus­si l’as­pect « des bandes maî­tresses », c’est-à-dire la manière dont votre enre­gis­tre­ment est finan­cé. C’est un autre domaine de vos droits.

J’ai trou­vé vrai­ment fas­ci­nant d’ap­prendre toutes ces choses. J’ai main­te­nant une liste de choses à faire pour toute ma musique, et c’est en quelque sorte ce qu’il faut faire. Quand vous avez cette liste d’en­droits où vous pou­vez vous enre­gis­trer pour toute votre musique, pour obte­nir tous vos droits, vous avez l’im­pres­sion de faire des pro­grès. Parce que […] les bases sont cou­vertes. Lorsque vous faites ces démarches, ces démarches concrètes, […] pour vous assu­rer qu’au bout du compte, votre musique vous rap­porte de l’argent, et que vous serez prêt si votre musique est sou­dai­ne­ment reprise par [quelqu’un.e] d’une manière ou d’une autre. Et si vous com­men­cez à être écou­té, vous serez prêt à rece­voir vos droits d’auteur. 

- C’est jus­te­ment sur ce sujet que j’ai­me­rais inter­ve­nir. J’in­ter­viens ici pour me van­ter un tout petit peu, grâce à la SOCAN, je gagne envi­ron 100 $ par an. Quelqu’un.e quelque part, je ne sais pas qui ni où, fait jouer ma musique. […] Il faut que ce soit la radio, parce que je n’ai pas de vidéos ou autres. Ce sera donc la radio, mais quelque part dans le monde, et cela a été le cas à Terre-Neuve, en Nou­velle-Écosse, en Nou­velle-Zélande, en Pologne et dans d’autres endroits du monde qui m’ont dif­fu­sé d’une manière ou d’une autre, la SOCAN a donc décou­vert que ma musique avait été dif­fu­sée. La SOCAN a donc décou­vert que ma musique était jouée. 100 dol­lars par an, c’est l’é­qui­valent d’une caisse de bière, n’est-ce pas ? Mais c’est mieux que rien du tout, et cela signi­fie que quel­qu’un, quelque part, joue ou écoute votre musique. Alors si vous ne l’a­vez pas encore fait, allez‑y. C’est mon conseil pour ce qu’il vaut.

-  Je ne pense pas que vous l’ayez dit expli­ci­te­ment, mais l’autre aspect de l’é­cri­ture de chan­sons est que si vous n’êtes pas auteu­rice-com­po­si­teu­rice, vous êtes musicien.ne lors de l’en­re­gis­tre­ment d’un album, ce qui peut arri­ver à beau­coup de gens. Vous pou­vez per­ce­voir d’autres droits. C’est presque comme si vous fai­siez d’une pierre deux coups, si vous êtes auteu­rice-com­po­si­teu­roce et que vous jouez sur l’al­bum, que vous chantez… 

- Exac­te­ment. 

- Ce sont dif­fé­rentes sources de reve­nu aux­quelles vous pou­vez accéder.

- Rob Elo : Exac­te­ment. Oui, c’est vrai. Et tous ceux qui enre­gistrent [pour­raient] méri­ter des droits. C’est ce qui est inté­res­sant. Lorsque vous êtes […] un.e pro­prié­taire unique, essen­tiel­le­ment, lors­qu’il s’a­git de votre musique et que vous faites des enre­gis­tre­ments et que vous faites tout cela, vous avez accès à tous ces droits. Si vous avez une mai­son de disques et qu’elle pos­sède vos bandes maî­tresses ou autres, vous savez que vous ne col­lec­tez pas néces­sai­re­ment ces droits. Elle per­çoit les rede­vances pour une par­tie par­ti­cu­lière. Je vou­drais aus­si par­ler des licences de syn­chro­ni­sa­tion et de la pos­si­bi­li­té de faire jouer votre musique dans des émis­sions, des films et d’autres choses de ce genre. […) L’un.e d’entre vous a‑t-il déjà fait jouer sa musique dans des films ?

(Cer­taines participant.e.s hochent la tête)

Oui, c’est génial ! J’ai­me­rais beau­coup entendre par­ler de cette expé­rience, parce que ce que j’ai enten­du et appris de l’IMC et d’autres ami.e.s à qui cela est arri­vé, c’est que la plu­part du temps, pour les licences de syn­chro­ni­sa­tion… On parle de syn­chro­ni­sa­tion parce qu’il s’a­git de syn­chro­ni­ser la musique avec la vidéo […], mais c’est un peu comme si vous aviez une ver­sion de votre chan­son, vous devriez aus­si avoir une ver­sion ins­tru­men­tale. S’il y a des voix, vous devez avoir ces ver­sions prêtes à l’emploi, parce que si une émis­sion de télé­vi­sion ou un film veut choi­sir votre musique. Ils vous diront : « Hé, nous vou­lons la sou­mettre. Nous vou­lons l’u­ti­li­ser et la dif­fu­ser dès demain. Pou­vez-vous nous don­ner les fichiers wav ? Pou­vez-vous nous don­ner les fichiers mp3 et tous les fichiers dont nous avons besoin ? ». Donc, si vous n’a­vez rien pré­pa­ré et orga­ni­sé votre musique comme cela : « Ok, voi­ci la ver­sion ins­tru­men­tale, voi­ci la ver­sion finale, voi­ci tout ça. ». Vous allez rater une occa­sion. Est-ce que quelqu’un.e a eu cette expérience ?

- J’ai eu l’ex­pé­rience inverse en ce qui concerne la construc­tion de rela­tions et la connais­sance… Cer­tains pro­jets démarrent ami­ca­le­ment : « Oh, on va juste faire ça, ça et ça, et ce n’est pas for­mel ». Mais je pense que j’ai besoin d’en apprendre beau­coup plus à ce sujet, parce que cer­taines chan­sons que j’ai com­po­sées se sont retrou­vées dans des émis­sions et je n’en avais aucune idée à cause des rela­tions que j’ai entre­te­nues avec les per­sonnes à qui j’ai prê­té ou lais­sé ma musique. C’est la pape­rasse… J’ai appris que les ami.e.s ne sont pas seule­ment des ami.e.s, vous savez, n’est-ce pas ? 

- As-tu auto­ri­sé que quelqu’un.e d’autre que toi puisse contrô­ler et don­ner ta musique…

- Non, non, mais iels l’ont fait. C’é­tait une petite ville, d’an­ciens ami.e.s d’école, et j’au­rais pro­ba­ble­ment dû mettre ça sur papier.

- Stric­te­ment par­lant, bien que cela ne soit pas d’une grande aide, tu pos­sèdes les droits d’au­teur d’une chan­son. Dès que tu l’écris, tu n’as pas besoin d’en faire la demande. Vous n’a­vez pas besoin de signer de quelque manière que ce soit. Le simple fait de l’é­crire t’en donne la pro­prié­té. Tout ce que vous avez à faire, c’est de pou­voir le prou­ver au moment oppor­tun.  Quoi qu’il en soit, c’est vrai­ment, vrai­ment quelque chose qui doit appa­raître si vous allez enre­gis­trer un CD ou quoi que ce soit d’autre, et que vous allez l’é­crire : « Cette chan­son est de John Smith, pour la SOCAN ou de la mai­son d’é­di­tion John Smith ». Ce genre de choses vaut la peine d’être fait. Vous savez, quelle que soit la confiance que l’ on accorde à ses ami.e.s et ain­si de suite, il vaut tou­jours la peine de s’as­su­rer que son nom figure quelque part, d’une manière ou d’une autre. 

- Quand on a une ving­taine d’an­nées et qu’on ne sait pas… Je ne savais même pas que la SOCAN exis­tait, ni qu’on pou­vait s’ins­crire à ce genre de choses.

- Eh bien, c’est ça le pro­blème. Je suis déso­lée. Je me sou­viens d’a­voir pen­sé cela quand je sui­vais le pro­gramme et que j’é­tais dans la tren­taine. J’é­tais comme : « Oh, mon Dieu, j’au­rais ado­ré ça quand j’a­vais 20 ans ! ». Pour com­men­cer, gar­dez tous vos fichiers, orga­ni­sez vos droits lorsque votre chan­son est écrite, pla­cez-la dans un dos­sier qui indique « ceci est la ver­sion ori­gi­nale de l’en­re­gis­tre­ment » et ins­cri­vez-vous à la SOCAN pour l’en­re­gis­trer. C’est quelque chose qu’il faut tou­jours faire.

- Je pense qu’a­vec la SOCAN, et je pense aus­si avec la MROC (Orga­ni­sa­tion des droits des musi­ciens du Cana­da), il est pos­sible de faire en sorte que lorsque vous entrez vos infor­ma­tions, il y ait un élé­ment rétro­ac­tif, n’est-ce pas ? Je ne sais pas jus­qu’où cela peut aller pour l’instant. 

- Je l’ai fait, et ça remonte à un an ou deux, je crois…

- Ça remonte à quelques années seule­ment. Ça remonte jus­qu’aux années 90. 

- Oh, mon Dieu, oui ?

- Je crois oui.

- Un autre élé­ment inté­res­sant que j’ai décou­vert grâce à l’IMC, c’est qu’iels m’ont trou­vé de l’argent sur­prise, ce qui était vrai­ment génial ! [Les gens rient]. En ce qui concerne les spec­tacles que j’ai joués, par exemple, pour Folk on the Rocks, je peux vous dire que chaque set­list joué est enre­gis­tré dans une base de don­nées. Chaque set­list jouée est enre­gis­trée à la SOCAN, et la SOCAN paie ensuite la pres­ta­tion que vous avez faite. Les grands fes­ti­vals, les salles de spec­tacles, ce n’est peut-être pas le bar au bout de la rue qui fait ça. Mais je dirais que la plu­part des grands théâtres le font et quand je suis retour­né cher­cher ces repré­sen­ta­tions, il y en avait sept pour moi, et on m’a dit : « Oh, vous avez, comme… » : « Oh, vous obte­nez, comme – je pense, vous savez, pas beau­coup – peut-être 250 ou 300 dol­lars de paie­ment ! ». ou quelque chose comme ça.  Mais si vous n’êtes même pas enre­gis­tré, votre spec­tacle peut quand même avoir été entré pour vous. Ain­si, lorsque vous vous ins­cri­vez à la SOCAN, il se peut que vous ayez quelques pres­ta­tions qui n’ont pas encore fait l’ob­jet d’une récla­ma­tion de droits d’au­teur. C’est exact et vous pou­vez télé­char­ger des listes de chansons.

- Car­men Bra­den : D’ac­cord, c’est le temps d’avoir un moment Long­sha­dow. En tant qu’or­ga­ni­sa­trice de Long­sha­dow, j’ai une res­pon­sa­bi­li­té, je sais, alors toi et vous et toi (en plai­san­tant et en dési­gnant les musicien.ne.s dans la salle) Nous avons encore du tra­vail à faire, parce que je ne sais pas quel set, quels sont les noms de vos chan­sons dans votre set. Vous devez soit l’en­voyer à la SOCAN, soit me le dire et je dois l’en­voyer à la SOCAN. En tant que com­po­si­trice, j’ai tou­jours été confron­tée à cette situa­tion : « Non, c’est ton tra­vail. Non, c’est ta res­pon­sa­bi­li­té ! » Qui est res­pon­sable ? Alors peut-être que le Gar­neau pour­rait même inter­ve­nir ici. Lorsque vous don­nez un concert, est-ce que vous enre­gis­trez votre liste de chan­sons auprès de la SOCAN ? Ou faites-vous confiance à la salle pour le faire, ou atten­dez-vous de la com­po­si­teu­rice qu’iel sache quand vous jouez ses œuvres ? […] 

- C’est pour­quoi c’est pro­ba­ble­ment notre res­pon­sa­bi­li­té en tant qu’artistes. 

- Car­men Bra­den : C’est aus­si un peu une res­pon­sa­bi­li­té par­ta­gée. […] Se tenir mutuel­le­ment res­pon­sables. Donc, si vous jouez quelque part, vous devriez deman­der, par exemple, qui a enre­gis­tré ceci auprès de la SOCAN ? Avez-vous ache­té une licence ? […] Mon code de conduite est que j’es­saie d’a­mé­lio­rer le rap­ports aux affaires pour ce que je fais à Yel­lowk­nife, et de faire en sorte que ce soit un peu moins [à pro­pos] de mes ami­tiés. Nous pou­vons être ami.e.s, mais nous tra­vaillons ensemble, et si les choses tournent mal, nous serons professionnel.le.s. Nous nous res­pon­sa­bi­li­sons les un.e.s et les autres. Ce dont j’ai besoin dans cette ville, c’est que d’autres per­sonnes apprennent le métier et se res­pon­sa­bi­lisent les un.e.s les autres, pour que je ne rate pas trois ans de rede­vances face aux pièces des chan­sons des autres. Je devrais tout faire [mettre à jour] demain, mais je vais être fati­gué (tout le monde rit). Je suis curieuse, Gar­neau, de savoir ce que vous faites quand vous allez jouer ?

- En géné­ral, nous nous conten­tons d’es­pé­rer que les salles de concert font bien les choses.

- Et cela dépend beau­coup de la musique que nous jouons. 

- Pour­quoi cela dépend-il ? 

- Eh bien, la famille de Mozart ne sera pas payée. (Tout le monde rit)

- Mais c’est un bon point. Je pense que nous devrions infor­mer les com­po­si­teu­rices chaque fois que nous jouons leur musique, parce que je pense qu’il faut être membre de la SOCAN pour…

- Et il faut que votre chan­son soit enre­gis­trée, n’est-ce pas ? Donc, si vous avez écrit une nou­velle chan­son hier, qu’elle n’est pas ins­crite et qu’elle figure sur le pro­gramme, vous ne l’a­vez pas ins­crite. Vous ne rece­vrez pas d’argent pour cela.

- Non, mais c’est rétroactif.

- Ils attendent des membres qu’iels fassent le tra­vail. En ce qui nous concerne, nous pou­vons dire aux com­po­si­teu­rices que nous jouons leurs pièces. 

- C’est tou­jours très apprécié.

- C’est un bon point, car nous n’a­vons pas tou­jours le réflexe de le faire. 

- Non, je n’y pense pas tout le temps.

- Nor­ma­le­ment, cela devrait être lié au pro­ces­sus du dépôt des par­ti­tions, n’est-ce pas ? 

- Offi­ciel­le­ment, je crois savoir que c’est la res­pon­sa­bi­li­té de l’é­ta­blis­se­ment. Nous pou­vons nous char­ger du sui­vi et de la véri­fi­ca­tion si nous pen­sons qu’un éta­blis­se­ment n’est pas à jour, mais c’est la res­pon­sa­bi­li­té de l’établissement

- Mais il se peut qu’ils ne veuillent pas payer cette licence. 

- Tout à fait ! 

- C’est là qu’on se retrouve dans des conver­sa­tions embarrassantes.

- J’é­tais en train de pro­gram­mer un concert que j’ai don­né en mai. Nous avons joué une œuvre néer­lan­daise d’un com­po­si­teur néer­lan­dais décé­dé il n’y a pas si long­temps. J’ai donc ache­té la musique, et j’ai dû ache­ter une licence avec la par­ti­tion pour une repré­sen­ta­tion à cette date. La musique que j’ai télé­char­gée indi­quait donc en bas de page : « sous licence pour être exé­cu­tée au mois de mai sous telle ou telle condi­tion… », et il se trouve que je suis l’ar­rière-petite-fille de ce com­po­si­teur. Ma famille a donc gar­dé trois euros pour cette représentation.

- (en plai­san­tant) Il y a de quoi faire la fête, n’est-ce pas ? 

(Tout le monde rit)

- Car­men Bra­den : Il ne nous reste plus que 10 minutes, et je ne vou­drais pas que cette conver­sa­tion géniale se ter­mine sur les droits d’auteurs. Pour­rais-je deman­der à cer­tains des col­la­bo­ra­teu­rices présent.e.s dans la salle de nous par­ler du pro­ces­sus qui s’est dérou­lé pen­dant le fes­ti­val Long­sha­dow. Qu’il s’a­gisse d’au­teu­rices, de com­po­si­teu­roces, d’ar­ran­geu­reuses ou d’in­ter­prètes. Dans l’op­tique de l’é­ta­blis­se­ment de rela­tions et de pra­tiques durables, com­ment ce que vous avez fait ici résonne-t-il ? Qu’al­lez-vous peut-être reti­rer de cette expérience ?

- Je par­tage mon temps entre Edmon­ton et Yel­lowk­nife, la plu­part du temps je suis à Yel­lowk­nife main­te­nant, et je suis très recon­nais­sant d’a­voir quatre nouveaux.elles ami.e.s à Edmon­ton. Bien sûr, les artistes avec lesquel.le.s j’ai eu l’oc­ca­sion de tra­vailler ce week-end sont aus­si mes ami.e.s. C’est une petite ville, et j’ai peut-être déjà vu vos visages, mais main­te­nant j’ai l’im­pres­sion de connaître ces gens. C’est un lien assez intime que de tra­vailler sur une chan­son pen­dant une semaine, et de res­ter assis là à écou­ter votre voix encore et encore (les gens rient). Ce n’est pas du tout une chose désa­gréable. C’est une chose vrai­ment mer­veilleuse, mais, vous savez, j’ai dû écou­ter votre chan­son tant de fois. C’est une expé­rience unique pour moi de pou­voir m’im­mer­ger avec ces artistes pen­dant un cer­tain temps, puis de m’é­loi­gner de cette chan­son pen­dant un petit moment, et de l’é­cou­ter suf­fi­sam­ment pour qu’elle reste dans ma tête. C’est géné­ra­le­ment lors­qu’elle me reste en tête et que je la chante sous la douche que les autres par­ties com­mencent à émer­ger. « Oh, d’ac­cord, ça va être cool dans le registre aigu de l’al­to ! » parce que c’est plus nasal et que j’ai un son nasal sous la douche, (tout le monde rit) et c’est toute une aven­ture. Beau­coup de gens me demandent com­bien de temps il faut pour écrire une chanson ? 

- Je t’ai posé cette ques­tion 17 fois, je crois.

- Et je t’ai répon­du que je ne savais pas. Je pour­rais pro­ba­ble­ment en écrire[/arranger] une en huit heures s’il le fal­lait, mais l’i­déal serait de répar­tir ces huit heures sur 16 petites plages horaires. Je peux ain­si prendre le temps de lais­ser les choses se déve­lop­per, évo­luer et chan­ger. Quoi qu’il en soit, ce que je retiens, c’est que dans l’en­semble, je suis recon­nais­sant d’a­voir pu ren­con­trer des gens à un niveau per­son­nel par le biais de la musique. Mer­ci de m’a­voir invi­té à le faire.

- Oui, c’est une expé­rience extra­or­di­naire. J’ai été sub­mer­gée de gra­ti­tude pour les arran­ge­ments des chan­sons, pour Car­men qui a mis tout cela sur pied, et pour vous tous, le qua­tuor à cordes, qui l’a­vez fait. L’un des moments que j’ai pré­fé­rés, c’est lorsque nous avons joué le mor­ceau plu­sieurs fois, et qu’au début, c’é­tait comme si moi et un qua­tuor à cordes jouions sim­ple­ment le mor­ceau en même temps, puis au fur et à mesure que nous le jouions et que nous nous écou­tions les uns les autres, nous avons eu des idées et nous avons fait plu­sieurs ajus­te­ments. J’ai com­pris com­ment les choses se pas­saient, j’ai joué sur le pia­no dans le deuxième cou­plet et tout le reste. C’é­tait comme « whoa ! ». C’est vrai­ment à ce moment-là, quand la ligne de vio­lon­celle rejoi­gnait le rythme que j’a­vais à la main gauche est appa­rue, […] c’est vrai­ment génial. Oui, c’é­tait une sen­sa­tion incroyable. C’est l’une de ces choses, encore une fois, je me disais que je me sen­tais en stag­na­tion en jouant ma propre musique et c’é­tait vrai­ment un remède. Je me suis dit : « Oh, ça peut être génial, hein ? ». C’est une expé­rience pas­sion­nante qui me fait voir ma musique sous un jour différent. 

-Oui, c’é­tait vrai­ment incroyable. Je ne sais pas si tous les artistes qui ont col­la­bo­ré à la musique ont res­sen­ti la même chose que moi. Je me sou­viens qu’en 2013 ou 2014, je jouais dans un groupe au Bré­sil. Ce n’est pas la même chose quand vous avez juste une gui­tare ou un cla­vier et que vous jouez en solo, mais quand vous jouez avec un groupe com­plet. Pour moi, j’ai l’im­pres­sion que l’on res­pire mieux  et que l’on se sent enve­lop­pé, […] cela  donne de l’as­su­rance. […] On a l’im­pres­sion d’être dans un autre monde. Mais c’est le sen­ti­ment que j’ai, vous savez, c’é­tait tel­le­ment incroyable. C’est pour­quoi j’ai hâte de jouer avec un groupe. […] C’é­tait vrai­ment sym­pa­thique et vous avez fait du bon tra­vail, et d’ar­ran­ger la musique. […] Et puis c’é­tait si gen­til et mer­ci, merci !

- Robert Uchi­da : J’ai l’im­pres­sion que cette col­la­bo­ra­tion a été très enri­chis­sante pour chacun.e d’entre nous. Nous jouons toustes les quatre dans l’or­chestre sym­pho­nique d’Ed­mon­ton. Et j’ai l’im­pres­sion que… Oh, main­te­nant je me suis pein­tu­ré dans un coin, je sup­pose. (Tout le monde rit) Je pense que l’i­déal, lorsque des gens se réunissent pour jouer de la musique ensemble, c’est qu’iels y aillent le cœur ouvert, qu’iels écoutent et qu’iels s’ouvrent les un.e.s aux autres. Et je pense que lorsque nous par­tons toustes, nous sommes toustes un peu plus riches d’a­voir vécu cette expé­rience. C’est ce que j’ai res­sen­ti. C’é­tait vrai­ment génial. Et par­fois, ce n’est pas tou­jours le cas, mais en tout cas avec le Qua­tuor et avec vous tous, c’est juste ouais, c’est, c’est un peu ce que j’en retiens, c’est sim­ple­ment significatif…

-(deman­dé brus­que­ment) Vous êtes-vous amusés ? 

- Robert Uchi­da : Oui, nous nous sommes beau­coup amusés. 

- Et voi­là ! Vous avez gagné ! Vous avez gagné ! 

- Ouais, c’est ça !

- J’ai­me­rais ajou­ter qu’il y a 100 ans, lorsque j’é­tais musicien.ne professionnel.le, j’ai eu quelques concerts avec l’or­chestre sym­pho­nique d’Ed­mon­ton, et le niveau de jeu est incroyable, mais l’ex­pé­rience est un peu effrayante. Vous avez peur de faire une erreur, alors que la musique ama­teur que j’ai jouée ici, à un niveau beau­coup plus bas, l’a été par pur amour de la musique. Vous n’a­vez donc pas à payer votre loyer en jouant de la musique. Et ces expé­riences sont meilleures. Vous savez, vous ne jouez pas au même niveau qu’au niveau pro­fes­sion­nel, mais l’es­prit est là, et vous le faites sim­ple­ment parce que vous aimez la musique, et je pense que c’est un défi dans votre métier de gar­der cet amour dans ce que vous faites. 

- Je peux vous assu­rer que nous fai­sons beau­coup d’erreurs. 

(Tout le monde rit)

- Oui, je vou­drais juste ajou­ter quelque chose à ce sujet. Je veux dire que la dis­cus­sion ici a por­té sur le sou­tien aux musicien.ne.s au niveau pro­fes­sion­nel, mais nous avons ici des gens qui sont passé.e.s par le sys­tème d’é­du­ca­tion musi­cale dans les ter­ri­toires, et main­te­nant, nous avons chan­gé le pro­gramme d’é­tudes musi­cales, et nous sommes dans une situa­tion pré­caire quant à savoir si l’é­du­ca­tion musi­cale dans les écoles sera faite au même niveau, et si vous n’a­vez pas d’é­du­ca­tion musi­cale dans les écoles, alors vous n’au­rez pas de gens ici. Je fais par­tie de l’as­so­cia­tion des professeur.e.s de musique […] J’es­saie d’al­ler dans les écoles pour qu’on y enseigne vrai­ment la musique de manière pro­fes­sion­nelle. Et cela me rap­pelle deux choses. D’une part, on peut aus­si ensei­gner, vous savez, aux niveaux supé­rieurs, qu’il y a ces aspects de car­rière ; il y a un aspect com­mer­cial à être un.e musicien.ne, ain­si qu’un aspect de citoyen­ne­té. Et tout ce qui concerne l’im­por­tance de l’é­coute, de la coopé­ra­tion avec les autres, de l’ou­ver­ture d’es­prit, de la créa­ti­vi­té. Je veux dire, ces choses ne sont-elles pas si impor­tantes pour les enfants, n’est-ce pas ? Et cela com­mence au niveau de l’é­cole, puis les enfants rejoignent des groupes avec leurs cama­rades de classe et conti­nuent à étu­dier la musique à l’u­ni­ver­si­té, etc.

- Mais il y a un autre domaine de repré­sen­ta­tion pour une orga­ni­sa­tion comme la vôtre, à savoir l’é­du­ca­tion, dès la sixième ou la sep­tième année, pour qu’ils aient un ins­tru­ment entre les mains.

- Les élèves de pre­mière et de deuxième année, met­tez-leur un ins­tru­ment entre les mains !

- Je pense que ce que j’en­tends, c’est que j’ai eu la chance de vivre l’ex­pé­rience de créer de la musique avec d’autres et qu’il n’y a rien de tel dans la vie. Je pense que chaque enfant devrait avoir la pos­si­bi­li­té de le faire. Et je pense que ce type d’ac­tion, qui part de la base, est […]. Je pense main­te­nant que Music NWT peut sou­te­nir ce type de pro­jet. Et pour répondre à votre ques­tion sur le gou­ver­ne­ment, com­ment le gou­ver­ne­ment peut-il sou­te­nir ce pro­jet ? Les idées qui ont été émises ici, comme les espaces, les salles de spec­tacle, les salles de répé­ti­tion. L’in­fra­struc­ture n’est pas encore en place, mais je pense qu’il existe une for­mi­dable oppor­tu­ni­té, grâce aux com­pé­tences, au talent et à l’au­then­ti­ci­té des artistes d’i­ci, que Yel­lowk­nife puisse être, ou puisse viser à avoir une iden­ti­té et une scène musi­cale dyna­mique qui attire des gens du monde entier.

Il existe un pro­jet de recherche sur les béné­fices éco­no­miques de la musique pour les com­mu­nau­tés nor­diques et iso­lées. Reyk­ja­vik, Daw­son City, vous savez, il y a des endroits qui l’ont déjà fait. L’exemple le plus frap­pant est celui de Nash­ville. Tout le monde sait ce que signi­fie Nash­ville, n’est-ce pas ? C’est la ville des musicien.ne.s. Je me demande donc si, d’un point de vue gou­ver­ne­men­tal, c’est une chose d’ac­cor­der des sub­ven­tions pour per­mettre aux artistes les plus expé­ri­men­tés d’al­ler dans le Sud, mais je pense qu’il y a une plus grande oppor­tu­ni­té de créer un endroit où les gens peuvent venir et toustes cel­leux que j’ai [ren­con­trés], qui ont voya­gé d’ailleurs pour venir jouer ici, ont ce sen­ti­ment de « Wow, c’est un endroit spé­cial ». Et il y a des pos­si­bi­li­tés de tour­nées spé­ciales ici. Le Snow­castle Fes­ti­val, je crois, est unique au monde, et toustes cel­leux qui sont pas­sés par là se sont dit « Wow, holy sh*t. C’est incroyable ! ». Et donc de déve­lop­per ces oppor­tu­ni­tés pour des espaces de repré­sen­ta­tion et de répé­ti­tion ; les gens louent des espaces de ran­ge­ments ici pour répé­ter, c’est insen­sé. Je pense donc que, du point de vue du gou­ver­ne­ment, si je sié­geais au gou­ver­ne­ment ou si vous étiez le maire, un ministre, le pre­mier ministre… Iels ont la res­pon­sa­bi­li­té de déve­lop­per la culture, parce qu’il y a des béné­fices éco­no­miques, je pense que c’est clair. 

Mais iels sont éga­le­ment en mesure d’in­fluen­cer la culture d’en­tre­prise, les entre­prises, les milieux d’af­faires, qui exploitent les res­sources de ce pays et ne donnent rien en retour. Donc, si j’é­tais à la place du gou­ver­ne­ment, je met­trais en place des poli­tiques, non seule­ment pour les obli­ger à sou­te­nir les arts en rai­son de tous les avan­tages qu’ils pro­curent. Non seule­ment la valeur artis­tique pour les enfants, mais aus­si les com­pé­tences trans­fé­rables que l’on acquiert en appre­nant à jouer d’un ins­tru­ment. Je ne connais rien d’autre de com­pa­rable. Pour en reve­nir à la ques­tion du déve­lop­pe­ment, pour­quoi les entre­prises n’in­ves­tissent-elles pas dans des tour­nées plus durables, du point de vue de l’im­pact car­bone ? Il y a des com­pa­gnies minières ici qui ont des mil­lions et des mil­lions de dol­lars. Je ne vois aucun de leurs logos sur aucun de nos pro­jets. C’est une sorte d’ac­tion col­lec­tive qui, si je pense à Yel­lowk­nife, me fait dire que n’a­vons pas une tonne d’in­dus­trie, que nous n’a­vons pas beau­coup de com­merce. Mais si nous devions étendre cette conver­sa­tion à l’en­semble du pays, chaque musicien.ne ou orga­ni­sa­tion artis­tique dirait : « Non, nous n’al­lons pas faire de l’art et de la culture à moins que vous n’y met­tiez du vôtre ». Il y a un impact à faire cela. Il y a un impact pour notre pays et notre socié­té dans son ensemble.  C’est l’as­pect de ce monde dans lequel nous vivons qui ne contri­bue pas. Iels ne font pas leur juste part. Voi­là ce que je dirais aux pou­voirs poli­tiques si j’en avais l’oc­ca­sion. J’es­père que cha­cun d’entre elleux en pren­dront connais­sance à tra­vers ce rapport.

- J’ai­me­rais éga­le­ment ajou­ter à cela l’i­dée que si nous devions déve­lop­per Yel­lowk­nife et en faire une sorte de Mecque de la musique, comme Daw­son City ou Sack­ville ou d’autres endroits au Cana­da, il semble qu’il y ait déjà un attrait pour aller faire de la musique dans ce genre d’en­droits plus ruraux. L’une des choses que je dois dire, c’est qu’il faut col­la­bo­rer, prê­ter atten­tion et se concen­trer sur nos rela­tions avec les Dénés, les Inuits et les Métis.  Car je sais que de nom­breuses per­sonnes qui viennent nous voir disent : « Ces cultures sont tel­le­ment plus vivantes ici que par­tout ailleurs au Cana­da ! » Et s’il doit y avoir cet objec­tif final, il faut le men­tion­ner expli­ci­te­ment. […] Il faut que ce soit expli­ci­te­ment ins­crit dans nos objec­tifs ini­tiaux parce que c’est impor­tant non seule­ment d’un point de vue éthique, mais aus­si du point de vue de l’identité, parce que c’est quelque chose d’u­nique. Et de la même manière que j’ai enten­du tant d’ar­tistes venir ici, qu’iels soient autoch­tones ou non, dire que c’é­tait un endroit spé­cial. J’ai enten­du tant de membre d’autres nations venir ici et être comme « holy sh*t, qu’est ce qui se passe ici ? ». Et je pense que nous ne pou­vons pas perdre de vue  cela dans le pro­ces­sus si nous vou­lons faire ou construire quelque chose.

- J’ai quelque chose à [par­ta­ger sur] ce sujet. Mais je pense qu’il y a quelque chose, quand vous par­lez de la musique, je pense que la musique pour­rait être une chose. […] Elle pour­rait être une chose et unir beau­coup de gens autour d’elle. Je pense que nous pou­vons uti­li­ser cela pour déve­lop­per notre musique ici. Il ne s’a­git pas de se concen­trer sur une seule culture, mais de tout mélan­ger.  Et mon­trer que la musique peut réunir les gens. […] Je suis quel­qu’un qui n’a pas de culture, parce que la culture du monde est ma culture. […] Alors par­tout où je suis, je suis comme de l’eau. Et si vous me met­tez dans cette tasse, je vais prendre la forme de cette tasse. Je suis comme ça. […] Je ren­contre ici des gens qui viennent de dif­fé­rents endroits du monde. Nous pou­vons alors nous ras­sem­bler et faire de la musique dans des langues et des cultures dif­fé­rentes et tout mélan­ger. Parce que nous n’al­lons pas faire de la musique uni­que­ment pour Yel­lowk­nife, uni­que­ment pour le Cana­da. De nos jours, la musique est  par­tout dans le monde. C’est vrai. C’est pour­quoi je pense qu’il faut ras­sem­bler les cultures et les rythmes musi­caux.  Par exemple, vous pou­vez trou­ver dif­fé­rents rythmes dans une seule chan­son. C’est un pro­jet […] sur lequel je pense tra­vailler. […] Et puis si nous avons une chan­son de Noël, et puis beau­coup de gens, et puis iels parlent de choses dif­fé­rentes, mais autour du même sujet, mais dans des langues dif­fé­rentes. Pour mon­trer que nous pou­vons toustes être ensemble pour une seule chose, pour la même raison.

- Je pense que l’heure de fin approche. 

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : J’ai sur­tout posé des ques­tions, mais j’ai l’im­pres­sion que cette conver­sa­tion me donne aus­si envie de par­ta­ger un peu plus sur mes expé­riences musi­cales et com­mu­nau­taires et sur tout ce qui a été dit ici. […] Nous avons par­lé du stress et de la pres­sion des meilleures pra­tiques, ce qui cor­res­pond en grande par­tie à des choses dont nous avons par­lé : cette idée de l’in­dus­trie. Mais beau­coup de gens ne font pas de la musique pour l’in­dus­trie. D’a­près moi, ma musique, ou la musique de la scène dont je suis issu, qui est en grande par­tie expé­ri­men­tale, en grande par­tie étrange par sa nature ou inha­bi­tuelle. Tout le monde aime­rait gagner sa vie avec la musique, mais ce n’est pas pos­sible. Même dans ma pra­tique, la plu­part des gens avec qui je tra­vaille sont prag­ma­tiques et pensent qu’iels peuvent avoir des concerts de temps en temps, mais ce n’est pas néces­sai­re­ment l’ob­jec­tif final.

 Il s’a­git de favo­ri­ser une com­mu­nau­té de pra­tique. Il s’a­git de favo­ri­ser les liens et l’ac­ces­si­bi­li­té à ces pra­tiques. J’é­tais ici, juste avec mon enregistreur

. Je pense que les enfants gagne­raient aus­si, par exemple, à être expo­sés aux pra­tiques d’en­re­gis­tre­ment de ter­rain ici, parce que l’en­vi­ron­ne­ment est tel­le­ment unique. On peut aller dans la nature […]. Je pense que c’est aus­si une façon com­plè­te­ment dif­fé­rente d’en­vi­sa­ger la musique. Même la musique clas­sique, vous savez, la musique pour cordes, en tant que musi­cien pro­fes­sion­nel, je sais qu’elle m’est inac­ces­sible […] parce que j’ai com­men­cé la musique trop tard et que je viens d’un autre milieu. Mais on peut faire décou­vrir aux gens d’autres façons de faire de la musique et d’autres façons de l’a­bor­der. […] Je pense qu’i­ci, c’est déjà le cas. Et c’est un peu ce que j’ai res­sen­ti. Il y a tel­le­ment de cou­rants de pra­tique et de façons de faire dif­fé­rentes. Je pense que c’est ce qui est for­mi­dable, c’est que beau­coup de gens peuvent trou­ver leur propre voie […] Dans ma com­mu­nau­té, nous construi­sons la plu­part du temps nos propres salles, un peu comme vous l’a­vez fait ici [pen­dant le fes­ti­val], vous savez. À Mont­réal, beau­coup d’en­droits où je joue sont des lieux DIY. Donc, par exemple, une licence de la SOCAN n’est tout sim­ple­ment pas envi­sa­geable [dans de tels lieux]. Je pense qu’i­ci [à Yel­lowk­nife], il y a beau­coup de choses qui ont réson­né avec moi et avec mon expé­rience de la musique, pour être capable de la sou­te­nir, de trou­ver un espace pour la faire, de sus­ci­ter l’engagement des gens, de trou­ver de nou­velles façons de se mobi­li­ser en tant que com­mu­nau­té. Je vou­lais sim­ple­ment vous remer­cier de m’a­voir per­mis de voir une par­tie de ce tra­vail, d’en­tendre et de m’en­ga­ger dans cette pra­tique avec vous pen­dant une semaine. Je tiens donc à vous remer­cier chaleureusement. 

Infor­ma­tions complémentaires :

L’é­tude natio­nale d’APTN sur l’im­pact de la musique autoch­tone peut être consul­tée ici :

https://www.aptnnews.ca/wp-content/uploads/2019/11/Music-Impact-Study.pdf

Le rap­port de recherche du col­lec­tif  ATTI ! Indi­ge­nous Artists Col­lec­tive Research Sum­ma­ry peut être consul­té ici :

http://www.atticollective.com/uploads/3/4/9/4/34945811/2023aug_researchsummary.pdf

Plus d’in­for­ma­tions sur la SOCAN et sur l’in­cu­ba­teur de musique cana­dienne sont dis­po­nibles ici :

https://www.socan.com/fr/

https://canadasmusicincubator.com

 

Le RCMN tient à remercier

Car­ly Mcfad­den, Tere­sa Horos­ko et Folks on the rocks

Mike Auty et Music NWT

Bran Ram et Wes­tern Arc­tic Moving Pictures 

Tanya Snow et ATTI ! Indi­ge­nous Artists Collective 

Batiste Foi­sy

Mar­tin Rehak

Pablo Sara­van­ja 

 

Le RCMN tient à remer­cier et à féli­ci­ter tous.tes les artistes et musicien.ne.s pour leurs per­for­mances inspirantes :

Cas­san­dra Blondin-Burt 

Ryan McCord 

LJJ

Rob Elo 

Kathryn Louise Oraas 

Kay Sib­bes­ton 

Gar­neau Strings Quar­tet (Robert Uchi­da , Lau­ra Veeze, Keith Hamm, Julie Hereish)

Andrew Ball

 

Le RCMN aime­rait éga­le­ment remer­cier Peter Skin­ner, l’é­quipe tech­nique et tous.tes les béné­voles du fes­ti­val pour avoir per­mis au RCMN de contri­buer à l’as­pect tech­nique du festival.

Rencontre de Halifax

Date : le 16 mars 2023
Lieu : The Music Room, 6181 Lady Ham­mond Rd, Hali­fax, NS B3K 2R9
Co-dif­fu­seur : Sco­tia Fes­ti­val of Music 

La séance a été ouverte par Norm Adams, direc­teur de sud­den­ly­Lis­ten et vice-pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion du RCMN, et a été sui­vie d’une courte pré­sen­ta­tion du pro­jet Ave­nirs éco-res­pon­sables et du pro­chain ras­sem­ble­ment natio­nal du RCMN, par sa Direc­trice Géné­rale, Ter­ri Hron. Cette der­nière a éga­le­ment men­tion­né les trois modes d’implication de LeSAUT – l’écologisation du sec­teur, amé­lio­rer le pro­fil, réécrire le monde – que le RCMN uti­lise pour enca­drer ses acti­vi­tés et ses dis­cus­sions autour des Ave­nirs éco-res­pon­sables. Ter­ri a ensuite pré­sen­té Kim Fry, direc­trice de la sec­tion cana­dienne de Music Declares Emergency.

Kim Fry a par­ta­gé son his­toire en tant que mili­tante ain­si que l’é­vé­ne­ment qui l’a ame­née à for­mer une sec­tion cana­dienne de Music Declares Emer­gen­cy, à savoir un concert pour mar­quer le 40ème anni­ver­saire du concert Amchit­ka, qui a finan­cé la pre­mière action de Green­peace. Elle a par­ta­gé sa vision d’une action mili­tante : « Ce que nous devons faire pour créer une socié­té où nous n’é­met­tons pas de grandes quan­ti­tés de car­bone est en fait un monde beau. C’est jar­di­ner davan­tage, c’est se connec­ter davan­tage avec la com­mu­nau­té, c’est faire plus votre propre cui­sine, c’est tel­le­ment de choses qui sont en fait un monde bien plus beau que le monde tré­pi­dant hyper-consu­mé­riste de gens qui se sentent sur­me­nés, qui tra­vaillent tout le temps et qui font la navette sur de longues dis­tances et sont sépa­rés de leur famille. Donc ce n’est pas tant que ce qui est deman­dé soit un énorme far­deau pour la plu­part des gens. Pour la plu­part des pays du monde, pour la plu­part des pays du Sud, il y a la pos­si­bi­li­té d’augmenter réel­le­ment leur niveau de vie. Ce n’est vrai­ment que dans les pays riches que nous devons faire quelques ajus­te­ments. Mais je pense que s’ajuster va en fait ren­for­cer la com­mu­nau­té et rendre les gens fon­da­men­ta­le­ment plus heu­reux ». Kim nous a rap­pe­lé que « le cli­mat est une ques­tion fémi­niste de taille ». Elle a éga­le­ment sou­li­gné qu’au sein de la com­mu­nau­té de la musique de créa­tion et du son, finan­cée par des fonds publics, nous sommes chan­ceux de ne pas être aus­si ancrés dans le capi­ta­lisme et de ce fait nous avons plus d’es­pace pour par­ler et réflé­chir à ces ques­tions. Kim nous a ensuite infor­més des actions de MDE (Music Declares Emer­gen­cy), avec leur som­met sur le cli­mat en octobre der­nier et celui à venir en novembre pro­chain, et nous a éga­le­ment orien­tés vers d’autres ini­tia­tives, telles que le Earth percent de Brian Eno, qui n’a pas encore été inté­gré à la SOCAN, mais avec cer­taines agences de col­lecte de rede­vances où les artistes peuvent dési­gner la terre en tant que co-autrice, les fonds sont ensuite rever­sés par Earth percent dans des causes environnementales.

Les par­ti­ci­pants, qui regrou­paient des com­po­si­trices et com­po­si­teurs, des inter­prètes, des dif­fu­seurs et des orga­ni­sa­teurs de fes­ti­vals locaux, ont alors com­men­cé à par­ta­ger leurs expé­riences et leurs inquié­tudes. Les ques­tions qui ont été sou­le­vées comprenaient :

  • Des primes pour encou­ra­ger les membres du public à uti­li­ser des moyens de trans­port écologiques ;
  • Il faut de l’argent pour inci­ter le public à uti­li­ser des trans­ports éco­lo­giques. D’où cet argent va-t-il venir ? Les sub­ven­tion­neurs y pensent-ils ?
  • On demande beau­coup aux petites orga­ni­sa­tions pour réduire leur empreinte, tan­dis que les gros émet­teurs sont moins sur­veillés, comme dans la socié­té en général ;
  • Les dif­fu­sions en direct devraient se pour­suivre avec plus de sou­tien pour les inté­grer dans les pro­gram­ma­tions : acces­si­bi­li­té accrue et réduc­tion de l’empreinte carbone ;
  • Le direct offre des pos­si­bi­li­tés de télé­tra­vail de grande qua­li­té avec des artistes/compositeurs en dis­tan­ciel. La ren­contre d’Ha­li­fax a eu lieu à The Music Room, une salle équi­pée pour la dif­fu­sion en direct qui est uti­li­sée par des ensembles locaux pour des col­la­bo­ra­tions à dis­tance ain­si que des concerts retrans­mis en direct ;
  • Un réseau de lieux de dif­fu­sion en direct per­met­trait des col­la­bo­ra­tions à tra­vers le pays et de nou­veaux modes de curation ;
  • Des tour­nées plus longues et moindres signi­fient plus de temps avec les artistes et des coûts plus éle­vés, ce qui n’est pas conforme aux allo­ca­tions de finan­ce­ment pour les indem­ni­tés jour­na­lières, etc. Quand les direc­tives bud­gé­taires vont-elles rat­tra­per leur retard ? Cela signi­fie-t-il que moins de pro­jets seront finan­cés ? Vers qui se tour­ner pour com­bler le manque à gagner ?
  • Des dis­pa­ri­tés entre les coûts réels des pro­jets, notam­ment avec des périodes de tra­vail plus longues et/ou une dif­fu­sion en direct, et aucun moyen de le démon­trer aux subventionner ;
  • Nous avons besoin de plus de réunions avec des bailleurs de fonds dans la salle, « nous devons tous y tra­vailler ensemble, toutes les par­ties du tout ».

Com­men­taires des participant·e·s :

« Notre fes­ti­val est en hiver. Alors, vous avez men­tion­né des gens se dépla­çant à vélo et à pied et je me suis dit : ‘Oh, mon Dieu, je ne peux pas deman­der ça à mon public’. Mais vous savez, nous sommes plu­tôt dans le centre et dans Hali­fax, on pour­rait ame­ner les gens à envi­sa­ger de mar­cher au lieu de conduire sur cinq pâtés de mai­sons. Et puis offrir une récom­pense pour les moyens inté­res­sants de se rendre au fes­ti­val. Quelque chose comme un avan­tage, inclus dans votre for­fait pro­mo­tion­nel, pour juste faire pas­ser le mot, en gros. C’est vrai­ment juste une façon de faire pas­ser le mot pour que les gens tiennent compte de l’empreinte car­bone en allant sim­ple­ment à un concert. Je pense que ce sont là tous les petits gestes que nous devons tous inté­grer dans notre quotidien ».

« Les dif­fu­sions en direct seraient ma sug­ges­tion, même si elles consomment éga­le­ment toute cette éner­gie. Mais elles ont été extrê­me­ment impor­tantes, je pense, pour des gens comme moi, par­ti­cu­liè­re­ment celles et ceux qui vivent dans des endroits éloi­gnés. J’ai pu par­ti­ci­per à des évé­ne­ments par­tout dans le monde grâce à cette tech­no­lo­gie que la COVID a ren­due possible » 

« Nous tra­vaillons avec des com­po­si­trices et com­po­si­teurs vivants. Tan­dis que nous fai­sons beau­coup d’allers-retours avec le com­po­si­teur, au fur et à mesure de la repré­sen­ta­tion, à mesure qu’on s’apprête à pré­sen­ter la pièce, nous n’avons pas le bud­get pour que le com­po­si­teur soit pré­sent. Et vous savez, pour ce qui est de faire en sorte que les voyages à tra­vers le Cana­da ou à l’étranger en valent la peine, c’est beau­coup de tra­vail en plus de beau­coup d’argent. Ce n’est tout sim­ple­ment pas réa­liste. Mais nous avons eu des com­po­si­teurs du Royaume-Uni, nous avons eu des com­po­si­teurs du nord, nous en avons eu de par­tout qui assistent à la repré­sen­ta­tion de leur travail ».

« C’est une ques­tion d’accessibilité. Pas seule­ment pour les gens qui pour­raient ne pas être en mesure d’aller phy­si­que­ment aux concerts, mais qu’en est-il des per­sonnes qui vivent dans des endroits où elles n’ont jamais accès à un concert ? Tout à coup, avec des orga­nismes par­tout au Cana­da, vous pour­riez avoir un concert de dif­fé­rents mor­ceaux, de dif­fé­rents endroits, qui seraient pré­sen­té quelque part où il n’y a pas de musi­ciens – ou peut-être qu’il n’y a qu’un seul ensemble – mais ils auraient une col­la­bo­ra­tion avec d’autres ensembles et cela nous donne la pos­si­bi­li­té de voir des choses qui ne sont pas phy­si­que­ment pré­sentes pour nous. Mais per­sonne n’a dit qu’on ne peut pas orga­ni­ser d’événements où les gens se ras­semblent, parce que je pense que c’est la par­tie ras­sem­ble­ment des concerts qui est impor­tante. Nous pou­vons four­nir des col­la­tions et peut-être qu’il y a des musi­ciens en cet endroit, et peut-être alors que vous pour­rez voir quelque chose qui se passe à tra­vers le pays et être pré­sent avec ces gens. Mais nous ne pen­sons tout sim­ple­ment pas encore à ces choses ».

« C’est assez dif­fi­cile à atteindre : soyez sou­cieux de l’environnement, res­pec­tez le bud­get, gagnez de l’argent et ayez un bon public ».

« Je me fâche parce qu’on me l’enlève et que c’est ma force vitale d’aller m’asseoir dans un théâtre : c’est mon endroit pré­fé­ré au monde. Et j’en suis pri­vé. Et je vois l’avenir. Il nous est confis­qué, à cause de ce que ma géné­ra­tion, je sup­pose, a fait au monde ».

Rencontre d’Ottawa

Date : le 19 mars 2023
Lieu : Car­le­ton Domi­nion-Chal­mers Centre, 355 Cooper St, Otta­wa, ON K2P 0G8
Co-dif­fu­seur : Research Centre for Music, Sound and Socie­ty in Canada

Pour la ren­contre d’Ot­ta­wa, le RCMN s’est asso­cié à la Dre Ellen Water­man du Centre de recherche sur la musique, le son et la socié­té au Cana­da (MSSC) pour l’organisation d’un accueil de deux jours de Tanya Kal­ma­no­vitch et de son Tar Sands Song­book. Le 28 mars, le MSSC a orga­ni­sé Lis­te­ning Café 2 : Lis­te­ning to the Cli­mate Emer­gen­cy through The Tar Sands Song­book, durant lequel Tanya a inter­pré­té son recueil de chan­sons accom­pa­gnée du pia­niste Andrew Bou­dreau. Ils ont ensuite été rejoints par la dra­ma­turge Katie Pearl et ont don­né au public une chance de réagir et de poser des questions.

Cette pres­ta­tion puis­sante a ini­tié la consul­ta­tion du len­de­main matin, qui a réuni des membres de la com­mu­nau­té musi­cale diver­si­fiée d’Ot­ta­wa. Une fois de plus, un mélange d’ar­tistes indi­vi­duels, d’é­du­ca­teurs et de musi­ciens, ain­si que des tra­vailleuses et tra­vailleurs cultu­rels d’or­ga­nismes musi­caux et artis­tiques locaux et natio­naux d’Ot­ta­wa étaient pré­sents. Ces der­niers com­pre­naient des repré­sen­tants de Impro­vi­sing & Expe­ri­men­tal Music of Otta­wa and Out­wards (IMOO), Jazz Fes­ti­vals Cana­da Net­work, Mul­ti­cul­tu­ral Arts in Schools and Com­mu­ni­ties (MASC), le Centre natio­nal des Arts, Otta­wa Cham­ber­fest, le Fes­ti­val de jazz d’Ot­ta­wa, Pro­pel­ler Dance, Qu’ART the Otta­wa Queer Arts Col­lec­tive et SCALE-LeSAUT (Sec­to­ral Cli­mate Arts Lea­der­ship for the Emergency/Leadership sec­to­riel des arts sur l’ur­gence de la tran­si­tion éco­lo­gique). Nous avons ouvert la séance avec des pré­sen­ta­tions exhaus­tives et une brève des­crip­tion de ce que la dura­bi­li­té signi­fiait pour chaque par­ti­ci­pant, puis nous nous sommes orien­tés vers une dis­cus­sion de type « je passe la balle à … » autour des pro­blèmes com­plexes, gui­dée par les ques­tions que nous avions sou­mises à l’a­vance, notam­ment : Com­ment les orga­ni­sa­tions musi­cales peuvent-elles répondre à l’ur­gence cli­ma­tique et ses impacts sociaux ? Com­ment les gens parlent-ils de l’ur­gence cli­ma­tique et de de la musique et du son ? Com­ment les poli­tiques et le lan­gage évo­luent-ils autour des ques­tions de dura­bi­li­té ? De quelles res­sources les orga­ni­sa­tions musi­cales et artis­tiques pour­raient béné­fi­cier pour s’en­ga­ger dans la lutte contre les chan­ge­ments cli­ma­tiques ? Et com­ment les orga­nismes artis­tiques peuvent-ils contri­buer à faire avan­cer la discussion ?

Les prin­ci­paux points de l’échange comprenaient :

  • Cli­vages ruraux/urbains : stra­té­gies et pers­pec­tives rurales ;
  • Finan­ce­ment, acces­si­bi­li­té et reve­nu uni­ver­sel de base ;
  • Lan­gage et coop­ta­tion : les mots que nous utilisons ;
  • Stra­té­gies péda­go­giques d’en­ga­ge­ment : cha­grin, empa­thie, sur­vie et amour ;
  • Conflits et rela­tions : abor­der la pola­ri­sa­tion et la pen­sée binaire ;
  • Arts et chan­ge­ment sys­té­mique : dif­fé­rentes manières d’être et de faire ;
  • Outils d’en­ga­ge­ment com­mu­nau­taire, cli­mat et arts ;
  • Culti­ver des rela­tions les uns avec les autres et avec l’environnement ;
  • Logis­tique de tour­nées et de repré­sen­ta­tions avec une conscience climatique ;
  • Le pou­voir de la loca­li­té et de l’ac­tion locale.

Pour de nom­breuses per­sonnes pré­sentes, l’ac­ti­visme et le cli­mat sont des pro­blèmes de longue date. La conver­sa­tion a donc été pro­fonde et a béné­fi­cié de ce large éven­tail d’expériences.

Gale Frank­lin, assis­tant au MSSC, a fait un excellent tra­vail de trans­crip­tion et d’or­ga­ni­sa­tion de ce que les par­ti­ci­pants ont par­ta­gé sur un cer­tain nombre de sujets.

Com­men­taires des participant·e·s :

Cli­vages ruraux/urbains : stra­té­gies et pers­pec­tives rurales

« Je sug­gé­re­rais de regar­der du côté de l’encadrement, de gens sur des mar­chés et dans des orga­nismes plus petits, qui tra­vaillent dans l’extraction, les villes ouvrières, et de voir com­ment les gens dans ces orga­ni­sa­tions, qui peuvent être des gens en dehors de la musique, voir com­ment ils pensent les rela­tions sociales entre leur conseil d’administration, leurs sub­ven­tion­neurs, leurs dona­teurs, leurs publics ».

« Je ne suis plus un inter­prète urbain. Mais en tant que per­sonne tra­vaillant dans un contexte urbain, il est impor­tant de se sou­ve­nir aus­si du reste du pays, qui a un pou­voir poli­tique remar­quable et un nombre de voix remar­quable. Et dans de nom­breux cas, cela résonne dif­fé­rem­ment que le contexte urbain, et alors je n’ai jamais été aus­si conscient de cela que l’an passé ». 

« Je pense que nous man­quons vrai­ment de modèles de rura­li­té. J’écoute Radio-Cana­da et tout est très urbain. Ce sont des gens des villes qui parlent des pro­blèmes de la ville. Et où sont les voix rurales ? Je veux dire que nous devons entendre ces voix. Et com­ment les faire entendre ? Parce que l’expérience envi­ron­ne­men­tale hyper urbaine n’est pas quelque chose qui créé des liens pour tout le monde, et cela ne devrait pas l’être non plus ». 

“Si vous pre­nez ce que vous savez comme étant l’étendue de la pra­tique cen­tra­liste de la musique savante euro­péenne cano­nique, vous savez tou­jours à par­tir de cela ce que c’est que le tra­vail de mémoire, ce que c’est que le tra­vail de l’histoire, ce que c’est que le tra­vail de l’empathie … Or nous savons quelque chose les uns des autres sans avoir besoin d’en connaître la langue. Donc même dans l’étendue de ce domaine, nous avons la capa­ci­té d’être en rela­tion. Donc peu importe, je sup­pose que je me disais juste genre, qui n’entendons-nous pas ? Qui ne voit-on pas quand on dit musique ? La musique de qui ? Vou­lons-nous vrai­ment le dire ? Et la musique de qui ne vou­lons-nous pas dire ? Et en tant qu’organismes musi­caux, il y a quelque chose de très extrac­tif, je pense, dans la façon dont les orga­ni­sa­tions artis­tiques, les gens qui sont finan­cés par des orga­ni­sa­tions artis­tiques, parlent de faire du tra­vail com­mu­nau­taire. Ils parlent de « nos » par­te­na­riats, « nos » com­mu­nau­tés, « nos » par­te­naires autochtones ».

Finan­ce­ment, acces­si­bi­li­té et reve­nu uni­ver­sel de base

« Mal­heu­reu­se­ment, la crise cli­ma­tique menace une grande par­tie du tra­vail qui a été fait pour rendre notre monde plus acces­sible … [Notre tra­vail] a un impact qui vise à dépla­cer l’attention des gens et à atti­rer l’attention sur des pro­blèmes d’accessibilité, et le prisme de l’accessibilité sur la crise climatique ».

« Je vou­lais juste par­ta­ger un exemple de pro­jet auquel j’ai par­ti­ci­pé, lequel a publié un échan­tillon de don­nées, un cycle de chan­sons avec le sans fron­tières, des arts, de la cho­rale de groupe, et pen­dant la COVID. Parce que les gens ne pou­vaient pas se ren­con­trer en per­sonne, ils se réunis­saient en ligne, donc pra­ti­quant ces chants cho­rals via Zoom sur Inter­net. Et ce qui est inté­res­sant à ce sujet, c’est une nou­velle forme d’inclusivité où les gens pou­vaient par­ti­ci­per. Ceux qui n’auraient pas pu, même s’ils sont locaux, ont des pro­blèmes de mobi­li­té ou ne pou­vaient pas par­ti­ci­per autre­ment, ont sou­dai­ne­ment été inclus. Je pense que cela a créé une com­mu­nau­té, une com­mu­nau­té plus large à tra­vers cette cho­rale, l’extension de la pra­tique de la cho­rale sur Zoom. C’était, à bien des égards, plus libé­ra­teur et plus inclu­sif. Et cette com­mu­nau­té a duré ; ces connexions que les gens ont éta­blies ont duré plus long­temps que la repré­sen­ta­tion, à la fin ». 

« J’ai remar­qué que nous n’avions pas vrai­ment par­lé d’argent. Et nous avons beau­coup par­lé d’accessibilité, de rura­li­té, d’urbanité, et tout cela se recoupe avec l’économie, aus­si. Et je veux dire, je pense com­ment pou­vons-nous, com­ment pou­vons-nous par­ler de cela ? ».

« J’aimerais pou­voir gagner ma vie sans sor­tir de chez moi, sans avoir à par­tir en tour­née. Et je pense que ce serait la plus grosse baisse de mes émis­sions car­bone. Et je pense aus­si, pour le public, beau­coup au truc ‘per­sonne n’a fait volte-face par manque de fonds’. Avoir des évé­ne­ments à petite échelle et un meilleur par­te­na­riat avec de plus petits groupes locaux, je pense que c’est vrai­ment, vrai­ment impor­tant. Et pas comme un pater­nel ‘je vous l’avais dit’ ».

« Je siège au conseil d’administration de l’Alliance des arts média­tiques indé­pen­dants (AAMI) du Cana­da, qui est l’organisme natio­nal de nom­breux centres d’art. Alors, c’est un orga­nisme natio­nal qui tra­vaille avec des artistes média­tiques de tout le pays. Et l’une des choses les plus impor­tantes que nous ayons iden­ti­fiées est le reve­nu uni­ver­sel de base. Et nous avons en fait à pré­sent un comi­té Reve­nu de base qui tra­vaille entiè­re­ment là-des­sus. Nous avons en fait une com­mis­sion natio­nale d’artistes, avec des com­mis­saires et des artistes de toutes les dis­ci­plines. Mais cer­tains à tra­vers le pays se pré­sentent pen­dant trois jours com­plets, en ce qui concerne la ques­tion du reve­nu uni­ver­sel de base … Or ça, en tant qu’organisme natio­nal, c’est l’un des élé­ments clés sur les­quels nous conti­nuons d’insister. Et j’ai des conver­sa­tions avec des gens du Conseil des arts du Cana­da qui font par­tie de ces ser­vices de pla­ni­fi­ca­tion stra­té­gique. Donc pas avec les sub­ven­tion­neurs. Et nous avons lan­cé l’idée que, plu­tôt que d’avoir des gens qui concourent pour des sub­ven­tions pour des pro­jets, vous devez com­men­cer à chan­ger le sys­tème. Et vous devez en fait per­mettre aux per­sonnes qui sont des artistes et qui tra­vaillent en tant qu’artistes d’avoir un reve­nu avec lequel ils peuvent vivre. Donc, une chose que nous avons vue lorsque nous avons tous obte­nu la PCU … quand j’étais direc­teur d’un centre d’arts média­tiques à Otta­wa, les artistes média­tiques sont tout un tas de gens très neu­ro­di­ver­gents qui ont un reve­nu moyen à Otta­wa de 15 000 $ par année. Ce sont des gens en état de crise au quo­ti­dien. Quand ils rece­vaient 2 000 $ à la banque chaque mois, leur san­té men­tale était incroyable. Des gens qui deviennent réel­le­ment créa­tifs plu­tôt que d’avoir à sur­vivre. Donc, je pense que pour tous les orga­nismes natio­naux dans le domaine des arts, il s’agit d’un pro­blème énorme et impor­tant. Quoique je sou­tienne cette idée à l’échelle glo­bale aus­si. Je veux dire, notre public, les gens qui vont aux spec­tacles. Les gens ne vont pas aux spec­tacles parce qu’ils n’ont pas le temps. Je veux dire, si les gens peuvent être déten­dus et avoir un niveau de vie qui les rende plus ouverts à dif­fé­rentes idées, les rende plus ouverts à dif­fé­rentes expé­riences, c’est en quelque sorte la chose la plus impor­tante. Donc, je pense, vous savez, en tant qu’organisation natio­nale, créez un comi­té, com­mu­ni­quez avec les autres orga­ni­sa­tions natio­nales, les orga­nismes, puis obte­nez un seuil critique ».

« J’ai été très heu­reux d’entendre les conver­sa­tions [sur la dura­bi­li­té] au sein du Conseil des Arts du Cana­da. Et quelque chose que nous pou­vons faire, c’est [recon­naître] que nous ne sommes sim­ple­ment que des per­sonnes. Et ces orga­ni­sa­tions qui semblent par­fois être de grands orga­nismes ne sont tou­jours que des per­sonnes. Et plus nous pou­vons par­ler aux gens, plus il y a de chances de chan­ge­ment, n’est-ce pas ? Parce que le finan­ce­ment est une chose vrai­ment énorme. Et il est au plus bas. Et je sais qu’une grande par­tie du finan­ce­ment qui par­vient à beau­coup de conseils d’administration d’organisations artis­tiques est, par exemple, basé sur le tou­risme. Et c’est violent, mais c’est une réa­li­té à laquelle nous devons faire face. Donc, ce peut être la source de finan­ce­ment et c’est un finan­ce­ment com­mer­cial, et s’il pou­vait en fait être inves­ti davan­tage, comme dans le Conseil des Arts du Cana­da, ou plus cana­li­sé de manière à ne pas avoir à faire plus de chiffres, de plus gros taux de crois­sance, en tant qu’organisations, ce serait fan­tas­tique. Cela chan­ge­rait bien des choses ».

Lan­gage et coop­ta­tion : les mots que nous utilisons

« Parce que j’ai aus­si envie de prendre de la dis­tance avec le mot durable ou dura­bi­li­té. Il a tel­le­ment d’usages dif­fé­rents et il peut être si faci­le­ment inter­pré­té, vous savez, la via­bi­li­té finan­cière. Je pense que j’ai deux pro­blé­ma­tiques prin­ci­pales avec ce mot. La pre­mière est qu’il est tout sim­ple­ment trop large et qu’il peut être mal inter­pré­té ou bien il peut être inter­pré­té de tant de manières dif­fé­rentes qu’il n’est pas per­ti­nent. Et deuxiè­me­ment, cela implique que les choses res­tent les mêmes, ce qui est éga­le­ment très pro­blé­ma­tique. J’aime le mot … régé­né­rer, régé­né­ra­tif ou régé­né­ra­tion, qui me touche per­son­nel­le­ment, me touche beau­coup plus. Comme quelqu’un d’autre l’a éga­le­ment men­tion­né … l’économat, la régé­né­ra­tion, voi­ci les valeurs avec les­quelles je veux avan­cer. Et je pense que, pour moi, la régé­né­ra­tion parle de gué­ri­son, mais pas de gué­ri­son de la pla­nète, de la gué­ri­son des gens. Et donc, j’ai vrai­ment aimé ce langage ».

« Pour moi, la régé­né­ra­tion consiste à recon­naître que [la créa­tion d’un sen­ti­ment d’appartenance] est dif­fé­rente à tra­vers dif­fé­rentes com­mu­nau­tés. Et je pense que l’un de nos défis les plus impor­tants, en tant qu’artistes et en tant qu’organisations artis­tiques, est de trou­ver les moyens de créer un sen­ti­ment d’appartenance pour dif­fé­rentes com­mu­nau­tés – et que cela va encore une fois avoir l’air très dif­fé­rent pour dif­fé­rentes com­mu­nau­tés – mais pour créer ce sen­ti­ment d’appartenir à un futur régé­né­ra­teur ou des futurs régé­né­ra­teurs au plu­riel. Et, vous savez, aller dans cette direc­tion, par oppo­si­tion au genre de dua­lisme qui entoure sou­vent cette ques­tion, de sorte que nous créons réel­le­ment de l’énergie plu­tôt que de muse­ler les gens ».

« Quand je regarde autour du monde, vous savez, mes amis trans, dont l’espérance de vie au Cana­da est de 32 ans, sont vrai­ment ren­dus à un point où la dura­bi­li­té ne suf­fit plus, comme l’a démon­tré hier soir la réunion du conseil sco­laire d’Ottawa autour de cela. Je veux dire, nous y revoilà ».

« Je vou­lais sug­gé­rer que quel que soit le mot que vous choi­sis­sez, nous trou­ve­rons un moyen de le trans­for­mer en quelque chose de pâle et vide de sens. Donc, ce que l’on peut faire c’est nous deman­der quelles sont les habi­tudes de pen­sée, les modes rela­tion­nels et modes d’action, qui nous per­mettent en quelque sorte de mettre en gageure les choses que nous devrions faire dif­fé­rem­ment à pro­pos d’un mot ».

« Les mots sont coop­tés … et là où les mots changent de sens, je pense que ce à quoi nous devons vrai­ment nous accro­cher, c’est la signi­fi­ca­tion que nous avons et la façon dont nous inter­agis­sons avec ces mots. Je veux dire, vous regar­dez des mots comme “woke” et ce qui s’est pas­sé ces der­nières années. Et ce que cela signi­fie à pré­sent pour la plu­part des gens – pas pour nous tous – est très dif­fé­rent de ce que cela signi­fiait il y a à peine quelques années. Et donc, je veux dire que je pense que la ques­tion de la for­mu­la­tion est impor­tante, mais je pense qu’une par­tie de cela est que nous devons être très clairs sur ce que cela signi­fie pour nous ».

 « Main­te­nant, mon sen­ti­ment à pro­pos de régé­né­ra­teur, quoique l’idée de régé­né­ra­tion est la sui­vante : cela sug­gère de mettre en avant quelque chose qui a déjà été atteint. C’est la réar­gu­men­ta­tion. Qui est, vous savez, comme toute la notion d’urgence cli­ma­tique, comme si c’était une urgence selon la pers­pec­tive colo­niale du pre­mier monde mais, pour de nom­breuses com­mu­nau­tés autoch­tones, c’est juste une conti­nua­tion de quelque chose qui se produit ». 

« Mais je pense que le truc de “l’urgence”, selon moi, ren­voie à ce genre de défi­ni­tion plu­tôt “du pre­mier monde”. Ce n’est pas aus­si inclu­sif. En ce qui me concerne, le défi a été d’essayer de remettre en ques­tion mes sché­mas de pen­sée domi­nants. Et il s’agit d’identifier quels sont-ils, comme, juste comme une prise de conscience, essayer de décou­vrir ce que sont ces choses. Je n’ai pas de solu­tion pour aller de l’avant, car je suis encore dans cette phase de découverte ».

« La dis­cus­sion autour de l’urgence et de sa pro­blé­ma­tique, afin que ce mot soit uti­li­sé pour atti­rer l’attention sur les moyens par les­quels l’épistémologie, les connais­sances autour de la crise, sont uti­li­sés pour jus­ti­fier toutes sortes d’actes de cri­mi­na­li­té. Donc, parce que c’est une “urgence”, nous devons abattre ces arbres, n’est-ce pas ? Ouais, parce que c’est une urgence. Cela doit arri­ver afin que les acteurs et les actions menées en temps de crise, c’est sou­vent uti­li­sé comme cou­ver­ture. Mais je pense que nous pour­rions tout aus­si rai­son­na­ble­ment inver­ser cela. Et pen­ser à uti­li­ser une cel­lule de crise comme un ter­rain géné­ra­teur de sagesse ».

« En pen­sant au lan­gage, j’ai écrit ici, il y a un lan­gage qui fait du bien. Et il y a un lan­gage qui convient par­fai­te­ment. Et puis, per­son­nel­le­ment, j’ai beau­coup lu sur ces choses, et j’ai par­lé à des gens et tout. Et ma propre réflexion est un terme qui a plus de sens pour moi pré­sen­te­ment, c’est la capa­ci­té de sur­vie, qui va au-delà d’un type de rési­lience. Mais c’est per­son­nel, vous savez, je plonge dans les méandres du pes­si­misme parce que c’est tel­le­ment décou­ra­geant de regar­der les faits. Mais c’est plus confor­table d’être dans un mot ou un concept qui convient par­fai­te­ment, qui donne l’impression que nous en sommes là où nous en sommes vrai­ment. Donc, j’ai mis à l’échelle et j’ai dit, vous savez, il y a des mesures d’atténuation sur les­quelles beau­coup de gens tra­vaillent main­te­nant, ils essaient de réduire leur empreinte dans tout effort qui en vaille la peine. Nous devons limi­ter les dégâts. Et puis il y a l’adaptabilité, c’est-à-dire qu’il y a des chan­ge­ments inévi­tables qui s’en viennent. Nous devons nous adap­ter. Nous devons anti­ci­per le cli­mat, les vagues de réfu­giés, toutes ces choses. Mais en réa­li­té, ce qui va arri­ver, mal­heu­reu­se­ment, c’est que nous allons entrer dans une période où seules cer­taines de nos espèces sur­vi­vront à ce qui s’en vient. Et ce n’est pas une chose très confor­table à laquelle pen­ser. Et on ne peut pas y faire grand-chose. Parce que vous vou­lez tra­vailler sur l’atténuation et l’adaptation. Et puis cette régé­né­ra­tion, qui est un cadre plus pro­met­teur, mais je pense que cela vien­dra après cette période de capa­ci­té de sur­vie. Inévi­ta­ble­ment, tout du moins à moins que les choses ne changent radi­ca­le­ment, c’est vers ça que nous allons. Cha­cun d’entre nous, tout notre com­por­te­ment col­lec­tif. Alors, com­ment cela aide-t-il l’art ? Eh bien, peut-être que non. Mais cela m’aide moi, car cela m’aide à com­prendre le lan­gage qui a du sens, peu importe là où je dépense mon éner­gie. Donc, je pense que nous devons tous réflé­chir à où nous en sommes et à la constante des mots et ain­si de suite. Mais que signi­fient-ils ? Quel sens donnent-ils là où nous vou­lons mettre notre énergie ? ».

 

Stra­té­gies péda­go­giques d’engagement : cha­grin, empa­thie, sur­vie et amour

« Je pense que si vous vou­lez que quelqu’un pro­tège quelque chose, vous devez l’aider à l’aimer. Ce que nous fai­sons, c’est que nous com­bi­nons poé­sie, prose poé­tique et musique et met­tons en évi­dence ce qui est très inté­res­sant musi­ca­le­ment. Nous nom­mons des oiseaux, nous nom­mons des lichens, nous fai­sons toutes ces sortes de choses et le tra­vail est vrai­ment une attente. Allez voir la nature, allez trou­ver votre propre rap­port pour pas­ser le temps, pro­lon­ger le temps. Vous savez, ne vous conten­tez pas de pas­ser devant la rivière, jusqu’au bord et de com­men­cer à repé­rer, vous savez, ce qu’il y a là-bas. Essayez de le com­prendre. Et je pense que c’est la clé pour aider les gens à trou­ver le rap­port à la nature ».

« J’ai l’impression que pen­dant et depuis la pan­dé­mie, les gens s’en fichent, les indi­vi­dus sont en mode sur­vie. Je pense que l’empathie des gens vient de s’épuiser parce que les gens sont sur ce mode sur­vi­va­liste. Ils ont un cha­grin éco­lo­gique. Apprendre aux gens à aimer et à prendre le temps, c’est un vrai défi ». 

« À tra­vers mon tra­vail, à la fois en tant que com­po­si­teur et artiste inter­prète et les thèmes que j’ai expé­ri­men­tés, qui sont ces thèmes d’appartenance et d’utilisation de la musique comme outil de réflexion. Et donc, en tant que quelqu’un qui va dans les écoles et les com­mu­nau­tés, j’ai l’impression que la part de mon rôle est d’être une tierce per­sonne, pour que les gens posent ces ques­tions pré­cieuses. Et donc, je suis vrai­ment ravi d’être ici pour par­ler de ce à quoi cela res­semble pour nous de faire des pas en avant impor­tants et de don­ner aux gens des outils pour dire à quoi res­semble la dura­bi­li­té dans nos com­mu­nau­tés. Com­ment nous pou­vons aller de l’avant non seule­ment pour en par­ler, mais pour avoir vrai­ment concrè­te­ment ain­si ces étapes tan­gibles d’engagement avec la communauté ».

« [Nous avons] cette pièce … et c’est au sujet de la rivière Rideau, de ce qu’il y a dans la rivière et de ce que vous pou­vez obser­ver, com­ment on peut s’y iden­ti­fier, des moules qui ont été déchi­que­tées par les ratons laveurs aux graf­fi­tis sur le ciment qui les entourent. Et avant notre concert, nous avons fait beau­coup de sen­si­bi­li­sa­tion auprès de groupes qui, pas seule­ment la com­mu­nau­té musi­cale, mais aus­si les gens qui sont dans les clubs de cano­tage et les ins­ti­tu­tions de pro­tec­tion des rivières et des eaux et des choses dans le genre, les conseillers muni­ci­paux, dans tous les quar­tiers le long la rivière. Et nous nous sommes retrou­vés avec un public com­po­sé de toutes sortes de per­sonnes que je n’avais jamais vues aupa­ra­vant lors d’un concert. Et j’ai pen­sé, c’est inté­res­sant, ces gens ne res­semblent pas à un public typique. Je pense que nous avons réus­si à ame­ner des gens à entendre quelque chose de dif­fé­rent. Et à dia­lo­guer avec les idées, dans la musique et dans la poé­sie … Et donc, il est pos­sible de tou­cher les gens ».

« Vous avez dit quelque chose dès le début qui a réson­né en moi tout le temps : par­cou­rez la terre et faites atten­tion à l’ordinaire ».

Conflits et rela­tions : abor­der la pola­ri­sa­tion et la pen­sée binaire

« Je m’intéresse à com­ment cela se fait que nous vivions aujourd’hui ? Et com­ment fai­sons-nous face à la des­truc­tion et aux pos­sibles ? En ce qui concerne l’idée de pola­ri­sa­tion poli­tique, peu importe où nous en sommes, ses racines sont tra­çantes et pro­fondes. Ce n’est pas quelque chose qui vient d’arriver. Cela n’a jamais dis­pa­ru. Et donc aus­si, je pense que les solu­tions, les leçons pour la sur­vie et la résis­tance sont aus­si pro­fondes et conti­nues et par­tout autour de nous. Je déteste quand les gens disent sim­ple­ment, concen­trons-nous sim­ple­ment sur les solu­tions, parce que je me dis : ‘Non, nous devons vrai­ment par­ler du pro­blème pen­dant une minute’.  Mais j’aime la ques­tion de savoir com­ment nous sommes à la fois dans la des­truc­tion et les possibles ». 

« Je vou­lais juste sug­gé­rer qu’il y a une ten­sion dans le mou­ve­ment mili­tant, de savoir, abso­lu­ment, sans aucun doute, de quel côté vous êtes, et l’importance de cette clar­té, cette clar­té morale contre ce qu’il faut pour déman­te­ler la post-véri­té, le dis­cours pola­ri­sant, com­prendre notre inter­dé­pen­dance. Donc, je pense à ce que ce jour­na­liste m’a deman­dé hier, à savoir est-ce que je joue­rai ma pièce le long du che­min de fer ou si je veux la jouer et si j’aime les fes­ti­vals et les salles de concert. Je ne l’ai pas tel­le­ment conçue pour être jouée dans des espaces de pro­duc­tion d’art ins­ti­tu­tion­na­li­sés, mais je vou­lais le faire dans des espaces où l’expérience vécue des gens cor­res­pond plus direc­te­ment aux com­plexi­tés que je res­sens dans ma propre vie. Cela signi­fiait donc le long de l’oléoduc, des routes fer­ro­viaires par camion qui ache­minent le pétrole de l’Alberta vers le mar­ché mon­dial. Et il était comme, ‘Eh bien, qu’est-ce que tu vas faire avec cette pièce, et s’il y a un gars là-bas avec des bottes à embout d’acier, il conduit son camion géant et genre, il va te dire …’ Et je me dis, ‘eh bien, ces gars sont mes cou­sins, mes frères et mes oncles. Et ce sont les vôtres aus­si’. Ce qui sem­blait, vous savez, une chose absurde à dire à quelqu’un, n’est-ce pas ? Mais vous pou­vez le désa­mor­cer en com­pre­nant que nous sommes déjà tous dans le même bateau, et que nous sommes déjà reliés. Et nos des­tins sont tou­jours acti­ve­ment inter­con­nec­tés, qu’ils puissent le voir ou non, il se pour­rait sim­ple­ment qu’ils ne soient tout sim­ple­ment pas prêts pour nous, c’est ce que j’aime à pen­ser : que tu n’es tout sim­ple­ment pas prêt pour moi. L’autre chose à laquelle je pen­sais en termes de luttes pour les arts et les orga­ni­sa­tions artis­tiques, c’est qu’elles sont domi­nées par des struc­tures de finan­ce­ment et des struc­tures de sou­tien qui sont acti­ve­ment et direc­te­ment liées aux mêmes struc­tures qui déman­tèlent notre droit d’accès à la terre, à de l’eau cris­tal­line, à un ave­nir, la terre entière. Et elles entre­tiennent des rela­tions étroites avec les indus­tries des éner­gies fos­siles, les indus­tries d’extraction ».

« Pen­dant que j’écoute, ce qui résonne, c’est à quel point il est impor­tant que nous soyons tous bien avec nous-mêmes, parce que c’est si dif­fi­cile de vivre avec inté­gri­té. Vous démon­te­riez tout et recom­men­ce­riez à zéro, mais nous ne pou­vons pas vrai­ment faire cela. Si nous pou­vions sim­ple­ment en par­ler ouver­te­ment et réa­li­ser comme [un par­ti­ci­pant] le disait, ‘il y a des répu­bli­cains dans ma famille et ça va’ ! C’est impor­tant d’être en accord avec tout le monde et avec vous-même et de faire de votre mieux dans cette capacité ».

« Il y a tel­le­ment de points de vue qu’il est vrai­ment dif­fi­cile de faire le tri et de déci­der ce qui est juste. Et même moi-même en tant qu’individu, j’ai besoin d’un ordi­na­teur plus puis­sant, car je tra­vaille sur plus de pro­jets. Je suis allé à Banff pour des rési­dences où les ins­tal­la­tions sont spon­so­ri­sées. Les pan­neaux sont accro­chés au mur par une orga­ni­sa­tion pétro­lière. Donc, c’est juste une période très stres­sante pour vivre et tra­vailler sur toutes ces choses. Donc, c’est vrai­ment bien d’avoir ces conver­sa­tions et d’essayer de régler les choses ».

« Ce que je com­prends, c’est qu’il y a beau­coup d’ironie. Nous devons nous confor­mer à ces sys­tèmes afin de faire le tra­vail qui va par­fois à contre-cou­rant. Pre­nons un exemple de l’intérieur [d’une orga­ni­sa­tion de danse], nous nous concen­trons sur le lan­gage simple pour faire soit une des­crip­tion audio, soit pour rendre le tra­vail ou quoi que ce soit que nous lan­çons un peu plus acces­sible aux per­sonnes neu­ro­di­ver­gentes, qui ne per­çoivent pas les choses de la même manière que tout le monde. Et pour­tant, afin d’obtenir le finan­ce­ment néces­saire pour que cela se pro­duise, nous devons rédi­ger toute cette demande de sub­ven­tion, qui est tout ce lan­gage éla­bo­ré qui n’a rien à voir avec le résul­tat final concret. Ce n’est donc qu’une iro­nie. Si je peux juste par­ler de l’accessibilité durant la pan­dé­mie, c’était génial. Nous avons pu atteindre beau­coup plus de per­sonnes sans avoir d’empreinte éco­lo­gique nous-mêmes. Mais cela repose sur l’hypothèse que les gens ont accès à la tech­no­lo­gie pour que ces choses se pro­duisent. Donc, je pense que l’action en réponse à la pola­ri­sa­tion est d’interpeller l’ironie, de ne pas avoir peur de dire : ‘Hé, il y a cette dicho­to­mie.’ Et peut-être que nous orga­ni­sons un fes­ti­val et disons : ‘Devi­nez quoi, voi­ci le fes­ti­val et nous sommes le pro­blème.’ Je pense que ce serait assez dif­fi­cile de voir et d’être confron­té à cela en tant que membre du public, mais aus­si en tant que com­mu­nau­tés locales, et pour­tant de voir quelles sont les choses posi­tives qui peuvent émer­ger de l’urgence ».

Arts et chan­ge­ment sys­té­mique : dif­fé­rentes manières d’être et de faire

« Je suis convain­cu que rien ne chan­ge­ra, à moins que nous ne chan­gions le sys­tème. Et je pense que la com­mu­nau­té artis­tique est un exemple incroyable de com­ment ce sys­tème peut être dif­fé­rent. Parce que je veux dire, rec­ti­fiez-moi si je me trompe, je regarde autour de moi, aucun de nous n’est ici pour deve­nir riche, pour amas­ser des actifs, contrô­ler les chaînes d’approvisionnement et des choses comme ça. Notre mode de vie est déjà dif­fé­rent du sys­tème et en dehors du sys­tème. Les artistes ont géné­ra­le­ment été mar­gi­na­li­sés en tant que groupe et en tant que groupe démo­gra­phique pen­dant des lustres. Donc, nous avons en fait une quan­ti­té de connais­sances incroyable, que nous pou­vons appor­ter au chan­ge­ment de sys­tème. Et je pense que cela implique que les artistes, en tant que masse cri­tique, se lèvent et disent que nous vivons un sys­tème dif­fé­rent. Alors les arts ont joué un rôle énorme dans la lutte contre le sida, les arts ont joué un rôle énorme pour les droits civiques. Nous savons réel­le­ment mobi­li­ser les gens et nous savons tra­vailler sur le chan­ge­ment de men­ta­li­té par­mi le grand public. Donc, je pense que nous avons des choses impor­tantes à appor­ter à cette bataille qui nous attend ». 

« Je pense que la musique ou les arts peuvent aider les gens à recon­naître l’ampleur du pro­blème. Et c’est vrai­ment dif­fi­cile pour les gens de recon­naître que ce qu’ils pensent être nor­mal est en fait quelque chose, qu’il y a dif­fé­rentes façons de voir le monde. Et je crois vrai­ment que remettre en ques­tion nos per­cep­tions colo­niales occi­den­tales est ce qui est néces­saire pour pro­vo­quer le chan­ge­ment. Je crois que déco­lo­ni­ser et consi­dé­rer l’environnement sont liés. J’ai aimé les mots sur l’écoute et le chan­ge­ment. Il s’agit d’écouter, d’écouter autrement ».

« Les musi­ciens alter­na­tifs pré­sentent dif­fé­rentes façons d’être sim­ple­ment du fait que nous ne sommes pas dans le monde cultu­rel popu­laire. Parce que la culture popu­laire est ani­mée par des mes­sages capi­ta­listes. Et, vous savez, si nous pou­vons créer un cadre et une com­mu­nau­té, en tant que musi­ciens, éga­le­ment avec le public, avec les gens, et le faire d’une manière qui pré­sente dif­fé­rentes façons d’être, je pense que c’est la meilleure chose que nous puis­sions faire. Il est dif­fi­cile de trou­ver un cadre pour être dif­fé­rent. Et ça a tou­jours été comme ça … Com­ment allons-nous créer des cadres, et y invi­ter des gens, qui seront plus sains que ce dont nous dis­po­sons ? même s’ils sont impar­faits ? Parce que c’est vrai­ment, vrai­ment dif­fi­cile de vivre une vie simple et intègre. Et dans notre sys­tème, cer­tains diraient impossible ».

« Ce serait très cool si les arts pre­naient l’initiative d’admettre exac­te­ment quelle était leur empreinte car­bone, vous savez, et de tenir tête à d’autres orga­ni­sa­tions. Qui sera le pre­mier fes­ti­val du Conseil des arts à dire que nous avons inuti­le­ment fait venir 20 per­sonnes par avion parce que c’est comme ça que nous travaillons ? ».

« L’une des expé­riences de pen­sée que j’ai faites en classe, qui a été très utile pour les gens, c’est d’imaginer que le prix du pétrole monte à 100 $ le litre, d’accord. Et donc, il n’est en fait plus pos­sible non seule­ment de par­tir en tour­née, mais il n’est aus­si plus pos­sible d’obtenir vos anches sur Ama­zon. D’accord. Rien de tout cela n’est abor­dable. Rien de tout cela n’est acces­sible et à por­tée. Alors com­ment fait-on de la musique ? D’accord. Alors pour com­prendre, par exemple, que nous devons nous dépar­tir de nos pra­tiques capi­ta­listes colo­nia­listes, nous devons com­prendre, par exemple, que nous ne connais­sons pas les plantes et les ani­maux comme des musi­ciens et des amis. J’avais un élève dans ma classe qui était tel­le­ment épous­tou­flé par ça. Il a gran­di dans le New Jer­sey, famille d’immigrants coréens, et il est cla­ri­net­tiste. Et il a ensuite essayé de com­man­der une plante de bam­bou sur Ama­zon et a essayé de faire pous­ser sa propre canne. Il ne savait pas com­bien de temps il fal­lait à la plante pour arri­ver à matu­ri­té. Il n’a aucune connais­sance, cela ne fait pas par­tie de son expé­rience. Et il pen­sait qu’il pour­rait le faire en tant que pro­jet final pour le cours d’ici la fin du semestre. Et cela dit il a fini par docu­men­ter le pro­ces­sus et son pro­ces­sus de décou­verte de ce qu’il ne savait pas. Seule­ment décou­vrir la révé­la­tion que ce qu’il ne connais­sait pas c’était sa rela­tion à la plante, sa rela­tion à la canne, sa rela­tion à son iden­ti­té, à ce qu’il étu­diait en tant que musi­cien, et était de fait … Mais je pense que c’était assez libé­ra­teur parce qu’il n’avait plus à accep­ter que sa valeur en tant que musi­cien venait d’un sys­tème qui était déter­mi­né à le détruire. D’accord ? Donc, cela pour­rait signi­fier que vous faites des choses comme, peut-être, fabri­quer des ins­tru­ments à par­tir de déchets, comme des tubes d’essuie-tout, ou peut-être que nous chan­tons sim­ple­ment ensemble. Peut-être que nous devons pen­ser de manière beau­coup plus créa­tive et beau­coup plus empa­thique à avec qui nous sou­hai­tons faire de la musique ».

Outils d’engagement com­mu­nau­taire, cli­mat et arts

« J’allais évo­quer les outils Crea­tive Green … Et c’est inté­res­sant parce que ce n’est pas un outil par­fait, mais c’est tou­jours quelque chose. Et c’est inté­res­sant, parce que je tra­vaille pré­sen­te­ment dans un contexte rural et quand je regarde les ques­tions, beau­coup d’entre elles ne s’appliquent pas à nous, à bien des égards. C’est vrai­ment des­ti­né à un contexte urbain autour de fes­ti­vals et d’institutions. Je pense que ce n’est qu’une ques­tion de temps avant qu’ils ne soient adop­tés par un cer­tain nombre de conseils des arts, donc c’est pos­sible que nous devions tous nous fami­lia­ri­ser avec [ces outils] bien­tôt. Et, vous savez, encore une fois, ce n’est peut-être pas un outil par­fait, mais c’est un pas en avant. Mais nous avons com­men­cé à cher­cher d’autres outils et ils ne relèvent peut-être pas des arts. Par exemple, l’une des choses dans les­quelles nous sommes le plus impli­qués est l’Engagement pour la dura­bi­li­té de la bio­sphère de la Thomp­son Oka­na­gan Tou­rism Asso­cia­tion (TOTA), qui n’est, encore une fois, pas un outil par­fait, mais qui est un moyen pour nous d’accéder à une for­ma­tion et à un déve­lop­pe­ment des com­pé­tences non négli­geables pour nous faire avan­cer. Et c’est par le biais d’un orga­nisme tou­ris­tique, non pas par une orga­ni­sa­tion artis­tique. Et donc, cer­tains autres réseaux sont peut-être un peu plus avan­cés que nous, et je pense que nous ne devons pas hési­ter à entrer en contact ou à recher­cher ces choses qui sont adja­centes ou qui nous parlent, mais qui ne sont pas néces­sai­re­ment entiè­re­ment adap­tées pour nous ».

« Dans Ima­go, de King of Chlo­ro­phyll, j’étais musi­cien dans l’ensemble, mais la pièce se dérou­lait à l’extérieur. Et c’était cette jonc­tion inté­res­sante entre la musique et le cli­mat. La com­po­si­trice est arbo­ri­cul­trice, mais aus­si com­po­si­trice et musi­cienne. Et donc, nous étions là, seule­ment voi­là il y a le centre aéré et les enfants étaient là avec leurs machettes, à aider à net­toyer la zone. Et puis en tant que musi­cien, j’étais là à regar­der Kim, qui est dans les arbres en train de faire cette danse ins­pi­rée de la ton­nelle. Mais c’était une confluence vrai­ment inté­res­sante, car avant de venir voir la pièce, les membres du public ont pu ren­con­trer les agri­cul­teurs locaux et par­ler de ce que nous culti­vons et de la façon dont nous le culti­vons. Et avant qu’ils ne découvrent l’œuvre artis­tique, j’ai l’impression qu’il y avait une confluence de nom­breuses com­mu­nau­tés dif­fé­rentes. Et pour moi, en tant qu’artiste, c’était un exemple d’aller de l’avant et de par­ler de la terre sur laquelle nous nous trou­vons, et de très belles façons ».

Culti­ver les rela­tions les uns avec les autres et avec l’environnement

« Et juste offrir une petite anec­dote, à savoir que plus de vies sont sau­vées, dans les catas­trophes natu­relles, cli­ma­tiques ou autres, plus de vies sont sau­vées par de simples citoyens que par les pre­miers inter­ve­nants ou par les poli­tiques gou­ver­ne­men­tales. Donc, ce sont ces rela­tions qui nous sauvent les uns les autres. Et ces rela­tions sont ce que nous devons iden­ti­fier et défendre » 

« J’entends tel­le­ment qu’il s’agit seule­ment des humains. Il ne s’agit pas des arts. Et ça ne m’étonne pas tel­le­ment, mais en même temps, c’est une situa­tion inté­res­sante que ce groupe de per­sonnes se ras­semble en fonc­tion de leur pra­tique artis­tique ou de leur rap­port à des fina­li­tés artis­tiques et finisse par dis­cu­ter d’humanité et de crises ou, par manque d’un meilleur mot, des pro­blèmes émer­gents que nous voyons, sous des angles très différents ».

 

Logis­tique de tour­nées et de repré­sen­ta­tions avec une conscience climatique

“Je pen­sais à cela, en tant que musi­cien, quand, fran­che­ment, je suis sur une tour­née finan­cée par une sub­ven­tion, sor­tant d’un concert qui n’a peut-être pas été très média­ti­sé et que 15 per­sonnes se sont pré­sen­tées. La réa­li­té est que c’est un tel gas­pillage de res­sources et d’empreinte éco­lo­gique, mais le fait est que dans ce que nous fai­sons, il est vrai­ment impor­tant de ras­sem­bler les gens. Donc, je pense tou­jours qu’il y a une sorte de via­bi­li­té là-dedans ».

« L’une des autres choses aux­quelles je pen­sais, en termes de fes­ti­vals de jazz au Cana­da, qui est en fait une chose cool, c’est que nous avons consciem­ment essayé de trou­ver un iti­né­raire. Quand ces concerts sont pro­po­sés à quelqu’un, ils sont impor­tants pour la car­rière des gens. Et si vous avez cette tour­née folle, cet iti­né­raire, vous l’accepterez. Il est donc de notre res­pon­sa­bi­li­té d’essayer de dire ‘Hey, Cal­ga­ry, ça te dérange si on inter­ver­tit sim­ple­ment les dates, des petites choses comme ça, pour que ce soit plus viable pour tout le monde ?’ ». 

« C’est l’impossibilité d’une situa­tion dans laquelle nous nous trou­vons où il nous faut être deux mondes. Donc, comme vous le dites, vous devez prendre l’avion pour faire le concert, parce que vous en avez besoin. Vous vous ren­dez à une confé­rence en avion parce que vous avez besoin d’une com­mu­ni­ca­tion sou­te­nue, vous avez besoin d’une inter­ac­tion en face à face. Vous devez pré­pa­rer la conver­sa­tion. Donc, nous sommes constam­ment pié­gés dans ce genre de cycles qui consiste à dire : “Est-ce que je fais ce qu’il faut ? Est-ce que c’est cor­rect ?” Et je pense que ce qui me fait rire, c’est en quelque sorte l’absurdité kaf­kaïenne de ce moment où nous essayons de nous rai­son­ner mora­le­ment à l’intérieur d’un sys­tème qui se fait une joie de nous faire tour­ner en rond ». 

« Mon point de vue est : choi­sis­sez vos batailles. Il existe des formes d’art extrê­me­ment puis­santes. Ce sont les choses qui peuvent trans­for­mer la psy­ché des gens et l’empathie et tout ça. Donc, je pense que nous devons faire tout notre pos­sible pour pal­lier cela afin de pour­suivre notre tra­vail, car ce que nous devons faire c’est sor­tir de ce sys­tème insen­sé dans lequel nous vivons. Et ce ne sera pas facile. En fait, c’est pro­ba­ble­ment impos­sible. Mais il va fal­loir avancer. » 

« Vous savez qui a la plus grande empreinte car­bone sur les grands fes­ti­vals de musique ? Les gens qui viennent aux fes­ti­vals de musique, pas les gens qui s’y pro­duisent. C’est tout le monde qui se rend au festival ». 

« Pour moi, c’est cela qui revient tou­jours, et je suis tout à fait d’accord avec vous sur cette iro­nie du cycle, sur l’idée de ce qu’est le suc­cès. Le mot suc­cès, bien sûr, est pro­blé­ma­tique aus­si. Mais on entend dire qu’il faut aller à Mont­réal, pour­quoi faut-il aller à Mont­réal ? Parce que le sys­tème dit cela. C’est quelque chose qui signi­fie que vous avez « réus­si ». Et dans un sys­tème où vous devez réus­sir pour obte­nir le finan­ce­ment, vous devez aller en fes­ti­vals. Et pour aller en fes­ti­vals, vous devez avoir le finan­ce­ment. Et pour que le fes­ti­val vous pré­sente, il faut avoir un public. Et pour se créer un public, il faut avoir des finan­ce­ments. Et c’est ce cycle constant. Donc pour moi, il s’agit de récits et, si une his­toire dif­fé­rente est racon­tée et que vous pou­vez vous iden­ti­fier à cette his­toire, cela valide quelque chose pour vous en tant qu’individu. Cela valide quelque chose qui est com­mu­nau­taire. Et même en enten­dant ces idées de 13 per­sonnes qui se pré­sentent à un concert, pour­quoi est-ce un pro­blème ? Cela ne doit pas être un pro­blème. Il y a un récit à ce sujet à la fois pour l’artiste qui se pro­duit et aus­si pour le spec­ta­teur qui se pré­sente et pense, ‘pour­quoi suis-je ici, s’il n’y a que 13 personnes ?’ ».

 

Le pou­voir de la loca­li­té et de l’action locale

« Pour répondre à votre ques­tion, que peuvent faire le RCMN et les autres orga­nismes, la semaine der­nière en Flo­ride, il y avait une per­sonne de Parcs Cana­da qui était là à cause de l’écologie et elle a dit : ‘nous avons vrai­ment besoin de vivre local’. Vous savez, cela semble être une chose évi­dente, n’est-ce pas ? Donc, je pense qu’il faut un conseil d’Ottawa, n’est-ce pas, même si j’ai long­temps tra­vaillé au Conseil des Arts du Cana­da. Donc, je pense que nous devrions conti­nuer ces conver­sa­tions ici d’une façon ou d’une autre, et intro­duire plus de gens dans le cercle, racon­ter des his­toires. Oui, de bonnes his­toires. Mais aus­si par­ta­ger des outils. Main­te­nant qu’il y a cer­taines choses qui fonc­tionnent, ame­nez quelqu’un de Crea­tive Green ici. Ici à Otta­wa, nous nous sen­tons concer­nés. Nous vou­lons faire avan­cer les choses. Nous sommes conscients des faits et cela me fait du bien de pen­ser que nous puis­sions tra­vailler ensemble, et nous ne sommes pas obli­gés de le faire mais je pense que nous le vou­lons toutes et tous. Je pense que nous ne savons tout sim­ple­ment pas com­ment et à quel point ce n’est pas difficile ».

« J’aime vrai­ment ça et j’en veux encore plus. Parce que j’ai l’impression qu’au jour le jour, je suis un peu dans un mode sur­vie, genre [uni­que­ment concen­tré sur] la sta­bi­li­té éco­no­mique. C’est vrai­ment ce dont notre conseil d’administration parle, bien plus que du cli­mat, vous savez, ou toute autre ques­tion. Donc, plus nous fai­sons des choses comme ça, plus je repar­ti­rai avec cela pour retour­ner direc­te­ment au bureau avec cela à l’esprit, d’accord, et nous pou­vons agir ».

Rencontre de Brandon

Date : le 21 avril 2023
Lieu : Queen Eli­za­beth II Music Buil­ding, Bran­don, MB R7B 1L6
Co-dif­fu­seur : Eck­hardt-Gram­ma­té Natio­nal Music Com­pe­ti­tion 

La ren­contre de Bran­don s’est ouverte par une recon­nais­sance du ter­ri­toire par la direc­trice du Concours E‑Gré, Megu­mi Masa­ki, qui est éga­le­ment membre du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion du RCMN. Elle a encore une fois été sui­vie d’une courte pré­sen­ta­tion du pro­jet Ave­nirs éco-res­pon­sables et du ras­sem­ble­ment natio­nal à venir, par la Direc­trice Géné­rale du RCMN, Ter­ri Hron. Cette der­nière a de nou­veau fait réfé­rence aux trois modes d’implication de SCALE/LeSaut et elle a fait un court rap­port des deux évé­ne­ments pré­cé­dents. Par la suite, nous avons invi­té les par­ti­ci­pants dans le cercle à se pré­sen­ter et à nous faire part de leurs réflexions sur la manière dont la dura­bi­li­té se recoupe avec leur pra­tique et leur vie artistique. 

Bien que plu­sieurs par­ti­ci­pantes et par­ti­ci­pants à cette réunion étaient là en tant que concur­rents ou artistes invi­tés, nous avons été tou­chés par la géné­ro­si­té de leurs réponses et c’é­tait spé­cial d’a­voir autant de points de vue de jeunes artistes au début de leur car­rière. Les sujets qui ont été abor­dés comprenaient :

  • L’empreinte car­bone cachée des acti­vi­tés et sites en ligne ;
  • L’intensité de l’ur­gence cli­ma­tique pour les jeunes ;
  • Finan­ce­ment insuf­fi­sant pour des mesures de dura­bi­li­té, en plus de tout le reste – d’où vien­dra le budget ?
  • Les actions et choix de vie sont tout autant/plus impor­tants que les choix artistiques ;
  • La plu­part des mesures et poli­tiques de dura­bi­li­té sont conçues pour les réa­li­tés urbaines plu­tôt que rurales ;
  • Avons-nous oublié toutes les leçons tirées du ralen­tis­se­ment lié à la COVID ?
  • Fau­drait-il s’at­tendre à ce que les artistes en début de car­rière refusent des concerts qui néces­sitent des dépla­ce­ments, alors qu’ils essaient sim­ple­ment de lan­cer leur car­rière ? Qu’est-ce qui est juste à cet égard ?
  • Le local est ce qui est dis­po­nible. Tout ne doit pas se pro­duire partout ;
  • Nous devons chan­ger notre état d’es­prit et nos valeurs concer­nant les talents locaux et le nombre de spectateurs.

Com­men­taires des participant·e·s :

« Lorsque nous par­lons de dura­bi­li­té, et en rela­tion avec l’environnement en par­ti­cu­lier, oui, nous res­sen­tons la levée de bou­clier de nos agences gou­ver­ne­men­tales qui nous financent, et elles pro­duisent des ques­tions comme, d’accord, pou­vez-vous nous par­ler de votre audit envi­ron­ne­men­tal. Et donc nous avons fait quelques petites choses en interne en tant qu’organisation. Et éton­nam­ment, je n’ai même pas pen­sé ou je n’avais pas com­pris que les sites Web avaient une empreinte envi­ron­ne­men­tale. Et c’est là que j’ai vrai­ment com­men­cé à pas­ser à l’action, parce que j’ai vu com­ment, en un sens, il était consi­dé­ré comme un site très pol­lué, et non pas du point de vue du conte­nu, mais juste du fait qu’il ait un impact ». 

« Lorsque vous enten­dez les jeunes par­ler de l’impact envi­ron­ne­men­tal sur leurs vies et de com­ment ils envi­sagent l’avenir, c’est à ce moment-là que vous bou­gez vrai­ment pour faire quelque chose. Et le voir s’exprimer à tra­vers leur art et par­ta­gé publi­que­ment signi­fie que, si je ne peux pas faire assez pour moi-même, je dois faire quelque chose pour qu’il y ait un ave­nir pour ces jeunes gens ». 

« Quand j’entends le mot durable, chaque tra­vailleur cultu­rel se recro­que­ville, car il n’y a pas assez de finan­ce­ment pour que nous puis­sions conti­nuer sur cette voie. Et alors que nous enca­drons les jeunes dans ces rôles, quelque chose doit chan­ger, l’énergie doit chan­ger, nous devons tra­vailler dif­fé­rem­ment, nous devons pen­ser dif­fé­rem­ment. Et c’est vrai­ment en train de deve­nir un far­deau psy­cho­lo­gique, parce que je dois sou­te­nir des indi­vi­dus, mais aus­si recon­naître que l’argent dimi­nue, tous les moyens pour mili­ter pour l’espace artistique ».

« En termes de dura­bi­li­té, la pre­mière chose qui me vient à l’esprit est que j’ai gran­di dans une ferme bio­lo­gique, où mon père était très impli­qué dans de nom­breuses orga­ni­sa­tions et pro­jets dif­fé­rents, comme la dura­bi­li­té de la ferme et com­ment conti­nuer de fonc­tion­ner tout en redon­nant à la terre pour ne pas l’épuiser. Mais aus­si, faire des choix de vie et diverses autres choses. Donc, j’aborde les choses plu­tôt de ce point de vue, d’avoir ce rap­port per­son­nel d’être en pleine nature, d’être sur le ter­rain, de prendre soin des ani­maux, des récoltes et des choses. Donc, en ce qui concerne la façon dont cela se recoupe avec la musique et avec ce que je fais sur ce plan-là, il n’y a cer­tai­ne­ment pas encore eu beau­coup de recou­pe­ments pour moi. Cepen­dant, il y a beau­coup de choses que nous pou­vons faire pour aller de l’avant et je suis curieux d’explorer davan­tage ces choses, mais je n’ai tout sim­ple­ment pas beau­coup d’affinités encore une fois ». 

« Quelque chose qui m’est venu à l’esprit ces der­niers temps, à la fois en termes de dura­bi­li­té artis­tique et de dura­bi­li­té envi­ron­ne­men­tale, vient du fait que j’ai gran­di dans une zone rurale et j’ai démé­na­gé et vécu dans de nom­breuses villes du Cana­da. J’ai alors réa­li­sé que beau­coup de solu­tions qui ont du sens dans la RGT ou dans d’autres villes ne sont pas tou­jours dis­po­nibles dans les régions rurales de la Sas­kat­che­wan, et j’essaie sim­ple­ment de com­prendre com­ment nous pou­vons inclure tout le pays dans ces conver­sa­tions et pas seule­ment pen­ser à ce que les gens de Toron­to peuvent faire pour aider. Je pense que c’est mer­veilleux, ces conver­sa­tions qui se déroulent ici ». 

« En tant que créa­teur, en ce qui concerne la dura­bi­li­té, une chose à laquelle je pense beau­coup semble être assez liée à l’engagement com­mu­nau­taire. Et parce que je suis musi­cien, l’idée de la musique pos­sède une sorte de vec­teur de com­mu­ni­ca­tion. Je réflé­chis donc au type d’information que la musique est poten­tiel­le­ment effi­cace à com­mu­ni­quer et à ce qui est per­ti­nent en cela ». 

« Je pense que ceux d’entre nous qui ne sont pas musi­ciens ou artistes seront per­dus. Parce qu’il n’y a rien de mieux que d’aller à un concert ou d’entendre des musi­ciens. Regar­der l’art et cela change votre pers­pec­tive, tend à vous don­ner de l’espoir, implique un sens esthé­tique, et donc très impor­tant pour moi ». 

« Je pen­sais, d’accord, quand la neige aura fon­du, je vais ramas­ser les ordures. Par­fois, je marche avec mes petits-enfants, je prends un sac pou­belle et je ramasse sim­ple­ment les ordures. C’est vrai­ment dif­fi­cile de savoir quoi faire. Mais je pense d’accord, c’est une chose que je peux faire ». 

« Pour moi en ce moment, il y a un énorme chaos dans ma tête. Quand je pense que je sais ce que je fais et que je contri­bue à faire quelque chose de posi­tif, je remonte la pente et je fais face à plus de ques­tions et plus d’anxiété et encore plus de ques­tions. Je trouve que plus j’en fais, plus je suis confus. Et cela pour­rait aus­si être en par­tie la rela­tion que j’ai avec la terre ».

« Julie’s Bicycle ont créé ces outils mer­veilleux pour mesu­rer votre empreinte car­bone. Et quand j’utilise ces outils, je me sens très anxieux, car je peux voir com­bien je consomme et quelle est l’ampleur de mon empreinte et la façon dont je l’équilibre. Et com­ment je l’ai équi­li­bré, c’est en créant des pro­jets qui sen­si­bi­lisent aux chan­ge­ments cli­ma­tiques et en uti­li­sant la force et le pou­voir émo­tion­nel de la musique et de l’art pour mettre en son et créer une col­lec­tion pour les audi­teurs et les inter­prètes sur les don­nées scien­ti­fiques qui ont été ras­sem­blées sur la crise cli­ma­tique. C’est donc une façon qui m’a per­mis de l’assimiler personnellement ». 

« Je pense que nous avons tous eu beau­coup de temps pour réflé­chir à la dura­bi­li­té, à la fois artis­ti­que­ment et éco­lo­gi­que­ment, à cause de la COVID. Et il y a des choses très posi­tives à rete­nir de cela. J’ai eu une conver­sa­tion avec des artistes pas plus tard qu’hier. Nous par­lions de la façon dont le monde s’est arrê­té et dont il est repar­ti à pré­sent, mais c’est comme 1000 fois accé­lé­ré. Et je me demande si ce n’est pas le moment pour ce genre de conver­sa­tions, d’avoir appris que l’environnement avait une chance de gué­rir pen­dant ces deux années où tout le monde ne pre­nait pas l’avion et que tout le monde n’était pas occu­pé par toutes sortes d’activités. Et main­te­nant, j’y suis confron­té et j’entends dire par des col­lègues que c’est tel­le­ment ampli­fié à pré­sent, que nous allons faire à nou­veau tous ces dégâts et de manière encore pire, parce que nous avons aus­si hâte de reprendre le travail ».

« Quand est-il bon de dire non, c’est une chose que j’ai apprise bien trop tard. En tant que jeunes artistes, nous avons ten­dance à dire oui à tout parce que nous sommes tel­le­ment recon­nais­sants lorsque cette oppor­tu­ni­té se pré­sente. Mais une chose à rete­nir, peut-être, est qu’est-ce qui est le plus pré­cieux pour vous ? Qu’est-ce qui a le plus d’impact sur votre carrière ? ». 

« Les dif­fu­seurs et les inter­prètes doivent vrai­ment se deman­der s’ils doivent faire ce concert là-bas ? Existe-t-il d’autres moyens de dif­fu­ser leur art ? Cela peut-il être pris en charge de manière appro­priée ? Par des orga­nismes artis­tiques ? Je sais que dans les uni­ver­si­tés, cela a été une vaste ques­tion. Car tra­di­tion­nel­le­ment, les évé­ne­ments inter­na­tio­naux sont plus appré­ciés que les évé­ne­ments locaux. Mais devraient-ils l’être ? Vous pour­riez faire valoir que l’engagement de la com­mu­nau­té locale est tout aus­si béné­fique. Et que nous ne devrions peut-être pas tou­jours consi­dé­rer les acti­vi­tés inter­na­tio­nales et bran­chées comme acti­vi­té de pre­mier plan. La même chose est valable, je pense, lorsque nous consi­dé­rons si les sym­pho­nies doivent faire venir des solistes de loin, alors qu’il y a des solistes par­fai­te­ment com­pé­tents loca­le­ment. Les com­pa­gnies d’opéra doivent-elles faire venir celles et ceux qu’elles pensent être les meilleurs au monde ? Et je pense que nous devons en quelque sorte chan­ger notre état d’esprit sur le spec­tacle, tout le milieu du spec­tacle. Nous sommes dans un grand pays ».

« La ques­tion [de se concen­trer sur le local] se fait au pro­fit des grandes villes où il existe de mul­tiples res­sources. Qu’en est-il du reste d’entre nous ? Com­ment le reste d’entre nous peuvent-ils sou­te­nir la pra­tique artis­tique en étant uni­que­ment concen­trés sur le local, c’est quelque chose que je n’ai pas tout à fait com­pris. J’aimerais avoir cette conversation ». 

« Je ne savais pas quoi attendre de cette ren­contre ici aujourd’hui. Cer­tai­ne­ment pas ça. Le chaos est un très bon mot. L’anxiété est un super mot. Le finan­ce­ment est un super mot. Local est un super mot ». 

« Je trouve que c’est un pro­blème par­ti­cu­liè­re­ment déli­cat, sur­tout pour les per­sonnes en début de car­rière. Je rêve d’arriver un jour à un moment de ma car­rière où je pour­rai refu­ser ce concert. Mais quand vous essayez juste de démar­rer, vous devez le faire, juste d’un point de vue finan­cier. Il y a cer­tai­ne­ment une pres­sion pour dire oui à tout et aus­si dans l’optique d’essayer de faire connais­sance avec des gens et de créer des liens ». 

“Je constate que tout le monde a posé cette ques­tion à tous les niveaux d’implication, qu’il s’agisse de rédi­ger ce contrat, de réser­ver la salle, de réser­ver le lieu. Si tout le monde disait sim­ple­ment, atten­dez une seconde, com­ment pou­vons-nous faire un embal­lage grou­pé pour que ce soit plus durable ? Je pense que ce serait le cas ».

« Donc, quand vous pen­sez aux affaires et à ce que vous pou­vez faire loca­le­ment, c’est incroyable quand vous com­men­cez à tenir l’affiche et de l’offrir non seule­ment aux grandes villes, mais aus­si aux petites, puis de deve­nir ces incroyables musiciens ».

« Je pense que pour moi, per­son­nel­le­ment, je suis très pré­oc­cu­pé par l’environnement et je consi­dère l’économat de la créa­tion comme une par­tie très impor­tante de mon être et de mon des­sein. Com­ment cela se recoupe avec ma musique, je ne pense pas qu’il y ait une ligne très défi­nie à ce stade ; cela sus­cite des pré­oc­cu­pa­tions. Et j’apprécie quand les sou­cis éco­lo­giques font par­tie du sujet. Je crains que beau­coup de nos efforts ne se trans­forment en culpa­bi­li­té et en anxié­té au lieu de chan­ge­ment. Donc, quand je pense à la dura­bi­li­té, je veux que cela com­prenne l’action qui rend les choses durables ». 

« Le défi du local est je pense aus­si le défi de ce que nous pen­sons devoir faire en termes de pres­ta­tion. Nous devons donc nous doter d’un qua­tuor à cordes. Donc, nous devons avoir un opé­ra. Peut-être que la musique que nous fai­sons vient du lieu et des res­sources dont vous dis­po­sez, plu­tôt que d’insister pour que nous ayons une com­pa­gnie d’opéra ou un centre d’orchestre. Donc je pense que c’est quelque chose qui fait peut-être par­tie de la ques­tion. Le local c’est ce qui est là ». 

« Et pen­dant la pan­dé­mie, il y a eu ce phé­no­mène étrange où tout ce que nous pou­vions faire peut se rendre n’importe où, etc. Mais tout à coup, ces col­la­bo­ra­tions se pro­duisent entre des per­sonnes, alors qu’elles n’auraient jamais eu lieu. Ce sont en fait des choses très posi­tives et inno­vantes qui en sont res­sor­ties, dont cer­taines conti­nuent encore, la dif­fu­sion de concerts, etc. Mais les gigan­tesques parcs de ser­veurs qui cor­rompent nos don­nées par­tout dans le monde pour nos concerts, nos cour­riels pour mettre en place ce concert, etc. etc. sont très pol­luants. C’est très pol­luant. Donc c’est un vrai point anxio­gène, c’est que fon­da­men­ta­le­ment là où nous en sommes arri­vés, et ce ne sont pas seule­ment les artistes, c’est toute la socié­té et la culture, le monde, le monde humain, c’est que nous avons mis en place une infra­struc­ture qui semble extrê­me­ment dif­fi­cile à transformer ». 

« Wayne [Shor­ter] a vu que le rôle des artistes est d’équilibrer la socié­té. Et cer­taines per­sonnes com­pa­re­raient cela, dans d’autres socié­tés, au rôle du cha­man, pour expli­quer les choses à la com­mu­nau­té … Alors Wayne par­le­rait de jouer ou d’ écrire de la musique qui soit le monde que vous vou­lez voir. Jouez vos rêves ». 

« Je pense qu’il n’y a pas de com­mu­ni­ca­tion qui ne nuise pas du tout à l’environnement, à part celle que nous avons en ce moment. Et même là, nous avons les lumières allu­mées. Et nous conti­nuons de par­ler, mais je pense que c’est à peu près aus­si faible en car­bone que pos­sible. Comme toutes les autres formes de com­mu­ni­ca­tion, de com­po­si­tion, de créa­tion de notation ». 

« Je ne suis d’accord avec la nota­tion occi­den­tale en aucun point. Je pense juste que c’est un sys­tème désuet, bien qu’encore une fois mon sys­tème fami­lial était beau­coup plus désuet. Ma grand-mère était très com­mu­ni­ca­trice et tout se trans­met­tait ora­le­ment. Et donc je donne à mes étu­diants la pos­si­bi­li­té de faire des choses comme ça, dans des cercles de parole, et des options pour créer de la musique sans par­ti­tion ou créer de la musique qui ne néces­site pas 300 pages de nota­tion occi­den­tale pour com­mu­ni­quer avec quelqu’un. Je pense qu’en tant qu’artiste, nous devons com­mu­ni­quer ces idées sur le climat ».

« D’où vient votre argent ? Parce qu’ils sont un ensemble basé en Alber­ta. Et si j’entendais par­ler de pétrole, je ne vou­drais rien avoir à faire avec ça, parce que ce n’est pas durable et cela va com­plè­te­ment à l’encontre de ma théo­rie. Alors pour­quoi aban­don­ne­rais-je mon inté­gri­té artis­tique pour cela. Et je sais que je suis aus­si en début de car­rière, mais je m’en fiche, je reste sur mes prin­cipes. Je pense donc que c’est ce que nous fai­sons au niveau local ». 

“Ce avec quoi j’ai vrai­ment eu du mal, c’est quel est l’engagement de la musique clas­sique dans l’environnement, au ser­vice de la pro­mo­tion d’un inté­rêt com­mun pour la pré­ser­va­tion de l’environnement et dans quelle mesure il s’agit de rendre la musique clas­sique per­ti­nente. C’est donc quelque chose avec laquelle je suis aux prises en tant que musi­cien exé­cu­tant de la musique qui a été très liée aux pro­ces­sus de colo­nia­lisme. La rai­son pour laquelle, au Cana­da, je suis allé dans un conser­va­toire quand j’étais enfant et que j’ai étu­dié la musique clas­sique, est en grande par­tie liée au colo­nia­lisme. Et cela est étroi­te­ment lié aux dom­mages environnementaux ».

 “Et comme nous sommes tous des artistes ici, le pou­voir que nous avons est le pou­voir émo­tion­nel de la musique, peu importe ce que nous fai­sons et com­ment nous le fai­sons, et à quel point c’est gros­sier ou non. Mais nous avons le pou­voir d’être des direc­teurs artis­tiques, aus­si des audi­teurs, de grands audi­teurs, mais des direc­teurs artis­tiques dans le fait de faire de l’art et puis de deman­der au public com­po­sé d’autres musi­ciens d’étudier ce que nous chan­tons, jouons et com­ment nous écou­tons cela, et com­ment cela, espé­rons-le, nous rem­pli­ra tous d’espoir et de joie. Pour que nous ayons la force d’agir ». 

« Pour­quoi aller en Alle­magne pour un concert de 100 per­sonnes a plus de valeur que le concert de Bran­don pour 100 per­sonnes ? Et je pense que nous devons en quelque sorte chan­ger notre état d’esprit sur les per­sonnes avec les­quelles nous échan­geons et avec les­quelles nous com­mu­ni­quons. Et peut-être repen­ser les valeurs qui y sont associées ».

Rencontre de Vancouver

Date : le 23 mai 2023
Lieu : Cana­dian Music Centre BC, 837 Davie St, Van­cou­ver, BC V6Z 1B7
Co-dif­fu­seur : Cana­dian Music Centre BC

 La ren­contre de Van­cou­ver a été gra­cieu­se­ment orga­ni­sée par le Centre de musique cana­dienne, région de la Colom­bie-Bri­tan­nique. La Direc­trice Géné­rale du RCMN, Ter­ri Hron, a ouvert la ren­contre et DB Boy­ko a res­pec­tueu­se­ment offert une recon­nais­sance du ter­ri­toire. Une fois de plus, Ter­ri a don­né un aper­çu du pro­jet Ave­nirs éco-res­pon­sables, un résu­mé des ren­contres pré­cé­dentes et quelques détails sur l’é­vé­ne­ment natio­nal à venir. Par­mi les par­ti­ci­pants figu­raient de nom­breux artistes de Van­cou­ver dont le tra­vail recoupe ou se concentre sur les ques­tions envi­ron­ne­men­tales, ain­si que des repré­sen­tants des prin­ci­paux dif­fu­seurs de musique nou­velle. La grande majo­ri­té de notre temps a été consa­crée à chaque per­sonne, par­ta­geant leurs anté­cé­dents et leurs prin­ci­pales préoccupations/expériences en matière de dura­bi­li­té et de résilience. 

Les thèmes qui ont été abor­dés comprenaient :

  • Col­la­bo­ra­tion avec les envi­ron­ne­ments et les habi­tats natu­rels et si et/ou com­ment les inté­grer dans les lieux culturels ;
  • La dura­bi­li­té en tant que pra­tique holis­tique, en oppo­si­tion à la logique de sur­vie. La san­té et le repos entrent par­fois en conflit avec des loyers exor­bi­tants et la pres­sion d’ac­cep­ter un tra­vail qui pour­rait avoir des aspects moins durables, tels des longs déplacements ;
  • Le cha­grin et l’an­xié­té liés au cli­mat peuvent être dépri­mants. Les pro­blèmes de san­té men­tale aug­mentent. Com­ment pou­vons-nous les trans­for­mer par la créativité ?
  • Com­ment avan­cer quand toutes les pro­duc­tions semblent créer autant de déchets ?
  • Détri­co­tage et désap­pren­tis­sage per­son­nel et orga­ni­sa­tion­nel au quotidien ;
  • Les pra­tiques d’é­coute comme anti­dote à la pen­sée partisane ;
  • Com­ment reca­drer les com­pé­tences et les pra­tiques ensei­gnées à par­tir d’une men­ta­li­té colo­niale vers quelque chose qui puisse conti­nuer à nous servir ?
  • Qu’est-ce que la com­mu­nau­té ? Est-ce que cela existe pour pro­té­ger ce que nous avons ou pour encou­ra­ger à tra­vailler avec moins et à renon­cer à l’individuel pour le bien de tous ? Qui est dans la communauté ?
  • Se libé­rer de la logique de rare­té et de pré­ca­ri­té (par le biais du reve­nu de base ou du contrôle des loyers) per­met­tra aux gens/artistes d’a­voir plus d’es­pace pour se connec­ter à leur environnement ;
  • Embras­ser le local. Par­ta­ger des res­sources : Col­lecte de fonds cen­trée sur la com­mu­nau­té ;
  • Les conseils des arts consacrent-ils la majo­ri­té de leurs res­sources à des pro­jets durables (c’est-à-dire les orchestres sym­pho­niques et les com­pa­gnies d’o­pé­ra) ou pensent-ils pou­voir for­cer les grandes orga­ni­sa­tions actuel­le­ment moins durables à amé­lio­rer leur empreinte car­bone ? Com­ment créer le dia­logue avec eux ?

Com­men­taires des participant·e·s :

« Depuis que je suis de plus en plus rem­pli de ce besoin de venir m’engager dans l’urgence cli­ma­tique et en par­ti­cu­lier la des­truc­tion de l’habitat sau­vage par des sources anthro­piques, j’ai en quelque sorte dépla­cé mon atten­tion main­te­nant vers l’habitat. Et donc une grande par­tie du tra­vail que je fais main­te­nant concerne les habi­tats locaux tels que les forêts urbaines, et aus­si sau­vages, voire anciennes. Et cela implique de tra­vailler avec des forêts spé­ci­fiques qui se trouvent sur le bloc de coupe. Pour moi, il est vrai­ment essen­tiel de gagner un peu plus d’élan pour la pré­ser­va­tion des forêts et des arbres, car si nous ne les aidons pas, elles ne nous aide­ront pas avec le cli­mat. Vous savez donc que les forêts et les arbres sont d’excellents puits de car­bone, en plus d’être un habi­tat incroyable pour la bio­di­ver­si­té. Et nous savons à pré­sent que les forêts de la Colom­bie-Bri­tan­nique étaient autre­fois des puits de car­bone, mais main­te­nant elles sont en fait des sources de car­bone, car il y a eu tel­le­ment d’exploitation fores­tière et par­ti­cu­liè­re­ment de coupes à blanc ». 

« J’explore quels évé­ne­ments sonores peuvent être créés, soit dans une forêt avec des arbres, donc plu­tôt une sorte d’approche col­la­bo­ra­tive, mais ces méthodes peuvent éga­le­ment être adap­tées à des situa­tions en inté­rieur qui nous sont plus fami­lières, comme les gale­ries et salles de spectacle ». 

« La dura­bi­li­té au sens holis­tique, dans ma pra­tique, concerne beau­coup de petites choses, comme avoir un sys­tème pour recy­cler, réuti­li­ser les maté­riaux, comme créer et par­ta­ger des choses. Essayez éga­le­ment de pen­ser à la dura­bi­li­té en termes de san­té, que si vous n’avez pas la san­té et du repos, du temps et de l’espace, vous ne pou­vez pas prendre de déci­sions qui tiennent compte des résul­tats ou des effets de vos choix sur d’autres per­sonnes et artistes pour entrer dans une logique de sur­vie. Il est vrai­ment dif­fi­cile de consi­dé­rer les choses au-delà de vous-même, parce que vous vous déme­nez pour payer le loyer ou pour vous rendre au pro­chain concert ou pour sai­sir la pro­chaine oppor­tu­ni­té. Donc, à cet égard, je pense que des conver­sa­tions comme le reve­nu uni­ver­sel pour­raient don­ner aux artistes beau­coup de flexi­bi­li­té dans la conver­sa­tion sur la dura­bi­li­té. Je pense que c’est aus­si que vous par­lez dans une posi­tion pri­vi­lé­giée lorsque vous êtes capable, par exemple, de dire non au voyage en avion pour ce concert en fes­ti­val pour un jour ou deux. Et donc les artistes se retrouvent sou­vent coin­cés à sai­sir des oppor­tu­ni­tés qui ne fonc­tionnent pas néces­sai­re­ment pour nous ».

« J’ai remar­qué au fur et à mesure que ma car­rière se déve­lop­pait, qu’il m’était plus facile d’avoir des oppor­tu­ni­tés à l’étranger. Sou­vent, il est plus facile d’obtenir des concerts à New York ou à San Fran­cis­co, à tra­vers le pays, que d’obtenir quelque chose en ville. Et donc je pense qu’il y a encore vrai­ment un attrait pour les artistes de l’extérieur de la ville. Je suis ravi d’apprendre qu’il pour­rait y avoir des chan­ge­ments en termes de fes­ti­vals et de pro­grammes. Parce que je pense qu’il y a beau­coup de place pour embras­ser et explo­rer ce qu’il y a dans nos com­mu­nau­tés avant de faire venir des artistes ». 

« Il y a beau­coup d’anxiété cli­ma­tique, beau­coup de pro­blèmes de san­té men­tale en ce moment, autour du cli­mat évi­dem­ment, et ce qui me saute aux yeux, c’est sim­ple­ment d’être maman d’un jeune enfant et d’essayer d’imaginer l’avenir ». 

« Mon der­nier pro­jet com­pre­nait des thèmes envi­ron­ne­men­taux très forts. Je fai­sais des recherches sur les baleines et j’associais cha­grin cli­ma­tique et his­toires fami­liales. Beau­coup de l’anxiété et du cha­grin liés au cli­mat sont appa­rus lors de la créa­tion de ce pro­jet. Et, bien sûr, c’était super de mettre ça dans un pro­jet, mais à la fin, ça ne finit jamais. Vous pou­vez l’exprimer dans un pro­jet, vous pou­vez l’explorer, vous pou­vez essayer de tra­vailler sur quelque chose, mais je me retrouve à nou­veau, dans ces moments, presque para­ly­sé avec ça. Et donc je suis vrai­ment inté­res­sé en ce moment d’essayer de trou­ver un moyen de trans­for­mer cette anxié­té para­ly­sante en action. Parce que c’est là que c’est juste beau­coup plus pro­duc­tif et utile pour tout le monde, et aus­si un état d’esprit plus créa­tif, où c’est plus confor­table pour tout le monde et peut réel­le­ment créer du chan­ge­ment. Je pense donc que tra­vailler avec les émo­tions et des choses comme ça, et essayer de chan­ger à la fois per­son­nel­le­ment, créa­ti­ve­ment et orga­ni­sa­tion­nel­le­ment, est très utile ».

 « Je m’intéresse à la façon de faire avan­cer les choses dans une orga­ni­sa­tion, car chaque fois que nous fai­sons quelque chose, il semble qu’il y ait tel­le­ment de gas­pillage. Et encore une fois, com­ment pou­vons-nous créer des choses sans uti­li­ser des choses et ajou­ter une couche au problème ? ». 

« Je suis dans cette phase de me défaire de tout ce que j’ai jamais appris. A savoir, je n’arrête pas de dire que mon mot pré­fé­ré est d’être incer­tain. Le désap­pren­tis­sage est vrai­ment dif­fi­cile parce que vous devez vous remettre en ques­tion chaque jour et cela vous fait vous sen­tir vivant et c’est décon­cer­tant en même temps, mais je pense que c’est la seule façon de faire des chan­ge­ments, c’est d’être dans cette zone ». 

« Ce que je fais prin­ci­pa­le­ment dans tous ces domaines, tant per­son­nels qu’institutionnels, c’est d’essayer de favo­ri­ser une sorte d’activisme poli­tique qui ne soit pas lié à une posi­tion par­ti­sane ou à un mode de pen­sée idéo­lo­gique, mais plu­tôt de retrou­ver, par des pra­tiques d’écoute, une hon­nê­te­té, une com­mu­nau­té, une façon de vivre ensemble. Mais pas seule­ment en tant qu’humain, mais dans un contexte de pers­pec­tives holis­tiques et éthiques, ce qui est en fait quelque chose que nous appre­nons de plus en plus lorsque nous prê­tons atten­tion aux phi­lo­so­phies et phé­no­mé­no­lo­gies indi­gènes. Cela signi­fie donc qu’au lieu d’émettre une opi­nion ou une idéo­lo­gie spé­ci­fique, plu­tôt créer des cadres pour que les gens aient la pos­si­bi­li­té d’écouter autre­ment, d’activer leurs corps et sens sonores par le mou­ve­ment, dans un cadre éco­lo­gique, dans un cadre d’écoute, qui peut être un envi­ron­ne­ment – et pas néces­sai­re­ment un envi­ron­ne­ment natu­rel – parce que nous savons que nous pou­vons apprendre beau­coup de choses n’importe où. Et ce fai­sant, en créant, espé­rons-le, une plus grande prise de conscience dans la com­mu­nau­té. Les chan­ge­ments ne peuvent seule­ment se pro­duire si un plus grand groupe de per­sonnes est syn­chro­ni­sé sur des idées simi­laires et sen­si­bi­li­sé à la simi­li­tude. J’espère que les gens pas­se­ront à l’action, que nous pas­se­rons à l’action. Nous n’avons pas besoin de dis­cours poli­tique, nous avons besoin d’un mode de vie qui valo­rise les manières de se recon­nec­ter à soi, où l’humain connaît les humains, les pierres, les plantes, les eaux, etc. Et donc tout cela est très uto­pique, mais c’est ce vers quoi j’essaie de me connec­ter, dans tout ce que nous fai­sons maintenant ».

« La pan­dé­mie a été vrai­ment béné­fique, car en créant beau­coup d’aliénation, elle a démon­tré le fait qu’en fait nous devons tra­vailler de façons beau­coup plus regrou­pées autour du par­tage, car il s’agit de fra­ter­ni­té ou de soro­ri­té avec tout et n’importe quoi autour de nous ». 

« Tout ce que j’ai fait par le pas­sé, depuis ma jeu­nesse jusqu’à cette idée de deve­nir musi­cien et com­po­si­teur, était gui­dé par une forme de pen­sée capi­ta­liste. Ce n’est pas gui­dé par l’idée de se concen­trer sur votre être comme une forme d’énergie qui peut être par­ta­gée et peut être pro­duite au pro­fit de tout le reste, pas seule­ment vous-même, mais la com­mu­nau­té dans laquelle vous vivez. Et cette pra­tique signi­fie que je dois réin­ven­ter toutes les choses que j’ai faites, reje­ter le dis­cours esthé­tique autour de la pra­tique que je fai­sais avant et, sans pour autant sacri­fier les com­pé­tences et les connais­sances que j’ai accu­mu­lées, rééva­luer toutes ces connais­sances, tech­niques et com­pé­tences sous un angle différent ». 

« Mais il existe d’autres moyens d’emmener les gens en balade, par les­quels ils seront, d’une cer­taine manière, plus à l’écoute d’eux-mêmes et davan­tage capables de libé­rer leur angoisse d’avoir à approu­ver ou à désap­prou­ver, une fois que les pro­ces­sus sont par­ta­gés et que le cadre n’est pas res­tric­tif. Et c’est en fait l’espace com­mun sur nos terres. Pas même nos terres, les terres et les océans. Et donc je veux favo­ri­ser davan­tage cette acti­vi­té et il a été ins­pi­rant de voir des gens venir sans qu’on leur dise de faire ceci ou cela et de leur per­mettre de décou­vrir leur propre che­min dans un espace qui pro­pose du mou­ve­ment sonore, des images ou sim­ple­ment de s’écouter les uns les autres ». 

« Une autre chose qui me frappe vrai­ment est l’accent local. Pour moi, avoir deux enfants, tout juste sor­tis de l’école, m’a for­cé à deve­nir un artiste vrai­ment actif loca­le­ment. Je n’avais pas vrai­ment les moyens de com­prendre com­ment voya­ger avec de jeunes enfants. Et donc la majeure par­tie de ma car­rière a été vrai­ment axée sur le local. Cela a été un peu un obs­tacle, c’est sûr. Mais il y a aus­si un bon côté, à savoir que cette com­mu­nau­té est un endroit si riche. Et aus­si mon tra­vail est tel­le­ment enra­ci­né dans tout cela, dans cet endroit, cette nature. Et donc c’est une chose mer­veilleuse quand nous le comprenons ». 

« En tant qu’organisation, nous dif­fu­sons et veillons à ce que les artistes, les orga­ni­sa­tions et les com­po­si­teurs locaux aient éga­le­ment un rôle majeur dans la façon dont nous struc­tu­rons nos sai­sons. Puisque nous par­lons d’intersectionnalité et autre, d’un point de vue de la dura­bi­li­té, l’une des inter­sec­tions que j’ai remar­quées est la ten­dance actuelle avec les dona­tions et voir com­ment nous pou­vons réel­le­ment finan­cer cette acti­vi­té. Les dona­tions sont en baisse sur tous les dons de bien­fai­sance au cours des deux der­nières années et conti­nue­ront de bais­ser à mesure que l’économie change. Com­ment pou­vons-nous nous per­mettre de conti­nuer de détri­co­ter et remo­de­ler et de faire ce que nous vou­lons faire et com­ment nous vou­lons le faire de manière durable, si nous n’avons pas les fonds pour le faire. A savoir, en tant que déve­lop­peurs, et c’est l’une des inter­sec­tions, mais aus­si, à tra­vers la col­lecte de fonds cen­trée sur la com­mu­nau­té et ses prin­cipes direc­teurs. Je ne me sou­viens pas de toutes de mémoire, mais l’une des direc­tives prin­ci­pales est qu’il y a suf­fi­sam­ment de fonds pour tout le monde. Pour­quoi les gar­der pour soi, plu­tôt s’assurer que nous sommes capables de les répar­tir. Et en tant qu’organisation, nous pou­vons dire : ‘Nous vous encou­ra­geons éga­le­ment à faire des dons à d’autres organisations’ ». 

« Quand vous désas­sem­blez quelque chose au milieu, pou­vez-vous appe­ler cela du rive­tage ? Par­fois, il faut faire trem­per, rac­cor­der la pièce que l’on a défaite et la lais­ser reprendre forme avant de pou­voir pas­ser à autre chose. Donc, une par­tie de cela, le tri­co­tage pour reve­nir à quelque chose d’autre, demande beau­coup de temps, demande beau­coup d’énergie, demande beau­coup de concen­tra­tion et de vou­loir en faire quelque chose d’autre. Et donc je vois beau­coup de posi­tif, juste pou­voir avoir ces conver­sa­tions, et aus­si d’avoir tel­le­ment de ces conver­sa­tions en même temps sur l’idée de dura­bi­li­té, l’idée de jus­tice, d’égalité, de diver­si­té, d’inclusion et d’accessibilité, mais éga­le­ment la récon­ci­lia­tion et sur l’idée de com­ment pou­vons-nous nous récon­ci­lier ou changer ». 

« Le loyer est extrê­me­ment pro­blé­ma­tique. A pré­sent aus­si, prin­ci­pa­le­ment la nour­ri­ture, l’épicerie, tout. C’est donc un énorme nuage au-des­sus de ma com­mu­nau­té ici. C’est un pro­blème. Lorsque ces choses sont en place, qu’il y a de la sécu­ri­té, du confort et que les besoins de base sont pris en charge, alors nous pou­vons nous-mêmes plus faci­le­ment pas­ser plus de temps dans la nature. L’artiste peut être plus connec­té à son environnement ». 

« J’ai beau­coup réflé­chi au cli­mat et à l’éthique de ce que je fais, même à la façon dont mon ego est concer­né dans la pour­suite de cette car­rière. Je pense à l’éthique des tour­nées. Autant j’aimerais faire à nou­veau une tour­née en Europe, autant je trouve que c’est une chose épi­que­ment irres­pon­sable. Même une tour­née au Cana­da, un si grand pays. J’aimerais quand même pou­voir faire des allers-retours. Mais encore une fois, je ne sais pas si c’est éthi­que­ment res­pon­sable de ma part de conti­nuer. Alors j’y pense tout le temps ».

« En pen­sant à la col­lecte de fonds cen­trée sur la com­mu­nau­té, com­ment per­mettre un plus grand recou­pe­ment des outils et des res­sources dont nous dis­po­sons. En pen­sant à la sécu­ri­té de l’artiste : donc pour moi, juste en essayant de sur­vivre, j’ai en fait trou­vé assez dif­fi­cile de gagner assez d’argent et encore une fois, j’ai don­né beau­coup de ces stu­pides concerts sup­plé­men­taires, ce qui n’est pas pour me plaire. Mais on m’a fait voya­ger à Prince George et Kelow­na, Kam­loops et je me suis dit, pour­quoi y a‑t-il tous ces orchestres ? Pour­quoi tant d’argent est-il dépen­sé en frais d’avion ou en payant des musi­ciens de Van­cou­ver pour se rendre dans ces endroits ? Encore une fois, pour­quoi ? Et je com­prends que pour les com­mu­nau­tés qui vivent dans ces endroits, ce soit aus­si autosuffisant ». 

« Cer­tains col­lègues du jury m’ont dit que pour cer­taines per­sonnes au Cana­da, Bee­tho­ven est un atout pour la culture cana­dienne. Et si vous regar­dez le bud­get de cette année, ce que le conseil dépense pour les orchestres sym­pho­niques et les com­pa­gnies d’opéra de cette pro­vince, cela repré­sente 85 % du bud­get de la musique ».

« 20 entre­prises dans le monde pro­duisent la majo­ri­té de la pol­lu­tion. Chaque fois qu’elles démo­lissent une mai­son à Van­cou­ver, c’est 70 tonnes ou plus de déchets qui vont à la décharge. Si je recycle toute ma vie – ce que je fais – ça n’y chan­ge­ra rien. Il faut un chan­ge­ment plus impor­tant que tout le monde fai­sant qu’une seule et unique chose. Nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant, nous devrions quand même faire cette seule et unique chose. Mais nous devons nous unir et faire pres­sion sur les gros, gros pol­lueurs, parce que ce sont eux qui vont vrai­ment pou­voir faire la différence ». 

« Nous devons cher­cher un cadre com­plè­te­ment dif­fé­rent. Je veux dire que nous sommes trop gâtés. Vrai­ment. Tout le monde ici a uti­li­sé le mot com­mu­nau­té. Super. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’une com­mu­nau­té ? Ce n’est pas seule­ment parce que vous habi­tez géo­gra­phi­que­ment au même endroit qu’il y a une com­mu­nau­té. Et la com­mu­nau­té de la Sun­shine Coast est une com­mu­nau­té de gens de classe moyenne pour­ris gâtés comme moi, qui vont sous la douche et ont la pos­si­bi­li­té de chan­ger la tem­pé­ra­ture de l’eau selon leur bon vou­loir. Une com­mu­nau­té est un endroit où l’on renonce à quelque chose au béné­fice de tous. Renon­cer est quelque chose que nous n’avons pas l’habitude de faire, car nous sommes esclaves de cette idée d’acquérir, acqué­rir, acqué­rir ou de capi­ta­li­ser sur ceci, capi­ta­li­ser sur cela. La géné­ro­si­té est quelque chose que nous pou­vons culti­ver de plus en plus ».

« Nous déte­nons toutes les res­sources, nous déte­nons l’or, nous déte­nons toutes ces choses. Je pense qu’il y a en fait quelque chose de vrai­ment posi­tif en termes de ce que nous avons comme expé­rience. Tout le monde dans cette salle l’a. Et com­ment reve­nir en arrière et défaire le tri­cot et toutes ces choses à venir ? Sim­ple­ment entre­te­nir ce feu et faire de notre mieux. Et alors toutes les autres pièces s’assembleront d’elles-mêmes. Clai­re­ment, le réseau­tage, avec qui vous vous asso­ciez, savoir com­ment com­men­cer à faire bou­ger les lignes. Je tra­vaille pour la ville, c’est l’endroit le plus prise de tête qu’il y ait. C’est très désen­chan­tant. Mais si je peux sim­ple­ment conti­nuer à gar­der le cap … il y a des jours où c’est ter­rible, mais il y a des jours où c’est super et tu avances. Nous devons por­ter cette lumière en nous. Et je ne pense vrai­ment même pas à un niveau spi­ri­tuel. Nous avons déjà fait notre part. Et main­te­nant, nous devons nous y remettre. Nous devons juste conti­nuer de persévérer ».

Rencontre de Montréal

Date : le 14 juin 2023
Lieu : Goethe-Ins­ti­tut, 1626 Boul. Saint-Laurent Bureau 100, Mont­réal, QC H2X 2T1
Co-dif­fu­seur : Groupe Le Vivier

Comme les réunions pré­cé­dentes, la ren­contre était ouverte par notre hôte et col­la­bo­ra­teur, cette fois-ci Le Vivier, avec un mot de Gabrielle Blais-Séné­chal. Le RCMN était par­ti­cu­liè­re­ment recon­nais­sant de l’accueil et du tra­vail du Groupe Le Vivier, vu l’incendie qui a dévas­té leurs bureaux et lieux de ren­contre, et du Goethe Ins­ti­tut, qui nous a offert leur espace pour la ren­contre. La Direc­trice Géné­rale Ter­ri Hron a conti­nué l’introduction avec une recon­nais­sance ter­ri­to­riale et un court résu­mé du pro­jet Ave­nirs éco­res­pon­sables, de ces ren­contres régio­nales et de l’événement natio­nal à venir. Nous avions deux invi­tées qui sont venues nous par­ler des actions et du sou­tien pos­sible au Qué­bec pour des actions et des trans­for­ma­tions éco-res­pon­sables : Caro­line Voyer, du Conseil qué­bé­cois des évé­ne­ments éco-res­pon­sables, et Chris­tine Dan­cause et Natha­lie Rae, du Conseil des Arts et des Lettres du Qué­bec (CALQ), qui ont pré­sen­té les poli­tiques envi­ron­ne­men­tales et les outils mis en place pour le milieu. 

Caro­line Voyer, direc­trice géné­rale du Conseil qué­bé­cois des évé­ne­ments éco­res­pon­sables, a sou­li­gné l’importance de cal­cu­ler son empreinte car­bone avant de réa­li­ser un plan d’actions cohé­rent et adap­té. Elle encou­rage toute enti­té cultu­relle à pas­ser par cette étape. Ce cal­cul est pos­sible notam­ment par la pla­te­forme Crea­tive Green qui offre aux orga­nismes cultu­rels un outil d’au­to­con­trôle pour la mesure de leur empreinte carbone. 

Les repré­sen­tantes du CALQ, Chris­tine Dan­cause et Natha­ly Rae, ont pré­sen­té le pro­gramme de par­te­na­riat ter­ri­to­rial qui per­met aux enti­tés cultu­relles de béné­fi­cier d’un sou­tien et d’un accom­pa­gne­ment dans leur plans d’actions, à la fois sur le volet de la pro­duc­tion, de la dif­fu­sion, de la pro­mo­tion et de la consolidation. 

Nous avons conti­nué la ren­contre, sur­tout ciblée pour les membres du Vivier, avec des échanges qui ont fait émer­ger des pistes de réflexion dans le sec­teur des musiques nou­velles et sur les­quelles Le Vivier pour­rait tra­vailler. Par­mi celles-ci : 

  • Encou­ra­ger la slow-crea­tion/s­low-pro­duc­tion 
  • Favo­ri­ser la notion de “créa­tion durable” et mul­ti­plier les spec­tacles en région 
  • Remettre en ques­tion les repré­sen­ta­tions uniques avec toute la réflexion sur la logis­tique des salles que cela engendre 
  • Limi­ter la crois­sance à tout prix 
  • Faire per­du­rer les œuvres grâce au numé­rique (mais quel(s) est/sont éga­le­ment le/les impact(s) du numé­rique sur l’environnement ?)

Com­men­taires des participant·e·s :

« On se dit sou­vent dans la pro­gram­ma­tion qu’on devrait ralen­tir le rythme, pen­dant le cycle de créa­tion, pro­duc­tion, dif­fu­sion, parce que là, les orga­nismes sont sou­vent ame­nés à gar­der un rythme intensif ».

« Il y a quelque chose qui me semble à la base très dif­fi­cile : on est des orga­nismes de créa­tion, on doit tou­jours en faire de nou­velles. Il y a une obso­les­cence dans notre tra­vail à la base. Une créa­tion d’il y a quatre ans n’est plus une créa­tion. Il y a des ques­tions à se poser là, sur la créa­tion durable. Et puis quand on nous demande de réduire, moi, le man­dat de ma com­pa­gnie, c’est de créer, de pro­duire. Tous mes efforts sont prêts à essayer de pro­duire davan­tage, mais je vais devoir réduire les coûts. La façon la plus effi­cace pour moi de réduire mon empreinte, ce serait de pro­duire moins, c’est sûr ».

« À Mont­réal, pen­dant la pan­dé­mie il y avait « Quand l’art prend l’air » [pro­gramme CAM]. Sur­tout les enfants, quand on pense à réduire l’énergie, ça fonc­tion­nait essen­tiel­le­ment de manière acous­tique. [Des pro­jets] qui peuvent être faits sans équi­pe­ment, sans infra­struc­ture et modes­te­ment, ça ça pour­rait être des beaux pro­jets à mettre de l’avant. Qui de créer des beaux par­te­na­riats, où ces pro­grammes-là pour­raient être dif­fu­sés plus régulièrement ».

« L’autre chose c’est aus­si la crois­sance à tout prix. Je pense qu’effectivement on ne doit pas aller dans ce sens-là, c’est jus­te­ment ce qu’on essaie de frei­ner dans beau­coup de sphères la socié­té, et sur­tout dans le domaine cultu­rel, où faire croître l’offre n’est plus une solu­tion. Mais c’est beau­coup plus de rejoindre le public, et notam­ment on parle de régions ».

« On devrait mettre de l’emphase sur la reprise et la conso­li­da­tion de ressources ». 

« De ce que j’entends de nos besoins en termes de mutua­li­sa­tion par rap­port à un sou­ci qui est quand même cadré par l’éco-responsabilité, je pense que Le Vivier peut vrai­ment être un vec­teur impor­tant pour ses membres en ce moment-là. Je pense que c’est très impor­tant qu’on tra­vaille ensemble ». 

« On est en train de tra­vailler sur notre plan numé­rique. C’est sûr qu’on se demande si le numé­rique peut aider les œuvres à avoir un plus grand cycle de vie plus long. Il y a beau­coup de membres qui ont fait des pro­jets excep­tion­nels en salle et aus­si en ligne, et qu’est-ce qu’on fait avec ces conte­nus-là, pour qu’ils conti­nuent à vivre ? Donc là, c’est une vraie réflexion qu’on a à l’interne, la dis­cus­sion par rap­port au data. Com­ment on archive tout ça et com­ment on crée un pôle de cir­cu­la­tion des œuvres et des artistes ».