Au printemps 2023, le Réseau canadien pour les musiques nouvelles (RCMN) a démarré une série de consultations régionales afin de savoir en quoi, comment et si la communauté des arts sonores et des musiques créatives envisage un avenir durable pour notre pratique. Ces rencontres (qui se sont poursuivies jusqu’à l’été 2024) comprenaient parfois une présentation, mais elles étaient principalement concentrées sur le recueil de réponses, à la fois d’artistes individuel.le.s et des travailleur.euse.s. culturel.le.s. L’objectif du RCMN avec ces rencontres était double : d’établir ce qui serait le plus utile et le plus approprié, concernant son propre avenir éco-responsable, et de déterminer ce dont la communauté pourrait avoir besoin en matière de ressources que le RCMN pourrait fournir ou aider à organiser.
Vous trouverez ci-dessous de courts rapports descriptifs de chaque rencontre, avec un compte rendu abrégé de ce que les participantes et participants ont partagé. Pour une immersion substantielle dans le contenu, chaque résumé est suivi de transcriptions légèrement modifiées et anonymisées des commentaires des participants.
Le RCMN est très reconnaissant du soutien de FACTOR pour la réalisation du projet Rencontres Régionales sur les Avenirs éco-responsables.
Rencontre de Saint-Jean, T.-N.-L
Le RCMN tient à remercier Sound Symposium pour sa généreuse hospitalité et pour l’aide qu’il a apportée à la réalisation de cette conversation.
Cette conversation a eu lieu le 17 juillet 2024 au First Light Event Space, à St. John’s, NL.
Le RCNM remercie FACTOR, le gouvernement du Canada et les radiodiffuseurs privés canadiens pour leur soutien financier.
La discussion comprenait une introduction et une conclusion sous la forme d’une courte activité musicale dirigée par Kathy Kennedy.
Cette discussion était animée par Raphaël Foisy-Couture et Terri Hron, respectivement actuel et ancienne directeur.trice exécutif.ive du CNMN/RCNMN.
Plusieurs artistes et musicien.ne.s ayant participé à cette édition du Sound Symposium ainsi que de nombreux musicien.ne.s et travailleureuses artistiques locaux.ales ont assisté à cette conversation. Nous les remercions pour leur généreuse contribution.
Afin de mieux exposer les réalités et les dynamiques à l’œuvre dans le domaine de la musique créative et des pratiques sonores, ce rapport comprend une transcription détaillée de la discussion qui a eu lieu. Les modifications apportées ont pour seul objectif de faciliter la lecture et la compréhension.
Les participant.e.s sont d’abord désignés par ordre alphabétique, puis par X pour des raisons d’anonymat. À l’exception de certaines interventions spécifiques des modérateur.ice.s et des intervenant.e.s invité.e.s, les contributions de toustes les participant.e.s sont anonymisées.
Thèmes abordés lors de la conversation
Pratiques artistiques et crise climatique
- Résilience artistique : Comment la création musicale aide les artistes à faire face à l’anxiété climatique et à d’autres crises
- Exploration des thèmes liés au climat dans les pratiques artistiques et les projets d’art sonore
- Interrogation sur le rôle de la musique dans la sensibilisation et la recherche de solutions aux problèmes écologiques
Approches communautaire et approches institutionnelles
- Les organisations de base sont souvent à l’avant-garde des pratiques durables malgré l’absence de politiques formelles
- Les grandes institutions se concentrent sur le langage et la perception, mais peuvent manquer d’actions substantielles
- Le financement devrait donner la priorité aux initiatives durables existantes plutôt que d’imposer de nouveaux systèmes
Responsabilité personnelle et systémique
- Équilibrer les actions individuelles (par exemple, les choix de voyage, la consommation) avec les réformes systémiques collectives
- Débat sur la question de savoir si ce sont les inégalités systémiques ou le comportement des consommateur.ice.s qui déterminent l’impact sur le climat
- Appel à la clarté sur les rôles des individus et des institutions dans la résolution des problèmes climatiques
Le développement durable dans la musique et les arts
- Définir la durabilité comme englobant les dimensions environnementales, économiques et sociales
- La précarité économique et ses conséquences sur le maintien des pratiques créatives à long terme
- Les possibilités d’aligner la durabilité sur les valeurs artistiques décoloniales et relationnelles
Modèles de financement et capitalisme
- Critique du financement par projet et de son rôle dans la perpétuation de cycles artistiques non durables
- Plaidoyer en faveur du revenu de base universel comme solution systémique pour soutenir les artistes
- Défis de la concurrence pour des ressources limitées, menant à l’épuisement et aux inégalités
Pratiques interdisciplinaires et collaboratives
- Renforcer les liens entre la musique et d’autres disciplines comme les arts visuels ou le théâtre.
- Exemples de modèles de réussite tels que l’approche intégrative et collaborative de Sound Symposium.
- Renouer avec les pratiques historiques de programmation interdisciplinaire dans les arts
Éducation et accessibilité
- L’importance des programmes de mentorat pour renforcer la résilience des jeunes générations.
- Élargir l’accès à l’éducation musicale au-delà des centres urbains et des espaces privilégiés.
- Le partage des connaissances par le biais d’ateliers et de projets communautaires afin d’élargir la participation.
Politique, langage et action
- Inquiétude quant au langage performatif des politiques de durabilité qui ne s’inscrive pas en actions.
- L’importance de la transparence dans la manière dont les fonds et les efforts sont alloués aux objectifs liés au climat.
- La reconnaissance du fait que les pratiques locales et communautaires permettent souvent d’atteindre des modèles sains sans politiques formelles.
Perspectives post-pandémiques
- COVID-19 comme une période de réflexion et d’expérimentation de pratiques alternatives.
- L’appétit accru pour la collaboration et le changement systémique dans l’ensemble du secteur artistique.
- Les défis post-pandémiques liés à la recherche de financements et à la concurrence dans un domaine saturé.
Imaginer un avenir meilleur
- Encourager les artistes à créer de nouveaux systèmes et à envisager des alternatives aux cadres actuels.
- Les artistes en tant que conteurs : Inspirer l’action et imaginer des avenirs plus sains par le biais d’un travail créatif.
- L’importance de l’optimisme et de la réflexion à long terme pour résoudre les problèmes systémiques.
Évolution de la mission du RCNM
- Transition vers le Réseau de création musicale et sonore pour mieux refléter les pratiques
- Favoriser les liens entre les initiatives locales et les réseaux nationaux et internationaux.
- Élargir le mandat pour donner la priorité à l’inclusion, à l’activisme et aux voix sous-représentées.
-Terri Hron : Merci à toustes d’être ici. Il s’agit d’un flux continu de conversations sur ce que nous, les artistes, faisons, pouvons faire ou comment nous sommes concernés par la crise climatique. En ce qui concerne le RCNM, nous avons eu toute une série de ces conversations à travers le pays. Lors de la mise en place du réseau, nous nous sommes dit que l’une des particularités du « Réseau canadien pour les musiques nouvelles », qui deviendra bientôt le « Réseau de création musicale et sonore », est qu’il représente une très vaste zone en termes de culture créative. C’est assez inhabituel à l’échelle mondiale et cela rend difficile de se rassembler autour d’autre chose que le fait que nous aimons toustes produire des sons curieux et farfelus.
Notre communauté semble de plus en plus préoccupée et désireuse d’être active face aux questions climatiques. C’est pourquoi l’une des choses que le réseau a faites historiquement est d’organiser des conversations. Ces séries de conversations ont commencé en 2016 avec les conversations sur la diversité. Ensuite, chaque année, il y a eu une sorte de série de conversations qui se sont déroulées principalement en ligne, même avant cet espace virtuel particulier qui s’est créé pour nous toustes pendant la pandémie. Cela s’explique en partie par la taille du pays et par le fait que nous ne pouvons pas souvent nous réunir de la sorte. En 2020/2021, nous avons entamé ces conversations sur la durabilité et l’environnement. C’est la huitième, ou la septième. J’ai participé à toutes ces conversations. La plupart d’entre elles ont eu un format très simple, nous avons fourni cette liste de questions que vous avez peut-être vu dans l’invitation ou dans le programme, mais la plupart du temps, nous avons simplement tenu un cercle de discussion. Toutes les discussions ne sont pas très actives. Nous voulions donc vous faire part de la manière dont ces conversations se sont déroulées. Je pense que c’est une très bonne façon de vous partager ce que nous avons fait et comment.
Je pense que cela a vraiment permis de partager ce que [les participant.e.s] ressentent à propos de ce qu’iels font ou de ce qui les inquiète, ce qu’iels ressentent à propos de ces questions de pratique artistique, de musique et de pratique sonore, face à l’urgence climatique. La deuxième conversation s’est déroulée à Ottawa et a rassemblé de nombreuses personnes impliquées dans des organisations. Lors de cette conversation, beaucoup de gens ont parlé de politique, de la façon dont on demande maintenant aux organisations d’être responsables, et du poids supplémentaire que cela représente. Ensuite, une conversation a eu lieu à Brandon avec les participant.e.s du concours Eckhardt-Gramatté et leurs pianistes collaborateur.ice.s. Il s’agissait de très jeunes artistes en début de carrière et leurs préoccupations étaient très différentes. Iels n’avaient pas de projets ou d’activités immédiates autour de la crise climatique, mais leur anxiété latente à ce sujet et la façon dont iels allaient pouvoir évoluer dans le monde étaient bien plus grandes et c’est ce qu’iels ont exprimé. Nous avons eu deux conversations à Vancouver, toutes deux très différentes. La première réunissait de nombreux artistes dont le travail est directement lié au climat ou à l’environnement et qui décrivaient leurs projets. Il s’agissait de personnes dont le travail était centré sur ces questions depuis de très nombreuses années. Iels avaient donc, encore une fois, un point de vue très différent sur la question. La deuxième réunion s’est déroulée dans le cadre d’un rassemblement de diffuseurs de musique et tout ce dont ils voulaient parler était de savoir si nous pouvions encore prendre l’avion en cette période de crise climatique.
Je vous donne quelques exemples de ce qui a été abordé lors des différentes réunions pour vous donner une idée de l’étendue du sujet. Nous n’allons pas nous asseoir ici pour parler d’un sujet en particulier, mais le Sound symposium est un rassemblement incroyable de praticien.ne.s de tout le Canada. C’est vraiment spécial de ce point de vue. Et beaucoup de gens ont des projets basés sur la terre et sur le climat. Nous sommes donc très heureux de pouvoir les accueillir. Je n’ai pas mentionné la réunion qui s’est tenue à Montréal. Pour vous donner une image plus complète, un certain nombre de bailleurs de fonds étaient également présents à cette réunion. Au Québec, le principal subventionneur a commencé à mettre en œuvre une politique climatique pour les demandes de subvention. Toutes les organisations doivent donc se doter d’une politique de durabilité. C’est donc très intéressant. Cette conversation portait essentiellement sur la question de savoir qui allait se charger d’élaborer ces politiques. Et ce que cela signifiait en termes de travail supplémentaire pour les petites organisations. C’est donc une question très complexe. Vous pouvez lire le rapport à ce sujet, qui est essentiellement un résumé très court de ce qui a été discuté lors de chacune de ces réunions, ainsi qu’un grand nombre de citations anonymes de personnes et de ce qui a été dit. Si vous vous intéressez à ce sujet, vous pouvez donc consulter cette ressource.
Je voudrais également mentionner que nous enregistrons cette réunion, et j’espère que cela vous conviendra à toustes. N’hésitez pas à me faire savoir si quelqu’un.e s’y oppose. Et comme je l’ai dit, si nous publions quoi que ce soit, c’est de manière anonyme. Les enregistrements ne sont utilisés qu’à des fins d’archivage. En ce qui concerne le RCNM, nous sommes également très enthousiastes, Raphaël et moi, parce que nous n’avons jamais participé à une réunion ensemble. J’ai lancé ce projet parce que c’était le dernier grand projet dont j’étais responsable au sein du réseau. Et c’est un sujet qui a complètement consumé ma vie depuis lors, comme pour beaucoup d’entre vous, j’en suis sûr. C’est un sujet très important dans notre monde. Je suis donc heureuse d’avoir l’occasion d’être ici avec Raphaël et de faire ce genre de travail en commun. Nous avons beaucoup de temps aujourd’hui, car ces réunions ont été différentes en termes de temps. Certaines sont très courtes, mais celle-ci est assez longue. Nous pourrions donc commencer par nous présenter brièvement et faire un tour de table. Et peut-être mentionner une chose qui vous préoccupe ou à laquelle vous pensez en ce qui concerne votre pratique artistique et l’urgence climatique.
Je vais commencer. Je m’appelle Terri Hron. Je suis une travailleuse culturelle et une personne créative. J’écris, je joue, je fais de l’art et j’essaie d’organiser des choses dans ma communauté. Pour moi, cette dernière période a commencé par un grand nombre de ces conversations. Je voulais voir si la communauté pouvait être mobilisée. C’est ainsi que j’ai commencé à lire de plus en plus sur le climat et les réalités planétaires générales. Et il y a des jours où j’ai beaucoup de mal à voir une voie positive pour l’avenir. Mais ce sont aussi les jours où ma pratique artistique a pu fournir une piste de réponse. Jouer de mes instruments et ressentir les vibrations, comme le disait Kathy, me semble être un véritable cadeau vers lequel je peux me tourner parce que j’ai l’impression que des temps sombres s’annoncent. Et je n’aime pas être une rabat-joie, mais je suis très reconnaissante de ma pratique artistique dans ces moments-là. C’est ce que je vais dire sur le sujet…. Je te transmet la parole.
- Raphaël Foisy-Couture : Je suis Raphael Foisy. Je suis improvisateur et organisateur communautaire. La plupart de mon travail est basé sur une pratique participative et communautaire. J’ai organisé différentes séries musicales, j’ai géré des lieux DIY et j’ai surtout travaillé en dehors des cadres institutionnels de la musique. Ma position en tant que directeur d’une organisation musicale est donc intéressante pour moi. C’est la deuxième fois que je participe à une rencontre du RCMN sur ce sujet. La dernière a eu lieu à Yellowknife et a été très intéressante.
Je voudrais simplement souligner que l’idée de durabilité touche aussi à la précarité du domaine en ce moment et à la difficulté de faire de la musique [ou pas], en particulier la tension entre les anciennes méthodes de travail qui étaient plus institutionnalisées, et le fait que ma génération et les plus jeunes doivent en quelque sorte faire leur deuil des systèmes qui étaient en place auparavant, et comment nous pouvons continuer à faire de la musique et à nous organiser, et comment nous pouvons nous réunir en tant que communauté pour pouvoir continuer à faire du travail. Ainsi, sans être nécessairement lié directement à la durabilité en termes d’environnement, je pense également aux structures que cela représente et à la manière dont nous pouvons créer. Je tenais donc à le préciser. Je pense qu’il est également important que vous partagiez d’autres choses sur votre pratique ou sur la durabilité qui, selon vous, sont liées à l’état actuel du secteur. Il est important d’avoir un endroit où exprimer ces choses sans qu’elles soient directement liées à l’écologie ou à l’environnement. Parce que je pense que l’environnement est évidemment un phénomène holistique dans lequel nous sommes impliqué.e.s, il est important de nommer les différents défis que nous traversons également. Je vous remercie pour votre présence.
- A : Merci pour l’organisation. J’ai eu une pratique basée sur le territoire/la terre, principalement une pratique interdisciplinaire en plein air. Dernièrement, j’ai également traversé une période sombre. J’ai en quelque sorte redéfini ma façon de penser notre rôle en tant qu’artistes. Pour moi, le Sound Symposium est un moment de renouveau total. Parce qu’il me rappelle toujours que les artistes sont des acteur.ice.s de changement. Et nous pratiquons différents modes de questionnement et de communication, ne serait-ce qu’à travers le son et les vibrations, qui sont, je pense, extrêmement importants et nécessaires. Surtout si nous voulons perturber certains des modèles qui ont été mis en place et qui ne nous mènent pas dans la bonne direction. J’apprécie donc beaucoup d’entendre tous ces sons émis et j’attends le reste avec impatience. Je pense en effet qu’il s’agit là d’une voie importante pour avancer.
- B : Cette fois-ci, je participe au symposium sur le plan technique. Bien que je sois déjà venu par le passé pour faire de l’électronique modulaire analogique. Mais mon travail ou ma pratique principale est de produire et d’enregistrer de la musique. Toutes les choses que j’ai décrites utilisent donc de l’électricité. J’ai donc réfléchi à la manière dont j’agis en matière d’environnement. Il faut prendre en compte l’individu, puis la communauté qui l’entoure. Et à partir de là, les choses se construisent. Et j’apprécie cette organisation parce qu’elle est en quelque sorte la plus grande expansion de tout ceci. Mais quand je pense à la façon dont je peux personnellement changer les choses, c’est difficile. Dois-je m’équiper d’un tas de panneaux solaires ? Est-ce que c’est une solution durable pour charger les batteries de tout mon matériel ? Je n’en sais rien. Ce sont de grandes questions dont je ne suis pas sûr. Je suis donc toujours à la recherche d’informations à ce sujet.
- C : Merci. Je suis une personne qui soutient ses pair.e.s et j’ai été formée à la justice réparatrice. Mais je suis aussi un.e. superviseur.e. local.e. L’éco-responsabilité face au changement climatique, la réflexion sur la terre et la nature sont des choses qui devraient être plus importantes pour nous, et qui font partie des pratiques décoloniales. Je pense souvent aux relations, à la communauté, à la relationnalité, ou à la langue et aux arts, et aux pratiques décoloniales qui les entourent. Mais je pense que lorsqu’il s’agit de l’environnement, nous sommes toustes complices d’une certaine manière. Je voyage beaucoup parce que mes partenaires musicaux vivent dans d’autres parties du monde. Parfois, je réfléchis à la façon dont les décisions que nous prenons au quotidien peuvent influencer notre empreinte carbone. Dans quelle mesure certaines des choses que je fais pour me connecter avec les gens et faire de la musique sont-elles durables ? Je pense qu’il est important d’en prendre conscience. C’est en prenant conscience de ces choses que l’on commence à faire des changements.
- Kathy Kennedy : Kathy Kennedy. Chanteuse, conseillère musicale et artiste communautaire. Je réalise principalement des œuvres de grande envergure en plein air. Un livre intitulé Singing Off the Grid sortira au début de l’année prochaine. Je suis vraiment ici pour toustes vous écouter .
- D : Je travaille actuellement dans le domaine de la musique électronique, mais j’ai une formation en sculpture et en poésie. Je lis beaucoup et je travaille beaucoup sur la fabrication d’instruments. L’histoire de la instrumentale n’a pas de sens sans la nature. À la base, l’instrument était quelque chose que quelqu’un.e possédait. La chasse [et les activités qui en résultaient], les os et les peaux étaient tous réutilisés pour la fabrication d’instruments. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, où la fabrication d’instruments se fait en masse. Et de nombreuses personnes qui jouent d’un instrument ne pensent pas à leurs instruments et aux matériaux qu’iels utilisent. Comment pouvons-nous récupérer les matériaux et fabriquer des instruments qui ne sont pas produits en série ? Je fabrique donc mes propres instruments.
- E : Je gère des systèmes informatiques de haute performance. Ce sont des éléments importants dans la consommation d’électricité. Du point de vue de l’engagement personnel, j’ai depuis longtemps le désir ou la conviction que la façon dont les choses changent dans le monde est par le fait de se changer soi-même. C’est pourquoi il faut consommer moins, conduire moins, etc. Le recyclage. Ces choses que nous connaissons toustes mais que nous ne faisons pas nécessairement. [Avec] respect pour la pratique : Réutiliser et réorienter les choses. Créer des instruments à partir de vieux jouets d’enfants, etc. Il y a tellement de façons différentes d’éviter de jeter tout en étant capable de faire de l’art.
- F : Je suis auteur.ice-compositeur.ice.. Je commence également à enseigner la musique. Et je suis là pour écouter.
- G : Je pense que je suis surtout préoccupé par les possibilités d’emploi futures, par le fait d’avoir une carrière, surtout avec la crise climatique.
- H : Je suis compositeur.ice. à la basse, à la guitare et à l’harmonica, je suis aussi saxophoniste. Je suis au tout début de ma carrière et j’ai déjà beaucoup voyagé. J’ai réfléchi à ce que cela allait représenter. Est-ce que je dois vraiment prendre l’avion autant de fois ? Je cherche à gérer ce sentiment de culpabilité et à trouver de nouvelles façons d’aller de l’avant en évitant de toujours prendre l’avion. Ce n’est qu’un aspect de ma réflexion sur le climat dans le cadre de ma pratique.
- I : Il y a quelque chose qui m’intéresse vraiment dans cette grande composition. C’est le conflit entre l’action individuelle et l’action gouvernementale. Parce qu’il est très facile, en tant qu’individu, de dire que le gouvernement doit changer. Et rien ne se passera si je ne change pas. Il est également très facile pour le gouvernement de dire qu’il ne se passera rien si chacun.ne ne change pas. Et c’est la lutte interne à travers le malaise. Je pense que c’est une période très importante. C’est un sujet dont je n’ai pas beaucoup entendu parler, mais c’est un grand combat que je mène. Nous devons donc participer à trouver un équilibre entre les deux. Mais je pense que c’est une conversation importante à avoir dans ce genre d’espace. Je suis intéressée et enthousiaste à l’idée d’apprendre.
- J : Je suis un.e artiste polyvalent.e en arts visuels. Je m’intéresse également au rôle de l’individu au sein de systèmes plus vastes. C’est l’une des choses qui m’intéressent.
- K : Je suis compositeurice et fondateurice d’une ressource d’apprentissage en ligne axée sur l’apprentissage. Je m’intéresse également à la technologie musicale. Je suis donc très intéressée par ce projet parce que je suis relativement novice en matière de technologie musicale. Cette dernière offre de nombreuses possibilités créatives, en particulier pour les artistes qui n’ont pas de formation en musique classique. Je m’intéresse donc beaucoup à la manière dont je peux combler cette lacune. Et ce qu’on fait, ce sont des vidéos très courtes, qui sont très faciles et accessibles en tant qu’animation. Comment puis-je aider les artistes qui souhaitent mettre un pied dans le monde des technologies musicales ? Pour qu’iels puissent les essayer et voir si c’est quelque chose qui les intéresse.
- L : Je suis percussionniste. Je ne dirais pas que je suis compositeur.ice, même si j’ai récemment interprété une pièce que j’ai écrite. Je m’intéresse au changement climatique et à l’environnement. De plus, je suis originaire d”[une grande ville] et je viens d’emménager ici. J’ai le sentiment que je connais assez les différences entre une grande ville et ici. J’adore être ici et être en contact avec la nature. Je pense que c’est très puissant et que cela me permet de garder les pieds sur terre. Cela m’apporte de la stabilité. Cela m’encourage à essayer de nouvelles choses. Et j’apprécie d’être ici. La première fois que je suis venue ici et au Sound Symposium, j’ai été soulagé.e parce que j’ai toujours enseigné la musique classique. C’est comme une croyance… Et de savoir ce qui se passe et de rencontrer des gens. Merci d’être ici et de partager.
- M : Bonjour à toustes. Je suis heureux.se d’être ici et de vous rencontrer. En fait, je suis membre du RCNM depuis de nombreuses années, mais virtuellement, je suis donc heureux.se de vous rencontrer. Je suis en fait un.e musicien.ne. Je présente de la musique d’une région très spécifique. Mon peuple est en fait un groupe autochtone de 60 millions de personnes vivant en Asie occidentale ou au Moyen-Orient. J’essaie de décoloniser notre musique. Je joue de nombreux instruments. J’essaie de présenter la musique traditionnelle, la musique vocale des ancien.ne.s chanteur.euse.s. J’ai eu le plaisir de jouer avec des orchestres symphoniques cette année. Et oui, c’est important parce que je dois le mentionner. Je vais parler de durabilité et de la façon dont nous devrions être durables. Je pense que nous devrions commencer par nous-mêmes. Toustes les artistes connaissent cette situation. Nous devons nous concentrer sur nous-mêmes. D’accord, mais comment pouvons-nous être résilient.es ? Et si vous regardez à cette table, vous verrez que beaucoup de gens sont arrivé.e.s ici en avion. C’est la situation. Par ailleurs, pourquoi utilisons-nous des voitures ? Parce que nous n’avons pas de bons transports publics. Si vous allez aux États-Unis, vous le verrez. Si vous allez au Royaume-Uni ou en Europe, vous pouvez aller partout grâce aux trains et aux bus. Mais malheureusement, nous n’avons aucun moyen comme ça ici. Nous devons simplement prendre l’avion. Si je viens d’Ontario. C’est un long voyage. Et il arrive souvent que les vols soient annulés. C’est pourquoi je suis ici. Je suis heureux.se d’être ici et d’“apprendre des autres. Je vous remercie de tout cœur.
- N : J’ai une histoire avec le Sound Symposium. J’apprécie vraiment sa capacité à intégrer différentes formes d’art, visuel, danse, théâtre, musique, sonore, environnementaux, etc. En ce qui concerne la question de la conversation sur l’électricité, je pense que c’est très complexe parce que l’utilisation de batteries est également toxique. Nous avons toustes parlé d’être conscient.e.s de notre utilisation d’énergie. […] Nous travaillons ensemble pour essayer d’envisager des alternatives. Dans le même ordre d’idées, je vois le lien entre toutes les différentes pratiques artistiques représentées dans cette salle. Il y a eu des périodes dans l’histoire de la musique où les différentes sortes de musique étaient antithétiques les unes par rapport aux autres. Si nous apportons cette collégialité à une échelle plus large, si nous coopérons plutôt que de rivaliser, nous pourrons peut-être éviter de gaspiller notre propre énergie. Je vous remercie.
- O : Mes pronoms sont « iels » / « elleux ». Je suis technologue de la musique, mais je suis ici en tant que compositeurice. Je suis généralement préoccupé par beaucoup de choses qui ont été évoquées ici. Existe-t-il une technologie musicale durable ? Vivant dans une grande ville, j’ai la chance de pouvoir voyager beaucoup en bus et en train pour me rendre à des concerts. Mais en venant à Terre-Neuve, ces questions de vol se posent. Dans ma propre pratique, je travaille beaucoup avec des enregistrements de terrain. Je travaille beaucoup avec la vidéo. En tant que colonisateurices (settler), est-ce que c’est juste une continuation des pratiques de colonisation ? Ou est-ce que cela peut être décolonisé d’une certaine manière ? Ou est-ce que j’utilise simplement la technologie pour trouver de nouvelles et passionnantes frontières à la colonisation ?
- P : Je viens du Nouveau-Brunswick. Je suis un.e francophone acadien.ne de cette province, [en visite du] Québec. Je pratique généralement la batterie et l’électronique. Je travaille aussi beaucoup avec la danse. Mais tous les projets que je réalise font généralement appel à la technologie à un degré élevé. Je suis donc toujours préoccupé par cette question. Mais je n’ai pas de solution à cela parce que j’ai été très heureux.se au cours des cinq dernières années, lorsque la technologie est devenue plus intéressante et que j’ai pu traiter plus de choses plus rapidement et tout le reste. Ma conception s’est vraiment améliorée. L’archivage des projets est également quelque chose qui m’intéresse. Par exemple, des séquences 4K d’un concert en direct, sept caméras, etc. Je consomme énormément et je ne connais pas de solution à ce problème. Mais je trouve que c’est bien de venir ici et de voir comment les gens font de l’art de différentes manières. Et je pense que cela peut aussi changer mes réflexes lorsque j’aborde un projet. Peut-être que je n’ai pas besoin de tout faire en 4K ou peut-être que je n’ai pas besoin de consommer autant pour ce projet particulier. Je peux probablement, peut-être, trouver un moyen plus organique qui consomme moins. Mais c’est une idée qui me vient à l’esprit. Et j’ai vu certains artistes le faire d’une certaine manière. Je pense que c’est en partie ce qui me motive à être ici et à apprendre de tout cela.
- Q : Mes pronoms sont iels, elleux. Je suis percussionniste, compositeurice et improvisateurice, éducateurice, académique, organisateurice communautaire et je suis musicien.ne.. Je vis en ville et fais de la musique depuis la fin des années 90. Je viens de déménager avec ma famille dans une plus petite ville en Ontario. Tout cela me touche profondément. J’ai passé du temps à réfléchir à toutes ces questions. Je pense qu’il s’agit pour moi d’un gros nœud d’inquiétude un peu nébuleux. Et surtout de frustration et de colère. Et je m’inquiète pour nous toustes. J’ai des adolescent.es à la maison. Et je m’inquiète vraiment de ce que sera leur vie à l’avenir. Et la colère, c’est que je pense que nous avons toustes notre rôle à jouer en tant qu’individus, bien sûr. Mais il s’agit de décisions infimes. Et il y a peu de gens dans ce monde qui pourraient prendre des décisions relativement simples. Et résoudre ce problème. Je trouve vraiment frustrant d’entendre les gens dire : « Si je branche un appareil et que j’appuie sur un bouton pour qu’il fasse bip, je fais partie du problème. ». Alors qu’il y a des milliardaires qui pourraient dire : « Allez. Je vais payer pour ça. » Et toutes ces questions disparaîtraient. Et iels ne prendront pas ces décisions. Voilà où j’en suis. C’est très viscéral pour moi. Et je n’ai pas beaucoup de mots. Merci à toustes pour votre partage.
- R : Il est certain que je ressens de la frustration. Je suis artiste, créateur.ice et mentor.ice. Je suis basée en Ontario. J’essaie simplement de trouver des moyens d’être une voix plus forte pour la nature. C’est ainsi que je vois les choses. C’est une avenue que je veux poursuivre pendant longtemps. J’essaie donc de m’aligner avec des gens qui partagent mes idées. Je dis juste une voix parce qu’il y a tellement de choses à dire. La situation est tellement complexe. Pour moi, il n’y a pas de solution unique. Mais le meilleur moyen est de faire quelque chose. Parce que cela pourrait inspirer quelqu’un d’autre. Même si cela peut sembler petit et insignifiant. Par exemple, j’ai fait une performance hier soir sur les arbres. Cela peut sembler minime. Mais cela pourrait ouvrir une porte à quelqu’un.e de plus jeune ou à n’importe qui, qui pourrait ensuite commencer à penser dans une autre direction. C’est un peu le cheminement que je suis en train de faire. Je vous remercie.
- Terri Hron : Merci à toustes de vous être présenté.e.s et d’avoir partagé vos expériences. Je voulais juste ajouter une chose. À la suite de certaines de ces conversations et après s’être plongé dans ces questions, j’ai eu l’impression de prendre beaucoup d’avions dans ma vie. Et je me suis demandé si c’était ça la vie d’un.e musicien.ne . Et je me suis rendu compte que c’était aussi la façon dont je mesurais à quel point j’étais une musicienne qui réussissait à de nombreuses occasions : « Oh, je voyage beaucoup. » Et cette sorte de lente prise de conscience. J’ai donc décidé de ne pas prendre l’avion pendant un an. Je vais voyager beaucoup en voiture, en train, etc., non pas parce qu’il s’agit d’une grande résolution ou d’une grande déclaration, mais simplement pour voir comment je me sentais dans mon corps. J’ai donc conduit de Montréal à St. John’s. Il m’a fallu beaucoup de temps pour arriver ici. Mais cela m’a aussi fait prendre conscience du nombre de fois où j’ai fait le plein de la voiture et le voyage de traversier, et du temps que cela prend. C’est un rapport complètement différent à l’espace entre ces deux endroits. Et aussi le fait qu’il n’y a pas de séparation entre moi et la nature. Ce n’est pas nous et la nature. Nous sommes la nature. Nous en faisons toustes parties. L’électricité, c’est la nature. De même que les terribles plastiques synthétiques que nous fabriquons sont la nature. J’aime donc beaucoup la nature. Et j’adhère à tout ce que vous dites sur la responsabilité personnelle. Mais vous savez, si les milliardaires du monde entier nous donnaient la moitié de leur argent, la pauvreté mondiale pourrait être résolue. C’est aussi ça la réalité. Nous ne pouvons donc pas faire grand-chose en tant qu’individus. Nous avons préparé d’excellentes questions. Peut-être pourrons-nous les utiliser comme points de départ d’une conversation de type « pop-corn ».
- Raphaël Foisy-Couture : Je peux lire la première. Nous avons cette liste que nous avons utilisée. Et je vais être très honnête. En général, nous en posons une ou deux et la conversation suit et les gens sont heureux.ses d’aborder d’autres sujets ou d’engager la conversation. Je vais donc en lire une. Nous ne sommes pas obligés de parcourir la liste. Ce n’est pas le but. C’est juste une façon de commencer. Et s’il y a un sujet ou quelque chose que quelqu’un.e veut soulever pendant son temps de parole ou pendant les questions, n’hésitez pas à le faire, car c’est pour cela que nous sommes ici, pour parler de tout ce que tout le monde juge pertinent.
« Comment les organisations peuvent-elles soutenir les œuvres et les initiatives artistiques qui promeuvent une plus grande sensibilisation aux questions climatiques et s’engagent dans la création d’un monde plus sain ? Si quelqu’un.e veut commencer à répondre à cette question, ce serait idéal.
- X : D’abord par la recherche. Il faut d’abord commencer à soutenir la recherche au sein des institutions. Quels sont les éléments sur lesquels il faut travailler ? Que pouvons-nous changer ? Qu’est-ce que nous ne pouvons pas changer ? Que pouvons-nous contrôler ? Qu’est-ce que nous ne pouvons pas contrôler ? Et à partir de là, aller de l’avant avec le changement. Je pense aussi que le son a une vibration parce que notre système auditif est très limité. Nous ne pouvons donc pas du tout contrôler la façon dont nous décrivons le son. Il y a beaucoup de pollution provenant de quelque chose que nous ne pouvons pas entendre. Il y a donc beaucoup de choses sur lesquelles nous pouvons faire des recherches et partir de là. Une institution ou quelque chose d’autre.
- X : Je pense qu’il s’agit simplement d’ouverture, en particulier sur ce qu’iels font afin que les gens sachent ce qu’iels doivent soutenir. Il y a des festivals qui ont lieu et qui impliquent de déplacer des campements de sans-abri, ou le financement de certaines choses qui pourraient ne pas être très bonnes. L’ouverture permet aux gens de décider ce qu’iels veulent soutenir et ce qu’iels ne veulent pas soutenir. Et aussi l’action. Être actif dans le soutien de certaines bonnes choses.
- X : Juste pour être sûr, tu veux dire ouverture dans le sens de transparence ?
- X : Oui, la transparence. C’est le mot que je cherchais. Merci
- X : C’est une grande question. Je pense beaucoup à ce que Terri a mentionné, cette idée que nous sommes la nature. Que nous ne sommes pas séparé.e.s de la nature. Et cette connexion, je pense que nous pouvons beaucoup y contribuer et aider les gens à établir cette connexion. C’est quelque chose que j’ai découvert, surtout en faisant des activités de plein air. Si nous sommes vraiment à l’écoute et conscient.e.s de tout ce qui se passe autour de nous, cela nous rappelle à toustes que nous faisons partie de tout cela. Et plus on a l’impression d’en faire partie, plus on s’en préoccupe.
- X : J’aimerais faire écho à l’intervention précédente. Je pensais à chez moi. J’aime faire des sons à l’extérieur. En grande partie parce que lorsque l’on vit en ville, nous n’avons jamais un large horizon sonore. Et en tant qu’êtres humains, je pense que nous en avons besoin. Mais je pense aussi qu’il est très important de sortir la musique des salles de concert pour atteindre la population dans son ensemble. Parce qu’à toutes fins pratiques, nous prêchons pour les converti.e.s. Et nous devons faire sortir ces préoccupations de nos propres milieux.
- X : Ce que nous faisons, ce que celleux d’entre nous qui sont ici font, c’est une partie de la vision du monde dont vous parlez. Je pense que la musique aventureuse, je pense que la musique est toujours une question d’écoute d’abord. Je pense que le capitalisme a fait en sorte que nous avons été forcés d’éloigner notre musique d’une pratique d’écoute mutuelle pour en faire un produit que nous nous vendons les un.e.s aux autres. Je pense donc que nous avons la responsabilité, en tant qu’artistes individuel.le.s et en tant que communautés d’artistes, de faire progresser l’écoute et d’essayer d’éviter l’aspect du produit, même si c’est inévitable à l’heure actuelle. Je pense que les organisations peuvent donner la priorité à l’écoute. Car je pense que c’est dans l’écoute que l’on commence à imaginer autre chose.
- X : Pour faire suite à ce que vous avez dit, je dirais que la musique créative nous aide à remettre en question nos habitudes de perception. Et cela nous concerne toustes, dans tous les domaines de la vie. Ainsi, nous ne sommes plus aussi habitué.e.s à nous en tenir aux vieilles habitudes si nous nous permettons de faire l’expérience de la nouveauté. C’est simplement une note de bas de page à ce que vous avez dit.
- X : Oui. Mais pas la même vieille chose nouvelle. Ce sont les mêmes choses qui sont nouvelles depuis 1940.
- X:: Mais il y a aussi de nouvelles vieilles choses. (Tout le monde rit)
- X : Absolument
- X : Je pense qu’en ce moment, pour moi qui suis manifestement… je ne sais même pas comment le décrire. La culture underground, la culture alternative, la culture indépendante, je pense que c’est ça le truc. En tant qu’organisateur.ice qui a travaillé, généralement avec un budget inexistant, pour tous ses projets. Mais je continue à faciliter des tournées d’artistes du monde entier. Des gens dorment chez moi presque chaque semaine, je partage mon équipement et mes instruments de musique. Je partage des connaissances. Je pense que parfois, il y a une chose que je vis beaucoup avec les bailleurs de fonds, c’est la déconnexion. J’ai l’impression que nous parlons aussi de voyages. Depuis que j’ai un nouvel emploi, j’ai voyagé plus qu’au cours des dix dernières années. J’ai voyagé plus que pendant la majeure partie de ma vie. La plupart de ma musique a été très ancrée dans ma ville, dans ma communauté, créant un certain circuit de pratique régulière, et cela n’a pas du tout été valorisé par les bailleurs de fonds. Et c’est aussi amusant parce que j’ai l’impression, surtout avec les Conseils des arts, qu’ils attendent des grandes organisations musicales qu’elles deviennent de petites organisations locales à but non lucratif. C’est la même chose avec la résurgence autochtones et toutes ces questions. Avec ces choses qui existent depuis si longtemps, il y a une culture, des manières de faire les choses. Elles ont été significatives, elles ont été vibrantes dans les communautés, et ce n’est que maintenant qu’elles sont valorisées alors que de gros efforts ont été faits historiquement pour invisibiliser ces efforts et ces pratiques et ne pas les reconnaître
Je pense qu’il est également difficile d’entendre parfois ces perceptions des bailleurs de fonds qui surgissent et disent « maintenant vous devez faire des choses comme ça ». Et bien, beaucoup de gens font toutes ces choses depuis très longtemps. Vous ne les avez pas valorisés. Vous n’avez même pas eu la courtoisie de les appeler des pratiques professionnelles. Rappelons-nous que la plupart des arts autochtones n’étaient pas qualifiés d’art jusqu’à très récemment, et nous pouvons parler d’autres cadres de pratiques sociales. Je pense donc qu’il est également très difficile de réconcilier toutes ces choses, de les réunir et de les rendre pérennes. Nous existons depuis toujours et nous avons tant de façons de fonctionner, et les musiques improvisées ou expérimentales ont cette histoire de fonctionner en dehors du cadre. Et maintenant, tout à coup, c’est risible, parce que ce que je vois, c’est qu’on s’attend à ce qu’un festival de plusieurs millions de dollars devienne une petite organisation communautaire qui va recycler ou quelque chose comme ça. (Rires) C’est donc intéressant. Pour moi, c’est l’une des choses que je ressens le plus depuis quelques années, ce changement où j’ai l’impression qu’il y a des gens qui font déjà ce travail. Pourrions-nous simplement aller à leur rencontre ? Et supporter ce travail et leur voix au lieu d’attendre que beaucoup de gens se sentent soudainement concernés par ces questions ?
- X : C’est aussi une question de changement de système, parce que j’ai l’impression que j’essaie de m’éloigner de ces organismes subventionnaires dont les valeurs ne reflètent pas le type de travail que je veux faire ou celui des personnes avec lesquelles je veux travailler. Où pouvons-nous trouver les ressources nécessaires pour faire ce que nous voulons plutôt que d’attendre que les anciens systèmes changent ? Des changements positifs sont en cours, mais comme cela a été dit, il y a déjà des gens qui font toutes ces choses intéressantes. Je pense qu’il y a aussi quelque chose ici, à propos des zones rurales et urbaines. J’étais un.e artiste urbain.e et maintenant je suis un.e artiste rural.e, mais c’est comme si les gens qui vivent dans ma communauté, qui est vraiment petite… Il y a beaucoup d’artistes intéressant.e.s qui vivent de manière très autonome et qui ont des pratiques artistiques très intéressantes qui ne font pas partie du monde des subventions. Il y a aussi des artistes issues des premières nations et d’autres choses comme ça. Pendant un certain temps, j’ai aidé les gens à rédiger des demandes de subventions, puis j’ai eu l’impression que beaucoup de choses n’allaient pas dans ce sens, comme le fait d’intégrer les gens dans un système qui ne fonctionne pas toujours comme il le devrait. Iels font déjà quelque chose de formidable, vous savez : comment soutenir les gens qui font déjà ces choses formidables sans essayer de les faire entrer dans cette boîte ?
- X : Et pourtant, la boîte devient de plus en plus grande. Mon expérience récente est qu’il ne suffit pas de faire du son. Il faut que ce soit interdisciplinaire et que j’aborde directement les questions climatiques d’une manière très spécifique. Les choses ne cessent de s’accumuler. Et cela va à l’encontre de la diversité des pratiques dont nous avons besoin pour résoudre ce problème. Vous savez, je ne peux pas être toute la diversité seul.e. Ce n’est pas comme ça que fonctionne la diversité, n’est-ce pas ? C’est une chose très étrange à observer. Même si nous devons assumer notre responsabilité individuelle, nous ne pouvons pas résoudre tous ces problèmes à la place de chaque individu. C’est donc une pression très étrange. Et je pense qu’elle nous détourne du fait qu’il y a des personnes très puissantes qui peuvent prendre des décisions très simples et changer la nature de cette question. Et je suis sûr que les questions existeraient toujours, mais nous serions au moins en mesure de poser la prochaine série de questions.
- X : Je ne suis pas d’accord avec le fait que la pression ne devrait pas être exercée sur les individus. Elle devrait être exercée par chacun.e d’entre nous, afin que nous changions notre façon de nous engager dans le monde. Nous devons arrêter d’acheter des SUV, nous devons arrêter de prendre l’avion, mais beaucoup de choses sont dues à un mauvais comportement des consommateur.ice.s. Regardez la croissance de l’utilisation des SUV. C’est absolument dégoûtant. Et tout cela s’est produit au cours des 15 dernières années, à cause de notre comportement. Il est donc important que nous prenions nos responsabilités.
- X : Oui, je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Je dis juste que l’idée qu’il n’y a rien d’autre à faire ressemble à une distraction face à quelque chose de plus grand et de plus systémique dont nous devons aussi être conscient.e.s.
- X : Absolument. Bien sûr, il y a des besoins systémiques plus importants à prendre en compte, mais vous ne pouvez pas relâcher la pression. Et dire qu’il faut simplement demander à ces riches individus de nous sauver, parce que ce n’est pas juste.
- X : Je ne suggère pas de leur demander (Les gens rient). Et vous savez, pour être juste, ce sont les décisions de ces personnes qui nous poussent à vouloir des SUV. Je ne veux pas de SUV. C’est peut-être plus complexe que les habitudes de consommation. Je vais à l’épicerie, par exemple. Je n’ai pas le choix d’acheter une pomme qui est emballée dans du plastique. Ce n’est pas un choix, non ? Au milieu de l’hiver. Je peux évidemment faire mes courses auprès des agriculteurs locaux. Tout le monde n’a pas le privilège de pouvoir le faire. Mais oui, il y a des décisions plus importantes qui sont prises et qui contrôlent leurs habitudes et enferment nos habitudes face à l’environnement dans ces choses qui ne sont pas écologiques. Je ne suggère donc pas que nous leur demandions la permission.
- X : Je pense que les changements individuels et systémiques sont importants et nécessaires. Les artistes sont des conteur.euse.s qui reprennent ce qu’iels voient du monde qui les entoure et le présentent dans leur art. Ils changent l’esprit des gens qui les regardent. En tant qu’artistes, nous pouvons exploiter cette influence pour créer du changement. La communication est l’outil le plus puissant dont nous disposons.
En tant que membre de la génération Z, les changements climatiques sont au cœur de ma vie. Si les artistes sont assez audacieux.euses pour faire de l’art intentionnel et délibéré sur ce sujet, iels peuvent inciter les gens à s’arrêter, à réfléchir et à prendre conscience du problème. Un.e artiste qui travaille avec une organisation qui soutient [son travail] peut créer des œuvres qui changent le point de vue des gens et suscitent des conversations. C’est comme une infection qui se propage d’une personne à l’univers.
Pour les organisations, l’action la plus significative consiste à investir de l’argent,des fonds et créer des programmes avec des projets qui incitent d’autres personnes à changer les choses. En tant qu’artistes, nous pouvons motiver et inspirer d’autres personnes à se joindre à nous pour générer cette transformation significative.
- X : De nos jours, il est également très difficile de maintenir une pratique, en raison du stress économique et de la difficulté à tout faire fonctionner. Je pense que centrer ce travail [environnemental] dans le monde de l’art est une chose très difficile à faire. Je pense que de se mettre toute la responsabilité sur soi ou sur l’art en général est aussi exagéré. Si vous êtes musicien.ne. ou artiste et que vous êtes capable de maintenir une pratique régulière par les temps qui courent, quelle qu’en soit l’échelle, vous êtes dans une position de succès. Vous êtes en train de réussir d’une manière très éloquente, parce qu’il y a tellement de musicien.ne.s et de gens autour de moi qui ont abandonné ou qui se sont désengagés parce que ça devient tellement compliqué d’avoir deux ou trois emplois, de faire de la musique, d’essayer de joindre les deux bouts et tout le reste. Il y a aussi des choses à dire sur le stress lié au simple développement et maintien d’un espace créatif régulier dans nos vies. Et je pense que c’est quelque chose qui n’est pas nécessairement abordé non plus. C’est un véritable défi.
- X : Mais tout au long de l’histoire, toustes ces artistes avaient un.e mécène pour les soutenir et c’était leur travail [l’art]. Et c’est intéressant, la technologie aide aussi à savoir où se limiter, quand s’arrêter. Parce que dans la technologie, il y a toujours quelque chose de nouveau. Et les gens qui possèdent ces choses, c’est trop d’informations. Tout est trop. Comment pouvez-vous connaître vos limites, vous connaître vous-même, quels sont vos points forts, ce que… et nous pouvons dire « je m’arrête ici ». Parce que je suis musicien.ne. Parce qu’on peut créer tellement de choses avec des choses limitées. Et vous n’avez pas besoin d’en avoir toujours plus ; de créer plus de choses. En aussi, en créant de l’art, il ne s’agit pas seulement d’un problème climatique. Il s’agit d’une part de sensibilisation et d’autre part de solutions. Créer un corpus d’œuvres, c’est en quelque sorte sensibiliser les gens. Mais quelle est la solution ? Il s’agit simplement d’apprendre. La limitation est une force. Ce n’est pas une faiblesse.
- X : Pour revenir à ce que vous disiez sur ce que les organisations artistiques, musicales et sonores peuvent faire, j’aimerais que celles-ci travaillent ensemble dans le cadre des modèles de financement existants. S’éloigner de ce modèle fragmentaire, basé sur des projets, essentiellement un modèle capitaliste basé sur des produits, où nous sommes payés uniquement pour les projets que nous réalisons. Cela nous oblige, en tant qu’artistes, à travailler toujours plus. Nous ne sommes payé.e.s que lorsque nous réalisons un projet. Qu’en est-il de la diffusion de ce projet dans le monde et de sa rediffusion ? Nous ne pouvons pas nous permettre de le faire dans le système actuel, car la seule chose pour laquelle nous sommes compensé.e.s sera un nouveau projet. Et il y a trop de projets. Nous le savons toustes. Nous le savons parce que nous sommes toustes obligé.e.s d’investir constamment notre temps dans ces demandes de subvention. Et si nous arrêtions toutes ces demandes de subvention ? Et si nous libérions tout ce temps. Je suis juste en train de rêver. (Tout le monde rit) Et si nous nous dirigions vers un revenu de base universel ou une sorte de système dans lequel nous n’avons pas besoin de fabriquer des produits ?
Nous ne sommes pas obligés de multiplier les projets. Mais nous pouvons être des artistes. Et nous parlions de mécénat. C’est de cela qu’il s’agissait. Il ne s’agissait pas de dire « tu dois me faire 25 symphonies cette année ». Non, vous êtes le Meister… Nous avons été acculé.e.s à cette façon capitaliste de concevoir la création artistique. Et nous avons été individualisé.e.s en étant forcé.e.s de rivaliser les un.e.s avec les autres, non seulement en tant qu’individus, mais aussi en tant qu’organisations. Je pense que c’est toxique. Il est devenu très difficile de ressentir un sentiment d’appartenance à une communauté et de réussir à vivre plus de cinq ou dix ans en tant qu’artiste. Je pense donc que les organisations devraient faire pression en ce sens. Et je sais qu’on en parle. Mais tout le monde a peur d’arrêter de faire ce qu’il fait. D’arrêter d’être dans la roue de hamster dans laquelle nous sommes actuellement. Parce que se passera-t-il si je m’arrête ? Je n’aurai plus de moyens de subsistance. Voilà où nous en sommes.
- X : Mais nous nous sommes arrêté.e.s lors de la pandémie. Et c’était comme avoir un revenu de base universel. Et beaucoup d’artistes que je connais ont vécu la meilleure année de leur vie financièrement. (Les gens approuvent bruyamment). Et je pense qu’il y a eu beaucoup d’excellents travaux créatifs… Dans une certaine mesure, je ne connais pas les antécédents de toutes les personnes présentes dans cette salle. Il semble que les artistes qui sont capables de continuer ont plus d’une corde à leur arc. Par exemple, vous avez un.e partenaire qui a un travail régulier. Ou vous venez d’un certain niveau de [richesse]. Ce n’est pas toujours le cas. Mais il y a beaucoup d’artistes qui me préoccupent beaucoup. Je crains que l’on n’entende plus parler d’elleux. Parce qu’iels vont s’éclipser et se lancer dans d’autres activités, pour qu’iels puissent continuer à vivre.
- X : L’un des problèmes, c’est que, comme vous le disiez, c’est qu’il y a trop de pression. Il faut toujours [produire]. Et fondamentalement, les universités produisent des artistes. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne l’art. C’est comme si les artistes devaient être : une personne qui va à l’école pour pouvoir créer. Et vous pensez : « si je vais à l’école, je deviendrai un.e artiste. ». Ce n’est pas la bonne façon de penser. Il y a donc toutes ces personnes qui sortent de la production académique. Et le monde universitaire vous forme de manière très systématique, sans se baser sur la pensée créative. Mais sur la façon dont nous voulons produire des choses et tirer profit du matériel que nous présentons. Ainsi, en sortant de l’université, de nombreux.euses étudiant.e.s deviennent ingénieur.e.s. Et iels partent de cette compréhension : « Pourquoi ne pas mettre cela dans le monde de l’art ? ». C’est simplement que la pensée qui se crée dans les universités est très opposée à la durabilité. Alors vous en sortez et vous cherchez le profit : « Comment pouvons-nous tirer profit de l’art ?». Et tout comme la recherche du profit, l’art est pour moi une forme de pensée plus vaste.. Soit vous créez [de l’art], soit vous n’en créez pas. C’est une nécessité dans votre vie. Vous devez le faire. […] L’institution, dès le départ, me paraît dans le tort.
- X : En tant que jeune diplômé.e universitaire, je peux constater que j’y ai passé de bons moments. [Mais] c’était aussi très épuisant. Mais en tant que compositeur.ice., j’ai l’impression que je ne peux pas composer comme je le faisais à l’école. Sans cette pression extérieure, je ne peux pas composer comme je le faisais. Quand je ne suis plus à l’école, j’écris une musique très différente. C’est tout simplement différent. Je ne sais pas pourquoi. Je suis passé du statut de compositeur.ice à celui d’auteur.ice de chansons.. Je ne sais pas vraiment pourquoi.
- X : (Avec un ton encourageant) Parce que tu es censé.e écrire des chansons!.
- X : (Les gens approuvent avec enthousiasme) Oui, on dirait !
- X : Pour le moment ! C’est ce que je crois. Désolé d’être aussi direct.e
- X : C’est ça. C’est quelque chose que j’ai découvert sur moi-même.
- X : J’apprécie ce que tu as dis. Je viens d’un milieu anarchiste autodidacte et communautaire. Souvent à cause des classes, du classicisme et des conversations autour de l’accessibilité… Parfois l’éducation n’est pas accessible à tout le monde. Souvent, nous ne considérons pas les autodidactes, les gens formé.e.s dans la communauté, ou leur pratique artistique, comme étant légitimes. Je pense que les discussions sur l’environnement et le capitalisme sont importantes. Mais je vois aussi l’intérêt pour les gens de poursuivre des études postsecondaires s’ils en ont la possibilité. C’est une question à laquelle je pense souvent : « Est-ce que je veux plus d’éducation ? Comment puis-je l’obtenir ? Qu’est-ce que je peux faire avec ça ?». Et est-ce que cela peut servir à aider d’autres personnes à s’élever : « Quelle utilité cela aurait-il pour moi ?». J’ai vraiment apprécié ton analyse. Je te remercie.
- X : Oui. Ce n’est pas seulement que vous devez faire beaucoup de choses, mais vous devez travailler pour obtenir différents prix, vous vous devez de faire ceci. On nous pousse donc à se catégoriser d’une manière que l’on ne souhaite peut-être pas. Alors, je ne dis jamais que je suis musicien.ne. « Que faites-vous ?»: « Rien ! ». Je fais des choses. Je ne veux pas me catégoriser. Parce que cela suscite des attentes. Des attentes de la part des personnes les moins énergiques, je fais mon propre truc.
- X : J’aime beaucoup l’utilisation du terme « travailleur.euse culturel.le ». J’ai l’impression que cela décrit bien la situation, parce que notre société est fortement axée sur la productivité. Et il est irréaliste de penser que seuls les artistes produisent. L’art est un vaste processus. Et il y a de nombreuses façons de s’impliquer dans ce processus, comme ceci.
- X : J’apprécie que la conversation ait porté sur la viabilité des institutions universitaires, car j’y ai beaucoup réfléchi. Mais j’ai remarqué que tu as mentionné le mentorat hier soir et que tu l’as également mentionné aujourd’hui. Je suis curieux.se de connaître d’autres modèles de transmission des connaissances et de savoir quelle a été votre expérience avec ceux-ci.
- X : Les enfants assurément. J’essaie de leur faire comprendre, parce qu’iels sont vraiment l’avenir. À beaucoup de conversations dans les festivals, je vois toujours le même genre de public, surtout quand je pense à la plupart des festivals expérimentaux ou électroniques. Mais ce sont toujours les enfants qui ne sont pas présent.e.s. Je pense donc que c’est une bonne façon de commencer à réfléchir à la manière d’introduire dans les écoles une partie des connaissances sur des sujets tels que l’environnement et toutes ces autres questions. Mais il faut trouver des moyens intelligents d’y parvenir. Je pense que nous devons être tout aussi intelligents pour ça que pour vendre des VUS. (Tout le monde rit) Adoptez une partie de la stratégie et de la réflexion des grandes entreprises sur les manières de promouvoir, afin de présenter les choses sous un autre angle et de trouver un moyen de les faire entrer dans les bonnes têtes.
- X : Tu fais beaucoup ça ?
- X : Je fais des ateliers avec des enfants. Je vais dans les écoles et je parle de tout ça. Pendant la pandémie, c’était une bonne période, certainement. Mais j’étais aussi très occupé, parce que je faisais beaucoup d’ateliers en ligne à travers le Canada, ce qui était plutôt cool. Il est très important de trouver comment on peut rejoindre les gens. J’ai eu des tonnes de discussions à ce sujet dans ma ville, sur la façon de sortir du centre-ville, de se décloisonner et d’aller dans les écoles et chez les gens qui ne peuvent pas prendre le bus pour se rendre au centre-ville.
- X : Et c’est un problème dans toutes les communautés rurales.
- X : Oui, il faut donc sortir et trouver des espaces ailleurs. Oui, l’accessibilité est un élément clé.
- X : L’essence même de la réflexion sur la musique et l’éco-responsabilité. C’est une idée très coloniale. Dans d’autres parties du monde, il y a de la destruction en masse et les gens doivent penser à leur vie au jour le jour. C’est un luxe de penser en terme de durée, de faire pression sur les gens à ce sujet. Parler de la façon dont la musique détruit le monde alors que le monde est en train d’être détruit, c’est un luxe. C’est ce qui me dérange parfois avec ce genre de discours sur la musique et le développement durable.
- Terri Hron : Cela nous ramène à la question suivante, qui porte également sur le langage et les mots que nous utilisons. Dans ce contexte, que signifient les mots « durabilité et éco-responsabilité » dans le contexte de la musique alors que le contexte mondial n’est pas tenable ? La deuxième question que nous nous posons est donc la suivante : Comment le langage et la politique évoluent-ils pour prendre en compte, ou non, l’impact des problèmes climatiques, et l’impact du climat sur les pratiques musicales et sonores et sur leur présentation ?
Je pense que cette question a été soulevée dans notre groupe préparatoire parce qu’un grand nombre de conseils des arts et d’organisations demandent maintenant aux artistes d’avoir des politiques de développement durable et d’aborder cette question de manière plus publique. Nous nous demandons donc si c’est aux artistes qu’il incombe de traiter de ces questions ou s’il s’agit d’un transfert de ce fardeaux à la communauté artistique.
- X : Vous vous questionnez à savoir si les artistes individuel.le.s ou les petites organisations devraient avoir une politique de durabilité ?
- X : C’est ce qui semble se mettre en place, à priori dans le domaine des arts.
- X : Je pense qu’il est toujours utile d’exprimer clairement ses valeurs en tant qu’individu. Par exemple, nous avons une pratique qui consiste à développer des reconnaissances territoriales, n’est-ce pas ? Au début, personne ne comprenait ce que c’était ou ce que nous étions censé.e.s faire. Mais je pense que c’est un processus, n’est-ce pas ? Ça nous met dans une situation où l’on doit apprendre et réfléchir à son langage, à son système de valeurs et à son évolution constante. Je pense donc qu’il pourrait s’agir d’une pratique similaire en termes d’éco-responsabilité dans les organisations et de ce qui nous aide à y réfléchir et à développer ces pratiques . Je ne suis pas sûr de ce que vous disiez sur le fait de se renvoyer la balle. Ça peut certainement parfois être le cas. Mais je ne pense pas que ce le soit forcément.
- X : Oui, c’est certainement toutes ces choses à la fois.
- X : J’évolue dans le monde de la musique classique, le langage y est utilisé comme une panacée, un peu comme nous l’avons fait avec les reconnaissances territoriales : « C’est à vous d’y réfléchir. Nous n’avons pas besoin de prendre des mesures concrètes parce que nous avons dit ces mots ». Et je pense que les actions sont toujours plus importantes que les mots. L’élaboration d’une politique est une chose. Avoir un paragraphe qui dit ce que l’on fait est une chose, mais prendre des mesures concrètes en est une autre. Et je pense que nous devons accorder plus d’importance à ces dernières.
- X : Pensez-vous qu’un organisme de financement qui demande aux personnes et aux organisations qu’il finance, ou qui sont financées par lui, reçoive la directive de traiter ces questions elles-mêmes ? Et la façon la plus claire de le faire est d’attendre des personnes auxquelles ils donnent des fonds qu’elles fassent ce travail en leur nom. Est-ce là le système dont nous parlons ? Par exemple, le Conseil des Arts du Canada. Est-ce qu’ils reçoivent une certaine somme d’argent, une somme d’argent des contribuables, et est-ce qu’on leur donne certaines responsabilités quant à la façon dont ils utilisent cet argent ? L’une d’entre elles consiste à s’attaquer aux problèmes climatiques. Et ils n’ont pas d’autre capacité que d’attendre de nous tous que nous fassions ce travail, n’est-ce pas ? Et si nous remontons l’échelle, qui leur donne cet argent et quel est le travail qu’ils font pour résoudre ces problèmes ? Ou bien est-ce à cette organisation qu’il incombe de s’attaquer à ces problèmes ? Qui nous demande de nous occuper de ces questions ? Je suppose que je répète sans cesse le même refrain, mais j’ai l’impression qu’il y a des gens au sommet de ces hiérarchies qui poussent vers le bas.
- X : Croyez-vous que les organismes subventionnaires qui interrogent les personnes et les organisations financé.e.s reçoivent la directive de traiter ces questions eux-mêmes ? Et que la façon la plus simple de le faire est de s’attendre à ce que les personnes qui reçoivent des fonds fassent ce travail à leur place. Est-ce que c’est le système dont on parle ? Par exemple, le Conseil des Arts du Canada reçoit-il une certaine somme d’argent, une partie des taxes des contribuables, et se voit-il confier certaines responsabilités dans la façon d’utiliser cet argent ? Et l’une de ces responsabilités serait de traiter des questions climatiques. Et il n’a pas de capacité autre que de s’attendre à ce que nous fassions ce travail, n’est-ce pas ? Et si on remonte encore plus haut au sommet de cette échelle, qui est-ce qui accorde cet argent et quel travail y est fait pour traiter de ces questions ? Le fardeau est-il reporté sur l’organisation [le Conseil des Arts du Canada] pour traiter de ces problèmes ? Qui nous pousse à aborder ces problèmes ? Je suppose que je répète la même chose encore et encore, mais j’ai l’impression qu’il y a des personnes au sommet de ces hiérarchies qui repoussent sans cesse la responsabilité vers le bas.
- X : Je pense que parfois aussi, même ce genre de conversations, mais en général, avec les organisations… J’ai participé à des conversations, notamment dans le cadre d’une réunion d’organisations de services organisée par le CAC [Conseil des arts du Canada]. Et je pense qu’une grande partie du discours, en particulier sur le langage et les meilleures pratiques, par exemple, concerne la prévention, alors qu’en réalité il est généralement déjà trop tard. Par exemple, comment allons-nous aborder les problèmes climatiques à venir ? Ils sont déjà là. Ou com-
ment allons-nous nous occuper des travailleur.euse.s qui vont s’épuiser, des travailleur.euse.s artistiques ? Et je ne sais pas comment c’est autour de vous, mais [pour moi] c’est comme si tout le monde était en burn-out. Il ne s’agit donc pas de savoir comment nous allons [réellement] résoudre les problèmes de santé ou comment nous allons [réellement] résoudre les problèmes du climat. Et je pense que parfois, les meilleures pratiques seraient idéales si cela était fait, d’une certaine manière, avant qu’il ne soit trop tard. Mais à bien des égards, c’est déjà le cas. Et je pense qu’une fois que l’on se retrouve dans ce chaos, les meilleures pratiques tombent en quelque sorte à l’eau
C’est comme si nous parlions parfois de choses qui ne sont pas vraiment représentatives de ce qui se passe. Et aussi pour revenir à toi (en s’adressant à un.e des participant.e.s), tu parlais de chanter le même refrain, mais je reviendrai peut-être sur le mien à propos de l’organisation communautaire. Beaucoup d’organisations locales ou plus modestes n’ont pas de politique écrite, mais leurs pratiques sont presque toujours plus efficaces, meilleures et plus saines que celles des grandes organisations. Et puis il y a toutes ces associations plus complexes qui ont un discours, qui ont ces belles lignes dans leurs politiques. Mais lorsqu’on examine leur travail réel, on se demande : « mais qu’est ce qui se passe ici ? » . Et puis on arrive dans une série musicale communautaire et on sent qu’il y a un processus et que les choses sont pensées de manière très organique et naturelle. Cela crée de meilleures habitudes. Mais cela n’a pas été nécessairement intellectualisé non plus. C’est donc aussi , je pense, une situation complexe.
- X : J’ai été impliqué dans de nombreux groupes institutionnels où j’ai fait pression pour que des initiatives soient mises en œuvre et où l’on m’a répondu « non, cela ne se fera pas… Oh non, le FRQSC [Fonds de recherche du Québec – Société et culture] l’exige maintenant… Super nous avons un comité EDI [Équité, diversité, inclusion]! ». C’est alors que l’action commence enfin à se mettre en place. Je n’aime pas que cela arrive si tard, mais d’un autre côté, j’aime que cela arrive tout court. Je ne veux pas féliciter les gens qui font le strict minimum, parce qu’en tant que personne membre de la communauté Trans, c’est l’histoire de ma vie mais d’un autre côté, je suis heureux.euse. de voir que les choses changent. Je ne sais pas, si on ne peut pas espérer que les choses changent, alors à quoi bon se lever le matin. Je ne veux donc pas ignorer complètement le fait que la pression est poussée vers le bas, car je vois les choses changer très lentement. Je veux dire que les institutions sont très lentes à changer, ce qui fait partie du problème et de la raison pour laquelle nous sommes ici, mais il est bon de voir un peu de changement.
- X : C’est drôle. J’ai l’impression que leur crier dessus, ou essayer de les convaincre, ou quoi que ce soit de ce genre, n’a jamais fonctionné. Je me souviens d’avoir fait partie d’un comité d’étudiants et d’avoir continué à aller voir la même personne qui m’avait dit que dans un domaine professionnel, rien de tout ça ne se ferait. Ensuite, j’ai fait tout ce travail pour trouver des orchestres professionnels qui faisaient des efforts en ce sens, puis on m’a dit « nous ne sommes pas un orchestre professionnel, nous sommes une université, ce sont des étudiant.e.s ».
Quand vous êtes dans un orchestre, vous avez une certaine routine. Dans deux mois, j’aurai cette semaine de répétition, mais à l’école, c’était jusqu’à minuit la veille du concert. L’école avait le contrôle total jusqu’à la dernière minute pour dire si vous alliez jouiez ou non, et pouvait changer ce qu’elle disait en fonction du scénario. Était-il préférable de dire : « non, nous traitons cela de manière professionnelle. », ou encore « faisons comme s’il s’agissait d’une école, vous êtes des étudiant.e.s et vous devez donc être présent.e.s tout le temps ». Mais c’est bien parce que je me suis beaucoup battu.e. pour apporter des changements, et j’ai honnêtement l’impression que je n’ai apporté grand chose, mais quand ça venait d’en haut… c’est là qu’il y avait une obligation de suivre, donc c’était juste comme un pari sur qui est le/la doyen.ne cool qui va apporter des modifications cools et ne pas accepter que ces instances dirigeantes disent non aux étudiants. [C’est] un parallèle très académique.
- X : Il s’agit d’un exemple québécois, mais le Conseil des arts du Québec a récemment institué cette exigence d’avoir une sorte de déclaration sur la durabilité. Pour ce cycle de financement quadriennal des organisations, un certain nombre d’organisations étaient concernées, et un certain nombre d’évaluateur.ice.s communautaires ont été chargé.e.s d’évaluer ces déclarations. Iels n’allaient pas influencer si ces organisations obtiendrait ou non le financement qu’elles avaient reçu, iels allaient laisser cela pour le prochain cycle dans quatre ans, mais on voulait faire cet exercice afin de donner aux organisations un retour indicatif sur la façon dont elles se comportaient et pour voir où en était la communauté. J’étais l’un.e des évaluateur.ice.s des organisations musicales les plus importantes, comme l’Orchestre symphonique, des organisations qui représentent peut-être 40 % du budget de la musique et du son au Québec. C’était vraiment intéressant de voir comment les organisations parlaient de ce qu’elles faisaient, et ce que faisaient les petites organisations. Je devais toujours revenir à la ligne budgétaire. « Quel pourcentage de votre budget consacrez-vous à cela ? », parce que parfois ils disaient « blablablabla 500 $ » et je me disais qu’ils ne pourraient rien faire avec ça… D’autres petites organisations, qui essaient de faire beaucoup de choses à l’avenir, consacraient un pourcentage assez important de leur budget total à ces questions. On voit alors ce que fait une organisation comme un orchestre symphonique, et c’est énorme ce qu’ils font. Mais si l’on considère l’enveloppe totale, on fait rapidement le calcul : cela ne représente que 0,5 % de leur budget. Ce n’est rien.
Je donne cet exemple comme une sorte de parallèle. Nous avons ces grandes organisations qui parlent beaucoup de toutes les choses qu’elles font, et elles sont souvent félicitées pour cela. Mais lorsqu’on regarde leur résultat net, quel pourcentage de leur budget total cela représente-t-il en réalité ? Ce n’est rien. Et nous devons aussi normaliser ces choses. Ainsi, lorsque je réfléchis à la langue et à la politique, je me dis toujours que la langue est comme un bel emballage. On peut vraiment donner une belle image de la situation en disant que l’on fait toutes ces choses. Mais où sont les gros montants qui sont réellement investis dans tout cela ? Et que faites-vous réellement ? Et comment faites-vous entrer les artistes dans les écoles pour en parler ? Ce genre de choses ne se résume pas nécessairement à : « Nous avons un moyen de recycler les accessoires pour notre production théâtrale », mais dans quelle mesure sommes-nous réellement présents et éduquons-nous les gens à ce sujet. Je me méfie donc toujours un peu du langage, parce que parfois les choses peuvent paraître très jolies, mais ce qui se passe vraiment en coulisse ? Combien est réellement consacré à ces choses ? Et chacun.e d’entre nous, qu’est-ce que nous donnons toustes ? J’y pense aussi.
- X : Oui, nous devons continuer à défier ces organisations. Je pense que c’est ce qui compte, car le changement ne se fait pas comme ça. Je pense que beaucoup de politiques qui semblent brillantes doivent être testées et mise à l’épreuve plusieurs fois. J’ai eu affaire à un certain nombre d’organisations qui disent une certaine chose, et je ne suis que la personne qui correspond à une case cochée… Et ce n’est pas très agréable comme sensation. Lorsque vous entrez dans une organisation et que vous n’y trouvez aucun soutien réel. Pour être honnête, c’est dangereux. J’en ai fait l’expérience. Je dirais que dans le monde de la musique classique contemporaine, j’ai certainement connu cette situation où l’on répondait aux exigences des demandes de subventions, mais ce n’était pas le cas dans la pratique. Je pense donc qu’il s’agit d’un défi à relever à chaque fois. Et pour que ça change. Plus il y aura de pression, moins elles obtiendront de subventions une fois que la nouvelle sera connue. Grâce à la communauté artistique, tout le monde commence à se connaître. Si on vous traite d’une certaine manière et que vous commencez à en parler, cette personne devra vraiment penser à changer et à honorer ses politiques.
- X : Par ailleurs, de nombreuses subventions accordées à des organisations à but non lucratif sont destinées à des artistes et non aux opérations. Et cela peut être problématique en soi, car vous avez besoin du soutien d’autres personnes si vous voulez mettre en œuvre une politique ou d’autre chose. Je pense que le fait de ne pas disposer d’un budget de fonctionnement suffisant est un problème majeur. Il s’agit de la personne qui travaille sur place, et à elle de savoir si son budget peut servir à payer les artistes qui jouent ou la personne qui travaille sur place. […] En général, il n’y a pas ou peu de subventions pour le fonctionnement. Elles sont toutes destinées à la création. La plupart du temps, les groupes de soutien sont aussi importants pour l’art que les artistes.
- X : Et il y a aussi beaucoup d’inégalités dans ce domaine. Les grandes organisations ont des lignes budgétaires pour l’administration et les autres choses. Et je vois beaucoup de petites organisations et d’individus qui font tout. C’est beaucoup d’administration, et cela vous prive de votre temps de pratique artistique. Mais je pense qu’il y a d’autres perturbations dans le système […]. Mais siéger à des jurys, c’est très éducatif aussi. C’est aussi très informatif. Parce qu’une chose que j’ai remarquée depuis longtemps, c’est que dans un grand nombre de jurys auxquels j’ai participé, ce n’est même pas dit à haute voix, mais il y a ce sentiment de : « Bien sûr, nous devons financer le Festival Beethoven. Bien sûr, nous allons financer cet ensemble de musique de chambre. Nous allons financer l’orchestre symphonique, certainement… Et puis ensuite nous parlerons de ce qui reste ». Ce n’est pas dit à haute voix, mais c’est parfois vraiment disproportionné. Par exemple, je vis dans les Maritimes et j’adore la musique classique. Mais nous avons beaucoup de diffuseurs de musique classique. Et beaucoup d’organisations sont blanches, et d’héritage européen. Je veux dire que cela me tient à cœur, mais c’est un peu comme une société de reconstitution historique.
Mais j’ai l’impression que si nous voulons apporter des changements systémiques, il y a beaucoup d’organisations communautaires, d’artistes expérimentaux.ales et beaucoup d’autres personnes qui sont plus proches de la ligne de front. C’est ce qu’iels ont toujours pratiqué dans leurs propres communautés. Tout le monde dit en quelque sorte la même chose. Mais je pense que si les organisations reconnaissaient que ce sont les personnes qui ont déjà fait le travail, qui font le travail, et qu’on les financent proportionnellement… Ce sont également les organisations qui semblent être un peu plus durables ; elles ne disposent pas d’infrastructures massives. Je ne dis pas que nous ne devrions pas avoir d’orchestres, d’ailleurs. Dieu merci, cette conversation est anonyme (tout le monde rit) ! Mais notre communauté artistique devrait ressembler à ce à quoi ressemblent nos communautés. Pas 90 % de perruques poudrées (tout le monde rit encore). Si votre propre organisation ne ressemble pas à cela, je pense que vous devez commencer à poser des questions. Sur qui n’est pas inclus.e..
- X : Oui, parce que la question. Pour en revenir à la question, je pense qu’il s’agit de durabilité. Un orchestre symphonique est-il vraiment durable ? Je ne dis pas le contraire, mais c’est une question importante. Et je dis aussi que ce n’est pas nécessairement le cas. Mais nous ne posons pas ces questions. Non ? Et je dis cela en tant que personne qui, assise dans ces salles, assiste à ces sons organisés par autant de personnes, c’est magique. Mais nous parlons de ces questions existentielles. Et comme vous le dites, le soutien à ces structures massives et vraiment insoutenables ne fait pas partie de la réflexion.
- X : Mais d’un autre côté, ils soutiennent les musicien.ne.s. C’est l’un des seuls emplois où l’on paie des cotisations syndicales et où l’on est payé. C’est le seul moment où je suis payé. Mais c’est accessible uniquement pour les gens qui ont eu le privilège de cette éducation et tout ça.
- X : Mais est-ce qu’ils seraient soutenus [par la communauté] ? Il y a tellement de petites organisations locales qui sont viables dans la communauté grâce au travail qu’elles font. Il n’y a pas d’orchestre symphonique qui perdurerait sans un énorme financement gouvernemental.
- X : Pour avoir vécu à Terre-Neuve, une grande partie de ma formation en musique classique a été financée par les compagnies pétrolières. Les organisations artistiques peuvent donc trouver leur argent ailleurs, et je pense que les orchestres symphoniques s’en sortiront.
- X : Intéressant. Elles peuvent alors bénéficier d’avantages fiscaux sur tout cela. (Énorme soupir, suivi de rires)
- X : Soit dit en passant, pendant longtemps, j’ai vraiment aimé… Depuis assez longtemps, je lisais des romans dystopiques, je crois que cela a commencé avec Margaret Atwood. Mais j’ai remarqué qu’un grand nombre de ces romans, un grand nombre de ces futurs dont nous sommes les auteur.ice.s sont sombres, et que des choses terribles se produisent après une apocalypse. Et il est facile d’imaginer que cela arrivera. Mais il n’y a pas beaucoup d’écriture d’un monde se déroulant après avoir trouvé des solutions et s’être engagé dans une meilleure pratique et une meilleure façon d’être. Il y a dans nos questions un vocabulaire lié à l’engagement et à la création d’un monde plus sain. Et je pense que l’une des choses auxquelles je réfléchis, c’est que ce que nous faisons en tant qu’artistes, c’est d’imaginer la naissance de ce monde. Et donc, à travers beaucoup de ces choses que nous abordons. Nous parlons de ce monde. Nous parlons de manière critique du système actuel, mais je me demande également si nous ne devons pas nous concentrer à imaginer un système différent et vraiment utopiste et l’écrire ou l’imaginer, sans avoir à être enchaîné par le système que nous avons aujourd’hui. En critiquant simplement le système actuel, et c’est ce qui doit être fait, nous n’avons pas nécessairement de vision à laquelle nous attacher ou vers laquelle nous diriger. Je lance juste ce défi à toustes de penser à ce monde idéal qui est peut-être possible, au lieu d’être pris dans un endroit sombre où tout est horrible. À quoi pourrait ressembler ce monde meilleur ?
- X : Je pense que le Sound Symposium est un peu… Oui. Je veux dire, vivons simplement comme ça.
- X : Possiblement
- X : Je ne sais pas, j’ai l’impression qu’il y a, tout le temps, tellement de choses qui se passent à une très petite échelle et qui sont très inspirantes, en particulier dans le domaine des arts et de l’engagement communautaire. D’après mes expériences, je suis constamment époustouflée par le niveau d’engagement, de créativité ; par ce que les gens mettent en place. Je pense qu’à un certain degré, s’il n’y a pas de soutien, on en revient à la question de ce qui est tenable. Si tout est toujours alimenté par l’énergie des gens sans aucune forme de soutien. Il y a toujours deux dangers importants ici, l’argent ou l’épuisement, parce que ce sont les deux seules choses qui soutiennent beaucoup de choses. Je pense que ce que l’on décrit ici, tous ces autres avenirs, ils sont tout simplement en épuisement. Les gens font certaines choses pendant un certain temps, mais à un moment donné, s’il n’y a pas de communauté ou de soutien financier, iels ne peuvent pas aller plus loin. Mais je pense qu’il y a des centaines d’initiatives, en termes d’organisation musicale communautaire ou d’organisation militante, de banques alimentaires, de mobilisation sociales, surtout maintenant, nous le voyons à travers toutes les manifestations, avec tous ces camps d’étudiant.es pour la Palestine, c’est tout à fait à propos de la communauté. Ce sont toutes des choses très inspirantes qui tracent une voie vers l’avenir ; comment nous pouvons en quelque sorte nous mobiliser afin de rendre le monde différent. Mais comment les accueillir dans le cadre plus large de la violence capitaliste et du monde dans lequel nous vivons ? Je pense donc que la vision est là, c’est juste que nous devons peut-être nous faire davantage confiance, nous donner plus de pouvoir et lutter davantage pour elle. Je ne sais pas ce que cela représente exactement, mais les graines sont là. Beaucoup de choses sont prêtes.
- X : Mais à quoi ressemble l’arbre ? (Les gens rient)
- X : On ne le saura pas si on le coupe toujours à la racine.
- X : Est-ce qu’il faut savoir à quoi ressemble l’arbre ?
(Long silence)
- X : Il suffit de l’arroser.
- X : Oui, j’ai l’impression que ce sont nos enfants et nos arrière-petits-enfants qui s’occuperont du feuillage. Notre travail consiste simplement à planter l’arbre et à le faire pousser.
- X : Désolé, je suis arrivé tard et j’ai manqué la plupart de vos échanges, mais quelque chose m’a traversé l’esprit. Je siège sur un certain nombre de conseils d’administration et de conseils au Canada et aux États-Unis. Ce qui se passe autour des cultures dans lesquelles je suis impliqué, c’est que les gens construisent exactement cela. Je pense que le Sound Symposium est un très bon exemple de ce rapprochement des disciplines de manière plus active et plus structurée. Et il y a beaucoup de bons modèles qui se sont produits dans la ville de Québec, où toutes les disciplines ont trouvé des lieux ensemble, des institutions qu’elles ont formées ensemble. J’enseigne également dans une université. Nous parlons de telles choses maintenant. Nous travaillons ensemble pour créer des organisations communautaires dans toutes les disciplines. Et il y a beaucoup plus de fonds disponibles pour ce type de questionnements.
Même dans les conseils d’administration des galeries d’art dont je fais partie, il semble qu’il y ait beaucoup plus de diversité. Je pense que Sound Symposium est un très bon modèle. Il y a donc là quelque chose qu’il faut vraiment analyser pour voir ce qui peut être fait dans nos différentes communautés […] Il fut un temps où les galeries d’art travaillaient en étroite collaboration avec la musique, par exemple. Certain.e.s d’entre vous s’en souviennent. Lorsque les institutions étaient beaucoup plus ouvertes à la programmation, elles incluaient également les différentes disciplines de manière plus active. […] Il est peut-être temps de partir à la pêche, de voir s’il peut se passer autre chose.
- X : Alors, quelle est la première étape pour approcher les musées ? « Nous aimerions prendre une partie de votre budget, merci, et prière de programmer des concerts ? ». (Tout le monde rit)
- X : Je ne cesse de dire aux gens de faire des propositions et d’avoir des conversations. C’est possible. Vous pouvez avoir une discussion, faire des suggestions et envoyer des perches. J’y travaille sur mes conseils d’administration, j’essaie d’amener les gens à s’ouvrir.
- X : Comme vous venez de la communauté des arts visuels, je vais vous poser la question. Une galerie d’art gagnerait-elle à consacrer une partie de son budget aux arts vivants ? Et quelques ateliers publics, cela serait-il bénéfique ? Ou est-ce seulement un avantage pour les personnes qui veulent faire des performances ?
- X : C’est un avantage pour elleux parce que vous allez amener un public différent qui va avoir une expérience différente en interagissant avec ce qui est offert. J’ai fait beaucoup de collaborations avec des galeries, et c’est vraiment gagnant-gagnant.
- X : Oui, vous pouvez augmenter la fréquentation, absolument. Les gens aiment quand il y a plus de diversité, plus de membres, plus de possibilités, plus de communauté.
- X : J’ai travaillé avec de nombreuses personnes, et aux postes les plus élevés, iels viennent nous parler, iels sont très ouvert.e.s, vous pouvez partager des idées, mais c’est elleux qui finissent par décider, ce n’est pas à votre décision.
- X : Mais parfois, leur financement dépend maintenant de cette diversité de perspectives. Et certains financements ne leur parviennent pas en ce moment si ce n’est pas considéré. C’est la différence entre aujourd’hui et hier. C’est quelque chose que je constate. C’est pourquoi il ne faut pas y renoncer.
- X : Auparavant, au Sound Symposium, il y avait un lien très fort avec la communauté des arts visuels. Iels ont commandé beaucoup de sculptures sonores ou d’installations sonores spatialisées, peu importe le nom qu’on leur donne, et les ont financées. Iels ont travaillé très dur pour obtenir du financement, pour inclure cette communauté. Mais depuis je ne sais quelle décennie, iels se sont en quelque sorte rétractés. Je me demande pourquoi. Je ne sais pas pourquoi.
- X:Ça s’est arrêté au début des années 2000.
- X : Je pense que Sound Symposium est très unique. Par exemple, vous logez chez des gens d’ici. Ce n’est généralement pas le cas lorsque l’on voyage quelque part. Il faut trouver un hôtel ou quelque chose comme ça. Mais ici, c’est vraiment unique de loger localement. C’est pourquoi, en tant qu’artiste, j’apprends beaucoup sur l’histoire de cet endroit, en vivant avec les habitant.e.s et en parlant avec eux. Maintenant, j’apprécie cela, cela me permet de comprendre les gens d’une manière différente. J’ai donc l’impression d’apprendre beaucoup, contrairement aux personnes qui se contentent de jouer et de partir. Par exemple, c’est l’un des modèles qui peut être durable. Il s’agit de s’y rendre et d’utiliser les ressources déjà présentes.
- X : Oh, la question des vols aussi. Le fait d’arriver en avion et d’être ici pendant une longue période. Je sais que beaucoup d’entre nous sont venu.e.s en avion et je sais que c’est problématique, mais il n’y avait pas trois fois plus de gens qui venaient en avion, jouaient un concert et repartaient ensuite en avion. Je pense qu’il s’agit d’un modèle préférable à la culture des festivals, où il s’agit d’un concert unique pour tout le monde. Et le type de collaboration que cela permet de mettre en œuvre est considérable. Je pense donc, comme cela a été dit à plusieurs reprises, qu’il s’agit d’un modèle qui permet de faire les choses de manière plus durable. Ce ne sera pas immédiatement parfait, nous n’allons pas résoudre le problème, mais en tant que modèle c’est infiniment plus tenable, c’est un modèle formidable. Je pense que c’est un très bon modèle.
- X : C’est une façon de partager ce qui existe, de ne pas tout posséder. La propriété de tout est partagée.
- X : C’est pour ça que c’est un symposium.
- X : Oui !
- X : J’ai entendu dire que beaucoup d’artistes ont désormais des difficultés, qu’il y a un obstacle financier à venir à un festival pendant 10 jours. Parce que cela signifie que vous ne donnez pas de concert ailleurs ou que vous quittez votre famille pendant 10 jours. Il y a donc de nombreuses raisons pour lesquelles les gens viennent et repartent. Mais l’idée initiale de venir et de rester pendant toute la durée du festival et de faire des collaborations, c’est l’une des principales raisons pour lesquelles je fais mon projet. Depuis longtemps, nous nous demandons comment mettre rapidement les artistes en contact les un.e.s avec les autres à l’occasion du Sound Symposium, afin de donner le coup d’envoi à de nouvelles collaborations. C’est l’une des grandes valeurs de ce projet.
- X : J’ai une question à poser. Elle n’a pas grand-chose à voir [avec la discussion], mais je suis curieuse. Tout d’abord, quel est le mandat du RCMN ? Je sais en quelque sorte ce que vous faites, mais comment existe-t-il et dans quel but ? Quels sont les grands objectifs ? Mais aussi, comment votre organisation a‑t-elle changé et s’est-elle transformée, en termes de financement ? Cela m’intrigue. Je ne sais pas si cela fait partie de cette conversation.
-Raphaël Foisy-Couture : Je ferai de mon mieux pour y répondre en tant que nouveau directeur. Le RCMN a été fondé au début de 2000. À l’origine, il s’agissait plutôt d’un réseau pour les ensembles, les festivals et les organisations de musique nouvelle qui existaient à ce moment-là. Et je pense que rapidement, il y a eu un besoin de la part de nombreuses pratiques musicales vaguement liées aux musiques nouvelles. Je peux inclure ici l’improvisation, l’art sonore, la musique plus expérimentale, pour avoir un moyen de réseauter. Par ailleurs, en tant qu’organisation, l’une des choses intéressantes dès le départ était qu’elle ne s’adressait pas uniquement aux musicien.ne.s, aux organisations et aux programmateur.ice.s. Elle avait le désir de s’étendre et d’inclure beaucoup plus de personnes. La première mission est donc de construire un réseau, d’avoir une structure pour connecter toutes ces pratiques, et d’avoir un endroit où les gens qui se sentent lié.e.s ou connecté.e.s à ces pratiques musicales ou sonores puissent avoir une structure dans laquelle s’engager. Il s’agit d’abord de créer ce regroupement de personnes. Il s’agit de créer une ressource, une communauté de personnes qui échange ensemble. Le Canada est une zone géographique très vaste. Si vous êtes à Saint-Jean de Terre-Neuve, vous n’êtes peut-être pas au courant de ce qui se passe à Vancouver comme une autre personne pourrait l’être. Au début, il y avait donc ce besoin.
L’organisation s’est également élargie pour offrir des conseils dans certains domaines. Il existe par exemple un programme de mentorat. Il y a aussi de la représentation sur certains sujets et des conversations comme ce que nous faisons maintenant. Il y a une volonté d’intégrer des questions d’activisme dans ce que nous faisons, qu’il s’agisse de la nature, de représentation ou de diversité. Ces questions sont abordées avec un réel désir de les prendre au sérieux, d’aborder ces conversations et de les considérer. Mais je dirais que l’élément principal du RCNM, ce sont ses membres. Et je pense que c’est l’une des plus grandes questions que nous nous posons en tant que réseau, car chacun a une vision différente de ce qu’un réseau devrait faire, de son objectif, de ce dont le réseau devrait parler ou de la manière dont il devrait soutenir les musicien.ne.s. Je pense que ce j’essaie de faire en ce moment, en tant que nouveau directeur, c’est de revenir à ce qu’un réseau est censé faire. Faire en sorte que les gens se parlent, se découvre, trouvent la manière commune d’avancer sur ces questions et l’étendent autant que possible afin de représenter un grand nombre de pratiques musicales différentes à travers le pays.
Personnellement, en tant qu’organisateur de musique communautaire, je ne me sentais pas nécessairement considéré par un grand nombre de ces organisations de musique nouvelle. L’une des choses que je fais en ce moment, c’est d’essayer de mettre en relation différentes séries et petites initiatives à travers le pays. Certaines d’entre elles existent depuis 30 ans, mais elles n’ont jamais bénéficié d’un quelconque financement, si bien qu’elles étaient en quelque sorte invisibles. Ma vision plus personnelle est peut-être la suivante : un réseau de réseaux. Un réseau de réseaux, parce que j’ai l’impression qu’à notre époque, tout le monde est un réseau. On a des ressources, on a des connaissances, on a des choses à partager. Il s’agit donc de créer un lieu où l’on peut rassembler ces informations, les partager et valoriser les différentes expériences musicales dans tout le pays.
Mais nous avons un budget limité, nous sommes une très petite organisation. Je suis un des seul employé permanent et je travaille à temps partiel. Deux autres personnes travaillent entre cinq et dix heures par semaine. Il s’agit donc d’une très petite organisation dont l’objectif est très vaste et ambitieux, mais dont les moyens sont très limités.
- Terri Hron : D’un point de vue historique, l’événement principal était le Forum. L’objectif était, du moins dans la vision du fondateur, de créer une vitrine pour la musique nouvelle. Il s’agit donc d’une vision très particulière. Les personnes et les organisations qui y participaient étaient des organisations déjà bien établies. Puis, à un moment donné, on s’est éloigné de cette vision pour essayer d’aller vers quelque chose qui servait une représentation beaucoup plus large d’artistes. Et maintenant, nous nous dirigeons davantage vers la base, les personnes qui ne peuvent pas nécessairement se rendre quelque part pour être représentées, mais que nous représentons. Et je pense que dans ce changement, au cours des six dernières années où j’ai travaillé pour le réseau, je pense que le projet qui a vraiment défini la nouvelle direction a été le carrefour de la musique de création participative, que je vous encourage tous à aller voir.
Le carrefour de la musique de création participative, le carrefour CMP. Il y a tellement de projets, et ce sont des projets réalisés par des facilitateur.rice.s où les participant.e.s jouent un rôle créatif dans le projet. La plupart de ces projets sont réalisés avec des non-professionnels. Le fait de documenter tous ces projets et d’amener toustes ces facilitateur.rice.s et tous ces créateur.trice.s dans notre communauté nous a fait réaliser que l’aspect professionnel des musicien.ne.s était quelque chose que nous voulions peut-être retirer de notre mission. Car, encore une fois, cela revient à restreindre plutôt qu’à élargir la communauté. Je pense donc que cela a beaucoup changé. L’année dernière, lorsque le mandat a été reformulé, l’aspect militant a été intégré au mandat de l’organisation. Il y a un penchant pour l’activisme. Vous pouvez donc consulter la formulation de ce mandat telle qu’elle a été élaborée par le conseil d’administration.
- X : Son nom est-il dépassé ?
-Raphaël Foisy-Couture : Nous changerons de nom l’année prochaine. Le nouveau nom est déjà en préparation. Ce sera le Réseau de création musicale et sonore. Il n’y aura donc plus de musiques nouvelles. Je pense que nous savons tous que le terme de « musique nouvelle » est peut-être trop limité. Il ne représente pas nécessairement toute la variété des pratiques. Mais changer de nom est une opération très complexe bureaucratiquement et cela nécessite beaucoup de choses. Nous sommes donc en train de le faire. Le changement de nom est officiel et il aura lieu.
Et je pense qu’en général, la culture de l’organisation change aussi beaucoup par rapport à ce qu’elle était à l’origine. Même le réseau de tournées existant, ou l’idée d’un réseau de tournées bien établi autour des festivals, ou essentiellement la commande de nouvelles œuvres, tout a également changé dans sa manière de fonctionner. Ce n’est donc pas nécessairement le meilleur modèle pour représenter les pratiques en général. Un effort est fait pour être plus présent parmi les initiatives qui existent déjà, plutôt que de simplement créer plus de travail. C’est l’une des choses que nous voulions faire avec le carrefour. Nous travaillons donc avec un grand nombre de praticiens de la musique, de thérapeutes et de personnes travaillant dans des environnements musicaux axés sur le communautaire. Il y a quatre secteurs principaux, dont celui de la santé, qui regroupe les personnes travaillant dans les hôpitaux et les centres de soins, par exemple. Il y a également toute une ressource qui se concentre sur les initiatives communautaires. Une autre ressource concerne la musique dans les écoles et dans les milieux éducatifs et scolaires. Et il y a aussi toute une ressource sur les personnes travaillant dans les établissements correctionnels et carcéraux. C’est également très intéressant.
Je pense que l’un des aspects les plus importants de ce projet est qu’il a permis à de nombreux.euses musicien.ne.s de se découvrir et de se connaître, parce qu’ils ne savaient même pas qu’il pouvait y avoir un lien entre une pratique plus large et ce qu’iels faisaient. Il a donc renforcé du travail qui existait déjà, au lieu de créer encore un nouveau projet ou une nouvelle chose.
C’est aussi l’un des aspects positifs du Sound Symposium des discussions qui se déroulent où il y a d’autres choses qui se passent. Nous pouvons bénéficier de l’expérience des gens qui sont déjà là. Et nous n’avons pas besoin de créer un autre projet où les gens doivent prendre 20 avions. Nous sommes déjà sur place. Nous nous réunissons déjà sur place. Nous essayons donc dorénavant d’organiser ces réunions et ces conversations dans de pareils contextes. Là où il y a déjà une mobilisation qui semble plus organique et naturelle. J’espère que c’est aussi une façon d’être plus responsable.
- X : J’applaudis le changement de nom et tout ce que vous venez de dire. Je vous encourage, en parlant de langage, à vous pencher sur l’histoire du terme musique créative et ses racines dans l’AACM [Association for the Advancement of Creative Musicians] à Chicago, si ce n’est pas une préoccupation majeure du processus de changement de nom. Ça devrait l’être.
- X : Est-ce que je peux poser une question simple ? Est-ce que tout le monde a remarqué que ce désir de conversation est beaucoup plus fort depuis la COVID ? Le désir d’établir de nouveaux liens entre nous ? D’élargir, en quelque sorte, le langage et de trouver de meilleurs modèles ?
- X : Je pense que nous avons eu le temps de réfléchir, n’est-ce pas ? Nous avons eu le temps de nous reposer et de faire une pause. Et maintenant, nous avons l’impression de vivre une période de reconnexion très énergique. Mais je me suis aussi demandé […] si c’est parce qu’on a l’impression que c’est une période très difficile pour les artistes sur le plan financier. Et je pense qu’il y a de la liberté dans ça. Je ne souhaite ceci à personne. Mais c’est comme s’il y avait une certaine liberté dans cette situation, parce que j’ai l’impression que nous pouvons accélérer le changement systémique. Il est urgent de pratiquer des modes de réflexions et d’action créatifs. Même simplement à travers notre musique. Je ne veux pas dire que l’on doit s’affirmer et parler des grandes choses ; pour moi, la musique suffit. Je suis très enthousiaste lorsque je vois des gens. Le concert d’hier soir et tout ce qui s’est déroulé hier ; pour moi c’est essentiel à ma santé mentale et pour ma confiance en l’avenir. Maintenant que je suis plus âgée, j’ai envie de créer quelque chose qui peut être partagé avec les jeunes tout en leur donnant l’impression que nous pouvons travailler ensemble. Nous pouvons communiquer en dehors de ces paramètres. C’est aussi une sorte de pensée anticapitaliste. Nous ne pouvons pas faire les choses dans la facilité, mais c’est véritablement un exemple de comment nous pouvons faire les choses différemment. C’est très puissant. Souvent, dans notre vie quotidienne, nous avons l’impression de ne pas être super importants. Nous ne pouvons pas toustes être des travailleur.euse.s de première ligne. Ça c’est très important. Mais il y a aussi quelque chose de très important à propos de ce que nous faisons ici, du moins ceci l’est pour moi. C’est pourquoi je l’apprécie. Se réunir. Nous n’avons jamais l’occasion d’être toustes ensemble, des gens aux parcours différents.
- X : Je pense aussi que l’après-COVID a permis aux gens d’imaginer qu’il pourrait y avoir un meilleur avenir. Auparavant, j’avais souvent l’impression que les gens étaient coincé.e.s dans cette situation : « Je ne vois pas comment les choses pourraient être meilleures, alors pourquoi changer ? » Et puis, quand nous sommes arrivé.e.s à la COVID. Je n’étais plus la personne débile qui pensait au revenu de base universel. Nous l’avons fait et nous pouvons le refaire. Et je pense que cela a revigoré beaucoup de choses.
-X : Avec la pandémie, il n’y avait pas d’opportunités, sauf peut-être de créer et de travailler sur sa propre pratique, ce qui, je pense, est très important. Je pense que c’est vraiment très important. Mais il n’y avait pas de série de concerts à laquelle on pouvait appliquer. Aujourd’hui, il y a tellement d’opportunités qui sont réapparues. Il y a toustes ces grand.e.s artistes qui se battent pour un nombre très limité de places. Je trouve que c’est un véritable changement dans la façon dont on se perçoit. Il y a beaucoup d’espace pour ce questionnement difficile, par exemple sur la pérennité d’une carrière quand on se bat toustes pour les mêmes opportunités. Chacun.e. d’entre eux/elles [séries/festivals] a un mandat différent, parfois très précis. Soit j’essaie de faire en sorte que ce que je fais fonctionne dans le cadre de leur mandat et, soudain, ma pratique est recontextualisée. Ou bien j’applique avec ce que je fais et iels s’en moquent parce qu’iels veulent autre chose. Je trouve que c’est une situation bizarre à laquelle il faut faire face. Recevoir un tas de refus c’est assez difficile. J’ai eu des retours sur certains de ces refus et j’ai l’impression que leur mandat était tout simplement trop limité. Je ne sais pas quoi en faire. Je ne pourrai jamais jouer dans ces espaces parce qu’ils veulent des groupes de musique particuliers. Je ne suis pas invité. C’est un défi de déposer à ces appels et d’en être exclu.e.
- X : C’est peut-être une idée amusante, mais j’ai de bonnes nouvelles à ce sujet : Avec beaucoup de non viennent beaucoup de oui. Il faut juste continuer à faire ce en quoi on croit et s’y tenir. Avec la pandémie, j’ai eu un moment où je me suis dit : « Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que l’art ? » Tout ce que j’avais fait signifiait peu à ce moment-là, ça m’a poussé à repenser à la manière dont je voulais y revenir. « Qu’est-ce que je veux ? Quels sont les sujets dont je veux parler davantage ? ». D’après mon expérience, j’aime bien les « non », parce que ceux qui disent non reviennent plus tard. Pendant que nous, on s’améliore quant à notre message..
- X : Excusez-moi, mais je peux vous faire part de mon expérience en coulisse. Je suis membre du comité d’organisation du Symposium depuis de nombreuses années et nous avons longtemps essayé de spécifier le contexte de participation. Nous fournissions un thème, nous parlons donc ici d’un mandat. Le résultat était que nous recevions des candidatures d’artistes qui se torturaient pour essayer de s’y conformer, et nous détestions cette situation. Nous avons donc arrêté parce que c’était évident que c’était ridicule.
(Les gens rient)
- X : Oui, nous avons toustes déjà fait ça. Il y a un appel qui est très spécifique, et vous êtes comme hummm…
- X : « Oh oui, bien sûr que ma pièce parle de l’eau » (Fou rire général).
- X : Ou du moins, maintenant elle en parle. (Les rires continuent)
- X : Ce n’est pas la musique qui compte, c’est ce que vous écrivez. Nous avons toustes vu des gens qui ont une très belle plume, mais ensuite vous écoutez ce qu’iels font et ça ne le traduit pas.
- X : Je tiens à vous remercier d’avoir organisé cette conversation.
- Raphaël Foisy-Couture : Merci beaucoup à vous toustes. Merci d’être ici et d’avoir été très généreux.euses avec votre temps. Nous avons passé quelques heures agréables. Merci beaucoup. Nous avons maintenant une activité musicale pour clôturer cette réunion.
Le RCMN tient à remercier Michelle Lacour, Kathy Clark Wherry et Sound Symposium.
Le RCMN tient également à remercier et à féliciter toustes les artistes qui se sont produit.e.s dans le cadre de cette édition du Sound Symposium.
Rencontre de Yellowknife
Date : le 9 juin 2024
Lieu : Studio de Carment Braden, à Yellowknife.
Co-diffuseur : le Festival Longshadow
Le CNMN remercie FACTOR, le gouvernement du Canada et les radiodiffuseurs privés canadiens pour leur soutien financier.
Le RCMN tient à remercier le festival Longshadow pour sa généreuse hospitalité et pour l’aide apportée à la réalisation de cette conversation.
Raphaël Foisy-Couture, directeur général actuel du RCMN, a ouvert cette conversation en reconnaissant qu’elle avait lieu sur le territoire du chef Drygeese, dans le Traité no 8, la terre traditionnelle des Dénés de Yellowknives et le domicile des Métis de North Slave et du peuple Tłı̨chǫ.
Foisy-Couture a également pris le temps de remercier et de féliciter l’équipe et les artistes de Longshadow pour le soin artistique et le respect qu’iels ont apportés à la réalisation de ce festival et pour avoir permis au RCMN d’y contribuer. Foisy-Couture a également pris le temps de remercier ses hôtes Rob Elo, Naima Jutha et Forest pour l’avoir accueilli dans leur maison ; et d’exprimer une énorme gratitude à Carmen Braden sans qui la présence du CNMN n’aurait pas été possible. Toustes les participants ont également pris un moment pour se présenter en cercle au groupe.
Cette conversation a comporté de brèves interventions sur l’incubateur musical canadien de la part de Rob Elo, ainsi que des interventions de Robert Uchida et du Garneau Strings Quartet en tant que contributeurices invité.e.s. Elle était animée par Raphaël Foisy-Couture en tandem avec Carmen Braden, codirectrice artistique de Longshadow. Hormis certaines interventions spécifiques des modérateur.rice.s et des intervenant.e.s invité.e.s, les contributions de toustes les participant.e.s sont anonymes.
Plusieurs artistes et musicien.ne.s ayant participé au festival de musique Longshadow ainsi que de nombreux.euses musicien.ne.s et travailleur.euse.s artistiques locaux ont assisté à cette conversation. Nous les remercions pour leur généreuse contribution.
Afin de mieux exposer les réalités et les dynamiques à l’œuvre dans le domaine de la musique créative et de la pratique du son à Yellowknife et dans les Territoires du Nord-Ouest, et pour célébrer la première conversation du RCMN dans la région, ce rapport comprend une transcription détaillée de la discussion qui a eu lieu. Les modifications apportées ont pour seul objectif de faciliter la lecture et la compréhension.
Thèmes abordés lors de la conversation
Contexte et défis à Yellowknife
- Le caractère unique de Yellowknife sur les plans géographique, économique et artistique
- Le manque d’infrastructure artistique et les difficultés d’accès au financement
- Les défis des musicien.ne.s du Nord : isolement, frais de déplacement et manque de lieux de diffusion
Durabilité et développement dans la musique
- Développement durable et pérennité structurelle
- Équilibre entre l’empreinte carbone des tournées et l’enrichissement local
- L’impact économique et social des petits événements axés sur la communauté
Communauté et collaboration
- L’importance de construire des relations au sein de la communauté artistique.
- Le rôle des festivals et des organisations dans la promotion et la collaboration
- Possibilités interculturelles et intergénérationnelles au sein des pratiques musicales
Engagement des jeunes et éducation
- La Nécessité de l’éducation musicale dans les écoles
- L’importance de lieux accessibles pour les jeunes musicien.ne.s
- Les possibilités de favoriser rapidement des rencontres avec la musique et le spectacle
Obstacles au développement de la carrière des artistes nordiques
- Accès limité aux ressources telles que les subventions et les gérant.e.s d’artiste
- Manque d’opportunités de représentations locales et de soutien aux tournées
- Difficultés à s’orienter dans les systèmes de subventions et dans l’industrie de la musique
Sensibilisation et politique
- Responsabilité des gouvernements et des entreprises dans le soutien aux arts
- Possibilités de tirer parti du caractère culturel unique de Yellowknife
- Appels à l’amélioration des infrastructures et au mécénat d’entreprise
Expériences de l’incubateur musical canadien (IMC)
- Réflexions sur la valeur du programme pour le développement professionnel
- Réflexions sur les redevances, les droits d’auteurs et l’importance d’être à jour sur ces enjeux
- Défis liés aux médias sociaux, à l’auto-promotion et à la croissance individuelle dans l’industrie
La SOCAN et les licences musicales
- L’importance de s’inscrire auprès de la SOCAN et de comprendre ses droits
- Rôles et responsabilités des artistes et des salles en matière de licences et de redevances
- Mesures pratiques à prendre par les musicien.ne.s pour protéger leur propriété intellectuelle
Identité culturelle et diversité en musique
- Intégration des traditions culturelles dénées, métisses, inuites et de la diversité culturelle dans la scène musicale
- Possibilités d’échanges culturels et de collaboration.
- Embrasser la diversité pour créer une communauté artistique unifiée et distinctive
Approches DIY et musique expérimentale
- Perspectives offertes par les pratiques de musique expérimentale et indépendante
- Construire des lieux alternatifs et encourager les communautés à la racine
- Élargir l’accès aux formes non traditionnelles de création musicale
Impact économique et social de la musique
- Recherche sur les effets économiques multiplicateurs de la musique communautaire
- Comparaison avec des modèles internationaux tels que Reykjavik et Dawson City
- La musique comme activité économique à faible consommation avec un potentiel de croissance
Réflexions sur le festival et expériences des artistes
- Expériences de collaboration pendant le festival Longshadow.
- Développement personnel, inspiration et apprentissage mutuel entre les participant.e.s.
- Épanouissement émotionnel et créatif grâce à la création musicale collective.
Question d’ouverture de Raphaël Foisy-Couture :
- Je vais donc poser une première question pour ouvrir la discussion et nous pourrons ensuite en discuter ensemble:« Comment les organisations musicales et sonores peuvent-elles soutenir le travail artistique et les initiatives qui promeuvent une plus grande sensibilisation aux questions climatiques et s’engagent dans la création d’un monde plus sain ? Je sais qu’il s’agit déjà d’une question assez vaste. Je répondrai d’abord qu’en tant qu’organisation, c’est quelque chose que nous avons essayé de faire en organisant ces rencontres. Tout d’abord, en y réfléchissant, mais aussi en nous engageant de plus en plus dans des initiatives communautaires qui partagent aussi, je pense, beaucoup de ressources et s’engagent à relever les défis de cette perspective. Je pense que c’est personnellement ce que j’ai beaucoup remarqué ici. J’ai été étonné par le partage des ressources et par la façon dont tout le monde semble avoir un esprit de collaboration. Iels sont capables de faire des choses qui ne seraient probablement pas possibles s’iels espéraient les faire seuls ou d’une manière plus traditionnelle ou commerciale. Cela m’a beaucoup inspiré. Si quelqu’un veut partager quelque chose sur la situation particulièrement, très rare, de Yellowknife, je serais heureux d’en savoir plus.
- Vous demandez comment utiliser la musique pour promouvoir des choses comme la sensibilisation à l’environnement et ce genre de choses. Est-ce le but de la question ?
–Raphaël Foisy-Couture : Ça peut l’être
- Et c’est aussi une partie de la question : est-ce que ça doit être explicite dans la musique ou peut-être que c’est plus au niveau de l’organisation ou de la façon dont nous nous organisons collectivement ?
- Raphaël Foisy-Couture : Si vous pensez que cela doit être plus dans la musique, c’est quelque chose de très précieux et intéressant et je serais heureux de vous entendre en dire plus à ce sujet.
- Je n’y avais pas pensé auparavant, mais la première chose qui m’est venue à l’esprit lorsque vous avez posé la question, c’est quelque chose comme Folk on the Rocks, le festival de musique qui a lieu ici chaque année. La présence d’une organisation [traitant des questions de climat, de sensibilisation à l’environnement et de résilience] au festival, que ce soit sur scène ou dans l’un des kiosques ou quelque chose comme ça. Et profiter de ce genre d’occasion pour interagir avec les gens et promouvoir les objectifs de l’organisation de cette manière. Ce serait une idée en tout cas. Juste une petite idée. Et peut-être même […] dire quelque chose au NACC (Northern Arts and Cultural Center).
- C’est ce que j’allais dire.
- Oui, donc peut-être avoir un panneau d’affichage ou un kiosque d’une sorte ou d’une autre lors des grandes représentations au NACC, quelque chose comme ça.
- J’ai l’impression que ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est quelqu’un qui n’est pas ici, comme Munya Mandarus. Les vidéos qu’il réalise lui-même et celles qu’il a faites pour Longshadow, les événements que nous organisons ici… Je suppose que Longshadow était plus en salle, mais les vidéos qu’il filme de sa musique, c’est de la musique africaine, qui vient de notre environnement, dans le paysage de Yellowknife. Et le fait d’avoir une organisation comme la vôtre qui peut partager ce genre de choses. Et Folk on the Rocks […] présente des artistes qui s’engagent dans notre paysage et notre communauté. Et simplement […] sensibiliser le pays à la beauté dont nous sommes entourés ici et à la communauté que nous avons ici, qu’elle soit artistique ou autre. Je pense que c’est vraiment bien. C’est créer plus d’art, essentiellement, qui a à voir avec la communauté. […] Les chansons que Ryan McCord écrit, […] vous savez, la musique folk. C’est de la bonne musique folk, mais elle parle de Yellowknife en particulier. Des visuels qui montrent ce qu’est Yellowknife et le fait d’avoir quelqu’un comme le Réseau canadien pour les musiques nouvelles pour partager cela avec le reste du Canada. J’espère que c’est une source d’inspiration qui peut toucher le reste du pays, je suppose. Par exemple :« Voilà une communauté qui travaille et interagit vraiment avec son environnement naturel ! ».
- Je pense qu’il s’agit également d’un moyen d’aider les musicien.ne.s à avoir une idée claire de la manière dont, comment décrire cela ? […] Des moyens d’orienter l’activisme des gens pour faire pression sur le gouvernement au sein de l’industrie de la musique afin qu’il s’attaque à des problèmes tels que la consolidation de l’industrie de la musique autour de spectacles gigantesques et à forte empreinte carbone. C’est ce que nous constatons aux États-Unis, ici et dans d’autres pays dans une moindre mesure : les grands fournisseurs de billets étouffent les petites salles de concert et orientent l’industrie musicale vers des spectacles et des systèmes de tournée coûteux et polluant, qui excluent un grand nombre de musicien.ne.s. […] Je ne sais pas vraiment quel est l’impact économique global sur le secteur de la musique. Il serait très intéressant de financer des recherches sur ce point précis, afin de déterminer dans quelle mesure les personnes qui envisagent de faire carrière dans les arts du spectacle […] comptent sur cette partie de l’industrie qui dépend de ces très grands spectacles pour entrer dans ce secteur. Et que pouvons-nous faire en tant qu’activistes, que peut faire le gouvernement en tant que décideurs politiques pour y remédier un peu ? […] C’est peut-être un peu sec, mais c’est une sorte de préoccupation pratique sur la façon dont nous pourrions, en tant que musicien.ne.s, faire pression pour une industrie plus carboneutre.
- [Au départ], j’avais pensé à minimiser l’impact carbone des musicien.ne.s qui se déplacent, aux vols et à d’autres choses de ce genre. Mais j’ai pris un virage à 180 degrés et je me suis rendu compte qu’en faisant venir quatre musicien.ne.s, toute la communauté pouvait vivre un moment culturel enrichissant ; ainsi, une centaine de personnes n’avaient plus à se déplacer. Comme Yellowknife est isolée, je pense que plus nous pourrons offrir de grandes possibilités d’enrichissement culturelles à cette communauté, moins les gens auront envie de se rendre ailleurs pour un festival.
- Il serait formidable de financer des recherches sur les impacts économiques de ce que vous décrivez. Quel est l’impact de ces événements plus petits et plus intimes qui sont rendus possibles par les petites salles indépendantes par rapport à ce dont vous parlez, une centaine de personnes qui se déplacent pour aller voir un grand spectacle où le billet coûte 200 ou 300 dollars.
- Ce que [les gens] continueront à faire parce que c’est génial, mais peut-être moins souvent si et parce que nous avons plus de choses à faire ici. […] Il est probablement plus économique d’amener l’action ici.
- Parce que nous étions ici, nous avons pu aller dans des écoles de petites communautés à l’extérieur de Yellowknife et jouer pour des gens qui, autrement, n’auraient probablement pas envisagé de prendre l’avion pour Edmonton. […] J’imagine qu’une fois qu’iels sont ici (les artistes), vous voulez vous assurer de les amener dans des endroits où les gens peuvent entendre des choses différentes dans leur propre environnement… Vous amenez l’artiste sur place.
- Je pense qu’il est également très utile que ces petits groupes viennent présenter des spectacles intimes et interagir avec les gens d’ici, car je me souviens de la première fois que j’ai vu, et j’ai grandi dans une région où il y avait beaucoup de violoneux.euses, un quatuor à cordes complet, c’était au festival open sky de Fort Simpson, qui est très petit ; tellement bon ! Ils font des choses vraiment cool ! Et j’étais jeune enfant et j’ai vu ça pour la première fois et ça m’a immédiatement intéressé. C’est à partir de là que j’en suis arrivé là (à étudier la composition et à jouer). C’est pourquoi [apporter] ces expériences à des communautés qui n’en ont pas vraiment l’occasion est une très bonne façon de les inspirer. Et puis, dix ans plus tard, vous avez ce groupe de jeunes musicien.ne.s, compositeur.rice.s, interprètes dans la communauté qui font des choses, ce qui est aussi une très bonne façon d’en parler.
- Cela m’amène à réfléchir à une chose à laquelle je pensais également. Il y a d’autres festivals ici dans les Territoires du Nord-Ouest, dans les petites communautés, comme l’Open Sky. Il y en avait un à Fort Smith, le Friendship Festival ; il y a le Great Northern Music Festival à Inuvik ; il y a eu pendant un certain temps le Midway Lake Festival au milieu de nulle part, près de Fort McPherson… Ces festivals pourraient également bénéficier d’un soutien. Il est très important de conserver ce que nous avons ici. Ces autres petits festivals ont aussi leur importance. Tu parlais de l’effet et de l’influence que cela a eu sur toi, cela pourrait être (influent) pour d’autres personnes là-bas aussi. Ce n’est pas seulement ici à Yellowknife, mais aussi dans d’autres endroits, qu’il y a des gens qui s’intéressent aux questions dont nous parlons ici.
- L’économie des TNO (Territoires du Nord-Ouest) est énormément basée sur les ressources, ou du moins c’est ce qui est promu par le gouvernement, mais ils parlent aussi de la diversification de l’économie et de la musique dans son ensemble, qui utilise très peu de ressources, n’est-ce pas ? Ainsi, sur le plan environnemental, à l’exception de ces grands festivals, il s’agit pour l’essentiel d’un mode de vie non consommateur et nous devrions le promouvoir davantage et le célébrer beaucoup plus dans notre économie. Je veux dire que ce (grand) nombre de personnes qui gagnent au moins une partie de leur vie avec la musique est énorme et consomme tellement moins que les autres types de choses et d’activités économiques que l’on promeut habituellement ici.
- C’est un point très important, et tu l’as très bien formulé. Faire ce que nous pouvons pour aider les gens à faire carrière dans les arts du spectacle. Je pense que nous nous heurtons peut-être ici à des obstacles que les gens ne rencontrent pas ailleurs. J’ai grandi dans une ville de taille moyenne, à environ une heure de Londres (Royaume-Uni), où la scène musicale était florissante. Les possibilités d’expérimenter la musique et les choses (culturelles) étaient illimitées. On dit aux gens que faire carrière dans les arts du spectacle est un peu fantaisiste, alors qu’en réalité, nous constatons partout dans le monde que le secteur des arts du spectacle est un secteur extrêmement important sur le plan économique et qu’il offre des emplois intéressants. Plus nous aidons les gens à poursuivre ces emplois, moins ils risquent de se retrouver dans des emplois de type plus consomptif et consommatif.. C’est un point très important.
- Raphaël Foisy-Couture : Merci beaucoup pour ces réponses.
- Je voudrais également dire quelque chose à propos de cette question. Je me souviens qu’en 2017, j’étais à Montréal et l’un de mes cousins était ici. Il voulait que je vienne lui rendre visite. Mais j’ai parlé à certain.e.s de mes amis.e.. J’ai dit que j’allais quitter Montréal pour aller à Yellowknife. Beaucoup de gens, presque tous, même moi, ne savaient pas où c’était exactement. Et d’abord, je suis francophone, mais je vais essayer de donner mon idée en anglais, mais ça ne va pas être facile pour moi (rire).
En parlant de musique, je pense que la musique peut vraiment être une chose qui peut aider une communauté comme Yellowknife et puis avoir de la valeur, être sous les feux de la rampe. Mais je me demande si le gouvernement a un plan pour utiliser les musicien.ne.s, l’industrie de la musique, pour aider à donner cette valeur, pour mettre Yellowknife sur le devant de la scène. Car si les musicien.ne.s commencent à parler de Yellowknife, à faire des clips vidéo qui valorisent cet espace, à montrer la terre dans leurs vidéos. Ces vidéos pourraient être vues partout dans le monde […] La musique pourrait encourager les touristes à venir, mais aussi aider Yellowknife et les Territoires du Nord-Ouest à faire parler d’eux. Je ne sais pas, mais parfois j’ai l’impression que beaucoup de gens veulent aider, mais ne veulent pas aller sur le terrain pour cultiver quelque chose, ou aider quelqu’un à même le sol pour les aider à se lever. Iels attendent juste que la personne essaie de s’élever toute seule, et quand elle se lève, ensuite vont vers [elle] pour dire : « d’accord, maintenant je veux t’accompagner. » […].
- Raphaël Foisy-Couture : J’aurais une autre question que beaucoup de gens ont soulevée. Quels outils et quel soutien des organisations comme la mienne, mais aussi au niveau national, d’autres organisations musicales ou des organisations gouvernementales pourraient-elles apporter pour continuer à offrir un soutien et à assurer la pertinence et la viabilité du secteur de la musique, et qu’est-ce qui serait raisonnable ou qu’est-ce que vous considéreriez comme radical ?
- En termes de soutien gouvernemental, les Territoires du Nord-Ouest donnent l’impression d’avoir vingt ans de retard sur tous les autres. En ce qui me concerne, l’une des plus grandes difficultés que je rencontre actuellement est qu’il m’est très difficile de poursuivre une carrière à Yellowknife, alors je voyage beaucoup. Je reconnais que j’ai ce privilège, mais c’est comme si je ne pouvais pas vraiment [faire autrement]… Je le fais à ce stade de ma carrière pour me faire connaître dans plus d’endroits et, dans certains cas, je subis une perte et ne gagne même pas d’argent en allant à Calgary, ou Edmonton, ou ailleurs pour faire ces choses. J’ai contacté le gouvernement […] pour savoir où en est le soutien aux tournées pour les musicien.ne.s des TNO. Je n’aime pas vraiment faire cela.
Je n’aime pas vraiment faire cela parce que j’ai l’impression de croire que des choses me sont dues, mais en même temps, je suis déjà confronté à ces obstacles : Je suis plus loin dans le pays que tout le monde, j’ai des coûts supplémentaires, et mes autres homologues du Nord ont beaucoup plus de fonds et de soutien pour pouvoir le faire. Je pense donc qu’une organisation (comme le RCNM) et d’autres pourraient nous aider à faire pression sur le gouvernement : « Hé ! Pour rendre cela accessible à certain.e.s musicien.ne.s nordiques très talentueux.euses. nous devons…» . Il y a tellement de talent qui sort des TNO en ce moment. Pas seulement en musique, mais aussi en écriture. C’est assez fou. J’ai l’impression que nous avons encore beaucoup d’obstacles à surmonter pour atteindre les marchés auxquels nous devons accéder pour nous faire une place sur la scène. Quelle que soit la scène dans laquelle vous vous trouvez. J’ai quitté une carrière d’enseignant à plein temps juste avant COVID.
- Outch ! (Rires du groupe)
- Cela fait quatre ans que je m’acharne sur cette question, ce qui, je le sais, n’est rien comparé à beaucoup d’autres personnes, et c’est juste pour avoir un soutien supplémentaire de la part d’autres personnes qui ont les moyens de faire des recherches. (…) Et il y a des recherches sur ce dont vous parlez, je ne me souviens plus de qui c’était, […] mais iels ont spécifiquement étudié l’impact de la musique autochtones et des premières nations sur les communautés et les bénéfices économiques (voir le lien au bas de la page) et j’ai sorti ça et je l’ai mis dans des plans d’affaires et d’autres choses, mais des recherches plus solides sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en général, je pense que ça aiderait les musicien.ne.s à vraiment […]. | Je pense qu’une recherche plus solide sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en général aiderait les musicien.ne.s à vraiment prouver leur valeur et leur utilité si nous devons la justifier en termes de résultats, ce qui est souvent le cas en termes de financement et de soutien gouvernemental.
- Nous devons toujours le faire (les gens acquiescent).
-Ce n’est pas comme si les gens étaient : « Oh, créez votre art, nous n’attendons rien ». Il serait donc probablement utile de faire pression pour renforcer cette voix et de mener des recherches.
- Il y avait du support par le Northern Performers Grant. Je pense qu’il s’agissait d’un excellent programme. […] Ça n’existe plus. Je ne sais pas pourquoi. Il n’y a pas moins d’argent, mais il y a eu toute une transformation du financement de l’art que nous sommes toustes en train d’apprendre à connaître. En gros, il y a les petites, les moyennes et les grandes demandes. Pour une grande demande, il faut être une société et c’est cent mille dollars, mais ce n’est pas pour le travail individuel. Pour une petite demande, c’est cinq mille dollars, que nous pourrions probablement toustes obtenir, mais c’est seulement une fois par an. Et cela ne fonctionne pas pour quelqu’un.e qui a besoin de quitter 3–4‑5 fois par an pour faire une tournée. Ensuite, vous vous adressez au Conseil des arts du Canada et à FACTOR, ce qui est bien, mais vous attendez la moitié d’une année en croisant les doigts pour que cela se concrétise ou vous allez devoir vous endetter pour faire cette tournée. C’est difficile.
- Et elles ne sont pas très accessibles (les subventions). Cela peut paraître bizarre, mais je me considère comme une personne assez éduquée, soutenue par mon père entrepreneur-colonisateur qui m’aide à naviguer dans le système colonial de demande de subventions et de tout ce qui s’y rattache. Je vois beaucoup de gens talentueux.ses qui ne peuvent tout simplement pas naviguer dans ce système. Je suis ici en train de me cogner la tête contre le mur et j’ai beaucoup de ressources derrière moi. C’est triste de voir que des gens très talentueux.ses. ne peuvent pas obtenir (la subvention). Je pense que nous faisons peut-être un meilleur travail à Yellowknife, mais je pense que des communautés sont oubliées.
- Je vais utiliser un gros mot, je suis désolé et je m’excuse devant tout le monde : « Et si tu avais un.e gérant.e ? » Qui s’occupe de la paperasse, du défrichage, de l’excavation, etc. à ta place ?
- Cela fait quatre ans que j’essaie de trouver un.e gérant.e ! […] Dans le Nord… Avant qu’un.e. manager ne vous prenne, iel veut être sûr que vous allez lui rapporter assez d’argent pour lui donner son 10 à 15 %. Vous devez d’abord le prouver par vous-même. Avec de l’aide et des relations, j’ai essayé d’approcher de grands noms, mais aussi de petits noms. Ils m’ont donné des conseils. Les conseils : Je dois améliorer mes profils dans les médias sociaux. – Ce que je déteste ! Ce n’est pas ainsi que je veux interagir avec le monde. – Et d’être essentiellement plus connu. Il faut un tremplin et nous ne l’avons pas pour l’instant. Et c’est ce que les organisations peuvent faire, à mon avis, en plaidant pour ce tremplin.
- Ça marche, oui.
(Les participant.e.s discutent de leurs expériences spécifiques en matière de demande de subvention pour des projets à petites échelles dans les Territoires du Nord-Ouest)
- Mon expérience est bonne. Par exemple, si vous voulez faire un nouvel album, vous devez faire une demande. Il faut compter entre 15 000 et 20 000 dollars pour faire un album aujourd’hui. Je ne pense pas que ce soit un montant élevé, vraiment pas. Si vous l’obtenez, on vous donne généralement la moitié de cette somme. Ce qui est très frustrant. Je comprends, j’ai parlé aux employé.e.s et iels font ça parce qu’iels veulent que plus d’argent aille à plus de gens, ce qui est juste et bien. Mais en tant que musicien.ne., vous devez faire le tour et essayer de trouver d’autres personnes qui sont prêtes à investir dans ce projet. C’est le travail d’un musicien.ne je suppose.
Je pense donc qu’il existe un soutien aux petits projets, ce que nous avons réussi à faire dans de nombreux secteurs. Le secteur cinématographique, par exemple, est très bon lorsqu’il s’agit d’offrir une formation professionnelle aux débutant.e.s et de la rendre accessible. Mais il faut atteindre un certain stade […] Il y a tellement d’obstacles à l’accès et à descendre vers le sud. Alors on part en tournée et je n’ai pas particulièrement envie de passer autant de temps à l’extérieur… mais j’en ai besoin. Et c’est difficile. Et je n’ai pas d’enfants. À part mon amour pour Yellowknife et ma maison, je n’ai pas autant de choses qui me retiennent ici que bien des gens, alors j’ai moins d’obstacles que bien des gens, je crois.
- Je pense que le revers de la médaille est de savoir comment, en tant qu’artistes, nous nous frayons un chemin sur le grand marché plus vaste au sud mais en ce qui concerne la question de la pérennité, il s’agit de savoir comment nous pouvons, une fois de plus, faire venir plus d’artistes ici pour inspirer la création ici ? Nous pouvons donc faire des premières parties des gens, ça on peut le faire. Je sais que j’ai probablement eu cette conversation avec de nombreuses personnes dans cette salle. Nous sommes confrontés à un vrai problème à Yellowknife, celui de ne pas avoir de salle de spectacle autre que le NACC (The Northern Arts and Cultural Centre), qui est conçu pour offrir un type d’expérience artistique très spécifique. Ce centre est génial, il faut le dire. Mais il n’y a pas de places debout, pour danser, pour les genres de divertissements qui ne sont pas destinés à ce type d’installation.
- Surtout si vous avez moins de 19 ans (les gens acquiescent). Je me souviens avoir assisté à la chose la plus ridicule qui soit. Un groupe de musique était rejoint par son batteur. Le batteur avait dix-sept ans et devait être escorté jusqu’à la scène par l’agent de sécurité. L’agent de sécurité a attendu près de la scène jusqu’à la fin du concert, puis a escorté le pauvre jeune garçon jusqu’à la sortie. C’est une énormité pour moi. Les personnes qui envisagent une carrière dans les arts du spectacle n’ont rien vécu pendant ces années de formation, entre 14 et 19 ans. C’est au cours de ces années que j’ai commencé à jouer dans les circuits de tournée et à assurer la première partie de grands groupes, etc. C’est une chose fondamentale que d’acquérir cette expérience. C’est à ce moment-là que l’on est exposé à l’industrie, que l’on voit comment elle fonctionne, que l’on voit comment les concerts sont organisés, que l’on rencontre des organisateur.rice.s, des responsables de la vente de marchandise, d’autres musicien.ne.s, tout ce genre de choses. Il n’y a rien de tel pour les jeunes ici, à l’exception de Folk on the Rocks, et je pense que c’est dû au manque d’espaces physiques. Mais il se peut que je sois extrêmement partial à cet égard.
- C’est aussi une période où il est plus acceptable d’échouer ; quand on est jeune.
- Absolument
- Maintenant, j’arrive à la trentaine et j’apprends toutes ces choses et les gens s’attendent à plus de perfection, mais je me demande comment diable je suis censé savoir comment faire cela si je ne l’ai jamais fait comme ça auparavant.
- C’est là que les salles indépendantes accessibles doivent intervenir. Il y avait un pub dans ma ville natale où nous jouions. Quand mon groupe avait quatorze ans. C’était 2 dollars le billet, on gardait un dollar pour chaque billet vendu et ensuite le pub se faisait de l’argent avec les bars et d’autres choses, mais le niveau d’entrée était inexistant. On était vraiment nuls (tout le monde rit) mais on faisait venir une cinquantaine d’étudiant.e.s qui s’amusaient et on apprenait tellement de choses en faisant ça. Nous étions un groupe de métal et nous avons ouvert pour Napalm Death. C’était une expérience importante ! On peut voir des groupes professionnels, c’est une expérience tellement importante pour le développement.
- Je dirais que nous avons l’autre visage de cette même pièce, la façon dont les grandes organisations artistiques pourraient potentiellement aider à soutenir plus d’artistes venant ici et plus d’artistes à aller dans le Sud, c’est avec plus [de soutien aux lieux]. Mais avant de pouvoir mettre en place un programme d’échange, nous avons besoin de plus d’espace physique. L’objectif final étant de créer une communauté musicale plus résiliente, l’un des moyens serait d’avoir des échanges bien établis. Des échanges d’artistes en résidence où nous pourrions envoyer des gens d’ici dans le Sud et en échange nous pourrions faire venir des artistes de là-bas. Je pense qu’il serait très utile de faire cela et d’avoir des organisations artistiques plus importantes comme le CAC (Conseil des arts du Canada) ou le RCNM qui aideraient à créer les infrastructures nécessaires à ce type d’échanges.
- À ce propos, l’une des choses que j’ai trouvées les plus utiles dans cette idée de construire des relations entre le sud et au sein de notre communauté est cette attente d’être intégré dans la communauté, d’être humble et de revenir. Si je regarde les personnes qui sont revenues plusieurs fois, je leur ai dit : « Je ne vous laisserai pas tomber », mais l’idée que les gens viennent et repartent une fois, c’est bien et cela apporte un petit élan d’énergie, mais ce n’est pas durable. Si vous voulez commencer à nouer des relations avec des gens, je pense que l’une des choses les plus fortes que vous puissiez faire dès le départ est de leur dire pour combien de temps vous êtes investi. Est-ce que c’est pour une seule fois ? Et si c’est le cas, quelle en est la valeur ? Il peut y avoir une valeur énorme, mais je pense qu’il y a une valeur plus longue et plus profonde dans la durabilité ; dans la construction de rapports où les gens reviennent, ou vous allez là-bas. Ensuite, cela se construit, se reconstruit et se développe encore davantage..
- Je pense aussi qu’il y a des précédents à cette attraction pour ici, n’est-ce pas ? Je pense à Desirée Dawson qui est venue pour une résidence à Folk [on the Rocks], et qui depuis, de son propre chef, est venue deux fois de plus parce qu’elle aime cet endroit, ce que je trouve plutôt cool. Il y a un précédent qui suggère qu’une fois que les gens sont là, ils se disent : « Oh, nous pourrions revenir encore… ».
- C’est quelque chose que nous pourrions tous faire, nous devrions avoir une petite organisation informelle qui couvre d’amour les musicien.ne.s en visite.
(Tout le monde rit)
- Tout le monde est si gentil ici
- Nous faisons du bon travail dans ce domaine !
(L’auditoire approuve)
- Carmen Braden : Je veux dire qu’avec les gens présents ici [dans la salle]|. Il y a déjà beaucoup de liens avec Edmonton ici. Nous venons d’accueillir quatre artistes d’Edmonton. Les gens vont à l’école là-bas. Vous passez du temp à Edmonton, vous êtes comme le groupe de reprises de musique classique (en plaisantant sur le quatuor à cordes Garneau). C’est ainsi que j’appelle l’[orchestre symphonique] (rires du public). Pour moi, c’est une petite graine qui peut pousser.
- Je pense que les artistes […] [nous faisons] un assez bon travail pour faire venir des artistes du Nord par le biais de différentes résidences, mais pas nécessairement quand il s’agît d’envoyer des artistes d’ici dans d’autres résidences… Le simple fait de participer aux résidences Folk on the Rocks, Mo Kenney, est venue ici, nous avons fait des spectacles ; c’était le même programme que Désirée Dawson, et je me suis dit : « C’est cool et je suis vraiment heureux.se de rencontrer quelqu’un, de collaborer et de faire toutes ces choses, mais ce serait cool si je pouvais aussi aller là-bas ». Le financement n’est pas prévu pour cela, et je pense que ce serait une vraie réciprocité. Yellowknife attire beaucoup de monde parce qu’elle est isolée, c’est une partie du Canada que beaucoup de gens ne connaissent pas, et nous parvenons très bien [à attirer les artistes]. Mais je pense qu’en termes de réciprocité, il est également important que nous fassions connaître nos musicien.ne.s dans le reste du Canada.
- Je pense que les musicien.ne.s de Yellowknife, des Territoires du Nord-Ouest, et du Nord en général, ont toujours une telle originalité dans l’art qu’ils créent, je pense à Leela Gilday, à Miranda Currie et à beaucoup de gens qui ont commencé dans le Nord et y sont restés, nous avons une approche un peu différente de la musique et aussi simplement grâce à notre lien avec le Nord… J’ai l’impression que nous envoyer dans le Sud pour aller parler aux musicien.ne.s du Sud et interagir avec les gens serait très précieux autant pour nous que pour elleux, car c’est un point de vue très unique que nous avons.
Cette partie de la discussion a été animée par Rob Elo, qui a fait part de son expérience de participation à l’incubateur musical canadien
-Rob Elo : J’ai participé au programme de l’incubateur musical canadien à Toronto, c’est là que j’ai posé ma candidature pour participer à ce programme où l’on prend des musicien.ne.s de tout le pays. Il s’agit essentiellement d’un cours de cinq semaines sur la façon d’être un.e musicien.ne dans le monde moderne, d’explorer toutes les possibilités de gagner de l’argent et d’apprendre à connaître tous les types de personnes, producteur.rice.s, ingénieur.e.s, co-auteur.rice.s, coachs, vidéographes et toustes celleux avec qui il faut travailler. Comment travailler avec ces personnes et apprendre qui elles sont, ou du moins qui elles sont dans la communauté torontoise. C’était une expérience vraiment cool d’aller là-bas et de faire ça, et tout le monde dans ce programme […], commencé il y a environ douze ans, par une personne qui est un ancien cadre de Sony et qui s’est dit : « Je veux aider les jeunes musicien.ne.s, je veux donner […] ».
- J’ai également suivi le programme. J’étais à Calgary l’année dernière.
- Rob Elo : J’aimerais savoir comment cela s’est passé pour toi. Ce que j’en ai pensé, c’est que c’était génial et que tout le monde là-bas voulait vraiment aider. Nous sommes très loin d’elleux mais cela m’a vraiment aidé à les rejoindre. Tu y es allé ?
- Oui, je suis allé à Calgary, au Bell Studio, pendant cinq semaines.
- Rob Elo : Oh, c’est vrai ! Tu devrais absolument en parler aussi ! Mon expérience m’a beaucoup appris sur les droits et les redevances que je peux obtenir ; elle m’a donné beaucoup de ressources pour du contenu. J’ai filmé des vidéos de performances en direct, j’ai fait des séances de photos, j’ai fait des séances d’écriture collaborative avec des gens. J’ai noué de nombreuses relations. Et toustes les participants au programme m’ont dit d’appeler à tout moment si jamais […] tout le monde avait l’air très enthousiaste à propos de Yellowknife. C’est ce qui m’a fait dire que je venais de Yellowknife. Je suis un poseur. (Tout le monde rit) Je ne suis pas comme vous autres, mais maintenant j’ai fait de Yellowknife ma maison, et je suis tellement excité d’être ici et de travailler avec tout le monde. Mais je suis arrivé ici il y a seulement deux ans. Certain.es d’entre vous sont donc de vrais habitant.e.s de Yellowknife. Je pense que le reste du Canada est très enthousiaste à chaque fois que vous mentionnez Yellowknife. « Oh mon Dieu ! ». Je tavaillais avec ce producteur. Il m’a dit : « d’où viens-tu exactement ? » Et je lui ai montré sur la carte où se trouve Yellowknife. Il m’a dit : « Oh la la ! ». Mais j’ai trouvé…, et j’aimerais que tout le monde, en particulier les personnes qui ont suivi le programme, si vous pensez que l’on pourrait utiliser quelque chose comme cela ici ?
Ce qu’il y a de bien avec ce programme, c’est qu’il vous donne toutes ces informations sur les droits et les redevances, tous ces contacts, ces listes de personnes, ces listes de subventions que vous pouvez demander, ou ce que les gens […] qui sont au cœur de l’industrie, qui travaillent avec les prix Juno et qui sont affiliés à… Iels sont partout, et encore une fois, iels se déplacent dans tout le pays pour donner ce genre d’ateliers. Pas encore à Yellowknife, mais peut-être… Tout a été condensé, et vous avez un dossier contenant tous les contacts, les subventions et les organisations. Voici toutes les organisations. Voici un plan que vous pouvez suivre, où vous pouvez prendre ce que vous voulez, trouver votre direction. Parce qu’en tant que musicien.ne.s, je trouve que ce n’est pas comme :« Qu’est ce que vous faites ? Oh, vous voulez être musicien.ne. D’accord ? C’est comme ci. Comme ça. » Non ! Ça peut être fou. Ça peut être n’importe quoi, et ça peut changer à tout moment, en fonction de ce que vous voulez et de la situation dans laquelle vous vous trouvez. Et j’ai l’impression qu’iels l’ont compris. Vous avez des entretiens individuels avec des gens qui vous disent :« D’accord, voici ce que vous voulez faire. Voici les personnes que vous voulez rencontrer ».
- Question rapide : vous nous demandez directement s’il serait judicieux d’inviter cette même organisation ? Pour organiser une semaine d’activité à Yellowknife ?
- Rob Elo : Oui.
- D’après votre expérience, et pour revenir à la question de l’infrastructure, pensez-vous qu’un tel programme peut fonctionner avec l’infrastructure actuelle de Yellowknife ?
- Rob Elo : Je pense qu’une version de ce programme peut, oui, […] Je pense que tout ce que vous dites, c’est que nous avons besoin de plus de lieux. Nous avons besoin de plus de soutien pour les lieux et pour avoir cette sorte de dynamisme qu’une ville devrait avoir, et où vous pouvez aller dans beaucoup d’endroits. Et oui, il y a un café génial où il y a de la musique folk toutes les semaines. Et oui, il y a une atmosphère de bar. Et oui, il y a une salle ouverte à toustes où les enfants qui s’intéressent à n’importe quel type de musique peuvent organiser leurs propres spectacles et faire venir leurs ami.e.s sans se faire escorter par la sécurité. En ce qui concerne l’incubateur musical canadien, je suis arrivé à une époque plutôt cool, parce qu’avant c’était situé à l’extérieur de Toronto, dans une sorte d’espace clos où tout était fait à l’interne. C’était donc dix ans avant que je commence le programme. Je suis arrivé la douzième année, et pendant dix ans, tout a été fait à l’extérieur de la ville. Il y avait un studio d’enregistrement. Il y avait des salles de conférence, des salles d’écriture et tout le reste. Iels ont donc fait venir tout le monde et iels ont pu faire toutes ces choses à l’intérieur, et c’était génial.
Mais l’une des choses que j’ai le plus retirées du programme, c’est qu’il a été déplacé en plein centre-ville. Le bureau central n’avait pas encore été mis en place. L’une des choses que nous devions faire était donc de parcourir la ville pour nous rendre dans les différents lieux qui accueillaient les événements. Nous sommes allés dans des studios de musique locaux et nous avons travaillé avec des producteur.rices.s locaux.ales. Nous sommes allés dans des lieux pour réaliser ma vidéo en direct. Nous sommes allés dans un lieu où il y avait des spectacles live, et qui était également équipé pour faire un enregistrement vidéo en direct… Ainsi, vous n’avez pas seulement l’expérience de travailler avec tous ces gens et de faire toutes ces choses. Vous vous retrouvés dans la ville. Et je pense que cela pourrait être utile : « Voilà ce qu’est Yellowknife ! ». Évidemment, en amélioration constante, avec l’espoir de trouver de nouvelles salles et de nouveaux endroits pour le faire. Mais si un programme de ce genre voyait le jour, nous pourrions peut-être l’organiser à différents endroits, à Yellowknife, et faire en sorte que des musicien.ne.s d’ici, jeunes, à n’importe quel stade de leur carrière musicale, fassent des choses à différents endroits et voient comment cela pourrait fonctionner. Quelqu’un a‑t-il une opinion à ce sujet ?
- Il y a quatre ans, quelqu’un a organisé un atelier de deux jours avec l’IMC, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? J’ai une photo… (Les gens rient)
- Ce que j’ai apprécié, c’est qu’il y avait des gens qui connaissaient bien les réalités du Nord, n’est-ce pas ? Et puis il y a des gens qui connaissent bien, et qui sont très compétents, en ce qui concerne les affaires de l’industrie musicale canadienne, les redevances et toutes ces choses. Et je pense qu’évidemment […] ce qui me préoccupe, ce sont les tournées, d’accord ? J’admets que personne d’autre ne s’en préoccupe (les gens rient). On m’a dit […] « tu peux aller à FACTOR, tu peux faire ceci, tu peux faire cela ». D’accord, si je veux aller dans les communautés de Calgary, c’est comme ça qu’il faut faire. Mais si je veux faire une tournée nordique dans les TNO., la logistique et tout ce qui s’y rattache sont presque impossibles, à moins de s’associer au NACC. […] Avoir un hybride, une sorte d’IMC, et puis des gens qui ont vraiment […] beaucoup de connaissances sur, vous savez, les subventions et le financement. […] Il s’agit donc d’un hybride entre l’industrie musicale et les réalités du Nord. Mais il y a aussi les réalités du Nord qui, à mon avis, ne sont pas prises en compte lorsque nous nous tournons vers le Sud.
-Bien sûr, oui
- Quand vous parlez de tournées, vous parlez de tournées dans le Nord ou dans le Sud. Les deux, oui ?
- J’aimerais bien faire une tournée des écoles du Nord, par exemple, dans toutes les différentes communautés, parce que je pense que la musique que je fais pour les enfants est, vous savez… C’est une musique autochtone du Nord en particulier. Pourquoi ne voudrais-je pas transmettre ce message aux écoliers, n’est-ce pas ? Et puis, il faut aussi l’apporter aux [réserves] et à d’autres endroits dans le sud et ailleurs. J’aimerais aussi jouer dans des théâtres à places assises. J’aimerais aussi jouer… Je veux connaître toute la gamme […] comment faire pour que cela se produise sans agent.e., parce que je n’en ai pas.
- Bien sûr, bien sûr.
- Eh bien, oui, j’ai presque l’impression que […], même en voyant tout le monde ici maintenant, nous pourrions presque avoir les ressources nécessaires. Mettre les ressources en commun. Parce que je sais que certaines personnes ici connaissent le Nord… En tout cas, [les gens] ont été formidables, comme toujours, en partageant des informations sur les subventions que nous pouvons demander, sur ce à quoi elles servent. […] Vous avez beaucoup d’informations à ce sujet, sur les différents endroits autour de Yellowknife, où l’on peut organiser des spectacles de ce genre. Certaines personnes ont cette information. Ce serait bien d’avoir cela… l’IMC avait tout ça dans un joli petit paquet. Et nous n’avons pas nécessairement besoin que l’IMC le fasse pour nous, mais si nous pouvions d’une manière ou d’une autre rallier les troupes et avoir cette sorte de chose accessible, vous savez, peut-être sous la forme d’un programme.
- Je pense que l’hybride est […] oui, ces deux choses sont cool.
- Quel était le nom de ce programme ?
- Rob Elo : L’incubateur musicale canadien
- La musique canadienne, l’œuf à partir duquel vous éclosez, faire éclore de la nouvelle musique.
- Rob Elo : C’est vrai, oui (rires du public). J’ai l’impression que… Je n’ai pas encore l’impression d’avoir complètement éclos, avez-vous une expérience du programme ?
- J’étais super enthousiaste à l’idée d’y participer […]. Quand j’y suis allée, je me suis dit : « Ok, c’est le bon tuyau. Voilà les relations que je dois établir, les choses que je dois faire pour arriver là où je veux arriver. […] J’y ai accordé beaucoup d’importance.
- Oui.
- C’est un excellent programme […] et j’ai noué de nombreux contacts. Je pense que ce que j’ai retenu, c’est que j’ai eu une petite crise existentielle à mon retour, pour vous dire la vérité, parce que […] les gens qui étaient dans ce programme ont tracé très clairement un certain chemin vers la réussite et mon chemin […] est très différent de ce qui était tracé comme ce chemin vers la réussite. Et, je veux dire, c’est juste moi en tant que personne. J’aime faire des choses difficiles. (Tout le monde rit).
- C’est vrai. Iels aiment vraiment… vous savez, iels sont comme « les médias sociaux ! ». Donc si vous n’étiez pas sur les médias sociaux…
- C’est ce que j’ai fait après y être allé, j’étais sur Facebook, et j’ai embauché une personne chargée des médias par la suite, et maintenant je suis sur TikTok et Instagram […]. Nous avons créé du contenu sur un calendrier, en le publiant chaque semaine, nous étions capables de créer ce contenu six mois à l’avance. Iels m’ont donc enseigné beaucoup de compétences de cette manière. […] et c’est à moi de poursuivre dans cette voie, ce que je ne fais pas vraiment. […] Je vais juste être très honnête, parce que je pense que c’est important, et je pense que nous avons toustes ces pensées. Je me suis dit : « Wow ! Je ne suis pas aussi bon.ne que la plupart des autres participant.e.s au programme […], iels ont vraiment du talent ! » […] iels ont aussi, […] la plupart d’entre elleux, je pense, une certaine apparence pour être vraiment commercialisables là-bas. Et je ne ressemble pas à ça. Ce n’est pas moi. Et j’en suis ressortie avec un sentiment de : « Oh, mon Dieu, est-ce que je fais ce qu’il faut ? ». Et je pense que nous sommes toustes confronté.e.s à cette situation, c’est pourquoi je tiens à la partager. Nous avons toustes des doutes quelque part.
- Tout à fait.
- Et puis […] j’ai eu l’impression que ma voix n’était pas assez bonne. Je n’avais pas le bon look, et mes médias sociaux étaient nuls. C’est ce que j’ai appris en sortant de ce programme. Mais c’était vraiment génial, parce que personne d’autre ne m’aurait dit ça.
- Oui, c’est vrai. (Tout le monde rit)
- L’été dernier, j’ai passé l’été à Vancouver, où j’ai pris des cours de chant privés auprès d’un.e. professeur.e. […] Vous savez : « Ok, je vais améliorer ma voix ». J’y suis allée et […] J’en ai appris davantage sur les médias sociaux, et je suis toujours aussi nulle. Je préférerais confier cette tâche.
- Totalement
- 100%
– J’ai passé l’hiver à écrire deux albums, un nouvel [album pour] enfants et un nouvel [album pour] adultes […]. Parler aux gens de ce programme, ouais, ça m’a vraiment aidé. Parler avec des gens de ce programme, oui, a été très utile : « Hé, qu’est-ce que vous en pensez ? ». Et avoir une vraie critique, une critique artistique du travail des gens, c’est très utile aussi. Il n’est pas nécessaire de suivre ce programme pour cela, mais c’est ce qui s’est passé. Il m’a permis de m’effondrer pour me reconstruire.
- Rob Elo : Oui, j’ai ressenti la même chose. Et je me sens comme […], ce, vous savez, cette conversation, ou ce moment, vous parlez ici à vous tous. J’étais comme : « Ok, je l’ai en quelque sorte structuré ». Et, bien sûr, ce n’est pas du tout ce que je pensais, mais je pense que l’un de mes grands thèmes était la direction musicale et l’intention. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi le programme au départ, j’étais comme : « Ok, quelle est ma direction ? ». J’ai passé tellement de temps à jouer dans des groupes, à jouer avec d’autres personnes, à faire partie d’un groupe, ce que j’adore, et je le fais toujours, et c’est la meilleure chose qui soit, mais je voulais vraiment avoir une direction musicale pour moi-même. J’avais envie de prendre un peu les rênes, et je ne savais pas exactement comment faire, et c’était presque une alternative à l’éducation formelle, qui est toujours géniale et valable. Mais c’était quelque chose comme […] « ok, tu veux être musicien et essayer une sorte d’alternative, écrire ta propre musique qui est comme, pop ou centrée sur le rock et en faire quelque chose. ». C’était cool, mais ça m’a définitivement ramené à cet endroit où je me suis dit : « Oh… ». C’était génial, parce que tout le monde dans le programme était un peu dans cet espace, même souvent. Certaines personnes étaient formidables. D’autres me disaient : « Oh, mon Dieu, tu es si doué ! ».
Et puis d’autres personnes […] peut-être que je n’ai pas autant vibré avec leur musique, mais tout le monde avait ce sentiment : « Qu’est-ce qu’on est ? Dans quelle direction allons-nous ? Et j’ai l’impression que tout le monde a fait une sorte de bilan. Le mien s’est fait dans la performance, et c’est pourquoi c’est si cool […] parce que j’ai réalisé que je jouais beaucoup de reprises, et que je jouais beaucoup dans des groupes. J’aime la musique que je joue dans les groupes, et j’aime jouer des reprises, tenir le rythme et des choses comme ça. Et je me suis rendu compte que nous avions plusieurs performances à faire, ce qui est, je pense, une bonne chose pour tout le monde ; nous avions des performances à faire devant toute l’équipe. Nous avions la vidéo de la performance en direct, nous avons reproduit un contexte de concert vitrine à la fin, où tout le monde a fait un set. Et je me suis rendu compte qu’il n’y avait que moi qui jouais en solo. J’ai fait de la musique d’ambiance pendant si longtemps […]. Je ne sais pas ce que ça fait d’être juste moi en train de le faire, de monter un spectacle. Je me suis rendu compte que je n’aimais pas ma musique telle que je la jouais, [la façon dont] je la jouais pour les gens. […] C’était ma propre révélation. Et j’étais comme : « Oh mon Dieu ! ». C’est un coach qui m’a dit que […] il fallait trouver ce que l’on aimait vraiment, et que cela pouvait ensuite être ressenti par les gens […]. Le programme m’a en quelque sorte aidé à remarquer où, que ce soit parce qu’on m’a dit, ce que je devais découvrir par moi-même. […] Je me suis tellement imprégné de toustes ces musicien.ne.s, de toustes ces personnes différentes, de ce sur quoi je devais travailler, de ce que je voulais faire et de l’endroit où je voulais aller. […] Et j’ai ressenti du désespoir à certains égards, mais c’était bon. cela m’a conduit à…
- À l’incubateur de musique canadienne et du désespoir ! (Tout le monde rit)
- Exactement, l’incubateur du désespoir !
(les gens rient plus fort)
- Je pense que si je devais offrir quelque chose aux gens du groupe, c’est que c’est ce qui est ressorti de tout cela pour moi aussi. […] J’ai beaucoup travaillé avec [plusieurs personnes] pour affiner ce que je voulais que ma musique soit et trouver […] J’ai pensé à cela comme à un énoncé de thèse, parce que je fais des trucs pour enfants et des trucs pour adultes, n’est-ce pas ? […] Par exemple pour moi : « Oh, je crée un contenu autochtone nordique authentique qui est accessible aux enfants et aux familles » […] et essayer de dire aux gens quel genre de musique on joue, n’est-ce pas ? C’est toujours très difficile. Mais si vous pouvez avoir quelque chose de solide et de succinct autour de cela, il faut beaucoup de travail de fond pour entrer en vous-même en tant que musicien.ne et être comme : « De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que je veux faire ? « . Et puis il y a cette phrase. Je pense que si chaque personne dans cette pièce avait cette idée, nous serions toustes de meilleur.e.s musicien.ne.s.
- Oui, oui.
- Rob Elo : […] J’ai appris beaucoup de choses dans le cadre du programme, mais les différents organismes de droits auprès desquels vous pouvez enregistrer votre musique originale, et toutes les différentes sources de financement possibles, [c’est] vraiment important maintenant de les mémoriser (en plaisantant). Tout le monde a entendu parler de la SOCAN, n’est-ce pas ?
- Pas tout le monde.
Rob Elo : La SOCAN est une organisation où vous pouvez enregistrer votre musique et recevoir des redevances. Vous recevez des paiements trimestriels chaque fois que votre musique est jouée. […] vous pouvez être payé lorsque votre musique est jouée et diffusée d’une manière que vous savez, pas seulement votre éditeur (publisher), votre éditeur (publisher) de musique vous donnera. Mais en fait, l’IMC m’a fait comprendre que j’oubliais toujours de m’inscrire à la SOCAN. […] J’ai joué dans beaucoup de groupes quand j’étais jeune, et nous n’avions jamais de compte à la SOCAN […] Nous étions juste comme : « c’est un truc mystérieux dont je ne veux pas me préoccuper ». Mais tu peux aller sur le site de la SOCAN, tu peux t’inscrire, et tout ce que tu as écrit, tout ce que tu as fait avec d’autres groupes, tu peux mettre toute ta musique là-dedans, et à chaque fois que cette musique est jouée ou utilisée, tu seras payé pour ça. Et l’une des choses qui a été martelée à ce sujet, c’est qu’on ne sait jamais quand ces choses vont se produire, où votre musique peut être utilisée ou jouée, et si vous n’êtes pas bien organisé, vous allez vous en mordre les doigts si vous n’êtes pas payé. […] L’une des choses que je ne sais pas, c’est si quelqu’un d’autre ici joue dans des projets comme des groupes, […] des scénarios où il y a des partages ? […] Qui reçoit quoi ?
- Oui, je pense que c’est l’une des choses les plus importantes, qu’il s’agisse de travailler avec des groupes ou de jouer dans un groupe, c’est que cette discussion ait lieu le plus tôt possible pour des raisons de transparence. Si quelque chose rapporte beaucoup d’argent, il faut s’assurer que tout le monde sait qui va recevoir quoi et qu’on n’essaie pas de le découvrir au mauvais moment.
-Rob Elo : Oui, exactement. C’est vraiment, encore une fois, en parlant de ce qui a été dit, je m’en suis rendu compte. Et maintenant que je fais mes propres trucs en solo, je me prépare à enregistrer chaque morceau de musique que je sors à tous ces endroits dont je parlerai plus tard. Mais pour les groupes dans lesquels j’ai joué et qui ont été joués dans différentes régions, je me dis : « Ah ! Nous n’en avons jamais parlé ! ». C’est donc une bonne chose de toujours parler du partage. L’une des choses qui m’a frappée lorsque j’ai passé mon entretien pour l’IMC et leur programme, c’est qu’ils m’ont appelée : « Hé, vous êtes un des candidats que nous considérons. Pouvons-nous vous parler davantage de ce que vous faites et de ce qui vous conviendrait le mieux ? ». Ils vous posent toute une série de questions, dont l’une est la suivante : « Quels sont les droits auxquels vous avez droit ? Connaissez-vous ce genre de choses ? » Pour une raison ou une autre, je connais la SOCAN, mais c’est à peu près tout. Vous pouvez vous inscrire à la SOCAN pour vos droits d’auteur, mais vous pouvez aussi vous inscrire pour vos droits d’édition et c’est un processus différent. Voilà donc les droits d’auteur dont vous disposez.
De l’autre côté, vous avez vos enregistrements, vous pouvez donc aussi enregistrer les enregistrements de votre musique, la partie mécanique chaque fois que votre chanson est jouée à la radio […]. Chaque fois que l’ [IMC] parlent de la diffusion de votre musique, il en parle comme d’une performance, ce que j’ai trouvé intéressant, parce que vous ne pensez qu’à une performance en direct, mais il s’agit en fait d’une performance numérique également. […] Il y a aussi l’aspect « des bandes maîtresses », c’est-à-dire la manière dont votre enregistrement est financé. C’est un autre domaine de vos droits.
J’ai trouvé vraiment fascinant d’apprendre toutes ces choses. J’ai maintenant une liste de choses à faire pour toute ma musique, et c’est en quelque sorte ce qu’il faut faire. Quand vous avez cette liste d’endroits où vous pouvez vous enregistrer pour toute votre musique, pour obtenir tous vos droits, vous avez l’impression de faire des progrès. Parce que […] les bases sont couvertes. Lorsque vous faites ces démarches, ces démarches concrètes, […] pour vous assurer qu’au bout du compte, votre musique vous rapporte de l’argent, et que vous serez prêt si votre musique est soudainement reprise par [quelqu’un.e] d’une manière ou d’une autre. Et si vous commencez à être écouté, vous serez prêt à recevoir vos droits d’auteur.
- C’est justement sur ce sujet que j’aimerais intervenir. J’interviens ici pour me vanter un tout petit peu, grâce à la SOCAN, je gagne environ 100 $ par an. Quelqu’un.e quelque part, je ne sais pas qui ni où, fait jouer ma musique. […] Il faut que ce soit la radio, parce que je n’ai pas de vidéos ou autres. Ce sera donc la radio, mais quelque part dans le monde, et cela a été le cas à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, en Nouvelle-Zélande, en Pologne et dans d’autres endroits du monde qui m’ont diffusé d’une manière ou d’une autre, la SOCAN a donc découvert que ma musique avait été diffusée. La SOCAN a donc découvert que ma musique était jouée. 100 dollars par an, c’est l’équivalent d’une caisse de bière, n’est-ce pas ? Mais c’est mieux que rien du tout, et cela signifie que quelqu’un, quelque part, joue ou écoute votre musique. Alors si vous ne l’avez pas encore fait, allez‑y. C’est mon conseil pour ce qu’il vaut.
- Je ne pense pas que vous l’ayez dit explicitement, mais l’autre aspect de l’écriture de chansons est que si vous n’êtes pas auteurice-compositeurice, vous êtes musicien.ne lors de l’enregistrement d’un album, ce qui peut arriver à beaucoup de gens. Vous pouvez percevoir d’autres droits. C’est presque comme si vous faisiez d’une pierre deux coups, si vous êtes auteurice-compositeuroce et que vous jouez sur l’album, que vous chantez…
- Exactement.
- Ce sont différentes sources de revenu auxquelles vous pouvez accéder.
- Rob Elo : Exactement. Oui, c’est vrai. Et tous ceux qui enregistrent [pourraient] mériter des droits. C’est ce qui est intéressant. Lorsque vous êtes […] un.e propriétaire unique, essentiellement, lorsqu’il s’agit de votre musique et que vous faites des enregistrements et que vous faites tout cela, vous avez accès à tous ces droits. Si vous avez une maison de disques et qu’elle possède vos bandes maîtresses ou autres, vous savez que vous ne collectez pas nécessairement ces droits. Elle perçoit les redevances pour une partie particulière. Je voudrais aussi parler des licences de synchronisation et de la possibilité de faire jouer votre musique dans des émissions, des films et d’autres choses de ce genre. […) L’un.e d’entre vous a‑t-il déjà fait jouer sa musique dans des films ?
(Certaines participant.e.s hochent la tête)
Oui, c’est génial ! J’aimerais beaucoup entendre parler de cette expérience, parce que ce que j’ai entendu et appris de l’IMC et d’autres ami.e.s à qui cela est arrivé, c’est que la plupart du temps, pour les licences de synchronisation… On parle de synchronisation parce qu’il s’agit de synchroniser la musique avec la vidéo […], mais c’est un peu comme si vous aviez une version de votre chanson, vous devriez aussi avoir une version instrumentale. S’il y a des voix, vous devez avoir ces versions prêtes à l’emploi, parce que si une émission de télévision ou un film veut choisir votre musique. Ils vous diront : « Hé, nous voulons la soumettre. Nous voulons l’utiliser et la diffuser dès demain. Pouvez-vous nous donner les fichiers wav ? Pouvez-vous nous donner les fichiers mp3 et tous les fichiers dont nous avons besoin ? ». Donc, si vous n’avez rien préparé et organisé votre musique comme cela : « Ok, voici la version instrumentale, voici la version finale, voici tout ça. ». Vous allez rater une occasion. Est-ce que quelqu’un.e a eu cette expérience ?
- J’ai eu l’expérience inverse en ce qui concerne la construction de relations et la connaissance… Certains projets démarrent amicalement : « Oh, on va juste faire ça, ça et ça, et ce n’est pas formel ». Mais je pense que j’ai besoin d’en apprendre beaucoup plus à ce sujet, parce que certaines chansons que j’ai composées se sont retrouvées dans des émissions et je n’en avais aucune idée à cause des relations que j’ai entretenues avec les personnes à qui j’ai prêté ou laissé ma musique. C’est la paperasse… J’ai appris que les ami.e.s ne sont pas seulement des ami.e.s, vous savez, n’est-ce pas ?
- As-tu autorisé que quelqu’un.e d’autre que toi puisse contrôler et donner ta musique…
- Non, non, mais iels l’ont fait. C’était une petite ville, d’anciens ami.e.s d’école, et j’aurais probablement dû mettre ça sur papier.
- Strictement parlant, bien que cela ne soit pas d’une grande aide, tu possèdes les droits d’auteur d’une chanson. Dès que tu l’écris, tu n’as pas besoin d’en faire la demande. Vous n’avez pas besoin de signer de quelque manière que ce soit. Le simple fait de l’écrire t’en donne la propriété. Tout ce que vous avez à faire, c’est de pouvoir le prouver au moment opportun. Quoi qu’il en soit, c’est vraiment, vraiment quelque chose qui doit apparaître si vous allez enregistrer un CD ou quoi que ce soit d’autre, et que vous allez l’écrire : « Cette chanson est de John Smith, pour la SOCAN ou de la maison d’édition John Smith ». Ce genre de choses vaut la peine d’être fait. Vous savez, quelle que soit la confiance que l’ on accorde à ses ami.e.s et ainsi de suite, il vaut toujours la peine de s’assurer que son nom figure quelque part, d’une manière ou d’une autre.
- Quand on a une vingtaine d’années et qu’on ne sait pas… Je ne savais même pas que la SOCAN existait, ni qu’on pouvait s’inscrire à ce genre de choses.
- Eh bien, c’est ça le problème. Je suis désolée. Je me souviens d’avoir pensé cela quand je suivais le programme et que j’étais dans la trentaine. J’étais comme : « Oh, mon Dieu, j’aurais adoré ça quand j’avais 20 ans ! ». Pour commencer, gardez tous vos fichiers, organisez vos droits lorsque votre chanson est écrite, placez-la dans un dossier qui indique « ceci est la version originale de l’enregistrement » et inscrivez-vous à la SOCAN pour l’enregistrer. C’est quelque chose qu’il faut toujours faire.
- Je pense qu’avec la SOCAN, et je pense aussi avec la MROC (Organisation des droits des musiciens du Canada), il est possible de faire en sorte que lorsque vous entrez vos informations, il y ait un élément rétroactif, n’est-ce pas ? Je ne sais pas jusqu’où cela peut aller pour l’instant.
- Je l’ai fait, et ça remonte à un an ou deux, je crois…
- Ça remonte à quelques années seulement. Ça remonte jusqu’aux années 90.
- Oh, mon Dieu, oui ?
- Je crois oui.
- Un autre élément intéressant que j’ai découvert grâce à l’IMC, c’est qu’iels m’ont trouvé de l’argent surprise, ce qui était vraiment génial ! [Les gens rient]. En ce qui concerne les spectacles que j’ai joués, par exemple, pour Folk on the Rocks, je peux vous dire que chaque setlist joué est enregistré dans une base de données. Chaque setlist jouée est enregistrée à la SOCAN, et la SOCAN paie ensuite la prestation que vous avez faite. Les grands festivals, les salles de spectacles, ce n’est peut-être pas le bar au bout de la rue qui fait ça. Mais je dirais que la plupart des grands théâtres le font et quand je suis retourné chercher ces représentations, il y en avait sept pour moi, et on m’a dit : « Oh, vous avez, comme… » : « Oh, vous obtenez, comme – je pense, vous savez, pas beaucoup – peut-être 250 ou 300 dollars de paiement ! ». ou quelque chose comme ça. Mais si vous n’êtes même pas enregistré, votre spectacle peut quand même avoir été entré pour vous. Ainsi, lorsque vous vous inscrivez à la SOCAN, il se peut que vous ayez quelques prestations qui n’ont pas encore fait l’objet d’une réclamation de droits d’auteur. C’est exact et vous pouvez télécharger des listes de chansons.
- Carmen Braden : D’accord, c’est le temps d’avoir un moment Longshadow. En tant qu’organisatrice de Longshadow, j’ai une responsabilité, je sais, alors toi et vous et toi (en plaisantant et en désignant les musicien.ne.s dans la salle) Nous avons encore du travail à faire, parce que je ne sais pas quel set, quels sont les noms de vos chansons dans votre set. Vous devez soit l’envoyer à la SOCAN, soit me le dire et je dois l’envoyer à la SOCAN. En tant que compositrice, j’ai toujours été confrontée à cette situation : « Non, c’est ton travail. Non, c’est ta responsabilité ! » Qui est responsable ? Alors peut-être que le Garneau pourrait même intervenir ici. Lorsque vous donnez un concert, est-ce que vous enregistrez votre liste de chansons auprès de la SOCAN ? Ou faites-vous confiance à la salle pour le faire, ou attendez-vous de la compositeurice qu’iel sache quand vous jouez ses œuvres ? […]
- C’est pourquoi c’est probablement notre responsabilité en tant qu’artistes.
- Carmen Braden : C’est aussi un peu une responsabilité partagée. […] Se tenir mutuellement responsables. Donc, si vous jouez quelque part, vous devriez demander, par exemple, qui a enregistré ceci auprès de la SOCAN ? Avez-vous acheté une licence ? […] Mon code de conduite est que j’essaie d’améliorer le rapports aux affaires pour ce que je fais à Yellowknife, et de faire en sorte que ce soit un peu moins [à propos] de mes amitiés. Nous pouvons être ami.e.s, mais nous travaillons ensemble, et si les choses tournent mal, nous serons professionnel.le.s. Nous nous responsabilisons les un.e.s et les autres. Ce dont j’ai besoin dans cette ville, c’est que d’autres personnes apprennent le métier et se responsabilisent les un.e.s les autres, pour que je ne rate pas trois ans de redevances face aux pièces des chansons des autres. Je devrais tout faire [mettre à jour] demain, mais je vais être fatigué (tout le monde rit). Je suis curieuse, Garneau, de savoir ce que vous faites quand vous allez jouer ?
- En général, nous nous contentons d’espérer que les salles de concert font bien les choses.
- Et cela dépend beaucoup de la musique que nous jouons.
- Pourquoi cela dépend-il ?
- Eh bien, la famille de Mozart ne sera pas payée. (Tout le monde rit)
- Mais c’est un bon point. Je pense que nous devrions informer les compositeurices chaque fois que nous jouons leur musique, parce que je pense qu’il faut être membre de la SOCAN pour…
- Et il faut que votre chanson soit enregistrée, n’est-ce pas ? Donc, si vous avez écrit une nouvelle chanson hier, qu’elle n’est pas inscrite et qu’elle figure sur le programme, vous ne l’avez pas inscrite. Vous ne recevrez pas d’argent pour cela.
- Non, mais c’est rétroactif.
- Ils attendent des membres qu’iels fassent le travail. En ce qui nous concerne, nous pouvons dire aux compositeurices que nous jouons leurs pièces.
- C’est toujours très apprécié.
- C’est un bon point, car nous n’avons pas toujours le réflexe de le faire.
- Non, je n’y pense pas tout le temps.
- Normalement, cela devrait être lié au processus du dépôt des partitions, n’est-ce pas ?
- Officiellement, je crois savoir que c’est la responsabilité de l’établissement. Nous pouvons nous charger du suivi et de la vérification si nous pensons qu’un établissement n’est pas à jour, mais c’est la responsabilité de l’établissement
- Mais il se peut qu’ils ne veuillent pas payer cette licence.
- Tout à fait !
- C’est là qu’on se retrouve dans des conversations embarrassantes.
- J’étais en train de programmer un concert que j’ai donné en mai. Nous avons joué une œuvre néerlandaise d’un compositeur néerlandais décédé il n’y a pas si longtemps. J’ai donc acheté la musique, et j’ai dû acheter une licence avec la partition pour une représentation à cette date. La musique que j’ai téléchargée indiquait donc en bas de page : « sous licence pour être exécutée au mois de mai sous telle ou telle condition… », et il se trouve que je suis l’arrière-petite-fille de ce compositeur. Ma famille a donc gardé trois euros pour cette représentation.
- (en plaisantant) Il y a de quoi faire la fête, n’est-ce pas ?
(Tout le monde rit)
- Carmen Braden : Il ne nous reste plus que 10 minutes, et je ne voudrais pas que cette conversation géniale se termine sur les droits d’auteurs. Pourrais-je demander à certains des collaborateurices présent.e.s dans la salle de nous parler du processus qui s’est déroulé pendant le festival Longshadow. Qu’il s’agisse d’auteurices, de compositeuroces, d’arrangeureuses ou d’interprètes. Dans l’optique de l’établissement de relations et de pratiques durables, comment ce que vous avez fait ici résonne-t-il ? Qu’allez-vous peut-être retirer de cette expérience ?
- Je partage mon temps entre Edmonton et Yellowknife, la plupart du temps je suis à Yellowknife maintenant, et je suis très reconnaissant d’avoir quatre nouveaux.elles ami.e.s à Edmonton. Bien sûr, les artistes avec lesquel.le.s j’ai eu l’occasion de travailler ce week-end sont aussi mes ami.e.s. C’est une petite ville, et j’ai peut-être déjà vu vos visages, mais maintenant j’ai l’impression de connaître ces gens. C’est un lien assez intime que de travailler sur une chanson pendant une semaine, et de rester assis là à écouter votre voix encore et encore (les gens rient). Ce n’est pas du tout une chose désagréable. C’est une chose vraiment merveilleuse, mais, vous savez, j’ai dû écouter votre chanson tant de fois. C’est une expérience unique pour moi de pouvoir m’immerger avec ces artistes pendant un certain temps, puis de m’éloigner de cette chanson pendant un petit moment, et de l’écouter suffisamment pour qu’elle reste dans ma tête. C’est généralement lorsqu’elle me reste en tête et que je la chante sous la douche que les autres parties commencent à émerger. « Oh, d’accord, ça va être cool dans le registre aigu de l’alto ! » parce que c’est plus nasal et que j’ai un son nasal sous la douche, (tout le monde rit) et c’est toute une aventure. Beaucoup de gens me demandent combien de temps il faut pour écrire une chanson ?
- Je t’ai posé cette question 17 fois, je crois.
- Et je t’ai répondu que je ne savais pas. Je pourrais probablement en écrire[/arranger] une en huit heures s’il le fallait, mais l’idéal serait de répartir ces huit heures sur 16 petites plages horaires. Je peux ainsi prendre le temps de laisser les choses se développer, évoluer et changer. Quoi qu’il en soit, ce que je retiens, c’est que dans l’ensemble, je suis reconnaissant d’avoir pu rencontrer des gens à un niveau personnel par le biais de la musique. Merci de m’avoir invité à le faire.
- Oui, c’est une expérience extraordinaire. J’ai été submergée de gratitude pour les arrangements des chansons, pour Carmen qui a mis tout cela sur pied, et pour vous tous, le quatuor à cordes, qui l’avez fait. L’un des moments que j’ai préférés, c’est lorsque nous avons joué le morceau plusieurs fois, et qu’au début, c’était comme si moi et un quatuor à cordes jouions simplement le morceau en même temps, puis au fur et à mesure que nous le jouions et que nous nous écoutions les uns les autres, nous avons eu des idées et nous avons fait plusieurs ajustements. J’ai compris comment les choses se passaient, j’ai joué sur le piano dans le deuxième couplet et tout le reste. C’était comme « whoa ! ». C’est vraiment à ce moment-là, quand la ligne de violoncelle rejoignait le rythme que j’avais à la main gauche est apparue, […] c’est vraiment génial. Oui, c’était une sensation incroyable. C’est l’une de ces choses, encore une fois, je me disais que je me sentais en stagnation en jouant ma propre musique et c’était vraiment un remède. Je me suis dit : « Oh, ça peut être génial, hein ? ». C’est une expérience passionnante qui me fait voir ma musique sous un jour différent.
-Oui, c’était vraiment incroyable. Je ne sais pas si tous les artistes qui ont collaboré à la musique ont ressenti la même chose que moi. Je me souviens qu’en 2013 ou 2014, je jouais dans un groupe au Brésil. Ce n’est pas la même chose quand vous avez juste une guitare ou un clavier et que vous jouez en solo, mais quand vous jouez avec un groupe complet. Pour moi, j’ai l’impression que l’on respire mieux et que l’on se sent enveloppé, […] cela donne de l’assurance. […] On a l’impression d’être dans un autre monde. Mais c’est le sentiment que j’ai, vous savez, c’était tellement incroyable. C’est pourquoi j’ai hâte de jouer avec un groupe. […] C’était vraiment sympathique et vous avez fait du bon travail, et d’arranger la musique. […] Et puis c’était si gentil et merci, merci !
- Robert Uchida : J’ai l’impression que cette collaboration a été très enrichissante pour chacun.e d’entre nous. Nous jouons toustes les quatre dans l’orchestre symphonique d’Edmonton. Et j’ai l’impression que… Oh, maintenant je me suis peinturé dans un coin, je suppose. (Tout le monde rit) Je pense que l’idéal, lorsque des gens se réunissent pour jouer de la musique ensemble, c’est qu’iels y aillent le cœur ouvert, qu’iels écoutent et qu’iels s’ouvrent les un.e.s aux autres. Et je pense que lorsque nous partons toustes, nous sommes toustes un peu plus riches d’avoir vécu cette expérience. C’est ce que j’ai ressenti. C’était vraiment génial. Et parfois, ce n’est pas toujours le cas, mais en tout cas avec le Quatuor et avec vous tous, c’est juste ouais, c’est, c’est un peu ce que j’en retiens, c’est simplement significatif…
-(demandé brusquement) Vous êtes-vous amusés ?
- Robert Uchida : Oui, nous nous sommes beaucoup amusés.
- Et voilà ! Vous avez gagné ! Vous avez gagné !
- Ouais, c’est ça !
- J’aimerais ajouter qu’il y a 100 ans, lorsque j’étais musicien.ne professionnel.le, j’ai eu quelques concerts avec l’orchestre symphonique d’Edmonton, et le niveau de jeu est incroyable, mais l’expérience est un peu effrayante. Vous avez peur de faire une erreur, alors que la musique amateur que j’ai jouée ici, à un niveau beaucoup plus bas, l’a été par pur amour de la musique. Vous n’avez donc pas à payer votre loyer en jouant de la musique. Et ces expériences sont meilleures. Vous savez, vous ne jouez pas au même niveau qu’au niveau professionnel, mais l’esprit est là, et vous le faites simplement parce que vous aimez la musique, et je pense que c’est un défi dans votre métier de garder cet amour dans ce que vous faites.
- Je peux vous assurer que nous faisons beaucoup d’erreurs.
(Tout le monde rit)
- Oui, je voudrais juste ajouter quelque chose à ce sujet. Je veux dire que la discussion ici a porté sur le soutien aux musicien.ne.s au niveau professionnel, mais nous avons ici des gens qui sont passé.e.s par le système d’éducation musicale dans les territoires, et maintenant, nous avons changé le programme d’études musicales, et nous sommes dans une situation précaire quant à savoir si l’éducation musicale dans les écoles sera faite au même niveau, et si vous n’avez pas d’éducation musicale dans les écoles, alors vous n’aurez pas de gens ici. Je fais partie de l’association des professeur.e.s de musique […] J’essaie d’aller dans les écoles pour qu’on y enseigne vraiment la musique de manière professionnelle. Et cela me rappelle deux choses. D’une part, on peut aussi enseigner, vous savez, aux niveaux supérieurs, qu’il y a ces aspects de carrière ; il y a un aspect commercial à être un.e musicien.ne, ainsi qu’un aspect de citoyenneté. Et tout ce qui concerne l’importance de l’écoute, de la coopération avec les autres, de l’ouverture d’esprit, de la créativité. Je veux dire, ces choses ne sont-elles pas si importantes pour les enfants, n’est-ce pas ? Et cela commence au niveau de l’école, puis les enfants rejoignent des groupes avec leurs camarades de classe et continuent à étudier la musique à l’université, etc.
- Mais il y a un autre domaine de représentation pour une organisation comme la vôtre, à savoir l’éducation, dès la sixième ou la septième année, pour qu’ils aient un instrument entre les mains.
- Les élèves de première et de deuxième année, mettez-leur un instrument entre les mains !
- Je pense que ce que j’entends, c’est que j’ai eu la chance de vivre l’expérience de créer de la musique avec d’autres et qu’il n’y a rien de tel dans la vie. Je pense que chaque enfant devrait avoir la possibilité de le faire. Et je pense que ce type d’action, qui part de la base, est […]. Je pense maintenant que Music NWT peut soutenir ce type de projet. Et pour répondre à votre question sur le gouvernement, comment le gouvernement peut-il soutenir ce projet ? Les idées qui ont été émises ici, comme les espaces, les salles de spectacle, les salles de répétition. L’infrastructure n’est pas encore en place, mais je pense qu’il existe une formidable opportunité, grâce aux compétences, au talent et à l’authenticité des artistes d’ici, que Yellowknife puisse être, ou puisse viser à avoir une identité et une scène musicale dynamique qui attire des gens du monde entier.
Il existe un projet de recherche sur les bénéfices économiques de la musique pour les communautés nordiques et isolées. Reykjavik, Dawson City, vous savez, il y a des endroits qui l’ont déjà fait. L’exemple le plus frappant est celui de Nashville. Tout le monde sait ce que signifie Nashville, n’est-ce pas ? C’est la ville des musicien.ne.s. Je me demande donc si, d’un point de vue gouvernemental, c’est une chose d’accorder des subventions pour permettre aux artistes les plus expérimentés d’aller dans le Sud, mais je pense qu’il y a une plus grande opportunité de créer un endroit où les gens peuvent venir et toustes celleux que j’ai [rencontrés], qui ont voyagé d’ailleurs pour venir jouer ici, ont ce sentiment de « Wow, c’est un endroit spécial ». Et il y a des possibilités de tournées spéciales ici. Le Snowcastle Festival, je crois, est unique au monde, et toustes celleux qui sont passés par là se sont dit « Wow, holy sh*t. C’est incroyable ! ». Et donc de développer ces opportunités pour des espaces de représentation et de répétition ; les gens louent des espaces de rangements ici pour répéter, c’est insensé. Je pense donc que, du point de vue du gouvernement, si je siégeais au gouvernement ou si vous étiez le maire, un ministre, le premier ministre… Iels ont la responsabilité de développer la culture, parce qu’il y a des bénéfices économiques, je pense que c’est clair.
Mais iels sont également en mesure d’influencer la culture d’entreprise, les entreprises, les milieux d’affaires, qui exploitent les ressources de ce pays et ne donnent rien en retour. Donc, si j’étais à la place du gouvernement, je mettrais en place des politiques, non seulement pour les obliger à soutenir les arts en raison de tous les avantages qu’ils procurent. Non seulement la valeur artistique pour les enfants, mais aussi les compétences transférables que l’on acquiert en apprenant à jouer d’un instrument. Je ne connais rien d’autre de comparable. Pour en revenir à la question du développement, pourquoi les entreprises n’investissent-elles pas dans des tournées plus durables, du point de vue de l’impact carbone ? Il y a des compagnies minières ici qui ont des millions et des millions de dollars. Je ne vois aucun de leurs logos sur aucun de nos projets. C’est une sorte d’action collective qui, si je pense à Yellowknife, me fait dire que n’avons pas une tonne d’industrie, que nous n’avons pas beaucoup de commerce. Mais si nous devions étendre cette conversation à l’ensemble du pays, chaque musicien.ne ou organisation artistique dirait : « Non, nous n’allons pas faire de l’art et de la culture à moins que vous n’y mettiez du vôtre ». Il y a un impact à faire cela. Il y a un impact pour notre pays et notre société dans son ensemble. C’est l’aspect de ce monde dans lequel nous vivons qui ne contribue pas. Iels ne font pas leur juste part. Voilà ce que je dirais aux pouvoirs politiques si j’en avais l’occasion. J’espère que chacun d’entre elleux en prendront connaissance à travers ce rapport.
- J’aimerais également ajouter à cela l’idée que si nous devions développer Yellowknife et en faire une sorte de Mecque de la musique, comme Dawson City ou Sackville ou d’autres endroits au Canada, il semble qu’il y ait déjà un attrait pour aller faire de la musique dans ce genre d’endroits plus ruraux. L’une des choses que je dois dire, c’est qu’il faut collaborer, prêter attention et se concentrer sur nos relations avec les Dénés, les Inuits et les Métis. Car je sais que de nombreuses personnes qui viennent nous voir disent : « Ces cultures sont tellement plus vivantes ici que partout ailleurs au Canada ! » Et s’il doit y avoir cet objectif final, il faut le mentionner explicitement. […] Il faut que ce soit explicitement inscrit dans nos objectifs initiaux parce que c’est important non seulement d’un point de vue éthique, mais aussi du point de vue de l’identité, parce que c’est quelque chose d’unique. Et de la même manière que j’ai entendu tant d’artistes venir ici, qu’iels soient autochtones ou non, dire que c’était un endroit spécial. J’ai entendu tant de membre d’autres nations venir ici et être comme « holy sh*t, qu’est ce qui se passe ici ? ». Et je pense que nous ne pouvons pas perdre de vue cela dans le processus si nous voulons faire ou construire quelque chose.
- J’ai quelque chose à [partager sur] ce sujet. Mais je pense qu’il y a quelque chose, quand vous parlez de la musique, je pense que la musique pourrait être une chose. […] Elle pourrait être une chose et unir beaucoup de gens autour d’elle. Je pense que nous pouvons utiliser cela pour développer notre musique ici. Il ne s’agit pas de se concentrer sur une seule culture, mais de tout mélanger. Et montrer que la musique peut réunir les gens. […] Je suis quelqu’un qui n’a pas de culture, parce que la culture du monde est ma culture. […] Alors partout où je suis, je suis comme de l’eau. Et si vous me mettez dans cette tasse, je vais prendre la forme de cette tasse. Je suis comme ça. […] Je rencontre ici des gens qui viennent de différents endroits du monde. Nous pouvons alors nous rassembler et faire de la musique dans des langues et des cultures différentes et tout mélanger. Parce que nous n’allons pas faire de la musique uniquement pour Yellowknife, uniquement pour le Canada. De nos jours, la musique est partout dans le monde. C’est vrai. C’est pourquoi je pense qu’il faut rassembler les cultures et les rythmes musicaux. Par exemple, vous pouvez trouver différents rythmes dans une seule chanson. C’est un projet […] sur lequel je pense travailler. […] Et puis si nous avons une chanson de Noël, et puis beaucoup de gens, et puis iels parlent de choses différentes, mais autour du même sujet, mais dans des langues différentes. Pour montrer que nous pouvons toustes être ensemble pour une seule chose, pour la même raison.
- Je pense que l’heure de fin approche.
- Raphaël Foisy-Couture : J’ai surtout posé des questions, mais j’ai l’impression que cette conversation me donne aussi envie de partager un peu plus sur mes expériences musicales et communautaires et sur tout ce qui a été dit ici. […] Nous avons parlé du stress et de la pression des meilleures pratiques, ce qui correspond en grande partie à des choses dont nous avons parlé : cette idée de l’industrie. Mais beaucoup de gens ne font pas de la musique pour l’industrie. D’après moi, ma musique, ou la musique de la scène dont je suis issu, qui est en grande partie expérimentale, en grande partie étrange par sa nature ou inhabituelle. Tout le monde aimerait gagner sa vie avec la musique, mais ce n’est pas possible. Même dans ma pratique, la plupart des gens avec qui je travaille sont pragmatiques et pensent qu’iels peuvent avoir des concerts de temps en temps, mais ce n’est pas nécessairement l’objectif final.
Il s’agit de favoriser une communauté de pratique. Il s’agit de favoriser les liens et l’accessibilité à ces pratiques. J’étais ici, juste avec mon enregistreur
. Je pense que les enfants gagneraient aussi, par exemple, à être exposés aux pratiques d’enregistrement de terrain ici, parce que l’environnement est tellement unique. On peut aller dans la nature […]. Je pense que c’est aussi une façon complètement différente d’envisager la musique. Même la musique classique, vous savez, la musique pour cordes, en tant que musicien professionnel, je sais qu’elle m’est inaccessible […] parce que j’ai commencé la musique trop tard et que je viens d’un autre milieu. Mais on peut faire découvrir aux gens d’autres façons de faire de la musique et d’autres façons de l’aborder. […] Je pense qu’ici, c’est déjà le cas. Et c’est un peu ce que j’ai ressenti. Il y a tellement de courants de pratique et de façons de faire différentes. Je pense que c’est ce qui est formidable, c’est que beaucoup de gens peuvent trouver leur propre voie […] Dans ma communauté, nous construisons la plupart du temps nos propres salles, un peu comme vous l’avez fait ici [pendant le festival], vous savez. À Montréal, beaucoup d’endroits où je joue sont des lieux DIY. Donc, par exemple, une licence de la SOCAN n’est tout simplement pas envisageable [dans de tels lieux]. Je pense qu’ici [à Yellowknife], il y a beaucoup de choses qui ont résonné avec moi et avec mon expérience de la musique, pour être capable de la soutenir, de trouver un espace pour la faire, de susciter l’engagement des gens, de trouver de nouvelles façons de se mobiliser en tant que communauté. Je voulais simplement vous remercier de m’avoir permis de voir une partie de ce travail, d’entendre et de m’engager dans cette pratique avec vous pendant une semaine. Je tiens donc à vous remercier chaleureusement.
Informations complémentaires :
L’étude nationale d’APTN sur l’impact de la musique autochtone peut être consultée ici :
https://www.aptnnews.ca/wp-content/uploads/2019/11/Music-Impact-Study.pdf
Le rapport de recherche du collectif ATTI ! Indigenous Artists Collective Research Summary peut être consulté ici :
http://www.atticollective.com/uploads/3/4/9/4/34945811/2023aug_researchsummary.pdf
Plus d’informations sur la SOCAN et sur l’incubateur de musique canadienne sont disponibles ici :
Le RCMN tient à remercier
Carly Mcfadden, Teresa Horosko et Folks on the rocks
Mike Auty et Music NWT
Bran Ram et Western Arctic Moving Pictures
Tanya Snow et ATTI ! Indigenous Artists Collective
Batiste Foisy
Martin Rehak
Pablo Saravanja
Le RCMN tient à remercier et à féliciter tous.tes les artistes et musicien.ne.s pour leurs performances inspirantes :
Cassandra Blondin-Burt
Ryan McCord
LJJ
Rob Elo
Kathryn Louise Oraas
Kay Sibbeston
Garneau Strings Quartet (Robert Uchida , Laura Veeze, Keith Hamm, Julie Hereish)
Andrew Ball
Le RCMN aimerait également remercier Peter Skinner, l’équipe technique et tous.tes les bénévoles du festival pour avoir permis au RCMN de contribuer à l’aspect technique du festival.
Rencontre de Halifax
Date : le 16 mars 2023
Lieu : The Music Room, 6181 Lady Hammond Rd, Halifax, NS B3K 2R9
Co-diffuseur : Scotia Festival of Music
La séance a été ouverte par Norm Adams, directeur de suddenlyListen et vice-président du conseil d’administration du RCMN, et a été suivie d’une courte présentation du projet Avenirs éco-responsables et du prochain rassemblement national du RCMN, par sa Directrice Générale, Terri Hron. Cette dernière a également mentionné les trois modes d’implication de LeSAUT – l’écologisation du secteur, améliorer le profil, réécrire le monde – que le RCMN utilise pour encadrer ses activités et ses discussions autour des Avenirs éco-responsables. Terri a ensuite présenté Kim Fry, directrice de la section canadienne de Music Declares Emergency.
Kim Fry a partagé son histoire en tant que militante ainsi que l’événement qui l’a amenée à former une section canadienne de Music Declares Emergency, à savoir un concert pour marquer le 40ème anniversaire du concert Amchitka, qui a financé la première action de Greenpeace. Elle a partagé sa vision d’une action militante : « Ce que nous devons faire pour créer une société où nous n’émettons pas de grandes quantités de carbone est en fait un monde beau. C’est jardiner davantage, c’est se connecter davantage avec la communauté, c’est faire plus votre propre cuisine, c’est tellement de choses qui sont en fait un monde bien plus beau que le monde trépidant hyper-consumériste de gens qui se sentent surmenés, qui travaillent tout le temps et qui font la navette sur de longues distances et sont séparés de leur famille. Donc ce n’est pas tant que ce qui est demandé soit un énorme fardeau pour la plupart des gens. Pour la plupart des pays du monde, pour la plupart des pays du Sud, il y a la possibilité d’augmenter réellement leur niveau de vie. Ce n’est vraiment que dans les pays riches que nous devons faire quelques ajustements. Mais je pense que s’ajuster va en fait renforcer la communauté et rendre les gens fondamentalement plus heureux ». Kim nous a rappelé que « le climat est une question féministe de taille ». Elle a également souligné qu’au sein de la communauté de la musique de création et du son, financée par des fonds publics, nous sommes chanceux de ne pas être aussi ancrés dans le capitalisme et de ce fait nous avons plus d’espace pour parler et réfléchir à ces questions. Kim nous a ensuite informés des actions de MDE (Music Declares Emergency), avec leur sommet sur le climat en octobre dernier et celui à venir en novembre prochain, et nous a également orientés vers d’autres initiatives, telles que le Earth percent de Brian Eno, qui n’a pas encore été intégré à la SOCAN, mais avec certaines agences de collecte de redevances où les artistes peuvent désigner la terre en tant que co-autrice, les fonds sont ensuite reversés par Earth percent dans des causes environnementales.
Les participants, qui regroupaient des compositrices et compositeurs, des interprètes, des diffuseurs et des organisateurs de festivals locaux, ont alors commencé à partager leurs expériences et leurs inquiétudes. Les questions qui ont été soulevées comprenaient :
- Des primes pour encourager les membres du public à utiliser des moyens de transport écologiques ;
- Il faut de l’argent pour inciter le public à utiliser des transports écologiques. D’où cet argent va-t-il venir ? Les subventionneurs y pensent-ils ?
- On demande beaucoup aux petites organisations pour réduire leur empreinte, tandis que les gros émetteurs sont moins surveillés, comme dans la société en général ;
- Les diffusions en direct devraient se poursuivre avec plus de soutien pour les intégrer dans les programmations : accessibilité accrue et réduction de l’empreinte carbone ;
- Le direct offre des possibilités de télétravail de grande qualité avec des artistes/compositeurs en distanciel. La rencontre d’Halifax a eu lieu à The Music Room, une salle équipée pour la diffusion en direct qui est utilisée par des ensembles locaux pour des collaborations à distance ainsi que des concerts retransmis en direct ;
- Un réseau de lieux de diffusion en direct permettrait des collaborations à travers le pays et de nouveaux modes de curation ;
- Des tournées plus longues et moindres signifient plus de temps avec les artistes et des coûts plus élevés, ce qui n’est pas conforme aux allocations de financement pour les indemnités journalières, etc. Quand les directives budgétaires vont-elles rattraper leur retard ? Cela signifie-t-il que moins de projets seront financés ? Vers qui se tourner pour combler le manque à gagner ?
- Des disparités entre les coûts réels des projets, notamment avec des périodes de travail plus longues et/ou une diffusion en direct, et aucun moyen de le démontrer aux subventionner ;
- Nous avons besoin de plus de réunions avec des bailleurs de fonds dans la salle, « nous devons tous y travailler ensemble, toutes les parties du tout ».
Commentaires des participant·e·s :
« Notre festival est en hiver. Alors, vous avez mentionné des gens se déplaçant à vélo et à pied et je me suis dit : ‘Oh, mon Dieu, je ne peux pas demander ça à mon public’. Mais vous savez, nous sommes plutôt dans le centre et dans Halifax, on pourrait amener les gens à envisager de marcher au lieu de conduire sur cinq pâtés de maisons. Et puis offrir une récompense pour les moyens intéressants de se rendre au festival. Quelque chose comme un avantage, inclus dans votre forfait promotionnel, pour juste faire passer le mot, en gros. C’est vraiment juste une façon de faire passer le mot pour que les gens tiennent compte de l’empreinte carbone en allant simplement à un concert. Je pense que ce sont là tous les petits gestes que nous devons tous intégrer dans notre quotidien ».
« Les diffusions en direct seraient ma suggestion, même si elles consomment également toute cette énergie. Mais elles ont été extrêmement importantes, je pense, pour des gens comme moi, particulièrement celles et ceux qui vivent dans des endroits éloignés. J’ai pu participer à des événements partout dans le monde grâce à cette technologie que la COVID a rendue possible »
« Nous travaillons avec des compositrices et compositeurs vivants. Tandis que nous faisons beaucoup d’allers-retours avec le compositeur, au fur et à mesure de la représentation, à mesure qu’on s’apprête à présenter la pièce, nous n’avons pas le budget pour que le compositeur soit présent. Et vous savez, pour ce qui est de faire en sorte que les voyages à travers le Canada ou à l’étranger en valent la peine, c’est beaucoup de travail en plus de beaucoup d’argent. Ce n’est tout simplement pas réaliste. Mais nous avons eu des compositeurs du Royaume-Uni, nous avons eu des compositeurs du nord, nous en avons eu de partout qui assistent à la représentation de leur travail ».
« C’est une question d’accessibilité. Pas seulement pour les gens qui pourraient ne pas être en mesure d’aller physiquement aux concerts, mais qu’en est-il des personnes qui vivent dans des endroits où elles n’ont jamais accès à un concert ? Tout à coup, avec des organismes partout au Canada, vous pourriez avoir un concert de différents morceaux, de différents endroits, qui seraient présenté quelque part où il n’y a pas de musiciens – ou peut-être qu’il n’y a qu’un seul ensemble – mais ils auraient une collaboration avec d’autres ensembles et cela nous donne la possibilité de voir des choses qui ne sont pas physiquement présentes pour nous. Mais personne n’a dit qu’on ne peut pas organiser d’événements où les gens se rassemblent, parce que je pense que c’est la partie rassemblement des concerts qui est importante. Nous pouvons fournir des collations et peut-être qu’il y a des musiciens en cet endroit, et peut-être alors que vous pourrez voir quelque chose qui se passe à travers le pays et être présent avec ces gens. Mais nous ne pensons tout simplement pas encore à ces choses ».
« C’est assez difficile à atteindre : soyez soucieux de l’environnement, respectez le budget, gagnez de l’argent et ayez un bon public ».
« Je me fâche parce qu’on me l’enlève et que c’est ma force vitale d’aller m’asseoir dans un théâtre : c’est mon endroit préféré au monde. Et j’en suis privé. Et je vois l’avenir. Il nous est confisqué, à cause de ce que ma génération, je suppose, a fait au monde ».
Rencontre d’Ottawa
Date : le 19 mars 2023
Lieu : Carleton Dominion-Chalmers Centre, 355 Cooper St, Ottawa, ON K2P 0G8
Co-diffuseur : Research Centre for Music, Sound and Society in Canada
Pour la rencontre d’Ottawa, le RCMN s’est associé à la Dre Ellen Waterman du Centre de recherche sur la musique, le son et la société au Canada (MSSC) pour l’organisation d’un accueil de deux jours de Tanya Kalmanovitch et de son Tar Sands Songbook. Le 28 mars, le MSSC a organisé Listening Café 2 : Listening to the Climate Emergency through The Tar Sands Songbook, durant lequel Tanya a interprété son recueil de chansons accompagnée du pianiste Andrew Boudreau. Ils ont ensuite été rejoints par la dramaturge Katie Pearl et ont donné au public une chance de réagir et de poser des questions.
Cette prestation puissante a initié la consultation du lendemain matin, qui a réuni des membres de la communauté musicale diversifiée d’Ottawa. Une fois de plus, un mélange d’artistes individuels, d’éducateurs et de musiciens, ainsi que des travailleuses et travailleurs culturels d’organismes musicaux et artistiques locaux et nationaux d’Ottawa étaient présents. Ces derniers comprenaient des représentants de Improvising & Experimental Music of Ottawa and Outwards (IMOO), Jazz Festivals Canada Network, Multicultural Arts in Schools and Communities (MASC), le Centre national des Arts, Ottawa Chamberfest, le Festival de jazz d’Ottawa, Propeller Dance, Qu’ART the Ottawa Queer Arts Collective et SCALE-LeSAUT (Sectoral Climate Arts Leadership for the Emergency/Leadership sectoriel des arts sur l’urgence de la transition écologique). Nous avons ouvert la séance avec des présentations exhaustives et une brève description de ce que la durabilité signifiait pour chaque participant, puis nous nous sommes orientés vers une discussion de type « je passe la balle à … » autour des problèmes complexes, guidée par les questions que nous avions soumises à l’avance, notamment : Comment les organisations musicales peuvent-elles répondre à l’urgence climatique et ses impacts sociaux ? Comment les gens parlent-ils de l’urgence climatique et de de la musique et du son ? Comment les politiques et le langage évoluent-ils autour des questions de durabilité ? De quelles ressources les organisations musicales et artistiques pourraient bénéficier pour s’engager dans la lutte contre les changements climatiques ? Et comment les organismes artistiques peuvent-ils contribuer à faire avancer la discussion ?
Les principaux points de l’échange comprenaient :
- Clivages ruraux/urbains : stratégies et perspectives rurales ;
- Financement, accessibilité et revenu universel de base ;
- Langage et cooptation : les mots que nous utilisons ;
- Stratégies pédagogiques d’engagement : chagrin, empathie, survie et amour ;
- Conflits et relations : aborder la polarisation et la pensée binaire ;
- Arts et changement systémique : différentes manières d’être et de faire ;
- Outils d’engagement communautaire, climat et arts ;
- Cultiver des relations les uns avec les autres et avec l’environnement ;
- Logistique de tournées et de représentations avec une conscience climatique ;
- Le pouvoir de la localité et de l’action locale.
Pour de nombreuses personnes présentes, l’activisme et le climat sont des problèmes de longue date. La conversation a donc été profonde et a bénéficié de ce large éventail d’expériences.
Gale Franklin, assistant au MSSC, a fait un excellent travail de transcription et d’organisation de ce que les participants ont partagé sur un certain nombre de sujets.
Commentaires des participant·e·s :
Clivages ruraux/urbains : stratégies et perspectives rurales
« Je suggérerais de regarder du côté de l’encadrement, de gens sur des marchés et dans des organismes plus petits, qui travaillent dans l’extraction, les villes ouvrières, et de voir comment les gens dans ces organisations, qui peuvent être des gens en dehors de la musique, voir comment ils pensent les relations sociales entre leur conseil d’administration, leurs subventionneurs, leurs donateurs, leurs publics ».
« Je ne suis plus un interprète urbain. Mais en tant que personne travaillant dans un contexte urbain, il est important de se souvenir aussi du reste du pays, qui a un pouvoir politique remarquable et un nombre de voix remarquable. Et dans de nombreux cas, cela résonne différemment que le contexte urbain, et alors je n’ai jamais été aussi conscient de cela que l’an passé ».
« Je pense que nous manquons vraiment de modèles de ruralité. J’écoute Radio-Canada et tout est très urbain. Ce sont des gens des villes qui parlent des problèmes de la ville. Et où sont les voix rurales ? Je veux dire que nous devons entendre ces voix. Et comment les faire entendre ? Parce que l’expérience environnementale hyper urbaine n’est pas quelque chose qui créé des liens pour tout le monde, et cela ne devrait pas l’être non plus ».
“Si vous prenez ce que vous savez comme étant l’étendue de la pratique centraliste de la musique savante européenne canonique, vous savez toujours à partir de cela ce que c’est que le travail de mémoire, ce que c’est que le travail de l’histoire, ce que c’est que le travail de l’empathie … Or nous savons quelque chose les uns des autres sans avoir besoin d’en connaître la langue. Donc même dans l’étendue de ce domaine, nous avons la capacité d’être en relation. Donc peu importe, je suppose que je me disais juste genre, qui n’entendons-nous pas ? Qui ne voit-on pas quand on dit musique ? La musique de qui ? Voulons-nous vraiment le dire ? Et la musique de qui ne voulons-nous pas dire ? Et en tant qu’organismes musicaux, il y a quelque chose de très extractif, je pense, dans la façon dont les organisations artistiques, les gens qui sont financés par des organisations artistiques, parlent de faire du travail communautaire. Ils parlent de « nos » partenariats, « nos » communautés, « nos » partenaires autochtones ».
Financement, accessibilité et revenu universel de base
« Malheureusement, la crise climatique menace une grande partie du travail qui a été fait pour rendre notre monde plus accessible … [Notre travail] a un impact qui vise à déplacer l’attention des gens et à attirer l’attention sur des problèmes d’accessibilité, et le prisme de l’accessibilité sur la crise climatique ».
« Je voulais juste partager un exemple de projet auquel j’ai participé, lequel a publié un échantillon de données, un cycle de chansons avec le sans frontières, des arts, de la chorale de groupe, et pendant la COVID. Parce que les gens ne pouvaient pas se rencontrer en personne, ils se réunissaient en ligne, donc pratiquant ces chants chorals via Zoom sur Internet. Et ce qui est intéressant à ce sujet, c’est une nouvelle forme d’inclusivité où les gens pouvaient participer. Ceux qui n’auraient pas pu, même s’ils sont locaux, ont des problèmes de mobilité ou ne pouvaient pas participer autrement, ont soudainement été inclus. Je pense que cela a créé une communauté, une communauté plus large à travers cette chorale, l’extension de la pratique de la chorale sur Zoom. C’était, à bien des égards, plus libérateur et plus inclusif. Et cette communauté a duré ; ces connexions que les gens ont établies ont duré plus longtemps que la représentation, à la fin ».
« J’ai remarqué que nous n’avions pas vraiment parlé d’argent. Et nous avons beaucoup parlé d’accessibilité, de ruralité, d’urbanité, et tout cela se recoupe avec l’économie, aussi. Et je veux dire, je pense comment pouvons-nous, comment pouvons-nous parler de cela ? ».
« J’aimerais pouvoir gagner ma vie sans sortir de chez moi, sans avoir à partir en tournée. Et je pense que ce serait la plus grosse baisse de mes émissions carbone. Et je pense aussi, pour le public, beaucoup au truc ‘personne n’a fait volte-face par manque de fonds’. Avoir des événements à petite échelle et un meilleur partenariat avec de plus petits groupes locaux, je pense que c’est vraiment, vraiment important. Et pas comme un paternel ‘je vous l’avais dit’ ».
« Je siège au conseil d’administration de l’Alliance des arts médiatiques indépendants (AAMI) du Canada, qui est l’organisme national de nombreux centres d’art. Alors, c’est un organisme national qui travaille avec des artistes médiatiques de tout le pays. Et l’une des choses les plus importantes que nous ayons identifiées est le revenu universel de base. Et nous avons en fait à présent un comité Revenu de base qui travaille entièrement là-dessus. Nous avons en fait une commission nationale d’artistes, avec des commissaires et des artistes de toutes les disciplines. Mais certains à travers le pays se présentent pendant trois jours complets, en ce qui concerne la question du revenu universel de base … Or ça, en tant qu’organisme national, c’est l’un des éléments clés sur lesquels nous continuons d’insister. Et j’ai des conversations avec des gens du Conseil des arts du Canada qui font partie de ces services de planification stratégique. Donc pas avec les subventionneurs. Et nous avons lancé l’idée que, plutôt que d’avoir des gens qui concourent pour des subventions pour des projets, vous devez commencer à changer le système. Et vous devez en fait permettre aux personnes qui sont des artistes et qui travaillent en tant qu’artistes d’avoir un revenu avec lequel ils peuvent vivre. Donc, une chose que nous avons vue lorsque nous avons tous obtenu la PCU … quand j’étais directeur d’un centre d’arts médiatiques à Ottawa, les artistes médiatiques sont tout un tas de gens très neurodivergents qui ont un revenu moyen à Ottawa de 15 000 $ par année. Ce sont des gens en état de crise au quotidien. Quand ils recevaient 2 000 $ à la banque chaque mois, leur santé mentale était incroyable. Des gens qui deviennent réellement créatifs plutôt que d’avoir à survivre. Donc, je pense que pour tous les organismes nationaux dans le domaine des arts, il s’agit d’un problème énorme et important. Quoique je soutienne cette idée à l’échelle globale aussi. Je veux dire, notre public, les gens qui vont aux spectacles. Les gens ne vont pas aux spectacles parce qu’ils n’ont pas le temps. Je veux dire, si les gens peuvent être détendus et avoir un niveau de vie qui les rende plus ouverts à différentes idées, les rende plus ouverts à différentes expériences, c’est en quelque sorte la chose la plus importante. Donc, je pense, vous savez, en tant qu’organisation nationale, créez un comité, communiquez avec les autres organisations nationales, les organismes, puis obtenez un seuil critique ».
« J’ai été très heureux d’entendre les conversations [sur la durabilité] au sein du Conseil des Arts du Canada. Et quelque chose que nous pouvons faire, c’est [reconnaître] que nous ne sommes simplement que des personnes. Et ces organisations qui semblent parfois être de grands organismes ne sont toujours que des personnes. Et plus nous pouvons parler aux gens, plus il y a de chances de changement, n’est-ce pas ? Parce que le financement est une chose vraiment énorme. Et il est au plus bas. Et je sais qu’une grande partie du financement qui parvient à beaucoup de conseils d’administration d’organisations artistiques est, par exemple, basé sur le tourisme. Et c’est violent, mais c’est une réalité à laquelle nous devons faire face. Donc, ce peut être la source de financement et c’est un financement commercial, et s’il pouvait en fait être investi davantage, comme dans le Conseil des Arts du Canada, ou plus canalisé de manière à ne pas avoir à faire plus de chiffres, de plus gros taux de croissance, en tant qu’organisations, ce serait fantastique. Cela changerait bien des choses ».
Langage et cooptation : les mots que nous utilisons
« Parce que j’ai aussi envie de prendre de la distance avec le mot durable ou durabilité. Il a tellement d’usages différents et il peut être si facilement interprété, vous savez, la viabilité financière. Je pense que j’ai deux problématiques principales avec ce mot. La première est qu’il est tout simplement trop large et qu’il peut être mal interprété ou bien il peut être interprété de tant de manières différentes qu’il n’est pas pertinent. Et deuxièmement, cela implique que les choses restent les mêmes, ce qui est également très problématique. J’aime le mot … régénérer, régénératif ou régénération, qui me touche personnellement, me touche beaucoup plus. Comme quelqu’un d’autre l’a également mentionné … l’économat, la régénération, voici les valeurs avec lesquelles je veux avancer. Et je pense que, pour moi, la régénération parle de guérison, mais pas de guérison de la planète, de la guérison des gens. Et donc, j’ai vraiment aimé ce langage ».
« Pour moi, la régénération consiste à reconnaître que [la création d’un sentiment d’appartenance] est différente à travers différentes communautés. Et je pense que l’un de nos défis les plus importants, en tant qu’artistes et en tant qu’organisations artistiques, est de trouver les moyens de créer un sentiment d’appartenance pour différentes communautés – et que cela va encore une fois avoir l’air très différent pour différentes communautés – mais pour créer ce sentiment d’appartenir à un futur régénérateur ou des futurs régénérateurs au pluriel. Et, vous savez, aller dans cette direction, par opposition au genre de dualisme qui entoure souvent cette question, de sorte que nous créons réellement de l’énergie plutôt que de museler les gens ».
« Quand je regarde autour du monde, vous savez, mes amis trans, dont l’espérance de vie au Canada est de 32 ans, sont vraiment rendus à un point où la durabilité ne suffit plus, comme l’a démontré hier soir la réunion du conseil scolaire d’Ottawa autour de cela. Je veux dire, nous y revoilà ».
« Je voulais suggérer que quel que soit le mot que vous choisissez, nous trouverons un moyen de le transformer en quelque chose de pâle et vide de sens. Donc, ce que l’on peut faire c’est nous demander quelles sont les habitudes de pensée, les modes relationnels et modes d’action, qui nous permettent en quelque sorte de mettre en gageure les choses que nous devrions faire différemment à propos d’un mot ».
« Les mots sont cooptés … et là où les mots changent de sens, je pense que ce à quoi nous devons vraiment nous accrocher, c’est la signification que nous avons et la façon dont nous interagissons avec ces mots. Je veux dire, vous regardez des mots comme “woke” et ce qui s’est passé ces dernières années. Et ce que cela signifie à présent pour la plupart des gens – pas pour nous tous – est très différent de ce que cela signifiait il y a à peine quelques années. Et donc, je veux dire que je pense que la question de la formulation est importante, mais je pense qu’une partie de cela est que nous devons être très clairs sur ce que cela signifie pour nous ».
« Maintenant, mon sentiment à propos de régénérateur, quoique l’idée de régénération est la suivante : cela suggère de mettre en avant quelque chose qui a déjà été atteint. C’est la réargumentation. Qui est, vous savez, comme toute la notion d’urgence climatique, comme si c’était une urgence selon la perspective coloniale du premier monde mais, pour de nombreuses communautés autochtones, c’est juste une continuation de quelque chose qui se produit ».
« Mais je pense que le truc de “l’urgence”, selon moi, renvoie à ce genre de définition plutôt “du premier monde”. Ce n’est pas aussi inclusif. En ce qui me concerne, le défi a été d’essayer de remettre en question mes schémas de pensée dominants. Et il s’agit d’identifier quels sont-ils, comme, juste comme une prise de conscience, essayer de découvrir ce que sont ces choses. Je n’ai pas de solution pour aller de l’avant, car je suis encore dans cette phase de découverte ».
« La discussion autour de l’urgence et de sa problématique, afin que ce mot soit utilisé pour attirer l’attention sur les moyens par lesquels l’épistémologie, les connaissances autour de la crise, sont utilisés pour justifier toutes sortes d’actes de criminalité. Donc, parce que c’est une “urgence”, nous devons abattre ces arbres, n’est-ce pas ? Ouais, parce que c’est une urgence. Cela doit arriver afin que les acteurs et les actions menées en temps de crise, c’est souvent utilisé comme couverture. Mais je pense que nous pourrions tout aussi raisonnablement inverser cela. Et penser à utiliser une cellule de crise comme un terrain générateur de sagesse ».
« En pensant au langage, j’ai écrit ici, il y a un langage qui fait du bien. Et il y a un langage qui convient parfaitement. Et puis, personnellement, j’ai beaucoup lu sur ces choses, et j’ai parlé à des gens et tout. Et ma propre réflexion est un terme qui a plus de sens pour moi présentement, c’est la capacité de survie, qui va au-delà d’un type de résilience. Mais c’est personnel, vous savez, je plonge dans les méandres du pessimisme parce que c’est tellement décourageant de regarder les faits. Mais c’est plus confortable d’être dans un mot ou un concept qui convient parfaitement, qui donne l’impression que nous en sommes là où nous en sommes vraiment. Donc, j’ai mis à l’échelle et j’ai dit, vous savez, il y a des mesures d’atténuation sur lesquelles beaucoup de gens travaillent maintenant, ils essaient de réduire leur empreinte dans tout effort qui en vaille la peine. Nous devons limiter les dégâts. Et puis il y a l’adaptabilité, c’est-à-dire qu’il y a des changements inévitables qui s’en viennent. Nous devons nous adapter. Nous devons anticiper le climat, les vagues de réfugiés, toutes ces choses. Mais en réalité, ce qui va arriver, malheureusement, c’est que nous allons entrer dans une période où seules certaines de nos espèces survivront à ce qui s’en vient. Et ce n’est pas une chose très confortable à laquelle penser. Et on ne peut pas y faire grand-chose. Parce que vous voulez travailler sur l’atténuation et l’adaptation. Et puis cette régénération, qui est un cadre plus prometteur, mais je pense que cela viendra après cette période de capacité de survie. Inévitablement, tout du moins à moins que les choses ne changent radicalement, c’est vers ça que nous allons. Chacun d’entre nous, tout notre comportement collectif. Alors, comment cela aide-t-il l’art ? Eh bien, peut-être que non. Mais cela m’aide moi, car cela m’aide à comprendre le langage qui a du sens, peu importe là où je dépense mon énergie. Donc, je pense que nous devons tous réfléchir à où nous en sommes et à la constante des mots et ainsi de suite. Mais que signifient-ils ? Quel sens donnent-ils là où nous voulons mettre notre énergie ? ».
Stratégies pédagogiques d’engagement : chagrin, empathie, survie et amour
« Je pense que si vous voulez que quelqu’un protège quelque chose, vous devez l’aider à l’aimer. Ce que nous faisons, c’est que nous combinons poésie, prose poétique et musique et mettons en évidence ce qui est très intéressant musicalement. Nous nommons des oiseaux, nous nommons des lichens, nous faisons toutes ces sortes de choses et le travail est vraiment une attente. Allez voir la nature, allez trouver votre propre rapport pour passer le temps, prolonger le temps. Vous savez, ne vous contentez pas de passer devant la rivière, jusqu’au bord et de commencer à repérer, vous savez, ce qu’il y a là-bas. Essayez de le comprendre. Et je pense que c’est la clé pour aider les gens à trouver le rapport à la nature ».
« J’ai l’impression que pendant et depuis la pandémie, les gens s’en fichent, les individus sont en mode survie. Je pense que l’empathie des gens vient de s’épuiser parce que les gens sont sur ce mode survivaliste. Ils ont un chagrin écologique. Apprendre aux gens à aimer et à prendre le temps, c’est un vrai défi ».
« À travers mon travail, à la fois en tant que compositeur et artiste interprète et les thèmes que j’ai expérimentés, qui sont ces thèmes d’appartenance et d’utilisation de la musique comme outil de réflexion. Et donc, en tant que quelqu’un qui va dans les écoles et les communautés, j’ai l’impression que la part de mon rôle est d’être une tierce personne, pour que les gens posent ces questions précieuses. Et donc, je suis vraiment ravi d’être ici pour parler de ce à quoi cela ressemble pour nous de faire des pas en avant importants et de donner aux gens des outils pour dire à quoi ressemble la durabilité dans nos communautés. Comment nous pouvons aller de l’avant non seulement pour en parler, mais pour avoir vraiment concrètement ainsi ces étapes tangibles d’engagement avec la communauté ».
« [Nous avons] cette pièce … et c’est au sujet de la rivière Rideau, de ce qu’il y a dans la rivière et de ce que vous pouvez observer, comment on peut s’y identifier, des moules qui ont été déchiquetées par les ratons laveurs aux graffitis sur le ciment qui les entourent. Et avant notre concert, nous avons fait beaucoup de sensibilisation auprès de groupes qui, pas seulement la communauté musicale, mais aussi les gens qui sont dans les clubs de canotage et les institutions de protection des rivières et des eaux et des choses dans le genre, les conseillers municipaux, dans tous les quartiers le long la rivière. Et nous nous sommes retrouvés avec un public composé de toutes sortes de personnes que je n’avais jamais vues auparavant lors d’un concert. Et j’ai pensé, c’est intéressant, ces gens ne ressemblent pas à un public typique. Je pense que nous avons réussi à amener des gens à entendre quelque chose de différent. Et à dialoguer avec les idées, dans la musique et dans la poésie … Et donc, il est possible de toucher les gens ».
« Vous avez dit quelque chose dès le début qui a résonné en moi tout le temps : parcourez la terre et faites attention à l’ordinaire ».
Conflits et relations : aborder la polarisation et la pensée binaire
« Je m’intéresse à comment cela se fait que nous vivions aujourd’hui ? Et comment faisons-nous face à la destruction et aux possibles ? En ce qui concerne l’idée de polarisation politique, peu importe où nous en sommes, ses racines sont traçantes et profondes. Ce n’est pas quelque chose qui vient d’arriver. Cela n’a jamais disparu. Et donc aussi, je pense que les solutions, les leçons pour la survie et la résistance sont aussi profondes et continues et partout autour de nous. Je déteste quand les gens disent simplement, concentrons-nous simplement sur les solutions, parce que je me dis : ‘Non, nous devons vraiment parler du problème pendant une minute’. Mais j’aime la question de savoir comment nous sommes à la fois dans la destruction et les possibles ».
« Je voulais juste suggérer qu’il y a une tension dans le mouvement militant, de savoir, absolument, sans aucun doute, de quel côté vous êtes, et l’importance de cette clarté, cette clarté morale contre ce qu’il faut pour démanteler la post-vérité, le discours polarisant, comprendre notre interdépendance. Donc, je pense à ce que ce journaliste m’a demandé hier, à savoir est-ce que je jouerai ma pièce le long du chemin de fer ou si je veux la jouer et si j’aime les festivals et les salles de concert. Je ne l’ai pas tellement conçue pour être jouée dans des espaces de production d’art institutionnalisés, mais je voulais le faire dans des espaces où l’expérience vécue des gens correspond plus directement aux complexités que je ressens dans ma propre vie. Cela signifiait donc le long de l’oléoduc, des routes ferroviaires par camion qui acheminent le pétrole de l’Alberta vers le marché mondial. Et il était comme, ‘Eh bien, qu’est-ce que tu vas faire avec cette pièce, et s’il y a un gars là-bas avec des bottes à embout d’acier, il conduit son camion géant et genre, il va te dire …’ Et je me dis, ‘eh bien, ces gars sont mes cousins, mes frères et mes oncles. Et ce sont les vôtres aussi’. Ce qui semblait, vous savez, une chose absurde à dire à quelqu’un, n’est-ce pas ? Mais vous pouvez le désamorcer en comprenant que nous sommes déjà tous dans le même bateau, et que nous sommes déjà reliés. Et nos destins sont toujours activement interconnectés, qu’ils puissent le voir ou non, il se pourrait simplement qu’ils ne soient tout simplement pas prêts pour nous, c’est ce que j’aime à penser : que tu n’es tout simplement pas prêt pour moi. L’autre chose à laquelle je pensais en termes de luttes pour les arts et les organisations artistiques, c’est qu’elles sont dominées par des structures de financement et des structures de soutien qui sont activement et directement liées aux mêmes structures qui démantèlent notre droit d’accès à la terre, à de l’eau cristalline, à un avenir, la terre entière. Et elles entretiennent des relations étroites avec les industries des énergies fossiles, les industries d’extraction ».
« Pendant que j’écoute, ce qui résonne, c’est à quel point il est important que nous soyons tous bien avec nous-mêmes, parce que c’est si difficile de vivre avec intégrité. Vous démonteriez tout et recommenceriez à zéro, mais nous ne pouvons pas vraiment faire cela. Si nous pouvions simplement en parler ouvertement et réaliser comme [un participant] le disait, ‘il y a des républicains dans ma famille et ça va’ ! C’est important d’être en accord avec tout le monde et avec vous-même et de faire de votre mieux dans cette capacité ».
« Il y a tellement de points de vue qu’il est vraiment difficile de faire le tri et de décider ce qui est juste. Et même moi-même en tant qu’individu, j’ai besoin d’un ordinateur plus puissant, car je travaille sur plus de projets. Je suis allé à Banff pour des résidences où les installations sont sponsorisées. Les panneaux sont accrochés au mur par une organisation pétrolière. Donc, c’est juste une période très stressante pour vivre et travailler sur toutes ces choses. Donc, c’est vraiment bien d’avoir ces conversations et d’essayer de régler les choses ».
« Ce que je comprends, c’est qu’il y a beaucoup d’ironie. Nous devons nous conformer à ces systèmes afin de faire le travail qui va parfois à contre-courant. Prenons un exemple de l’intérieur [d’une organisation de danse], nous nous concentrons sur le langage simple pour faire soit une description audio, soit pour rendre le travail ou quoi que ce soit que nous lançons un peu plus accessible aux personnes neurodivergentes, qui ne perçoivent pas les choses de la même manière que tout le monde. Et pourtant, afin d’obtenir le financement nécessaire pour que cela se produise, nous devons rédiger toute cette demande de subvention, qui est tout ce langage élaboré qui n’a rien à voir avec le résultat final concret. Ce n’est donc qu’une ironie. Si je peux juste parler de l’accessibilité durant la pandémie, c’était génial. Nous avons pu atteindre beaucoup plus de personnes sans avoir d’empreinte écologique nous-mêmes. Mais cela repose sur l’hypothèse que les gens ont accès à la technologie pour que ces choses se produisent. Donc, je pense que l’action en réponse à la polarisation est d’interpeller l’ironie, de ne pas avoir peur de dire : ‘Hé, il y a cette dichotomie.’ Et peut-être que nous organisons un festival et disons : ‘Devinez quoi, voici le festival et nous sommes le problème.’ Je pense que ce serait assez difficile de voir et d’être confronté à cela en tant que membre du public, mais aussi en tant que communautés locales, et pourtant de voir quelles sont les choses positives qui peuvent émerger de l’urgence ».
Arts et changement systémique : différentes manières d’être et de faire
« Je suis convaincu que rien ne changera, à moins que nous ne changions le système. Et je pense que la communauté artistique est un exemple incroyable de comment ce système peut être différent. Parce que je veux dire, rectifiez-moi si je me trompe, je regarde autour de moi, aucun de nous n’est ici pour devenir riche, pour amasser des actifs, contrôler les chaînes d’approvisionnement et des choses comme ça. Notre mode de vie est déjà différent du système et en dehors du système. Les artistes ont généralement été marginalisés en tant que groupe et en tant que groupe démographique pendant des lustres. Donc, nous avons en fait une quantité de connaissances incroyable, que nous pouvons apporter au changement de système. Et je pense que cela implique que les artistes, en tant que masse critique, se lèvent et disent que nous vivons un système différent. Alors les arts ont joué un rôle énorme dans la lutte contre le sida, les arts ont joué un rôle énorme pour les droits civiques. Nous savons réellement mobiliser les gens et nous savons travailler sur le changement de mentalité parmi le grand public. Donc, je pense que nous avons des choses importantes à apporter à cette bataille qui nous attend ».
« Je pense que la musique ou les arts peuvent aider les gens à reconnaître l’ampleur du problème. Et c’est vraiment difficile pour les gens de reconnaître que ce qu’ils pensent être normal est en fait quelque chose, qu’il y a différentes façons de voir le monde. Et je crois vraiment que remettre en question nos perceptions coloniales occidentales est ce qui est nécessaire pour provoquer le changement. Je crois que décoloniser et considérer l’environnement sont liés. J’ai aimé les mots sur l’écoute et le changement. Il s’agit d’écouter, d’écouter autrement ».
« Les musiciens alternatifs présentent différentes façons d’être simplement du fait que nous ne sommes pas dans le monde culturel populaire. Parce que la culture populaire est animée par des messages capitalistes. Et, vous savez, si nous pouvons créer un cadre et une communauté, en tant que musiciens, également avec le public, avec les gens, et le faire d’une manière qui présente différentes façons d’être, je pense que c’est la meilleure chose que nous puissions faire. Il est difficile de trouver un cadre pour être différent. Et ça a toujours été comme ça … Comment allons-nous créer des cadres, et y inviter des gens, qui seront plus sains que ce dont nous disposons ? même s’ils sont imparfaits ? Parce que c’est vraiment, vraiment difficile de vivre une vie simple et intègre. Et dans notre système, certains diraient impossible ».
« Ce serait très cool si les arts prenaient l’initiative d’admettre exactement quelle était leur empreinte carbone, vous savez, et de tenir tête à d’autres organisations. Qui sera le premier festival du Conseil des arts à dire que nous avons inutilement fait venir 20 personnes par avion parce que c’est comme ça que nous travaillons ? ».
« L’une des expériences de pensée que j’ai faites en classe, qui a été très utile pour les gens, c’est d’imaginer que le prix du pétrole monte à 100 $ le litre, d’accord. Et donc, il n’est en fait plus possible non seulement de partir en tournée, mais il n’est aussi plus possible d’obtenir vos anches sur Amazon. D’accord. Rien de tout cela n’est abordable. Rien de tout cela n’est accessible et à portée. Alors comment fait-on de la musique ? D’accord. Alors pour comprendre, par exemple, que nous devons nous départir de nos pratiques capitalistes colonialistes, nous devons comprendre, par exemple, que nous ne connaissons pas les plantes et les animaux comme des musiciens et des amis. J’avais un élève dans ma classe qui était tellement époustouflé par ça. Il a grandi dans le New Jersey, famille d’immigrants coréens, et il est clarinettiste. Et il a ensuite essayé de commander une plante de bambou sur Amazon et a essayé de faire pousser sa propre canne. Il ne savait pas combien de temps il fallait à la plante pour arriver à maturité. Il n’a aucune connaissance, cela ne fait pas partie de son expérience. Et il pensait qu’il pourrait le faire en tant que projet final pour le cours d’ici la fin du semestre. Et cela dit il a fini par documenter le processus et son processus de découverte de ce qu’il ne savait pas. Seulement découvrir la révélation que ce qu’il ne connaissait pas c’était sa relation à la plante, sa relation à la canne, sa relation à son identité, à ce qu’il étudiait en tant que musicien, et était de fait … Mais je pense que c’était assez libérateur parce qu’il n’avait plus à accepter que sa valeur en tant que musicien venait d’un système qui était déterminé à le détruire. D’accord ? Donc, cela pourrait signifier que vous faites des choses comme, peut-être, fabriquer des instruments à partir de déchets, comme des tubes d’essuie-tout, ou peut-être que nous chantons simplement ensemble. Peut-être que nous devons penser de manière beaucoup plus créative et beaucoup plus empathique à avec qui nous souhaitons faire de la musique ».
Outils d’engagement communautaire, climat et arts
« J’allais évoquer les outils Creative Green … Et c’est intéressant parce que ce n’est pas un outil parfait, mais c’est toujours quelque chose. Et c’est intéressant, parce que je travaille présentement dans un contexte rural et quand je regarde les questions, beaucoup d’entre elles ne s’appliquent pas à nous, à bien des égards. C’est vraiment destiné à un contexte urbain autour de festivals et d’institutions. Je pense que ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient adoptés par un certain nombre de conseils des arts, donc c’est possible que nous devions tous nous familiariser avec [ces outils] bientôt. Et, vous savez, encore une fois, ce n’est peut-être pas un outil parfait, mais c’est un pas en avant. Mais nous avons commencé à chercher d’autres outils et ils ne relèvent peut-être pas des arts. Par exemple, l’une des choses dans lesquelles nous sommes le plus impliqués est l’Engagement pour la durabilité de la biosphère de la Thompson Okanagan Tourism Association (TOTA), qui n’est, encore une fois, pas un outil parfait, mais qui est un moyen pour nous d’accéder à une formation et à un développement des compétences non négligeables pour nous faire avancer. Et c’est par le biais d’un organisme touristique, non pas par une organisation artistique. Et donc, certains autres réseaux sont peut-être un peu plus avancés que nous, et je pense que nous ne devons pas hésiter à entrer en contact ou à rechercher ces choses qui sont adjacentes ou qui nous parlent, mais qui ne sont pas nécessairement entièrement adaptées pour nous ».
« Dans Imago, de King of Chlorophyll, j’étais musicien dans l’ensemble, mais la pièce se déroulait à l’extérieur. Et c’était cette jonction intéressante entre la musique et le climat. La compositrice est arboricultrice, mais aussi compositrice et musicienne. Et donc, nous étions là, seulement voilà il y a le centre aéré et les enfants étaient là avec leurs machettes, à aider à nettoyer la zone. Et puis en tant que musicien, j’étais là à regarder Kim, qui est dans les arbres en train de faire cette danse inspirée de la tonnelle. Mais c’était une confluence vraiment intéressante, car avant de venir voir la pièce, les membres du public ont pu rencontrer les agriculteurs locaux et parler de ce que nous cultivons et de la façon dont nous le cultivons. Et avant qu’ils ne découvrent l’œuvre artistique, j’ai l’impression qu’il y avait une confluence de nombreuses communautés différentes. Et pour moi, en tant qu’artiste, c’était un exemple d’aller de l’avant et de parler de la terre sur laquelle nous nous trouvons, et de très belles façons ».
Cultiver les relations les uns avec les autres et avec l’environnement
« Et juste offrir une petite anecdote, à savoir que plus de vies sont sauvées, dans les catastrophes naturelles, climatiques ou autres, plus de vies sont sauvées par de simples citoyens que par les premiers intervenants ou par les politiques gouvernementales. Donc, ce sont ces relations qui nous sauvent les uns les autres. Et ces relations sont ce que nous devons identifier et défendre »
« J’entends tellement qu’il s’agit seulement des humains. Il ne s’agit pas des arts. Et ça ne m’étonne pas tellement, mais en même temps, c’est une situation intéressante que ce groupe de personnes se rassemble en fonction de leur pratique artistique ou de leur rapport à des finalités artistiques et finisse par discuter d’humanité et de crises ou, par manque d’un meilleur mot, des problèmes émergents que nous voyons, sous des angles très différents ».
Logistique de tournées et de représentations avec une conscience climatique
“Je pensais à cela, en tant que musicien, quand, franchement, je suis sur une tournée financée par une subvention, sortant d’un concert qui n’a peut-être pas été très médiatisé et que 15 personnes se sont présentées. La réalité est que c’est un tel gaspillage de ressources et d’empreinte écologique, mais le fait est que dans ce que nous faisons, il est vraiment important de rassembler les gens. Donc, je pense toujours qu’il y a une sorte de viabilité là-dedans ».
« L’une des autres choses auxquelles je pensais, en termes de festivals de jazz au Canada, qui est en fait une chose cool, c’est que nous avons consciemment essayé de trouver un itinéraire. Quand ces concerts sont proposés à quelqu’un, ils sont importants pour la carrière des gens. Et si vous avez cette tournée folle, cet itinéraire, vous l’accepterez. Il est donc de notre responsabilité d’essayer de dire ‘Hey, Calgary, ça te dérange si on intervertit simplement les dates, des petites choses comme ça, pour que ce soit plus viable pour tout le monde ?’ ».
« C’est l’impossibilité d’une situation dans laquelle nous nous trouvons où il nous faut être deux mondes. Donc, comme vous le dites, vous devez prendre l’avion pour faire le concert, parce que vous en avez besoin. Vous vous rendez à une conférence en avion parce que vous avez besoin d’une communication soutenue, vous avez besoin d’une interaction en face à face. Vous devez préparer la conversation. Donc, nous sommes constamment piégés dans ce genre de cycles qui consiste à dire : “Est-ce que je fais ce qu’il faut ? Est-ce que c’est correct ?” Et je pense que ce qui me fait rire, c’est en quelque sorte l’absurdité kafkaïenne de ce moment où nous essayons de nous raisonner moralement à l’intérieur d’un système qui se fait une joie de nous faire tourner en rond ».
« Mon point de vue est : choisissez vos batailles. Il existe des formes d’art extrêmement puissantes. Ce sont les choses qui peuvent transformer la psyché des gens et l’empathie et tout ça. Donc, je pense que nous devons faire tout notre possible pour pallier cela afin de poursuivre notre travail, car ce que nous devons faire c’est sortir de ce système insensé dans lequel nous vivons. Et ce ne sera pas facile. En fait, c’est probablement impossible. Mais il va falloir avancer. »
« Vous savez qui a la plus grande empreinte carbone sur les grands festivals de musique ? Les gens qui viennent aux festivals de musique, pas les gens qui s’y produisent. C’est tout le monde qui se rend au festival ».
« Pour moi, c’est cela qui revient toujours, et je suis tout à fait d’accord avec vous sur cette ironie du cycle, sur l’idée de ce qu’est le succès. Le mot succès, bien sûr, est problématique aussi. Mais on entend dire qu’il faut aller à Montréal, pourquoi faut-il aller à Montréal ? Parce que le système dit cela. C’est quelque chose qui signifie que vous avez « réussi ». Et dans un système où vous devez réussir pour obtenir le financement, vous devez aller en festivals. Et pour aller en festivals, vous devez avoir le financement. Et pour que le festival vous présente, il faut avoir un public. Et pour se créer un public, il faut avoir des financements. Et c’est ce cycle constant. Donc pour moi, il s’agit de récits et, si une histoire différente est racontée et que vous pouvez vous identifier à cette histoire, cela valide quelque chose pour vous en tant qu’individu. Cela valide quelque chose qui est communautaire. Et même en entendant ces idées de 13 personnes qui se présentent à un concert, pourquoi est-ce un problème ? Cela ne doit pas être un problème. Il y a un récit à ce sujet à la fois pour l’artiste qui se produit et aussi pour le spectateur qui se présente et pense, ‘pourquoi suis-je ici, s’il n’y a que 13 personnes ?’ ».
Le pouvoir de la localité et de l’action locale
« Pour répondre à votre question, que peuvent faire le RCMN et les autres organismes, la semaine dernière en Floride, il y avait une personne de Parcs Canada qui était là à cause de l’écologie et elle a dit : ‘nous avons vraiment besoin de vivre local’. Vous savez, cela semble être une chose évidente, n’est-ce pas ? Donc, je pense qu’il faut un conseil d’Ottawa, n’est-ce pas, même si j’ai longtemps travaillé au Conseil des Arts du Canada. Donc, je pense que nous devrions continuer ces conversations ici d’une façon ou d’une autre, et introduire plus de gens dans le cercle, raconter des histoires. Oui, de bonnes histoires. Mais aussi partager des outils. Maintenant qu’il y a certaines choses qui fonctionnent, amenez quelqu’un de Creative Green ici. Ici à Ottawa, nous nous sentons concernés. Nous voulons faire avancer les choses. Nous sommes conscients des faits et cela me fait du bien de penser que nous puissions travailler ensemble, et nous ne sommes pas obligés de le faire mais je pense que nous le voulons toutes et tous. Je pense que nous ne savons tout simplement pas comment et à quel point ce n’est pas difficile ».
« J’aime vraiment ça et j’en veux encore plus. Parce que j’ai l’impression qu’au jour le jour, je suis un peu dans un mode survie, genre [uniquement concentré sur] la stabilité économique. C’est vraiment ce dont notre conseil d’administration parle, bien plus que du climat, vous savez, ou toute autre question. Donc, plus nous faisons des choses comme ça, plus je repartirai avec cela pour retourner directement au bureau avec cela à l’esprit, d’accord, et nous pouvons agir ».
Rencontre de Brandon
Date : le 21 avril 2023
Lieu : Queen Elizabeth II Music Building, Brandon, MB R7B 1L6
Co-diffuseur : Eckhardt-Grammaté National Music Competition
La rencontre de Brandon s’est ouverte par une reconnaissance du territoire par la directrice du Concours E‑Gré, Megumi Masaki, qui est également membre du conseil d’administration du RCMN. Elle a encore une fois été suivie d’une courte présentation du projet Avenirs éco-responsables et du rassemblement national à venir, par la Directrice Générale du RCMN, Terri Hron. Cette dernière a de nouveau fait référence aux trois modes d’implication de SCALE/LeSaut et elle a fait un court rapport des deux événements précédents. Par la suite, nous avons invité les participants dans le cercle à se présenter et à nous faire part de leurs réflexions sur la manière dont la durabilité se recoupe avec leur pratique et leur vie artistique.
Bien que plusieurs participantes et participants à cette réunion étaient là en tant que concurrents ou artistes invités, nous avons été touchés par la générosité de leurs réponses et c’était spécial d’avoir autant de points de vue de jeunes artistes au début de leur carrière. Les sujets qui ont été abordés comprenaient :
- L’empreinte carbone cachée des activités et sites en ligne ;
- L’intensité de l’urgence climatique pour les jeunes ;
- Financement insuffisant pour des mesures de durabilité, en plus de tout le reste – d’où viendra le budget ?
- Les actions et choix de vie sont tout autant/plus importants que les choix artistiques ;
- La plupart des mesures et politiques de durabilité sont conçues pour les réalités urbaines plutôt que rurales ;
- Avons-nous oublié toutes les leçons tirées du ralentissement lié à la COVID ?
- Faudrait-il s’attendre à ce que les artistes en début de carrière refusent des concerts qui nécessitent des déplacements, alors qu’ils essaient simplement de lancer leur carrière ? Qu’est-ce qui est juste à cet égard ?
- Le local est ce qui est disponible. Tout ne doit pas se produire partout ;
- Nous devons changer notre état d’esprit et nos valeurs concernant les talents locaux et le nombre de spectateurs.
Commentaires des participant·e·s :
« Lorsque nous parlons de durabilité, et en relation avec l’environnement en particulier, oui, nous ressentons la levée de bouclier de nos agences gouvernementales qui nous financent, et elles produisent des questions comme, d’accord, pouvez-vous nous parler de votre audit environnemental. Et donc nous avons fait quelques petites choses en interne en tant qu’organisation. Et étonnamment, je n’ai même pas pensé ou je n’avais pas compris que les sites Web avaient une empreinte environnementale. Et c’est là que j’ai vraiment commencé à passer à l’action, parce que j’ai vu comment, en un sens, il était considéré comme un site très pollué, et non pas du point de vue du contenu, mais juste du fait qu’il ait un impact ».
« Lorsque vous entendez les jeunes parler de l’impact environnemental sur leurs vies et de comment ils envisagent l’avenir, c’est à ce moment-là que vous bougez vraiment pour faire quelque chose. Et le voir s’exprimer à travers leur art et partagé publiquement signifie que, si je ne peux pas faire assez pour moi-même, je dois faire quelque chose pour qu’il y ait un avenir pour ces jeunes gens ».
« Quand j’entends le mot durable, chaque travailleur culturel se recroqueville, car il n’y a pas assez de financement pour que nous puissions continuer sur cette voie. Et alors que nous encadrons les jeunes dans ces rôles, quelque chose doit changer, l’énergie doit changer, nous devons travailler différemment, nous devons penser différemment. Et c’est vraiment en train de devenir un fardeau psychologique, parce que je dois soutenir des individus, mais aussi reconnaître que l’argent diminue, tous les moyens pour militer pour l’espace artistique ».
« En termes de durabilité, la première chose qui me vient à l’esprit est que j’ai grandi dans une ferme biologique, où mon père était très impliqué dans de nombreuses organisations et projets différents, comme la durabilité de la ferme et comment continuer de fonctionner tout en redonnant à la terre pour ne pas l’épuiser. Mais aussi, faire des choix de vie et diverses autres choses. Donc, j’aborde les choses plutôt de ce point de vue, d’avoir ce rapport personnel d’être en pleine nature, d’être sur le terrain, de prendre soin des animaux, des récoltes et des choses. Donc, en ce qui concerne la façon dont cela se recoupe avec la musique et avec ce que je fais sur ce plan-là, il n’y a certainement pas encore eu beaucoup de recoupements pour moi. Cependant, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour aller de l’avant et je suis curieux d’explorer davantage ces choses, mais je n’ai tout simplement pas beaucoup d’affinités encore une fois ».
« Quelque chose qui m’est venu à l’esprit ces derniers temps, à la fois en termes de durabilité artistique et de durabilité environnementale, vient du fait que j’ai grandi dans une zone rurale et j’ai déménagé et vécu dans de nombreuses villes du Canada. J’ai alors réalisé que beaucoup de solutions qui ont du sens dans la RGT ou dans d’autres villes ne sont pas toujours disponibles dans les régions rurales de la Saskatchewan, et j’essaie simplement de comprendre comment nous pouvons inclure tout le pays dans ces conversations et pas seulement penser à ce que les gens de Toronto peuvent faire pour aider. Je pense que c’est merveilleux, ces conversations qui se déroulent ici ».
« En tant que créateur, en ce qui concerne la durabilité, une chose à laquelle je pense beaucoup semble être assez liée à l’engagement communautaire. Et parce que je suis musicien, l’idée de la musique possède une sorte de vecteur de communication. Je réfléchis donc au type d’information que la musique est potentiellement efficace à communiquer et à ce qui est pertinent en cela ».
« Je pense que ceux d’entre nous qui ne sont pas musiciens ou artistes seront perdus. Parce qu’il n’y a rien de mieux que d’aller à un concert ou d’entendre des musiciens. Regarder l’art et cela change votre perspective, tend à vous donner de l’espoir, implique un sens esthétique, et donc très important pour moi ».
« Je pensais, d’accord, quand la neige aura fondu, je vais ramasser les ordures. Parfois, je marche avec mes petits-enfants, je prends un sac poubelle et je ramasse simplement les ordures. C’est vraiment difficile de savoir quoi faire. Mais je pense d’accord, c’est une chose que je peux faire ».
« Pour moi en ce moment, il y a un énorme chaos dans ma tête. Quand je pense que je sais ce que je fais et que je contribue à faire quelque chose de positif, je remonte la pente et je fais face à plus de questions et plus d’anxiété et encore plus de questions. Je trouve que plus j’en fais, plus je suis confus. Et cela pourrait aussi être en partie la relation que j’ai avec la terre ».
« Julie’s Bicycle ont créé ces outils merveilleux pour mesurer votre empreinte carbone. Et quand j’utilise ces outils, je me sens très anxieux, car je peux voir combien je consomme et quelle est l’ampleur de mon empreinte et la façon dont je l’équilibre. Et comment je l’ai équilibré, c’est en créant des projets qui sensibilisent aux changements climatiques et en utilisant la force et le pouvoir émotionnel de la musique et de l’art pour mettre en son et créer une collection pour les auditeurs et les interprètes sur les données scientifiques qui ont été rassemblées sur la crise climatique. C’est donc une façon qui m’a permis de l’assimiler personnellement ».
« Je pense que nous avons tous eu beaucoup de temps pour réfléchir à la durabilité, à la fois artistiquement et écologiquement, à cause de la COVID. Et il y a des choses très positives à retenir de cela. J’ai eu une conversation avec des artistes pas plus tard qu’hier. Nous parlions de la façon dont le monde s’est arrêté et dont il est reparti à présent, mais c’est comme 1000 fois accéléré. Et je me demande si ce n’est pas le moment pour ce genre de conversations, d’avoir appris que l’environnement avait une chance de guérir pendant ces deux années où tout le monde ne prenait pas l’avion et que tout le monde n’était pas occupé par toutes sortes d’activités. Et maintenant, j’y suis confronté et j’entends dire par des collègues que c’est tellement amplifié à présent, que nous allons faire à nouveau tous ces dégâts et de manière encore pire, parce que nous avons aussi hâte de reprendre le travail ».
« Quand est-il bon de dire non, c’est une chose que j’ai apprise bien trop tard. En tant que jeunes artistes, nous avons tendance à dire oui à tout parce que nous sommes tellement reconnaissants lorsque cette opportunité se présente. Mais une chose à retenir, peut-être, est qu’est-ce qui est le plus précieux pour vous ? Qu’est-ce qui a le plus d’impact sur votre carrière ? ».
« Les diffuseurs et les interprètes doivent vraiment se demander s’ils doivent faire ce concert là-bas ? Existe-t-il d’autres moyens de diffuser leur art ? Cela peut-il être pris en charge de manière appropriée ? Par des organismes artistiques ? Je sais que dans les universités, cela a été une vaste question. Car traditionnellement, les événements internationaux sont plus appréciés que les événements locaux. Mais devraient-ils l’être ? Vous pourriez faire valoir que l’engagement de la communauté locale est tout aussi bénéfique. Et que nous ne devrions peut-être pas toujours considérer les activités internationales et branchées comme activité de premier plan. La même chose est valable, je pense, lorsque nous considérons si les symphonies doivent faire venir des solistes de loin, alors qu’il y a des solistes parfaitement compétents localement. Les compagnies d’opéra doivent-elles faire venir celles et ceux qu’elles pensent être les meilleurs au monde ? Et je pense que nous devons en quelque sorte changer notre état d’esprit sur le spectacle, tout le milieu du spectacle. Nous sommes dans un grand pays ».
« La question [de se concentrer sur le local] se fait au profit des grandes villes où il existe de multiples ressources. Qu’en est-il du reste d’entre nous ? Comment le reste d’entre nous peuvent-ils soutenir la pratique artistique en étant uniquement concentrés sur le local, c’est quelque chose que je n’ai pas tout à fait compris. J’aimerais avoir cette conversation ».
« Je ne savais pas quoi attendre de cette rencontre ici aujourd’hui. Certainement pas ça. Le chaos est un très bon mot. L’anxiété est un super mot. Le financement est un super mot. Local est un super mot ».
« Je trouve que c’est un problème particulièrement délicat, surtout pour les personnes en début de carrière. Je rêve d’arriver un jour à un moment de ma carrière où je pourrai refuser ce concert. Mais quand vous essayez juste de démarrer, vous devez le faire, juste d’un point de vue financier. Il y a certainement une pression pour dire oui à tout et aussi dans l’optique d’essayer de faire connaissance avec des gens et de créer des liens ».
“Je constate que tout le monde a posé cette question à tous les niveaux d’implication, qu’il s’agisse de rédiger ce contrat, de réserver la salle, de réserver le lieu. Si tout le monde disait simplement, attendez une seconde, comment pouvons-nous faire un emballage groupé pour que ce soit plus durable ? Je pense que ce serait le cas ».
« Donc, quand vous pensez aux affaires et à ce que vous pouvez faire localement, c’est incroyable quand vous commencez à tenir l’affiche et de l’offrir non seulement aux grandes villes, mais aussi aux petites, puis de devenir ces incroyables musiciens ».
« Je pense que pour moi, personnellement, je suis très préoccupé par l’environnement et je considère l’économat de la création comme une partie très importante de mon être et de mon dessein. Comment cela se recoupe avec ma musique, je ne pense pas qu’il y ait une ligne très définie à ce stade ; cela suscite des préoccupations. Et j’apprécie quand les soucis écologiques font partie du sujet. Je crains que beaucoup de nos efforts ne se transforment en culpabilité et en anxiété au lieu de changement. Donc, quand je pense à la durabilité, je veux que cela comprenne l’action qui rend les choses durables ».
« Le défi du local est je pense aussi le défi de ce que nous pensons devoir faire en termes de prestation. Nous devons donc nous doter d’un quatuor à cordes. Donc, nous devons avoir un opéra. Peut-être que la musique que nous faisons vient du lieu et des ressources dont vous disposez, plutôt que d’insister pour que nous ayons une compagnie d’opéra ou un centre d’orchestre. Donc je pense que c’est quelque chose qui fait peut-être partie de la question. Le local c’est ce qui est là ».
« Et pendant la pandémie, il y a eu ce phénomène étrange où tout ce que nous pouvions faire peut se rendre n’importe où, etc. Mais tout à coup, ces collaborations se produisent entre des personnes, alors qu’elles n’auraient jamais eu lieu. Ce sont en fait des choses très positives et innovantes qui en sont ressorties, dont certaines continuent encore, la diffusion de concerts, etc. Mais les gigantesques parcs de serveurs qui corrompent nos données partout dans le monde pour nos concerts, nos courriels pour mettre en place ce concert, etc. etc. sont très polluants. C’est très polluant. Donc c’est un vrai point anxiogène, c’est que fondamentalement là où nous en sommes arrivés, et ce ne sont pas seulement les artistes, c’est toute la société et la culture, le monde, le monde humain, c’est que nous avons mis en place une infrastructure qui semble extrêmement difficile à transformer ».
« Wayne [Shorter] a vu que le rôle des artistes est d’équilibrer la société. Et certaines personnes compareraient cela, dans d’autres sociétés, au rôle du chaman, pour expliquer les choses à la communauté … Alors Wayne parlerait de jouer ou d’ écrire de la musique qui soit le monde que vous voulez voir. Jouez vos rêves ».
« Je pense qu’il n’y a pas de communication qui ne nuise pas du tout à l’environnement, à part celle que nous avons en ce moment. Et même là, nous avons les lumières allumées. Et nous continuons de parler, mais je pense que c’est à peu près aussi faible en carbone que possible. Comme toutes les autres formes de communication, de composition, de création de notation ».
« Je ne suis d’accord avec la notation occidentale en aucun point. Je pense juste que c’est un système désuet, bien qu’encore une fois mon système familial était beaucoup plus désuet. Ma grand-mère était très communicatrice et tout se transmettait oralement. Et donc je donne à mes étudiants la possibilité de faire des choses comme ça, dans des cercles de parole, et des options pour créer de la musique sans partition ou créer de la musique qui ne nécessite pas 300 pages de notation occidentale pour communiquer avec quelqu’un. Je pense qu’en tant qu’artiste, nous devons communiquer ces idées sur le climat ».
« D’où vient votre argent ? Parce qu’ils sont un ensemble basé en Alberta. Et si j’entendais parler de pétrole, je ne voudrais rien avoir à faire avec ça, parce que ce n’est pas durable et cela va complètement à l’encontre de ma théorie. Alors pourquoi abandonnerais-je mon intégrité artistique pour cela. Et je sais que je suis aussi en début de carrière, mais je m’en fiche, je reste sur mes principes. Je pense donc que c’est ce que nous faisons au niveau local ».
“Ce avec quoi j’ai vraiment eu du mal, c’est quel est l’engagement de la musique classique dans l’environnement, au service de la promotion d’un intérêt commun pour la préservation de l’environnement et dans quelle mesure il s’agit de rendre la musique classique pertinente. C’est donc quelque chose avec laquelle je suis aux prises en tant que musicien exécutant de la musique qui a été très liée aux processus de colonialisme. La raison pour laquelle, au Canada, je suis allé dans un conservatoire quand j’étais enfant et que j’ai étudié la musique classique, est en grande partie liée au colonialisme. Et cela est étroitement lié aux dommages environnementaux ».
“Et comme nous sommes tous des artistes ici, le pouvoir que nous avons est le pouvoir émotionnel de la musique, peu importe ce que nous faisons et comment nous le faisons, et à quel point c’est grossier ou non. Mais nous avons le pouvoir d’être des directeurs artistiques, aussi des auditeurs, de grands auditeurs, mais des directeurs artistiques dans le fait de faire de l’art et puis de demander au public composé d’autres musiciens d’étudier ce que nous chantons, jouons et comment nous écoutons cela, et comment cela, espérons-le, nous remplira tous d’espoir et de joie. Pour que nous ayons la force d’agir ».
« Pourquoi aller en Allemagne pour un concert de 100 personnes a plus de valeur que le concert de Brandon pour 100 personnes ? Et je pense que nous devons en quelque sorte changer notre état d’esprit sur les personnes avec lesquelles nous échangeons et avec lesquelles nous communiquons. Et peut-être repenser les valeurs qui y sont associées ».
Rencontre de Vancouver
Date : le 23 mai 2023
Lieu : Canadian Music Centre BC, 837 Davie St, Vancouver, BC V6Z 1B7
Co-diffuseur : Canadian Music Centre BC
La rencontre de Vancouver a été gracieusement organisée par le Centre de musique canadienne, région de la Colombie-Britannique. La Directrice Générale du RCMN, Terri Hron, a ouvert la rencontre et DB Boyko a respectueusement offert une reconnaissance du territoire. Une fois de plus, Terri a donné un aperçu du projet Avenirs éco-responsables, un résumé des rencontres précédentes et quelques détails sur l’événement national à venir. Parmi les participants figuraient de nombreux artistes de Vancouver dont le travail recoupe ou se concentre sur les questions environnementales, ainsi que des représentants des principaux diffuseurs de musique nouvelle. La grande majorité de notre temps a été consacrée à chaque personne, partageant leurs antécédents et leurs principales préoccupations/expériences en matière de durabilité et de résilience.
Les thèmes qui ont été abordés comprenaient :
- Collaboration avec les environnements et les habitats naturels et si et/ou comment les intégrer dans les lieux culturels ;
- La durabilité en tant que pratique holistique, en opposition à la logique de survie. La santé et le repos entrent parfois en conflit avec des loyers exorbitants et la pression d’accepter un travail qui pourrait avoir des aspects moins durables, tels des longs déplacements ;
- Le chagrin et l’anxiété liés au climat peuvent être déprimants. Les problèmes de santé mentale augmentent. Comment pouvons-nous les transformer par la créativité ?
- Comment avancer quand toutes les productions semblent créer autant de déchets ?
- Détricotage et désapprentissage personnel et organisationnel au quotidien ;
- Les pratiques d’écoute comme antidote à la pensée partisane ;
- Comment recadrer les compétences et les pratiques enseignées à partir d’une mentalité coloniale vers quelque chose qui puisse continuer à nous servir ?
- Qu’est-ce que la communauté ? Est-ce que cela existe pour protéger ce que nous avons ou pour encourager à travailler avec moins et à renoncer à l’individuel pour le bien de tous ? Qui est dans la communauté ?
- Se libérer de la logique de rareté et de précarité (par le biais du revenu de base ou du contrôle des loyers) permettra aux gens/artistes d’avoir plus d’espace pour se connecter à leur environnement ;
- Embrasser le local. Partager des ressources : Collecte de fonds centrée sur la communauté ;
- Les conseils des arts consacrent-ils la majorité de leurs ressources à des projets durables (c’est-à-dire les orchestres symphoniques et les compagnies d’opéra) ou pensent-ils pouvoir forcer les grandes organisations actuellement moins durables à améliorer leur empreinte carbone ? Comment créer le dialogue avec eux ?
Commentaires des participant·e·s :
« Depuis que je suis de plus en plus rempli de ce besoin de venir m’engager dans l’urgence climatique et en particulier la destruction de l’habitat sauvage par des sources anthropiques, j’ai en quelque sorte déplacé mon attention maintenant vers l’habitat. Et donc une grande partie du travail que je fais maintenant concerne les habitats locaux tels que les forêts urbaines, et aussi sauvages, voire anciennes. Et cela implique de travailler avec des forêts spécifiques qui se trouvent sur le bloc de coupe. Pour moi, il est vraiment essentiel de gagner un peu plus d’élan pour la préservation des forêts et des arbres, car si nous ne les aidons pas, elles ne nous aideront pas avec le climat. Vous savez donc que les forêts et les arbres sont d’excellents puits de carbone, en plus d’être un habitat incroyable pour la biodiversité. Et nous savons à présent que les forêts de la Colombie-Britannique étaient autrefois des puits de carbone, mais maintenant elles sont en fait des sources de carbone, car il y a eu tellement d’exploitation forestière et particulièrement de coupes à blanc ».
« J’explore quels événements sonores peuvent être créés, soit dans une forêt avec des arbres, donc plutôt une sorte d’approche collaborative, mais ces méthodes peuvent également être adaptées à des situations en intérieur qui nous sont plus familières, comme les galeries et salles de spectacle ».
« La durabilité au sens holistique, dans ma pratique, concerne beaucoup de petites choses, comme avoir un système pour recycler, réutiliser les matériaux, comme créer et partager des choses. Essayez également de penser à la durabilité en termes de santé, que si vous n’avez pas la santé et du repos, du temps et de l’espace, vous ne pouvez pas prendre de décisions qui tiennent compte des résultats ou des effets de vos choix sur d’autres personnes et artistes pour entrer dans une logique de survie. Il est vraiment difficile de considérer les choses au-delà de vous-même, parce que vous vous démenez pour payer le loyer ou pour vous rendre au prochain concert ou pour saisir la prochaine opportunité. Donc, à cet égard, je pense que des conversations comme le revenu universel pourraient donner aux artistes beaucoup de flexibilité dans la conversation sur la durabilité. Je pense que c’est aussi que vous parlez dans une position privilégiée lorsque vous êtes capable, par exemple, de dire non au voyage en avion pour ce concert en festival pour un jour ou deux. Et donc les artistes se retrouvent souvent coincés à saisir des opportunités qui ne fonctionnent pas nécessairement pour nous ».
« J’ai remarqué au fur et à mesure que ma carrière se développait, qu’il m’était plus facile d’avoir des opportunités à l’étranger. Souvent, il est plus facile d’obtenir des concerts à New York ou à San Francisco, à travers le pays, que d’obtenir quelque chose en ville. Et donc je pense qu’il y a encore vraiment un attrait pour les artistes de l’extérieur de la ville. Je suis ravi d’apprendre qu’il pourrait y avoir des changements en termes de festivals et de programmes. Parce que je pense qu’il y a beaucoup de place pour embrasser et explorer ce qu’il y a dans nos communautés avant de faire venir des artistes ».
« Il y a beaucoup d’anxiété climatique, beaucoup de problèmes de santé mentale en ce moment, autour du climat évidemment, et ce qui me saute aux yeux, c’est simplement d’être maman d’un jeune enfant et d’essayer d’imaginer l’avenir ».
« Mon dernier projet comprenait des thèmes environnementaux très forts. Je faisais des recherches sur les baleines et j’associais chagrin climatique et histoires familiales. Beaucoup de l’anxiété et du chagrin liés au climat sont apparus lors de la création de ce projet. Et, bien sûr, c’était super de mettre ça dans un projet, mais à la fin, ça ne finit jamais. Vous pouvez l’exprimer dans un projet, vous pouvez l’explorer, vous pouvez essayer de travailler sur quelque chose, mais je me retrouve à nouveau, dans ces moments, presque paralysé avec ça. Et donc je suis vraiment intéressé en ce moment d’essayer de trouver un moyen de transformer cette anxiété paralysante en action. Parce que c’est là que c’est juste beaucoup plus productif et utile pour tout le monde, et aussi un état d’esprit plus créatif, où c’est plus confortable pour tout le monde et peut réellement créer du changement. Je pense donc que travailler avec les émotions et des choses comme ça, et essayer de changer à la fois personnellement, créativement et organisationnellement, est très utile ».
« Je m’intéresse à la façon de faire avancer les choses dans une organisation, car chaque fois que nous faisons quelque chose, il semble qu’il y ait tellement de gaspillage. Et encore une fois, comment pouvons-nous créer des choses sans utiliser des choses et ajouter une couche au problème ? ».
« Je suis dans cette phase de me défaire de tout ce que j’ai jamais appris. A savoir, je n’arrête pas de dire que mon mot préféré est d’être incertain. Le désapprentissage est vraiment difficile parce que vous devez vous remettre en question chaque jour et cela vous fait vous sentir vivant et c’est déconcertant en même temps, mais je pense que c’est la seule façon de faire des changements, c’est d’être dans cette zone ».
« Ce que je fais principalement dans tous ces domaines, tant personnels qu’institutionnels, c’est d’essayer de favoriser une sorte d’activisme politique qui ne soit pas lié à une position partisane ou à un mode de pensée idéologique, mais plutôt de retrouver, par des pratiques d’écoute, une honnêteté, une communauté, une façon de vivre ensemble. Mais pas seulement en tant qu’humain, mais dans un contexte de perspectives holistiques et éthiques, ce qui est en fait quelque chose que nous apprenons de plus en plus lorsque nous prêtons attention aux philosophies et phénoménologies indigènes. Cela signifie donc qu’au lieu d’émettre une opinion ou une idéologie spécifique, plutôt créer des cadres pour que les gens aient la possibilité d’écouter autrement, d’activer leurs corps et sens sonores par le mouvement, dans un cadre écologique, dans un cadre d’écoute, qui peut être un environnement – et pas nécessairement un environnement naturel – parce que nous savons que nous pouvons apprendre beaucoup de choses n’importe où. Et ce faisant, en créant, espérons-le, une plus grande prise de conscience dans la communauté. Les changements ne peuvent seulement se produire si un plus grand groupe de personnes est synchronisé sur des idées similaires et sensibilisé à la similitude. J’espère que les gens passeront à l’action, que nous passerons à l’action. Nous n’avons pas besoin de discours politique, nous avons besoin d’un mode de vie qui valorise les manières de se reconnecter à soi, où l’humain connaît les humains, les pierres, les plantes, les eaux, etc. Et donc tout cela est très utopique, mais c’est ce vers quoi j’essaie de me connecter, dans tout ce que nous faisons maintenant ».
« La pandémie a été vraiment bénéfique, car en créant beaucoup d’aliénation, elle a démontré le fait qu’en fait nous devons travailler de façons beaucoup plus regroupées autour du partage, car il s’agit de fraternité ou de sororité avec tout et n’importe quoi autour de nous ».
« Tout ce que j’ai fait par le passé, depuis ma jeunesse jusqu’à cette idée de devenir musicien et compositeur, était guidé par une forme de pensée capitaliste. Ce n’est pas guidé par l’idée de se concentrer sur votre être comme une forme d’énergie qui peut être partagée et peut être produite au profit de tout le reste, pas seulement vous-même, mais la communauté dans laquelle vous vivez. Et cette pratique signifie que je dois réinventer toutes les choses que j’ai faites, rejeter le discours esthétique autour de la pratique que je faisais avant et, sans pour autant sacrifier les compétences et les connaissances que j’ai accumulées, réévaluer toutes ces connaissances, techniques et compétences sous un angle différent ».
« Mais il existe d’autres moyens d’emmener les gens en balade, par lesquels ils seront, d’une certaine manière, plus à l’écoute d’eux-mêmes et davantage capables de libérer leur angoisse d’avoir à approuver ou à désapprouver, une fois que les processus sont partagés et que le cadre n’est pas restrictif. Et c’est en fait l’espace commun sur nos terres. Pas même nos terres, les terres et les océans. Et donc je veux favoriser davantage cette activité et il a été inspirant de voir des gens venir sans qu’on leur dise de faire ceci ou cela et de leur permettre de découvrir leur propre chemin dans un espace qui propose du mouvement sonore, des images ou simplement de s’écouter les uns les autres ».
« Une autre chose qui me frappe vraiment est l’accent local. Pour moi, avoir deux enfants, tout juste sortis de l’école, m’a forcé à devenir un artiste vraiment actif localement. Je n’avais pas vraiment les moyens de comprendre comment voyager avec de jeunes enfants. Et donc la majeure partie de ma carrière a été vraiment axée sur le local. Cela a été un peu un obstacle, c’est sûr. Mais il y a aussi un bon côté, à savoir que cette communauté est un endroit si riche. Et aussi mon travail est tellement enraciné dans tout cela, dans cet endroit, cette nature. Et donc c’est une chose merveilleuse quand nous le comprenons ».
« En tant qu’organisation, nous diffusons et veillons à ce que les artistes, les organisations et les compositeurs locaux aient également un rôle majeur dans la façon dont nous structurons nos saisons. Puisque nous parlons d’intersectionnalité et autre, d’un point de vue de la durabilité, l’une des intersections que j’ai remarquées est la tendance actuelle avec les donations et voir comment nous pouvons réellement financer cette activité. Les donations sont en baisse sur tous les dons de bienfaisance au cours des deux dernières années et continueront de baisser à mesure que l’économie change. Comment pouvons-nous nous permettre de continuer de détricoter et remodeler et de faire ce que nous voulons faire et comment nous voulons le faire de manière durable, si nous n’avons pas les fonds pour le faire. A savoir, en tant que développeurs, et c’est l’une des intersections, mais aussi, à travers la collecte de fonds centrée sur la communauté et ses principes directeurs. Je ne me souviens pas de toutes de mémoire, mais l’une des directives principales est qu’il y a suffisamment de fonds pour tout le monde. Pourquoi les garder pour soi, plutôt s’assurer que nous sommes capables de les répartir. Et en tant qu’organisation, nous pouvons dire : ‘Nous vous encourageons également à faire des dons à d’autres organisations’ ».
« Quand vous désassemblez quelque chose au milieu, pouvez-vous appeler cela du rivetage ? Parfois, il faut faire tremper, raccorder la pièce que l’on a défaite et la laisser reprendre forme avant de pouvoir passer à autre chose. Donc, une partie de cela, le tricotage pour revenir à quelque chose d’autre, demande beaucoup de temps, demande beaucoup d’énergie, demande beaucoup de concentration et de vouloir en faire quelque chose d’autre. Et donc je vois beaucoup de positif, juste pouvoir avoir ces conversations, et aussi d’avoir tellement de ces conversations en même temps sur l’idée de durabilité, l’idée de justice, d’égalité, de diversité, d’inclusion et d’accessibilité, mais également la réconciliation et sur l’idée de comment pouvons-nous nous réconcilier ou changer ».
« Le loyer est extrêmement problématique. A présent aussi, principalement la nourriture, l’épicerie, tout. C’est donc un énorme nuage au-dessus de ma communauté ici. C’est un problème. Lorsque ces choses sont en place, qu’il y a de la sécurité, du confort et que les besoins de base sont pris en charge, alors nous pouvons nous-mêmes plus facilement passer plus de temps dans la nature. L’artiste peut être plus connecté à son environnement ».
« J’ai beaucoup réfléchi au climat et à l’éthique de ce que je fais, même à la façon dont mon ego est concerné dans la poursuite de cette carrière. Je pense à l’éthique des tournées. Autant j’aimerais faire à nouveau une tournée en Europe, autant je trouve que c’est une chose épiquement irresponsable. Même une tournée au Canada, un si grand pays. J’aimerais quand même pouvoir faire des allers-retours. Mais encore une fois, je ne sais pas si c’est éthiquement responsable de ma part de continuer. Alors j’y pense tout le temps ».
« En pensant à la collecte de fonds centrée sur la communauté, comment permettre un plus grand recoupement des outils et des ressources dont nous disposons. En pensant à la sécurité de l’artiste : donc pour moi, juste en essayant de survivre, j’ai en fait trouvé assez difficile de gagner assez d’argent et encore une fois, j’ai donné beaucoup de ces stupides concerts supplémentaires, ce qui n’est pas pour me plaire. Mais on m’a fait voyager à Prince George et Kelowna, Kamloops et je me suis dit, pourquoi y a‑t-il tous ces orchestres ? Pourquoi tant d’argent est-il dépensé en frais d’avion ou en payant des musiciens de Vancouver pour se rendre dans ces endroits ? Encore une fois, pourquoi ? Et je comprends que pour les communautés qui vivent dans ces endroits, ce soit aussi autosuffisant ».
« Certains collègues du jury m’ont dit que pour certaines personnes au Canada, Beethoven est un atout pour la culture canadienne. Et si vous regardez le budget de cette année, ce que le conseil dépense pour les orchestres symphoniques et les compagnies d’opéra de cette province, cela représente 85 % du budget de la musique ».
« 20 entreprises dans le monde produisent la majorité de la pollution. Chaque fois qu’elles démolissent une maison à Vancouver, c’est 70 tonnes ou plus de déchets qui vont à la décharge. Si je recycle toute ma vie – ce que je fais – ça n’y changera rien. Il faut un changement plus important que tout le monde faisant qu’une seule et unique chose. Nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant, nous devrions quand même faire cette seule et unique chose. Mais nous devons nous unir et faire pression sur les gros, gros pollueurs, parce que ce sont eux qui vont vraiment pouvoir faire la différence ».
« Nous devons chercher un cadre complètement différent. Je veux dire que nous sommes trop gâtés. Vraiment. Tout le monde ici a utilisé le mot communauté. Super. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’une communauté ? Ce n’est pas seulement parce que vous habitez géographiquement au même endroit qu’il y a une communauté. Et la communauté de la Sunshine Coast est une communauté de gens de classe moyenne pourris gâtés comme moi, qui vont sous la douche et ont la possibilité de changer la température de l’eau selon leur bon vouloir. Une communauté est un endroit où l’on renonce à quelque chose au bénéfice de tous. Renoncer est quelque chose que nous n’avons pas l’habitude de faire, car nous sommes esclaves de cette idée d’acquérir, acquérir, acquérir ou de capitaliser sur ceci, capitaliser sur cela. La générosité est quelque chose que nous pouvons cultiver de plus en plus ».
« Nous détenons toutes les ressources, nous détenons l’or, nous détenons toutes ces choses. Je pense qu’il y a en fait quelque chose de vraiment positif en termes de ce que nous avons comme expérience. Tout le monde dans cette salle l’a. Et comment revenir en arrière et défaire le tricot et toutes ces choses à venir ? Simplement entretenir ce feu et faire de notre mieux. Et alors toutes les autres pièces s’assembleront d’elles-mêmes. Clairement, le réseautage, avec qui vous vous associez, savoir comment commencer à faire bouger les lignes. Je travaille pour la ville, c’est l’endroit le plus prise de tête qu’il y ait. C’est très désenchantant. Mais si je peux simplement continuer à garder le cap … il y a des jours où c’est terrible, mais il y a des jours où c’est super et tu avances. Nous devons porter cette lumière en nous. Et je ne pense vraiment même pas à un niveau spirituel. Nous avons déjà fait notre part. Et maintenant, nous devons nous y remettre. Nous devons juste continuer de persévérer ».
Rencontre de Montréal
Date : le 14 juin 2023
Lieu : Goethe-Institut, 1626 Boul. Saint-Laurent Bureau 100, Montréal, QC H2X 2T1
Co-diffuseur : Groupe Le Vivier
Comme les réunions précédentes, la rencontre était ouverte par notre hôte et collaborateur, cette fois-ci Le Vivier, avec un mot de Gabrielle Blais-Sénéchal. Le RCMN était particulièrement reconnaissant de l’accueil et du travail du Groupe Le Vivier, vu l’incendie qui a dévasté leurs bureaux et lieux de rencontre, et du Goethe Institut, qui nous a offert leur espace pour la rencontre. La Directrice Générale Terri Hron a continué l’introduction avec une reconnaissance territoriale et un court résumé du projet Avenirs écoresponsables, de ces rencontres régionales et de l’événement national à venir. Nous avions deux invitées qui sont venues nous parler des actions et du soutien possible au Québec pour des actions et des transformations éco-responsables : Caroline Voyer, du Conseil québécois des événements éco-responsables, et Christine Dancause et Nathalie Rae, du Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ), qui ont présenté les politiques environnementales et les outils mis en place pour le milieu.
Caroline Voyer, directrice générale du Conseil québécois des événements écoresponsables, a souligné l’importance de calculer son empreinte carbone avant de réaliser un plan d’actions cohérent et adapté. Elle encourage toute entité culturelle à passer par cette étape. Ce calcul est possible notamment par la plateforme Creative Green qui offre aux organismes culturels un outil d’autocontrôle pour la mesure de leur empreinte carbone.
Les représentantes du CALQ, Christine Dancause et Nathaly Rae, ont présenté le programme de partenariat territorial qui permet aux entités culturelles de bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement dans leur plans d’actions, à la fois sur le volet de la production, de la diffusion, de la promotion et de la consolidation.
Nous avons continué la rencontre, surtout ciblée pour les membres du Vivier, avec des échanges qui ont fait émerger des pistes de réflexion dans le secteur des musiques nouvelles et sur lesquelles Le Vivier pourrait travailler. Parmi celles-ci :
- Encourager la slow-creation/slow-production
- Favoriser la notion de “création durable” et multiplier les spectacles en région
- Remettre en question les représentations uniques avec toute la réflexion sur la logistique des salles que cela engendre
- Limiter la croissance à tout prix
- Faire perdurer les œuvres grâce au numérique (mais quel(s) est/sont également le/les impact(s) du numérique sur l’environnement ?)
Commentaires des participant·e·s :
« On se dit souvent dans la programmation qu’on devrait ralentir le rythme, pendant le cycle de création, production, diffusion, parce que là, les organismes sont souvent amenés à garder un rythme intensif ».
« Il y a quelque chose qui me semble à la base très difficile : on est des organismes de création, on doit toujours en faire de nouvelles. Il y a une obsolescence dans notre travail à la base. Une création d’il y a quatre ans n’est plus une création. Il y a des questions à se poser là, sur la création durable. Et puis quand on nous demande de réduire, moi, le mandat de ma compagnie, c’est de créer, de produire. Tous mes efforts sont prêts à essayer de produire davantage, mais je vais devoir réduire les coûts. La façon la plus efficace pour moi de réduire mon empreinte, ce serait de produire moins, c’est sûr ».
« À Montréal, pendant la pandémie il y avait « Quand l’art prend l’air » [programme CAM]. Surtout les enfants, quand on pense à réduire l’énergie, ça fonctionnait essentiellement de manière acoustique. [Des projets] qui peuvent être faits sans équipement, sans infrastructure et modestement, ça ça pourrait être des beaux projets à mettre de l’avant. Qui de créer des beaux partenariats, où ces programmes-là pourraient être diffusés plus régulièrement ».
« L’autre chose c’est aussi la croissance à tout prix. Je pense qu’effectivement on ne doit pas aller dans ce sens-là, c’est justement ce qu’on essaie de freiner dans beaucoup de sphères la société, et surtout dans le domaine culturel, où faire croître l’offre n’est plus une solution. Mais c’est beaucoup plus de rejoindre le public, et notamment on parle de régions ».
« On devrait mettre de l’emphase sur la reprise et la consolidation de ressources ».
« De ce que j’entends de nos besoins en termes de mutualisation par rapport à un souci qui est quand même cadré par l’éco-responsabilité, je pense que Le Vivier peut vraiment être un vecteur important pour ses membres en ce moment-là. Je pense que c’est très important qu’on travaille ensemble ».
« On est en train de travailler sur notre plan numérique. C’est sûr qu’on se demande si le numérique peut aider les œuvres à avoir un plus grand cycle de vie plus long. Il y a beaucoup de membres qui ont fait des projets exceptionnels en salle et aussi en ligne, et qu’est-ce qu’on fait avec ces contenus-là, pour qu’ils continuent à vivre ? Donc là, c’est une vraie réflexion qu’on a à l’interne, la discussion par rapport au data. Comment on archive tout ça et comment on crée un pôle de circulation des œuvres et des artistes ».