Premiers pas en prison

par Hugh Chris Brown

Le pro­gramme Musique en pri­son : pro­fes­sion­nels et déte­nus a été lan­cé en réponse à la sup­pres­sion du pro­gramme des fermes péni­ten­tiaires au Cana­da1 ; il a été conçu dès le départ pour ser­vir une popu­la­tion qui manque de res­sources et qui est aus­si acti­ve­ment marginalisée.

Avec l’expérience, j’ai appris à com­prendre les nom­breux aspects déli­cats du tra­vail avec les déte­nus, et les façons d’éviter les conflits et la politisation.

J’ai aus­si appris qu’il est très avan­ta­geux de créer des outils pour ceux qui sont der­rière les bar­reaux. Votre tra­vail peut avoir un effet mul­ti­pli­ca­teur par le biais de l’apprentissage à accès libre2, et en per­met­tant aux déte­nus de cana­li­ser des éner­gies qui sans cela seraient négli­gées. (Per­met­tez-moi de faire la dis­tinc­tion entre cette der­nière phrase et l’exploitation des déte­nus à des fins de gain de capi­tal, autre­ment dit l’esclavage.) Ce qui nous inté­resse, c’est que des humains déve­loppent des habi­le­tés et une base de connais­sances qui les aident à une plus grande auto­dé­ter­mi­na­tion, et leur per­mettent de faire des choix plus avan­ta­geux pour eux et pour leurs socié­tés, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des institutions.

Com­men­cer le tra­vail en prison

Il est impor­tant de trou­ver une per­sonne res­source fami­lière avec l’institution dans laquelle vous sou­hai­tez tra­vailler. Elle pour­ra vous pro­cu­rer des contacts per­son­nels qui rédui­ront de beau­coup les démarches bureau­cra­tiques. Elle pour­ra aus­si vous conseiller par rap­port aux dif­fé­rentes règles, for­melles et impli­cites, de la culture car­cé­rale. En ayant un men­tor, vous gagne­rez du temps et vous pour­rez diri­ger votre éner­gie là où elle sera le plus utile.

Dans les trois pre­mières ins­ti­tu­tions où nous avons lan­cé le pro­gramme Pro­fes­sion­nels et déte­nus, mes men­tors venaient à chaque fois de sec­teurs dif­fé­rents : res­pec­ti­ve­ment l’aumônerie, un gar­dien et un char­gé de pro­gramme. Une fois que le pro­gramme a pris son élan, nous avons pu éta­blir une rela­tion avec le bureau du Sous-com­mis­saire régio­nal, ce qui s’est avé­ré ines­ti­mable. Ce bureau nous aide actuel­le­ment à éta­blir des rela­tions avec des inter­lo­cu­teurs plus éloi­gnés et à pla­ni­fier une exten­sion du pro­gramme au-delà de notre sec­teur géographique.

Com­men­cez en dou­ceur et ne jugez jamais la taille du groupe avec lequel vous tra­vaillez. Vous ver­rez que la par­ti­ci­pa­tion est fluc­tuante, et que votre pré­sence peut s’avérer signi­fi­ca­tive là où vous vous y atten­dez le moins. Cer­tains jours, per­sonne n’est venu, un an plus tard nous avons eu des audi­to­riums pleins, puis de nou­veau des jours sans per­sonne… L’important est votre propre constance. Il y a beau­coup de contin­gences en pri­son. Faites quelque chose de non-contin­gent, et je vous garan­tis que vous aurez un effet posi­tif sur l’environnement.

Acti­ver un poten­tiel de durabilité

Votre pro­jet concerne peut-être un évé­ne­ment iso­lé, ou un nombre défi­ni d’ateliers. Pou­vez-vous ima­gi­ner de quelles façons vos éner­gies pour­raient être repro­duites et culti­vées par les par­ti­ci­pants ? Dans le cas du pro­gramme de musique, le fait d’enregistrer a per­mis que le tra­vail se pour­suive indé­pen­dam­ment de la pré­sence phy­sique d’un men­tor. En fait, j’ai obser­vé que le savoir aug­men­tait expo­nen­tiel­le­ment quand il était par­ta­gé de déte­nu à déte­nu, et j’imagine que cela est vrai pour la plu­part des acti­vi­tés. Cela four­ni­ra aus­si une pla­te­forme pour bâtir une rela­tion et ins­tau­rer la confiance, au-delà des spé­ci­fi­ci­tés tech­niques de votre tra­vail. Par­ta­gez tou­jours vos idées, encou­ra­gez tou­jours les contri­bu­tions et les rétro­ac­tions. Lais­sez les par­ti­ci­pants prendre la res­pon­sa­bi­li­té du tra­vail : il sera pro­té­gé et s’enrichira.