Rapport Avenirs éco-responsables 2024

Titre Avenirs écoresponsables en lettres déssinées

Le CNMN remer­cie FACTOR, le gou­ver­ne­ment du Cana­da et les radio­dif­fu­seurs pri­vés cana­diens pour leur sou­tien financier.

Le RCMN tient à remer­cier le fes­ti­val Long­sha­dow pour sa géné­reuse hos­pi­ta­li­té et pour l’aide appor­tée à la réa­li­sa­tion de cette conversation.

Cette conver­sa­tion a eu lieu le 9 juin 2024 au stu­dio de Carment Bra­den, à Yellowknife.

Raphaël Foi­sy-Cou­ture, direc­teur géné­ral actuel du RCMN, a ouvert cette conver­sa­tion en recon­nais­sant qu’elle avait lieu sur le ter­ri­toire du chef Dry­geese, dans le Trai­té no 8, la terre tra­di­tion­nelle des Dénés de Yel­lowk­nives et le domi­cile des Métis de North Slave et du peuple Tłı̨chǫ.

Foi­sy-Cou­ture a éga­le­ment pris le temps de remer­cier et de féli­ci­ter l’é­quipe et les artistes de Long­sha­dow pour le soin artis­tique et le res­pect qu’iels ont appor­tés à la réa­li­sa­tion de ce fes­ti­val et pour avoir per­mis au RCMN d’y contri­buer. Foi­sy-Cou­ture a éga­le­ment pris le temps de remer­cier ses hôtes Rob Elo, Nai­ma Jutha et Forest pour l’a­voir accueilli dans leur mai­son ; et d’ex­pri­mer une énorme gra­ti­tude à Car­men Bra­den sans qui la pré­sence du CNMN n’au­rait pas été pos­sible. Toustes les par­ti­ci­pants ont éga­le­ment pris un moment pour se pré­sen­ter en cercle au groupe.

Cette conver­sa­tion a com­por­té de brèves inter­ven­tions sur l’in­cu­ba­teur musi­cal cana­dien de la part de Rob Elo, ain­si que des inter­ven­tions de Robert Uchi­da et du Gar­neau Strings Quar­tet en tant que contri­bu­teu­rices invité.e.s. Elle était ani­mée par Raphaël Foi­sy-Cou­ture en tan­dem avec Car­men Bra­den, codi­rec­trice artis­tique de Long­sha­dow. Hor­mis cer­taines  inter­ven­tions spé­ci­fiques des modérateur.rice.s et des intervenant.e.s invité.e.s, les contri­bu­tions de toustes les participant.e.s sont anonymes.

Plu­sieurs artistes et musicien.ne.s ayant par­ti­ci­pé au fes­ti­val de musique Long­sha­dow ain­si que de nombreux.euses musicien.ne.s et travailleur.euse.s artis­tiques locaux ont assis­té à cette conver­sa­tion. Nous les remer­cions pour leur géné­reuse contribution.

Afin de mieux expo­ser les réa­li­tés et les dyna­miques à l’œuvre dans le domaine de la musique créa­tive et de la pra­tique du son à Yel­lowk­nife et dans les Ter­ri­toires du Nord-Ouest, et pour célé­brer la pre­mière conver­sa­tion du RCMN dans la région, ce rap­port com­prend une trans­crip­tion détaillée de la dis­cus­sion qui a eu lieu. Les modi­fi­ca­tions appor­tées ont pour seul objec­tif de faci­li­ter la lec­ture et la compréhension.

Thèmes abordés lors de la conversation

Contexte et défis à Yellowknife

  • Le carac­tère unique de Yel­lowk­nife sur les plans géo­gra­phique, éco­no­mique et artistique
  • Le manque d’in­fra­struc­ture artis­tique et les dif­fi­cul­tés d’accès au financement
  • Les défis des musicien.ne.s du Nord : iso­le­ment, frais de dépla­ce­ment et manque de lieux de diffusion

Dura­bi­li­té et déve­lop­pe­ment dans la musique

  • Déve­lop­pe­ment durable et péren­ni­té structurelle
  • Équi­libre entre l’empreinte car­bone des tour­nées et l’en­ri­chis­se­ment local
  • L’impact éco­no­mique et social des petits évé­ne­ments axés sur la communauté

Com­mu­nau­té et collaboration

  • L’importance de construire des rela­tions au sein de la com­mu­nau­té artistique.
  • Le rôle des fes­ti­vals et des orga­ni­sa­tions dans la pro­mo­tion et la collaboration
  • Pos­si­bi­li­tés inter­cul­tu­relles et inter­gé­né­ra­tion­nelles au sein des pra­tiques musicales

Enga­ge­ment des jeunes et éducation

  • La Néces­si­té de l’éducation musi­cale dans les écoles
  • L’im­por­tance de lieux acces­sibles pour les jeunes musicien.ne.s
  • Les pos­si­bi­li­tés de favo­ri­ser rapi­de­ment des ren­contres avec la musique et le spectacle

Obs­tacles au déve­lop­pe­ment de la car­rière des artistes nordiques

  • Accès limi­té aux res­sources telles que les sub­ven­tions et les gérant.e.s d’artiste
  • Manque d’op­por­tu­ni­tés de repré­sen­ta­tions locales et de sou­tien aux tournées
  • Dif­fi­cul­tés à s’o­rien­ter dans les sys­tèmes de sub­ven­tions et dans l’in­dus­trie de la musique

Sen­si­bi­li­sa­tion et politique

  • Res­pon­sa­bi­li­té des gou­ver­ne­ments et des entre­prises dans le sou­tien aux arts
  • Pos­si­bi­li­tés de tirer par­ti du carac­tère cultu­rel unique de Yellowknife
  • Appels à l’a­mé­lio­ra­tion des infra­struc­tures et au mécé­nat d’entreprise

Expé­riences de l’in­cu­ba­teur musi­cal cana­dien  (IMC)

  • Réflexions sur la valeur du pro­gramme pour le déve­lop­pe­ment professionnel
  • Réflexions sur les rede­vances, les droits d’auteurs et l’im­por­tance d’être à jour sur ces enjeux
  • Défis liés aux médias sociaux, à l’au­to-pro­mo­tion et à la crois­sance indi­vi­duelle dans l’industrie

La SOCAN et les licences musicales

  • L’importance de s’ins­crire auprès de la SOCAN et de com­prendre ses droits
  • Rôles et res­pon­sa­bi­li­tés des artistes et des salles en matière de licences et de redevances
  • Mesures pra­tiques à prendre par les musicien.ne.s pour pro­té­ger leur pro­prié­té intellectuelle

Iden­ti­té cultu­relle et diver­si­té en musique

  • Inté­gra­tion des tra­di­tions cultu­relles dénées, métisses, inuites et de la diver­si­té cultu­relle dans la scène musicale
  • Pos­si­bi­li­tés d’é­changes cultu­rels et de collaboration.
  • Embras­ser la diver­si­té pour créer une com­mu­nau­té artis­tique uni­fiée et distinctive

Approches DIY et musique expérimentale

  • Pers­pec­tives offertes par les pra­tiques de musique expé­ri­men­tale et indépendante
  • Construire des lieux alter­na­tifs et encou­ra­ger les com­mu­nau­tés à la racine
  • Élar­gir l’ac­cès aux formes non tra­di­tion­nelles de créa­tion musicale

Impact éco­no­mique et social de la musique

  • Recherche sur les effets éco­no­miques mul­ti­pli­ca­teurs de la musique communautaire
  • Com­pa­rai­son avec des modèles inter­na­tio­naux tels que Reyk­ja­vik et Daw­son City
  • La musique comme acti­vi­té éco­no­mique à faible consom­ma­tion avec un poten­tiel de croissance

Réflexions sur le fes­ti­val et expé­riences des artistes

  • Expé­riences de col­la­bo­ra­tion pen­dant le fes­ti­val Longshadow.
  • Déve­lop­pe­ment per­son­nel, ins­pi­ra­tion et appren­tis­sage mutuel entre les participant.e.s.
  • Épa­nouis­se­ment émo­tion­nel et créa­tif grâce à la créa­tion musi­cale collective.

Ques­tion d’ou­ver­ture de Raphaël Foisy-Couture : 

- Je vais donc poser une pre­mière ques­tion pour ouvrir la dis­cus­sion et nous pour­rons ensuite en dis­cu­ter ensemble:« Com­ment les orga­ni­sa­tions musi­cales et sonores peuvent-elles sou­te­nir le tra­vail artis­tique et les ini­tia­tives qui pro­meuvent une plus grande sen­si­bi­li­sa­tion aux ques­tions cli­ma­tiques et s’en­gagent dans la créa­tion d’un monde plus sain ? Je sais qu’il s’a­git déjà d’une ques­tion assez vaste. Je répon­drai d’a­bord qu’en tant qu’or­ga­ni­sa­tion, c’est quelque chose que nous avons essayé de faire en orga­ni­sant ces ren­contres. Tout d’a­bord, en y réflé­chis­sant, mais aus­si en nous enga­geant de plus en plus dans des ini­tia­tives com­mu­nau­taires qui par­tagent aus­si, je pense, beau­coup de res­sources et s’en­gagent à rele­ver les défis de cette pers­pec­tive. Je pense que c’est per­son­nel­le­ment ce que j’ai beau­coup remar­qué ici. J’ai été éton­né par le par­tage des res­sources et par la façon dont tout le monde semble avoir un esprit de col­la­bo­ra­tion. Iels sont capables de faire des choses qui ne seraient pro­ba­ble­ment pas pos­sibles s’iels espé­raient les faire seuls ou d’une manière plus tra­di­tion­nelle ou com­mer­ciale. Cela m’a beau­coup ins­pi­ré. Si quel­qu’un veut par­ta­ger quelque chose sur la situa­tion par­ti­cu­liè­re­ment, très rare, de Yel­lowk­nife, je serais heu­reux d’en savoir plus. 

-  Vous deman­dez com­ment uti­li­ser la musique pour pro­mou­voir des choses comme la sen­si­bi­li­sa­tion à l’en­vi­ron­ne­ment et ce genre de choses. Est-ce le but de la question ? 

–Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Ça peut l’être

- Et c’est aus­si une par­tie de la ques­tion : est-ce que ça doit être expli­cite dans la musique ou peut-être que c’est plus au niveau de l’or­ga­ni­sa­tion ou de la façon dont nous nous orga­ni­sons collectivement ?

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Si vous pen­sez que cela doit être plus dans la musique, c’est quelque chose de très pré­cieux et inté­res­sant et je serais heu­reux de vous entendre en dire plus à ce sujet. 

- Je n’y avais pas pen­sé aupa­ra­vant, mais la pre­mière chose qui m’est venue à l’es­prit lorsque vous avez posé la ques­tion, c’est quelque chose comme Folk on the Rocks, le fes­ti­val de musique qui a lieu ici chaque année. La pré­sence d’une orga­ni­sa­tion [trai­tant des ques­tions de cli­mat, de sen­si­bi­li­sa­tion à l’en­vi­ron­ne­ment et de rési­lience] au fes­ti­val, que ce soit sur scène ou dans l’un des kiosques ou quelque chose comme ça. Et pro­fi­ter de ce genre d’oc­ca­sion pour inter­agir avec les gens et pro­mou­voir les objec­tifs de l’or­ga­ni­sa­tion de cette manière. Ce serait une idée en tout cas. Juste une petite idée. Et peut-être même […] dire quelque chose au NACC (Nor­thern Arts and Cultu­ral Cen­ter).

- C’est ce que j’al­lais dire.

- Oui, donc peut-être avoir un pan­neau d’af­fi­chage ou un kiosque d’une sorte ou d’une autre lors des grandes repré­sen­ta­tions au NACC, quelque chose comme ça.

- J’ai l’im­pres­sion que ce qui me vient tout de suite à l’es­prit, c’est quel­qu’un qui n’est pas ici, comme Munya Man­da­rus. Les vidéos qu’il réa­lise lui-même et celles qu’il a faites pour Long­sha­dow, les évé­ne­ments que nous orga­ni­sons ici… Je sup­pose que Long­sha­dow était plus en salle, mais les vidéos qu’il filme de sa musique, c’est de la musique afri­caine, qui vient de notre envi­ron­ne­ment, dans le pay­sage de Yel­lowk­nife. Et le fait d’a­voir une orga­ni­sa­tion comme la vôtre qui peut par­ta­ger ce genre de choses.  Et Folk on the Rocks […] pré­sente des artistes qui s’en­gagent dans notre pay­sage et notre com­mu­nau­té. Et sim­ple­ment […] sen­si­bi­li­ser le pays à la beau­té dont nous sommes entou­rés ici et à la com­mu­nau­té que nous avons ici, qu’elle soit artis­tique ou autre. Je pense que c’est vrai­ment bien. C’est créer plus d’art, essen­tiel­le­ment, qui a à voir avec la com­mu­nau­té. […]  Les chan­sons que Ryan McCord écrit, […] vous savez, la musique folk. C’est de la bonne musique folk, mais elle parle de Yel­lowk­nife en par­ti­cu­lier. Des visuels qui montrent ce qu’est Yel­lowk­nife et le fait d’a­voir quel­qu’un comme le Réseau cana­dien pour les musiques nou­velles pour par­ta­ger cela avec le reste du Cana­da. J’es­père que c’est une source d’ins­pi­ra­tion qui peut tou­cher le reste du pays, je sup­pose. Par exemple :«  Voi­là une com­mu­nau­té qui tra­vaille et inter­agit vrai­ment avec son envi­ron­ne­ment naturel ! ».

- Je pense qu’il s’a­git éga­le­ment d’un moyen d’ai­der les musicien.ne.s à avoir une idée claire de la manière dont, com­ment décrire cela ? […] Des moyens d’o­rien­ter l’ac­ti­visme des gens pour faire pres­sion sur le gou­ver­ne­ment au sein de l’in­dus­trie de la musique afin qu’il s’at­taque à des pro­blèmes tels que la conso­li­da­tion de l’in­dus­trie de la musique autour de spec­tacles gigan­tesques et à forte empreinte car­bone. C’est ce que nous consta­tons aux États-Unis, ici et dans d’autres pays dans une moindre mesure : les grands four­nis­seurs de billets étouffent les petites salles de concert et orientent l’in­dus­trie musi­cale vers des spec­tacles et des sys­tèmes de tour­née coû­teux et pol­luant, qui excluent un grand nombre de musicien.ne.s. […] Je ne sais pas vrai­ment quel est l’im­pact éco­no­mique glo­bal sur le sec­teur de la musique. Il serait très inté­res­sant de finan­cer des recherches sur ce point pré­cis, afin de déter­mi­ner dans quelle mesure les per­sonnes qui envi­sagent de faire car­rière dans les arts du spec­tacle […] comptent sur cette par­tie de l’in­dus­trie qui dépend de ces très grands spec­tacles pour entrer dans ce sec­teur. Et que pou­vons-nous faire en tant qu’ac­ti­vistes, que peut faire le gou­ver­ne­ment en tant que déci­deurs poli­tiques pour y remé­dier un peu ? […] C’est peut-être un peu sec, mais c’est une sorte de pré­oc­cu­pa­tion pra­tique sur la façon dont nous pour­rions, en tant que musicien.ne.s, faire pres­sion pour une indus­trie plus carboneutre.

- [Au départ], j’a­vais pen­sé à mini­mi­ser l’im­pact car­bone des musicien.ne.s qui se déplacent, aux vols et à d’autres choses de ce genre. Mais j’ai pris un virage à 180 degrés et je me suis ren­du compte qu’en fai­sant venir quatre musicien.ne.s, toute la com­mu­nau­té pou­vait vivre un moment cultu­rel enri­chis­sant ; ain­si, une cen­taine de per­sonnes n’a­vaient plus à se dépla­cer. Comme Yel­lowk­nife est iso­lée, je pense que plus nous pour­rons offrir de grandes pos­si­bi­li­tés d’en­ri­chis­se­ment cultu­relles à cette com­mu­nau­té, moins les gens auront envie de se rendre ailleurs pour un festival. 

- Il serait for­mi­dable de finan­cer des recherches sur les impacts éco­no­miques de ce que vous décri­vez. Quel est l’im­pact de ces évé­ne­ments plus petits et plus intimes qui sont ren­dus pos­sibles par les petites salles indé­pen­dantes par rap­port à ce dont vous par­lez, une cen­taine de per­sonnes qui se déplacent pour aller voir un grand spec­tacle où le billet coûte 200 ou 300 dollars. 

- Ce que [les gens] conti­nue­ront à faire parce que c’est génial, mais peut-être moins sou­vent si et parce que nous avons plus de choses à faire ici. […] Il est pro­ba­ble­ment plus éco­no­mique d’a­me­ner l’ac­tion ici.

-  Parce que nous étions ici, nous avons pu aller dans des écoles de petites com­mu­nau­tés à l’ex­té­rieur de Yel­lowk­nife et jouer pour des gens qui, autre­ment, n’au­raient pro­ba­ble­ment pas envi­sa­gé de prendre l’a­vion pour Edmon­ton. […] J’i­ma­gine qu’une fois qu’iels sont ici (les artistes), vous vou­lez vous assu­rer de les ame­ner dans des endroits où les gens peuvent entendre des choses dif­fé­rentes dans leur propre envi­ron­ne­ment… Vous ame­nez l’ar­tiste sur place.

- Je pense qu’il est éga­le­ment très utile que ces petits groupes viennent pré­sen­ter des spec­tacles intimes et inter­agir avec les gens d’i­ci, car je me sou­viens de la pre­mière fois que j’ai vu, et j’ai gran­di dans une région où il y avait beau­coup de violoneux.euses, un qua­tuor à cordes com­plet, c’é­tait au fes­ti­val open sky de Fort Simp­son, qui est très petit ;  tel­le­ment bon ! Ils font des choses vrai­ment cool ! Et j’é­tais jeune enfant et j’ai vu ça pour la pre­mière fois et ça m’a immé­dia­te­ment inté­res­sé. C’est à par­tir de là que j’en suis arri­vé là (à étu­dier la com­po­si­tion et à jouer). C’est pour­quoi [appor­ter] ces expé­riences à des com­mu­nau­tés qui n’en ont pas vrai­ment l’oc­ca­sion est une très bonne façon de les ins­pi­rer. Et puis, dix ans plus tard, vous avez ce groupe de jeunes musicien.ne.s, compositeur.rice.s, inter­prètes dans la com­mu­nau­té qui font des choses, ce qui est aus­si une très bonne façon d’en parler.

- Cela m’a­mène à réflé­chir à une chose à laquelle je pen­sais éga­le­ment. Il y a d’autres fes­ti­vals ici dans les Ter­ri­toires du Nord-Ouest, dans les petites com­mu­nau­tés, comme l’O­pen Sky. Il y en avait un à Fort Smith, le Friend­ship Fes­ti­val ; il y a le Great Nor­thern Music Fes­ti­val à Inuvik ; il y a eu pen­dant un cer­tain temps le Mid­way Lake Fes­ti­val au milieu de nulle part, près de Fort McPher­son… Ces fes­ti­vals pour­raient éga­le­ment béné­fi­cier d’un sou­tien. Il est très impor­tant de conser­ver ce que nous avons ici. Ces autres petits fes­ti­vals ont aus­si leur impor­tance. Tu par­lais de l’ef­fet et de l’in­fluence que cela a eu sur toi, cela pour­rait être (influent) pour d’autres per­sonnes là-bas aus­si. Ce n’est pas seule­ment ici à Yel­lowk­nife, mais aus­si dans d’autres endroits, qu’il y a des gens qui s’in­té­ressent aux ques­tions dont nous par­lons ici.

- L’é­co­no­mie des TNO (Ter­ri­toires du Nord-Ouest) est énor­mé­ment basée sur les res­sources, ou du moins c’est ce qui est pro­mu par le gou­ver­ne­ment, mais ils parlent aus­si de la diver­si­fi­ca­tion de l’é­co­no­mie et de la musique dans son ensemble, qui uti­lise très peu de res­sources, n’est-ce pas ? Ain­si, sur le plan envi­ron­ne­men­tal, à l’exception de ces grands fes­ti­vals, il s’a­git pour l’es­sen­tiel d’un mode de vie non consom­ma­teur et nous devrions le pro­mou­voir davan­tage et le célé­brer beau­coup plus dans notre éco­no­mie. Je veux dire que ce (grand) nombre de per­sonnes qui gagnent au moins une par­tie de leur vie avec la musique est énorme et consomme tel­le­ment moins que les autres types de choses et d’ac­ti­vi­tés éco­no­miques que l’on pro­meut habi­tuel­le­ment ici.

- C’est un point très impor­tant, et tu l’as très bien for­mu­lé. Faire ce que nous pou­vons pour aider les gens à faire car­rière dans les arts du spec­tacle. Je pense que nous nous heur­tons peut-être ici à des obs­tacles que les gens ne ren­contrent pas ailleurs. J’ai gran­di dans une ville de taille moyenne, à envi­ron une heure de Londres (Royaume-Uni), où la scène musi­cale était flo­ris­sante. Les pos­si­bi­li­tés d’ex­pé­ri­men­ter la musique et les choses (cultu­relles) étaient illi­mi­tées. On dit aux gens que faire car­rière dans les arts du spec­tacle est un peu fan­tai­siste, alors qu’en réa­li­té, nous consta­tons par­tout dans le monde que le sec­teur des arts du spec­tacle est un sec­teur extrê­me­ment impor­tant sur le plan éco­no­mique et qu’il offre des emplois inté­res­sants. Plus nous aidons les gens à pour­suivre ces emplois, moins ils risquent de se retrou­ver dans des emplois de type plus consomp­tif et consom­ma­tif.. C’est un point très important.

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : Mer­ci beau­coup pour ces réponses.

- Je vou­drais éga­le­ment dire quelque chose à pro­pos de cette ques­tion. Je me sou­viens qu’en 2017, j’é­tais à Mont­réal et l’un de mes cou­sins était ici. Il vou­lait que je vienne lui rendre visite. Mais j’ai par­lé à certain.e.s de mes amis.e.. J’ai dit que j’al­lais quit­ter Mont­réal pour aller à Yel­lowk­nife. Beau­coup de gens, presque tous, même moi, ne savaient pas où c’é­tait exac­te­ment. Et d’a­bord, je suis fran­co­phone, mais je vais essayer de don­ner mon idée en anglais, mais ça ne va pas être facile pour moi (rire). 

En par­lant de musique, je pense que la musique peut vrai­ment être une chose qui peut aider une com­mu­nau­té comme Yel­lowk­nife et puis avoir de la valeur, être sous les feux de la rampe. Mais je me demande si le gou­ver­ne­ment a un plan pour uti­li­ser les musicien.ne.s, l’in­dus­trie de la musique, pour aider à don­ner cette valeur, pour mettre Yel­lowk­nife sur le devant de la scène. Car si les musicien.ne.s com­mencent à par­ler de Yel­lowk­nife, à faire des clips vidéo qui valo­risent cet espace, à mon­trer la terre dans leurs vidéos. Ces vidéos pour­raient être vues par­tout dans le monde […] La musique pour­rait encou­ra­ger les tou­ristes à venir, mais aus­si aider Yel­lowk­nife et les Ter­ri­toires du Nord-Ouest à faire par­ler d’eux. Je ne sais pas, mais par­fois j’ai l’im­pres­sion que beau­coup de gens veulent aider, mais ne veulent pas aller sur le ter­rain pour culti­ver quelque chose, ou aider quel­qu’un à même le sol pour les aider à se lever. Iels attendent juste que la per­sonne essaie de s’é­le­ver toute seule, et quand elle se lève, ensuite vont vers [elle] pour dire : « d’ac­cord, main­te­nant je veux t’accompagner. » […].

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : J’au­rais une autre ques­tion que beau­coup de gens ont sou­le­vée. Quels outils et quel sou­tien des orga­ni­sa­tions comme la mienne, mais aus­si au niveau natio­nal, d’autres orga­ni­sa­tions musi­cales ou des orga­ni­sa­tions gou­ver­ne­men­tales pour­raient-elles appor­ter pour conti­nuer à offrir un sou­tien et à assu­rer la per­ti­nence et la via­bi­li­té du sec­teur de la musique, et qu’est-ce qui serait rai­son­nable ou qu’est-ce que vous consi­dé­re­riez comme radical ? 

-  En termes de sou­tien gou­ver­ne­men­tal, les Ter­ri­toires du Nord-Ouest donnent l’impression d’a­voir vingt ans de retard sur tous les autres. En ce qui me concerne, l’une des plus grandes dif­fi­cul­tés que je ren­contre actuel­le­ment est qu’il m’est très dif­fi­cile de pour­suivre une car­rière à Yel­lowk­nife, alors je voyage beau­coup. Je recon­nais que j’ai ce pri­vi­lège, mais c’est comme si je ne pou­vais pas vrai­ment [faire autre­ment]… Je le fais à ce stade de ma car­rière pour me faire connaître dans plus d’en­droits et, dans cer­tains cas, je subis une perte et ne gagne même pas d’argent en allant à Cal­ga­ry, ou Edmon­ton, ou ailleurs pour faire ces choses. J’ai contac­té le gou­ver­ne­ment […] pour savoir où en est le sou­tien aux tour­nées pour les musicien.ne.s des TNO. Je n’aime pas vrai­ment faire cela. 

Je n’aime pas vrai­ment faire cela parce que j’ai l’im­pres­sion de croire que des choses me sont dues, mais en même temps, je suis déjà confron­té à ces obs­tacles : Je suis plus loin dans le pays que tout le monde, j’ai des coûts sup­plé­men­taires, et mes autres homo­logues du Nord ont beau­coup plus de fonds et de sou­tien pour pou­voir le faire. Je pense donc qu’une orga­ni­sa­tion (comme le RCNM) et d’autres pour­raient nous aider à faire pres­sion sur le gou­ver­ne­ment : «  Hé ! Pour rendre cela acces­sible à certain.e.s musicien.ne.s nor­diques très talentueux.euses. nous devons…» . Il y a tel­le­ment de talent qui sort des TNO en ce moment. Pas seule­ment en musique, mais aus­si en écri­ture. C’est assez fou. J’ai l’im­pres­sion que nous avons encore beau­coup d’obs­tacles à sur­mon­ter pour atteindre les mar­chés aux­quels nous devons accé­der pour nous faire une place sur la scène. Quelle que soit la scène dans laquelle vous vous trou­vez. J’ai quit­té une car­rière d’en­sei­gnant à plein temps juste avant COVID. 

- Outch ! (Rires du groupe)

- Cela fait quatre ans que je m’a­charne sur cette ques­tion, ce qui, je le sais, n’est rien com­pa­ré à beau­coup d’autres per­sonnes, et c’est juste pour avoir un sou­tien sup­plé­men­taire de la part d’autres per­sonnes qui ont les moyens de faire des recherches. (…) Et il y a des recherches sur ce dont vous par­lez, je ne me sou­viens plus de qui c’é­tait, […] mais iels ont spé­ci­fi­que­ment étu­dié l’im­pact de la musique autoch­tones et des pre­mières nations sur les com­mu­nau­tés et les béné­fices éco­no­miques (voir le lien au bas de la page) et j’ai sor­ti ça et je l’ai mis dans des plans d’af­faires et d’autres choses, mais des recherches plus solides sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en géné­ral, je pense que ça aide­rait les musicien.ne.s à vrai­ment […]. | Je pense qu’une recherche plus solide sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en géné­ral aide­rait les musicien.ne.s à vrai­ment prou­ver leur valeur et leur uti­li­té si nous devons la jus­ti­fier en termes de résul­tats, ce qui est sou­vent le cas en termes de finan­ce­ment et de sou­tien gouvernemental.

- Nous devons tou­jours le faire (les gens acquiescent).

-Ce n’est pas comme si les gens étaient : « Oh, créez votre art, nous n’at­ten­dons rien ». Il serait donc pro­ba­ble­ment utile de faire pres­sion pour ren­for­cer cette voix et de mener des recherches. 

- Il y avait du sup­port par le Nor­thern Per­for­mers Grant. Je pense qu’il s’a­gis­sait d’un excellent pro­gramme. […] Ça n’existe plus. Je ne sais pas pour­quoi. Il n’y a pas moins d’argent, mais il y a eu toute une trans­for­ma­tion du finan­ce­ment de l’art que nous sommes toustes en train d’ap­prendre à connaître. En gros, il y a les petites, les moyennes et les grandes demandes. Pour une grande demande, il faut être une socié­té et c’est cent mille dol­lars, mais ce n’est pas pour le tra­vail indi­vi­duel. Pour une petite demande, c’est cinq mille dol­lars, que nous pour­rions pro­ba­ble­ment toustes obte­nir, mais c’est seule­ment une fois par an. Et cela ne fonc­tionne pas pour quelqu’un.e qui a besoin de quit­ter 3–4‑5 fois par an pour faire une tour­née. Ensuite, vous vous adres­sez au Conseil des arts du Cana­da et à FACTOR, ce qui est bien, mais vous atten­dez la moi­tié d’une année en croi­sant les doigts pour que cela se concré­tise ou vous allez devoir vous endet­ter pour faire cette tour­née. C’est difficile.

-  Et elles ne sont pas très acces­sibles (les sub­ven­tions). Cela peut paraître bizarre, mais je me consi­dère comme une per­sonne assez édu­quée, sou­te­nue par mon père entre­pre­neur-colo­ni­sa­teur qui m’aide à navi­guer dans le sys­tème colo­nial de demande de sub­ven­tions et de tout ce qui s’y rat­tache. Je vois beau­coup de gens talentueux.ses qui ne peuvent tout sim­ple­ment pas navi­guer dans ce sys­tème. Je suis ici en train de me cogner la tête contre le mur et j’ai beau­coup de res­sources der­rière moi. C’est triste de voir que des gens très talentueux.ses. ne peuvent pas obte­nir (la sub­ven­tion). Je pense que nous fai­sons peut-être un meilleur tra­vail à Yel­lowk­nife, mais je pense que des com­mu­nau­tés sont oubliées.

- Je vais uti­li­ser un gros mot, je suis déso­lé et je m’excuse devant tout le monde : « Et si tu avais un.e gérant.e ? » Qui s’oc­cupe de la pape­rasse, du défri­chage, de l’ex­ca­va­tion, etc. à ta place ?

- Cela fait quatre ans que j’es­saie de trou­ver un.e gérant.e ! […] Dans le Nord… Avant qu’un.e. mana­ger ne vous prenne, iel veut être sûr que vous allez lui rap­por­ter assez d’argent pour lui don­ner son 10 à 15 %. Vous devez d’a­bord le prou­ver par vous-même. Avec de l’aide et des rela­tions, j’ai essayé d’ap­pro­cher de grands noms, mais aus­si de petits noms. Ils m’ont don­né des conseils.  Les conseils : Je dois amé­lio­rer mes pro­fils dans les médias sociaux. – Ce que je déteste ! Ce n’est pas ain­si que je veux inter­agir avec le monde. – Et d’être essen­tiel­le­ment plus connu. Il faut un trem­plin et nous ne l’a­vons pas pour l’ins­tant. Et c’est ce que les orga­ni­sa­tions peuvent faire, à mon avis, en plai­dant pour ce tremplin.

- Ça marche, oui.

(Les participant.e.s dis­cutent de leurs expé­riences spé­ci­fiques en matière de demande de sub­ven­tion pour des pro­jets à petites échelles dans les Ter­ri­toires du Nord-Ouest)

- Mon expé­rience est bonne. Par exemple, si vous vou­lez faire un nou­vel album, vous devez faire une demande. Il faut comp­ter entre 15 000 et 20 000 dol­lars pour faire un album aujourd’­hui. Je ne pense pas que ce soit un mon­tant éle­vé, vrai­ment pas. Si vous l’ob­te­nez, on vous donne géné­ra­le­ment la moi­tié de cette somme. Ce qui est très frus­trant. Je com­prends, j’ai par­lé aux employé.e.s et iels font ça parce qu’iels veulent que plus d’argent aille à plus de gens, ce qui est juste et bien. Mais en tant que musicien.ne., vous devez faire le tour et essayer de trou­ver d’autres per­sonnes qui sont prêtes à inves­tir dans ce pro­jet. C’est le tra­vail d’un musicien.ne je suppose. 

Je pense donc qu’il existe un sou­tien aux petits pro­jets, ce que nous avons réus­si à faire dans de nom­breux sec­teurs. Le sec­teur ciné­ma­to­gra­phique, par exemple, est très bon lors­qu’il s’a­git d’of­frir une for­ma­tion pro­fes­sion­nelle aux débutant.e.s et de la rendre acces­sible. Mais il faut atteindre un cer­tain stade […] Il y a tel­le­ment d’obs­tacles à l’ac­cès et à des­cendre vers le sud. Alors on part en tour­née et je n’ai pas par­ti­cu­liè­re­ment envie de pas­ser autant de temps à l’ex­té­rieur… mais j’en ai besoin. Et c’est dif­fi­cile. Et je n’ai pas d’en­fants. À part mon amour pour Yel­lowk­nife et ma mai­son, je n’ai pas autant de choses qui me retiennent ici que bien des gens, alors j’ai moins d’obs­tacles que bien des gens, je crois.

- Je pense que le revers de la médaille est de savoir com­ment, en tant qu’ar­tistes, nous nous frayons un che­min sur le grand mar­ché plus vaste au sud mais en ce qui concerne la ques­tion de la péren­ni­té, il s’a­git de savoir com­ment nous pou­vons, une fois de plus, faire venir plus d’ar­tistes ici pour ins­pi­rer la créa­tion ici ? Nous pou­vons donc faire des pre­mières par­ties des gens, ça on peut le faire. Je sais que j’ai pro­ba­ble­ment eu cette conver­sa­tion avec de nom­breuses per­sonnes dans cette salle. Nous sommes confron­tés à un vrai pro­blème à Yel­lowk­nife, celui de ne pas avoir de salle de spec­tacle autre que le NACC (The Nor­thern Arts and Cultu­ral Centre), qui est conçu pour offrir un type d’ex­pé­rience artis­tique très spé­ci­fique. Ce centre est génial, il faut le dire. Mais il n’y a pas de places debout, pour dan­ser, pour les genres de diver­tis­se­ments qui ne sont pas des­ti­nés à ce type d’installation.

- Sur­tout si vous avez moins de 19 ans (les gens acquiescent). Je me sou­viens avoir assis­té à la chose la plus ridi­cule qui soit. Un groupe de musique était rejoint par son bat­teur. Le bat­teur avait dix-sept ans et devait être escor­té jus­qu’à la scène par l’agent de sécu­ri­té. L’agent de sécu­ri­té a atten­du près de la scène jus­qu’à la fin du concert, puis a escor­té le pauvre jeune gar­çon jus­qu’à la sor­tie. C’est une énor­mi­té pour moi. Les per­sonnes qui envi­sagent une car­rière dans les arts du spec­tacle n’ont rien vécu pen­dant ces années de for­ma­tion, entre 14 et 19 ans. C’est au cours de ces années que j’ai com­men­cé à jouer dans les cir­cuits de tour­née et à assu­rer la pre­mière par­tie de grands groupes, etc. C’est une chose fon­da­men­tale que d’ac­qué­rir cette expé­rience. C’est à ce moment-là que l’on est expo­sé à l’in­dus­trie, que l’on voit com­ment elle fonc­tionne, que l’on voit com­ment les concerts sont orga­ni­sés, que l’on ren­contre des organisateur.rice.s, des res­pon­sables de la vente de mar­chan­dise, d’autres musicien.ne.s, tout ce genre de choses. Il n’y a rien de tel pour les jeunes ici, à l’ex­cep­tion de Folk on the Rocks, et je pense que c’est dû au manque d’es­paces phy­siques. Mais il se peut que je sois extrê­me­ment par­tial à cet égard.

- C’est aus­si une période où il est plus accep­table d’é­chouer ; quand on est jeune. 

- Abso­lu­ment

- Main­te­nant, j’ar­rive à la tren­taine et j’ap­prends toutes ces choses et les gens s’at­tendent à plus de per­fec­tion, mais je me demande com­ment diable je suis cen­sé savoir com­ment faire cela si je ne l’ai jamais fait comme ça auparavant.

- C’est là que les salles indé­pen­dantes acces­sibles doivent inter­ve­nir. Il y avait un pub dans ma ville natale où nous jouions. Quand mon groupe avait qua­torze ans. C’é­tait 2 dol­lars le billet, on gar­dait un dol­lar pour chaque billet ven­du et ensuite le pub se fai­sait de l’argent avec les bars et d’autres choses, mais le niveau d’entrée était inexis­tant. On était vrai­ment nuls (tout le monde rit) mais on fai­sait venir une cin­quan­taine d’étudiant.e.s qui s’amusaient et on appre­nait tel­le­ment de choses en fai­sant ça. Nous étions un groupe de métal et nous avons ouvert pour Napalm Death. C’é­tait une expé­rience impor­tante ! On peut voir des groupes pro­fes­sion­nels, c’est une expé­rience tel­le­ment impor­tante pour le développement.

- Je dirais que nous avons l’autre visage de cette même pièce, la façon dont les grandes orga­ni­sa­tions artis­tiques pour­raient poten­tiel­le­ment aider à sou­te­nir plus d’ar­tistes venant ici et plus d’ar­tistes à aller dans le Sud, c’est avec plus [de sou­tien aux lieux]. Mais avant de pou­voir mettre en place un pro­gramme d’é­change, nous avons besoin de plus d’es­pace phy­sique. L’ob­jec­tif final étant de créer une com­mu­nau­té musi­cale plus rési­liente, l’un des moyens serait d’a­voir des échanges bien éta­blis. Des échanges d’ar­tistes en rési­dence où nous pour­rions envoyer des gens d’i­ci dans le Sud et en échange nous pour­rions faire venir des artistes de là-bas. Je pense qu’il serait très utile de faire cela et d’a­voir des orga­ni­sa­tions artis­tiques plus impor­tantes comme le CAC (Conseil des arts du Cana­da) ou le RCNM qui aide­raient à créer les infra­struc­tures néces­saires à ce type d’échanges.

- À ce pro­pos, l’une des choses que j’ai trou­vées les plus utiles dans cette idée de construire des rela­tions entre le sud et au sein de notre com­mu­nau­té est cette attente d’être inté­gré dans la com­mu­nau­té, d’être humble et de reve­nir. Si je regarde les per­sonnes qui sont reve­nues plu­sieurs fois, je leur ai dit : « Je ne vous lais­se­rai pas tom­ber », mais l’i­dée que les gens viennent et repartent une fois, c’est bien et cela apporte un petit élan d’éner­gie, mais ce n’est pas durable. Si vous vou­lez com­men­cer à nouer des rela­tions avec des gens, je pense que l’une des choses les plus fortes que vous puis­siez faire dès le départ est de leur dire pour com­bien de temps vous êtes inves­ti. Est-ce que c’est pour une seule fois ? Et si c’est le cas, quelle en est la valeur ? Il peut y avoir une valeur énorme, mais je pense qu’il y a une valeur plus longue et plus pro­fonde dans la dura­bi­li­té ; dans la construc­tion de rap­ports où les gens reviennent, ou vous allez là-bas. Ensuite, cela se construit, se recons­truit et se déve­loppe encore davantage..

- Je pense aus­si qu’il y a des pré­cé­dents à cette attrac­tion pour ici, n’est-ce pas ? Je pense à Desi­rée Daw­son qui est venue pour une rési­dence à Folk [on the Rocks], et qui depuis, de son propre chef, est venue deux fois de plus parce qu’elle aime cet endroit, ce que je trouve plu­tôt cool. Il y a un pré­cé­dent qui sug­gère qu’une fois que les gens sont là, ils se disent : « Oh, nous pour­rions reve­nir encore… ».

- C’est quelque chose que nous pour­rions tous faire, nous devrions avoir une petite orga­ni­sa­tion infor­melle qui couvre d’a­mour les musicien.ne.s en visite.

(Tout le monde rit)

- Tout le monde est si gen­til ici

- Nous fai­sons du bon tra­vail dans ce domaine ! 

(L’au­di­toire approuve)

- Car­men Bra­den : Je veux dire qu’avec les gens pré­sents ici [dans la salle]|. Il y a déjà beau­coup de liens avec Edmon­ton ici. Nous venons d’ac­cueillir quatre artistes d’Ed­mon­ton. Les gens vont à l’é­cole là-bas. Vous pas­sez du temp à Edmon­ton, vous êtes comme le groupe de reprises de musique clas­sique (en plai­san­tant sur le qua­tuor à cordes Gar­neau). C’est ain­si que j’ap­pelle l’[orchestre sym­pho­nique]  (rires du public). Pour moi, c’est une petite graine qui peut pousser.

-  Je pense que les artistes […] [nous fai­sons] un assez bon tra­vail pour faire venir des artistes du Nord par le biais de dif­fé­rentes rési­dences, mais pas néces­sai­re­ment quand il s’agît d’envoyer des artistes d’ici dans d’autres rési­dences… Le simple fait de par­ti­ci­per aux rési­dences Folk on the Rocks, Mo Ken­ney, est venue ici, nous avons fait des spec­tacles ; c’était le même pro­gramme que Dési­rée Daw­son, et je me suis dit : « C’est cool et je suis vrai­ment heureux.se de ren­con­trer quel­qu’un, de col­la­bo­rer et de faire toutes ces choses, mais ce serait cool si je pou­vais aus­si aller là-bas ». Le finan­ce­ment n’est pas pré­vu pour cela, et je pense que ce serait une vraie réci­pro­ci­té. Yel­lowk­nife attire beau­coup de monde parce qu’elle est iso­lée, c’est une par­tie du Cana­da que beau­coup de gens ne connaissent pas, et nous par­ve­nons très bien [à atti­rer les artistes]. Mais je pense qu’en termes de réci­pro­ci­té, il est éga­le­ment impor­tant que nous fas­sions connaître nos musicien.ne.s dans le reste du Canada.

- Je pense que les musicien.ne.s de Yel­lowk­nife, des Ter­ri­toires du Nord-Ouest, et du Nord en géné­ral, ont tou­jours une telle ori­gi­na­li­té dans l’art qu’ils créent, je pense à Lee­la Gil­day, à Miran­da Cur­rie et à beau­coup de gens qui ont com­men­cé dans le Nord et y sont res­tés, nous avons une approche un peu dif­fé­rente de la musique et aus­si sim­ple­ment grâce à notre lien avec le Nord… J’ai l’im­pres­sion que nous envoyer dans le Sud pour aller par­ler aux musicien.ne.s du Sud et inter­agir avec les gens serait très pré­cieux autant pour nous que pour elleux, car c’est un point de vue très unique que nous avons.

Cette par­tie de la dis­cus­sion a été ani­mée par Rob Elo, qui a fait part de son expé­rience de par­ti­ci­pa­tion à l’in­cu­ba­teur musi­cal canadien

-Rob Elo : J’ai par­ti­ci­pé au pro­gramme de l’incubateur musi­cal cana­dien à Toron­to, c’est là que j’ai posé ma can­di­da­ture pour par­ti­ci­per à ce pro­gramme où l’on prend des musicien.ne.s de tout le pays. Il s’a­git essen­tiel­le­ment d’un cours de cinq semaines sur la façon d’être un.e musicien.ne dans le monde moderne, d’ex­plo­rer toutes les pos­si­bi­li­tés de gagner de l’argent et d’ap­prendre à connaître tous les types de per­sonnes, producteur.rice.s, ingénieur.e.s, co-auteur.rice.s, coachs, vidéo­graphes et toustes cel­leux avec qui il faut tra­vailler. Com­ment tra­vailler avec ces per­sonnes et apprendre qui elles sont, ou du moins qui elles sont dans la com­mu­nau­té toron­toise. C’é­tait une expé­rience vrai­ment cool d’al­ler là-bas et de faire ça, et tout le monde dans ce pro­gramme […], com­men­cé il y a envi­ron douze ans, par une per­sonne qui est un ancien cadre de Sony et qui s’est dit : « Je veux aider les jeunes musicien.ne.s, je veux donner […] ».

- J’ai éga­le­ment sui­vi le pro­gramme. J’é­tais à Cal­ga­ry l’an­née dernière.

- Rob Elo : J’ai­me­rais savoir com­ment cela s’est pas­sé pour toi. Ce que j’en ai pen­sé, c’est que c’é­tait génial et que tout le monde là-bas vou­lait vrai­ment aider. Nous sommes très loin d’el­leux mais cela m’a vrai­ment aidé à les rejoindre. Tu y es allé ?

- Oui, je suis allé à Cal­ga­ry, au Bell Stu­dio, pen­dant cinq semaines.

- Rob Elo : Oh, c’est vrai ! Tu devrais abso­lu­ment en par­ler aus­si ! Mon expé­rience m’a beau­coup appris sur les droits et les rede­vances que je peux obte­nir ; elle m’a don­né beau­coup de res­sources pour du conte­nu. J’ai fil­mé des vidéos de per­for­mances en direct, j’ai fait des séances de pho­tos, j’ai fait des séances d’é­cri­ture col­la­bo­ra­tive avec des gens. J’ai noué de nom­breuses rela­tions. Et toustes les par­ti­ci­pants au pro­gramme m’ont dit d’appeler à tout moment si jamais […] tout le monde avait l’air très enthou­siaste à pro­pos de Yel­lowk­nife. C’est ce qui m’a fait dire que je venais de Yel­lowk­nife. Je suis un poseur. (Tout le monde rit) Je ne suis pas comme vous autres, mais main­te­nant j’ai fait de Yel­lowk­nife ma mai­son, et je suis tel­le­ment exci­té d’être ici et de tra­vailler avec tout le monde. Mais je suis arri­vé ici il y a seule­ment deux ans. Certain.es d’entre vous sont donc de vrais habitant.e.s de Yel­lowk­nife. Je pense que le reste du Cana­da est très enthou­siaste à chaque fois que vous men­tion­nez Yel­lowk­nife. « Oh mon Dieu ! ». Je tavaillais avec ce pro­duc­teur. Il m’a dit : « d’où viens-tu exac­te­ment ? » Et je lui ai mon­tré sur la carte où se trouve Yel­lowk­nife. Il m’a dit : « Oh la la ! ». Mais j’ai trou­vé…, et j’ai­me­rais que tout le monde, en par­ti­cu­lier les per­sonnes qui ont sui­vi le pro­gramme, si vous pen­sez que l’on pour­rait uti­li­ser quelque chose comme cela ici ? 

Ce qu’il y a de bien avec ce pro­gramme, c’est qu’il vous donne toutes ces infor­ma­tions sur les droits et les rede­vances, tous ces contacts, ces listes de per­sonnes, ces listes de sub­ven­tions que vous pou­vez deman­der, ou ce que les gens […] qui sont au cœur de l’in­dus­trie, qui tra­vaillent avec les prix Juno et qui sont affi­liés à… Iels sont  par­tout, et encore une fois, iels se déplacent dans tout le pays pour don­ner ce genre d’a­te­liers. Pas encore à Yel­lowk­nife, mais peut-être… Tout a été conden­sé, et vous avez un dos­sier conte­nant tous les contacts, les sub­ven­tions et les orga­ni­sa­tions. Voi­ci toutes les orga­ni­sa­tions. Voi­ci un plan que vous pou­vez suivre, où vous pou­vez prendre ce que vous vou­lez, trou­ver votre direc­tion. Parce qu’en tant que musicien.ne.s, je trouve que ce n’est pas comme :« Qu’est ce que vous faites ? Oh, vous vou­lez être musicien.ne. D’ac­cord ? C’est comme ci. Comme ça. »  Non ! Ça peut être fou. Ça peut être n’im­porte quoi, et ça peut chan­ger à tout moment, en fonc­tion de ce que vous vou­lez et de la situa­tion dans laquelle vous vous trou­vez. Et j’ai l’im­pres­sion qu’iels l’ont com­pris. Vous avez des entre­tiens indi­vi­duels avec des gens qui vous disent :« D’ac­cord, voi­ci ce que vous vou­lez faire. Voi­ci les per­sonnes que vous vou­lez rencontrer ».

- Ques­tion rapide : vous nous deman­dez direc­te­ment s’il serait judi­cieux d’in­vi­ter cette même orga­ni­sa­tion ? Pour orga­ni­ser une semaine d’activité à Yellowknife ?

- Rob Elo : Oui.

- D’a­près votre expé­rience, et pour reve­nir à la ques­tion de l’in­fra­struc­ture, pen­sez-vous qu’un tel pro­gramme peut fonc­tion­ner avec l’in­fra­struc­ture actuelle de Yellowknife ?

- Rob Elo : Je pense qu’une ver­sion de ce pro­gramme peut, oui, […] Je pense que tout ce que vous dites, c’est que nous avons besoin de plus de lieux. Nous avons besoin de plus de sou­tien pour les lieux et pour avoir cette sorte de dyna­misme qu’une ville devrait avoir, et où vous pou­vez aller dans beau­coup d’en­droits. Et oui, il y a un café génial où il y a de la musique folk toutes les semaines. Et oui, il y a une atmo­sphère de bar. Et oui, il y a une salle ouverte à toustes où les enfants qui s’in­té­ressent à n’im­porte quel type de musique peuvent orga­ni­ser leurs propres spec­tacles et faire venir leurs ami.e.s sans se faire escor­ter par la sécu­ri­té. En ce qui concerne l’in­cu­ba­teur musi­cal cana­dien, je suis arri­vé à une époque plu­tôt cool, parce qu’avant  c’était situé à l’ex­té­rieur de Toron­to, dans une sorte d’es­pace clos où tout était fait à l’in­terne. C’é­tait donc dix ans avant que je com­mence le pro­gramme. Je suis arri­vé la dou­zième année, et pen­dant dix ans, tout a été fait à l’ex­té­rieur de la ville. Il y avait un stu­dio d’en­re­gis­tre­ment. Il y avait des salles de confé­rence, des salles d’é­cri­ture et tout le reste. Iels ont donc fait venir tout le monde et iels ont pu faire toutes ces choses à l’in­té­rieur, et c’é­tait génial. 

Mais l’une des choses que j’ai le plus reti­rées du pro­gramme, c’est qu’il a été dépla­cé en plein centre-ville. Le bureau cen­tral n’a­vait pas encore été mis en place. L’une des choses que nous devions faire était donc de par­cou­rir la ville pour nous rendre dans les dif­fé­rents lieux qui accueillaient les évé­ne­ments. Nous sommes allés dans des stu­dios de musique locaux et nous avons tra­vaillé avec des producteur.rices.s locaux.ales. Nous sommes allés dans des lieux pour réa­li­ser ma vidéo en direct. Nous sommes allés dans un lieu où il y avait des spec­tacles live, et qui était éga­le­ment équi­pé pour faire un enre­gis­tre­ment vidéo en direct… Ain­si, vous n’a­vez pas seule­ment l’ex­pé­rience de tra­vailler avec tous ces gens et de faire toutes ces choses. Vous vous retrou­vés dans la ville. Et je pense que cela pour­rait être utile : « Voi­là ce qu’est Yel­lowk­nife ! ».  Évi­dem­ment, en amé­lio­ra­tion constante, avec l’es­poir de trou­ver de nou­velles salles et de nou­veaux endroits pour le faire. Mais si un pro­gramme de ce genre voyait le jour, nous pour­rions peut-être l’or­ga­ni­ser à dif­fé­rents endroits, à Yel­lowk­nife, et faire en sorte que des musicien.ne.s d’ici, jeunes, à n’im­porte quel stade de leur car­rière musi­cale, fassent des choses à dif­fé­rents endroits et voient com­ment cela pour­rait fonc­tion­ner. Quel­qu’un a‑t-il une opi­nion à ce sujet ?

- Il y a quatre ans, quel­qu’un a orga­ni­sé un ate­lier de deux jours avec l’IMC, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? J’ai une pho­to… (Les gens rient)

- Ce que j’ai appré­cié, c’est qu’il y avait des gens qui connais­saient bien les réa­li­tés du Nord, n’est-ce pas ? Et puis il y a des gens qui connaissent bien, et qui sont très com­pé­tents, en ce qui concerne les affaires de l’in­dus­trie musi­cale cana­dienne, les rede­vances et toutes ces choses. Et je pense qu’é­vi­dem­ment […] ce qui me pré­oc­cupe, ce sont les tour­nées, d’ac­cord ? J’ad­mets que per­sonne d’autre ne s’en pré­oc­cupe (les gens rient). On m’a dit […] « tu peux aller à FACTOR, tu peux faire ceci, tu peux faire cela ». D’ac­cord, si je veux aller dans les com­mu­nau­tés de Cal­ga­ry, c’est comme ça qu’il faut faire. Mais si je veux faire une tour­née nor­dique dans les TNO., la logis­tique et tout ce qui s’y rat­tache sont presque impos­sibles, à moins de s’as­so­cier au NACC. […] Avoir un hybride, une sorte d’IMC, et puis des gens qui ont vrai­ment […] beau­coup de connais­sances sur, vous savez, les sub­ven­tions et le finan­ce­ment. […] Il s’a­git donc d’un hybride entre l’in­dus­trie musi­cale et les réa­li­tés du Nord. Mais il y a aus­si les réa­li­tés du Nord qui, à mon avis, ne sont pas prises en compte lorsque nous nous tour­nons vers le Sud. 

-Bien sûr, oui

- Quand vous par­lez de tour­nées, vous par­lez de tour­nées dans le Nord ou dans le Sud. Les deux, oui ? 

- J’ai­me­rais bien faire une tour­née des écoles du Nord, par exemple, dans toutes les dif­fé­rentes com­mu­nau­tés, parce que je pense que la musique que je fais pour les enfants est, vous savez… C’est une musique autoch­tone du Nord en par­ti­cu­lier. Pour­quoi ne vou­drais-je pas trans­mettre ce mes­sage aux éco­liers, n’est-ce pas ? Et puis, il faut aus­si l’ap­por­ter aux [réserves] et à d’autres endroits dans le sud et ailleurs. J’ai­me­rais aus­si jouer dans des théâtres à places assises. J’ai­me­rais aus­si jouer… Je veux connaître toute la gamme […] com­ment faire pour que cela se pro­duise sans agent.e., parce que je n’en ai pas.

- Bien sûr, bien sûr.

-  Eh bien, oui, j’ai presque l’im­pres­sion que […], même en voyant tout le monde ici main­te­nant, nous pour­rions presque avoir les res­sources néces­saires. Mettre les res­sources en com­mun. Parce que je sais que cer­taines per­sonnes ici connaissent le Nord… En tout cas, [les gens] ont été for­mi­dables, comme tou­jours, en par­ta­geant des infor­ma­tions sur les sub­ven­tions que nous pou­vons deman­der, sur ce à quoi elles servent. […] Vous avez beau­coup d’in­for­ma­tions à ce sujet, sur les dif­fé­rents endroits autour de Yel­lowk­nife, où l’on peut orga­ni­ser des spec­tacles de ce genre. Cer­taines per­sonnes ont cette infor­ma­tion. Ce serait bien d’a­voir cela… l’IMC  avait tout ça dans un joli petit paquet. Et nous n’a­vons pas néces­sai­re­ment besoin que l’IMC le fasse pour nous, mais si nous pou­vions d’une manière ou d’une autre ral­lier les troupes et avoir cette sorte de chose acces­sible, vous savez, peut-être sous la forme d’un programme.

- Je pense que l’hy­bride est […] oui, ces deux choses sont cool.

- Quel était le nom de ce programme ?

- Rob Elo : L’in­cu­ba­teur musi­cale canadien

- La musique cana­dienne, l’œuf à par­tir duquel vous éclo­sez,  faire éclore de la nou­velle musique. 

- Rob Elo : C’est vrai, oui (rires du public). J’ai l’im­pres­sion que… Je n’ai pas encore l’im­pres­sion d’a­voir com­plè­te­ment éclos, avez-vous une expé­rience du programme ?

-  J’é­tais super enthou­siaste à l’i­dée d’y par­ti­ci­per […]. Quand j’y suis allée, je me suis dit : « Ok, c’est le bon tuyau. Voi­là les rela­tions que je dois éta­blir, les choses que je dois faire pour arri­ver là où je veux arri­ver. […] J’y ai accor­dé beau­coup d’importance. 

- Oui.

- C’est un excellent pro­gramme […] et j’ai noué de nom­breux contacts. Je pense que ce que j’ai rete­nu, c’est que j’ai eu une petite crise exis­ten­tielle à mon retour, pour vous dire la véri­té, parce que […] les gens qui étaient dans ce pro­gramme ont tra­cé très clai­re­ment un cer­tain che­min vers la réus­site et mon che­min […] est très dif­fé­rent de ce qui était tra­cé comme ce che­min vers la réus­site. Et, je veux dire, c’est juste moi en tant que per­sonne. J’aime faire des choses dif­fi­ciles. (Tout le monde rit).

- C’est vrai. Iels aiment vrai­ment… vous savez, iels sont comme « les médias sociaux ! ». Donc si vous n’é­tiez pas sur les médias sociaux…

- C’est ce que j’ai fait après y être allé, j’é­tais sur Face­book, et j’ai embau­ché une per­sonne char­gée des médias par la suite, et main­te­nant je suis sur Tik­Tok et Ins­ta­gram […]. Nous avons créé du conte­nu sur un calen­drier, en le publiant chaque semaine, nous étions capables de créer ce conte­nu six mois à l’a­vance. Iels m’ont donc ensei­gné beau­coup de com­pé­tences de cette manière. […] et c’est à moi de pour­suivre dans cette voie, ce que je ne fais pas vrai­ment. […] Je vais juste être très hon­nête, parce que je pense que c’est impor­tant, et je pense que nous avons toustes ces pen­sées. Je me suis dit : « Wow ! Je ne suis pas aus­si bon.ne que la plu­part des autres participant.e.s au pro­gramme […], iels ont vrai­ment du talent ! » […] iels ont aus­si, […] la plu­part d’entre elleux, je pense, une cer­taine appa­rence pour être vrai­ment com­mer­cia­li­sables là-bas. Et je ne res­semble pas à ça. Ce n’est pas moi. Et j’en suis res­sor­tie avec un sen­ti­ment de : « Oh, mon Dieu, est-ce que je fais ce qu’il faut ? ».  Et je pense que nous sommes toustes confronté.e.s à cette situa­tion, c’est pour­quoi je tiens à la par­ta­ger. Nous avons toustes des doutes quelque part. 

- Tout à fait.

- Et puis […] j’ai eu l’im­pres­sion que ma voix n’é­tait pas assez bonne. Je n’a­vais pas le bon look, et mes médias sociaux étaient nuls. C’est ce que j’ai appris en sor­tant de ce pro­gramme. Mais c’é­tait vrai­ment génial, parce que per­sonne d’autre ne m’au­rait dit ça.

- Oui, c’est vrai. (Tout le monde rit)

- L’é­té der­nier, j’ai pas­sé l’é­té à Van­cou­ver, où j’ai pris des cours de chant pri­vés auprès d’un.e. professeur.e. […] Vous savez : « Ok, je vais amé­lio­rer ma voix ». J’y suis allée et […] J’en ai appris davan­tage sur les médias sociaux, et je suis tou­jours aus­si nulle. Je pré­fé­re­rais confier cette tâche.

- Tota­le­ment

- 100%

 – J’ai pas­sé l’hi­ver à écrire deux albums, un nou­vel [album pour] enfants et un nou­vel [album pour] adultes […]. Par­ler aux gens de ce pro­gramme, ouais, ça m’a vrai­ment aidé. Par­ler avec des gens de ce pro­gramme, oui, a été très utile : « Hé, qu’est-ce que vous en pen­sez ? ». Et avoir une vraie cri­tique, une cri­tique artis­tique du tra­vail des gens, c’est très utile aus­si. Il n’est pas néces­saire de suivre ce pro­gramme pour cela, mais c’est ce qui s’est pas­sé. Il m’a per­mis de m’ef­fon­drer pour me reconstruire.

- Rob Elo : Oui, j’ai res­sen­ti la même chose. Et je me sens comme […], ce, vous savez, cette conver­sa­tion, ou ce moment, vous par­lez ici à vous tous. J’é­tais comme : « Ok, je l’ai en quelque sorte struc­tu­ré ». Et, bien sûr, ce n’est pas du tout ce que je pen­sais, mais je pense que l’un de mes grands thèmes était la direc­tion musi­cale et l’intention. C’est la rai­son pour laquelle j’ai sui­vi le pro­gramme au départ, j’é­tais comme : « Ok, quelle est ma direc­tion ? ». J’ai pas­sé tel­le­ment de temps à jouer dans des groupes, à jouer avec d’autres per­sonnes, à faire par­tie d’un groupe, ce que j’a­dore, et je le fais tou­jours, et c’est la meilleure chose qui soit, mais je vou­lais vrai­ment avoir une direc­tion musi­cale pour moi-même. J’a­vais envie de prendre un peu les rênes, et je ne savais pas exac­te­ment com­ment faire, et c’é­tait presque une alter­na­tive à l’é­du­ca­tion for­melle, qui est tou­jours géniale et valable. Mais c’é­tait quelque chose comme […] « ok, tu veux être musi­cien et essayer une sorte d’al­ter­na­tive, écrire ta propre musique qui est comme, pop ou cen­trée sur le rock et en faire quelque chose. ». C’é­tait cool, mais ça m’a défi­ni­ti­ve­ment rame­né à cet endroit où je me suis dit : « Oh… ». C’é­tait génial, parce que tout le monde dans le pro­gramme était un peu dans cet espace, même sou­vent. Cer­taines per­sonnes étaient for­mi­dables. D’autres me disaient : « Oh, mon Dieu, tu es si doué ! ». 

Et puis d’autres per­sonnes […] peut-être que je n’ai pas autant vibré avec leur musique, mais tout le monde avait ce sen­ti­ment : « Qu’est-ce qu’on est ? Dans quelle direc­tion allons-nous ? Et j’ai l’im­pres­sion que tout le monde a fait une sorte de bilan. Le mien s’est fait dans la per­for­mance, et c’est pour­quoi c’est si cool […] parce que j’ai réa­li­sé que je jouais beau­coup de reprises, et que je jouais beau­coup dans des groupes. J’aime la musique que je joue dans les groupes, et j’aime jouer des reprises, tenir le rythme et des choses comme ça. Et je me suis ren­du compte que nous avions plu­sieurs per­for­mances à faire, ce qui est, je pense, une bonne chose pour tout le monde ; nous avions des per­for­mances à faire devant toute l’é­quipe. Nous avions la vidéo de la per­for­mance en direct, nous avons repro­duit un contexte de concert vitrine à la fin, où tout le monde a fait un set. Et je me suis ren­du compte qu’il n’y avait que moi qui jouais en solo. J’ai fait de la musique d’am­biance pen­dant si long­temps […]. Je ne sais pas ce que ça fait d’être juste moi en train de le faire, de mon­ter un spec­tacle. Je me suis ren­du compte que je n’ai­mais pas ma musique telle que je la jouais, [la façon dont] je la jouais pour les gens. […] C’é­tait ma propre révé­la­tion. Et j’é­tais comme : « Oh mon Dieu ! ». C’est un coach qui m’a dit que […] il fal­lait trou­ver ce que l’on aimait vrai­ment, et que cela pou­vait ensuite être res­sen­ti par les gens […]. Le pro­gramme m’a en quelque sorte aidé à remar­quer où, que ce soit parce qu’on m’a dit, ce que je devais décou­vrir par moi-même. […] Je me suis tel­le­ment impré­gné de toustes ces musicien.ne.s, de toustes ces per­sonnes dif­fé­rentes, de ce sur quoi je devais tra­vailler, de ce que je vou­lais faire et de l’en­droit où je vou­lais aller.  […] Et j’ai res­sen­ti du déses­poir à cer­tains égards, mais c’é­tait bon. cela m’a conduit à…

- À l’in­cu­ba­teur de musique cana­dienne et du déses­poir ! (Tout le monde rit)

- Exac­te­ment, l’in­cu­ba­teur du désespoir !

(les gens rient plus fort)

- Je pense que si je devais offrir quelque chose aux gens du groupe, c’est que c’est ce qui est res­sor­ti de tout cela pour moi aus­si. […] J’ai beau­coup tra­vaillé avec [plu­sieurs per­sonnes] pour affi­ner ce que je vou­lais que ma musique soit et trou­ver […] J’ai pen­sé à cela comme à un énon­cé de thèse, parce que je fais des trucs pour enfants et des trucs pour adultes, n’est-ce pas ? […] Par exemple pour moi : « Oh, je crée un conte­nu autoch­tone nor­dique authen­tique qui est acces­sible aux enfants et aux familles » […] et essayer de dire aux gens quel genre de musique on joue, n’est-ce pas ? C’est tou­jours très dif­fi­cile. Mais si vous pou­vez avoir quelque chose de solide et de suc­cinct autour de cela, il faut beau­coup de tra­vail de fond pour entrer en vous-même en tant que musicien.ne et être comme : « De quoi s’a­git-il ? Qu’est-ce que je veux faire ? « . Et puis il y a cette phrase. Je pense que si chaque per­sonne dans cette pièce avait cette idée, nous serions toustes de meilleur.e.s musicien.ne.s.

- Oui, oui.

- Rob Elo : […] J’ai appris beau­coup de choses dans le cadre du pro­gramme, mais les dif­fé­rents orga­nismes de droits auprès des­quels vous pou­vez enre­gis­trer votre musique ori­gi­nale, et toutes les dif­fé­rentes sources de finan­ce­ment pos­sibles, [c’est] vrai­ment impor­tant main­te­nant de les mémo­ri­ser (en plai­san­tant). Tout le monde a enten­du par­ler de la SOCAN, n’est-ce pas ?

- Pas tout le monde.

Rob Elo : La SOCAN est une orga­ni­sa­tion où vous pou­vez enre­gis­trer votre musique et rece­voir des rede­vances. Vous rece­vez des paie­ments tri­mes­triels chaque fois que votre musique est jouée. […] vous pou­vez être payé lorsque votre musique est jouée et dif­fu­sée d’une manière que vous savez, pas seule­ment votre édi­teur (publi­sher), votre édi­teur (publi­sher) de musique vous don­ne­ra. Mais en fait, l’IMC m’a fait com­prendre que j’ou­bliais tou­jours de m’ins­crire à la SOCAN. […] J’ai joué dans beau­coup de groupes quand j’é­tais jeune, et nous n’a­vions jamais de compte à la SOCAN […] Nous étions juste comme : « c’est un truc mys­té­rieux dont je ne veux pas me pré­oc­cu­per ». Mais tu peux aller sur le site de la SOCAN, tu peux t’ins­crire, et tout ce que tu as écrit, tout ce que tu as fait avec d’autres groupes, tu peux mettre toute ta musique là-dedans, et à chaque fois que cette musique est jouée ou uti­li­sée, tu seras payé pour ça.  Et l’une des choses qui a été mar­te­lée à ce sujet, c’est qu’on ne sait jamais quand ces choses vont se pro­duire, où votre musique peut être uti­li­sée ou jouée, et si vous n’êtes pas bien orga­ni­sé, vous allez vous en mordre les doigts si vous n’êtes pas payé. […] L’une des choses que je ne sais pas, c’est si quel­qu’un d’autre ici joue dans des pro­jets comme des groupes, […] des scé­na­rios où il y a des par­tages ? […] Qui reçoit quoi ?

- Oui, je pense que c’est l’une des choses les plus impor­tantes, qu’il s’a­gisse de tra­vailler avec des groupes ou de jouer dans un groupe, c’est que cette dis­cus­sion ait lieu le plus tôt pos­sible pour des rai­sons de trans­pa­rence. Si quelque chose rap­porte beau­coup d’argent, il faut s’as­su­rer que tout le monde sait qui va rece­voir quoi et qu’on n’es­saie pas de le décou­vrir au mau­vais moment. 

-Rob Elo : Oui, exac­te­ment. C’est vrai­ment, encore une fois, en par­lant de ce qui a été dit, je m’en suis ren­du compte. Et main­te­nant que je fais mes propres trucs en solo, je me pré­pare à enre­gis­trer chaque mor­ceau de musique que je sors à tous ces endroits dont je par­le­rai plus tard. Mais pour les groupes dans les­quels j’ai joué et qui ont été joués dans dif­fé­rentes régions, je me dis : « Ah !  Nous n’en avons jamais par­lé ! ». C’est donc une bonne chose de tou­jours par­ler du par­tage. L’une des choses qui m’a frap­pée lorsque j’ai pas­sé mon entre­tien pour l’IMC et leur pro­gramme, c’est qu’ils m’ont appe­lée : « Hé, vous êtes un des can­di­dats que nous consi­dé­rons. Pou­vons-nous vous par­ler davan­tage de ce que vous faites et de ce qui vous convien­drait le mieux ? ». Ils vous posent toute une série de ques­tions, dont l’une est la sui­vante : « Quels sont les droits aux­quels vous avez droit ? Connais­sez-vous ce genre de choses ? » Pour une rai­son ou une autre, je connais la SOCAN, mais c’est à peu près tout. Vous pou­vez vous ins­crire à la SOCAN pour vos droits d’au­teur, mais vous pou­vez aus­si vous ins­crire pour vos droits d’é­di­tion et c’est un pro­ces­sus dif­fé­rent. Voi­là donc les droits d’au­teur dont vous disposez. 

De l’autre côté, vous avez vos enre­gis­tre­ments, vous pou­vez donc aus­si enre­gis­trer les enre­gis­tre­ments de votre musique, la par­tie méca­nique chaque fois que votre chan­son est jouée à la radio […]. Chaque fois que l’ [IMC] parlent de la dif­fu­sion de votre musique, il en parle comme d’une per­for­mance, ce que j’ai trou­vé inté­res­sant, parce que vous ne pen­sez qu’à une per­for­mance en direct, mais il s’a­git en fait d’une per­for­mance numé­rique éga­le­ment. […] Il y a aus­si l’as­pect « des bandes maî­tresses », c’est-à-dire la manière dont votre enre­gis­tre­ment est finan­cé. C’est un autre domaine de vos droits.

J’ai trou­vé vrai­ment fas­ci­nant d’ap­prendre toutes ces choses. J’ai main­te­nant une liste de choses à faire pour toute ma musique, et c’est en quelque sorte ce qu’il faut faire. Quand vous avez cette liste d’en­droits où vous pou­vez vous enre­gis­trer pour toute votre musique, pour obte­nir tous vos droits, vous avez l’im­pres­sion de faire des pro­grès. Parce que […] les bases sont cou­vertes. Lorsque vous faites ces démarches, ces démarches concrètes, […] pour vous assu­rer qu’au bout du compte, votre musique vous rap­porte de l’argent, et que vous serez prêt si votre musique est sou­dai­ne­ment reprise par [quelqu’un.e] d’une manière ou d’une autre. Et si vous com­men­cez à être écou­té, vous serez prêt à rece­voir vos droits d’auteur. 

- C’est jus­te­ment sur ce sujet que j’ai­me­rais inter­ve­nir. J’in­ter­viens ici pour me van­ter un tout petit peu, grâce à la SOCAN, je gagne envi­ron 100 $ par an. Quelqu’un.e quelque part, je ne sais pas qui ni où, fait jouer ma musique. […] Il faut que ce soit la radio, parce que je n’ai pas de vidéos ou autres. Ce sera donc la radio, mais quelque part dans le monde, et cela a été le cas à Terre-Neuve, en Nou­velle-Écosse, en Nou­velle-Zélande, en Pologne et dans d’autres endroits du monde qui m’ont dif­fu­sé d’une manière ou d’une autre, la SOCAN a donc décou­vert que ma musique avait été dif­fu­sée. La SOCAN a donc décou­vert que ma musique était jouée. 100 dol­lars par an, c’est l’é­qui­valent d’une caisse de bière, n’est-ce pas ? Mais c’est mieux que rien du tout, et cela signi­fie que quel­qu’un, quelque part, joue ou écoute votre musique. Alors si vous ne l’a­vez pas encore fait, allez‑y. C’est mon conseil pour ce qu’il vaut.

-  Je ne pense pas que vous l’ayez dit expli­ci­te­ment, mais l’autre aspect de l’é­cri­ture de chan­sons est que si vous n’êtes pas auteu­rice-com­po­si­teu­rice, vous êtes musicien.ne lors de l’en­re­gis­tre­ment d’un album, ce qui peut arri­ver à beau­coup de gens. Vous pou­vez per­ce­voir d’autres droits. C’est presque comme si vous fai­siez d’une pierre deux coups, si vous êtes auteu­rice-com­po­si­teu­roce et que vous jouez sur l’al­bum, que vous chantez… 

- Exac­te­ment. 

- Ce sont dif­fé­rentes sources de reve­nu aux­quelles vous pou­vez accéder.

- Rob Elo : Exac­te­ment. Oui, c’est vrai. Et tous ceux qui enre­gistrent [pour­raient] méri­ter des droits. C’est ce qui est inté­res­sant. Lorsque vous êtes […] un.e pro­prié­taire unique, essen­tiel­le­ment, lors­qu’il s’a­git de votre musique et que vous faites des enre­gis­tre­ments et que vous faites tout cela, vous avez accès à tous ces droits. Si vous avez une mai­son de disques et qu’elle pos­sède vos bandes maî­tresses ou autres, vous savez que vous ne col­lec­tez pas néces­sai­re­ment ces droits. Elle per­çoit les rede­vances pour une par­tie par­ti­cu­lière. Je vou­drais aus­si par­ler des licences de syn­chro­ni­sa­tion et de la pos­si­bi­li­té de faire jouer votre musique dans des émis­sions, des films et d’autres choses de ce genre. […) L’un.e d’entre vous a‑t-il déjà fait jouer sa musique dans des films ?

(Cer­taines participant.e.s hochent la tête)

Oui, c’est génial ! J’ai­me­rais beau­coup entendre par­ler de cette expé­rience, parce que ce que j’ai enten­du et appris de l’IMC et d’autres ami.e.s à qui cela est arri­vé, c’est que la plu­part du temps, pour les licences de syn­chro­ni­sa­tion… On parle de syn­chro­ni­sa­tion parce qu’il s’a­git de syn­chro­ni­ser la musique avec la vidéo […], mais c’est un peu comme si vous aviez une ver­sion de votre chan­son, vous devriez aus­si avoir une ver­sion ins­tru­men­tale. S’il y a des voix, vous devez avoir ces ver­sions prêtes à l’emploi, parce que si une émis­sion de télé­vi­sion ou un film veut choi­sir votre musique. Ils vous diront : « Hé, nous vou­lons la sou­mettre. Nous vou­lons l’u­ti­li­ser et la dif­fu­ser dès demain. Pou­vez-vous nous don­ner les fichiers wav ? Pou­vez-vous nous don­ner les fichiers mp3 et tous les fichiers dont nous avons besoin ? ». Donc, si vous n’a­vez rien pré­pa­ré et orga­ni­sé votre musique comme cela : « Ok, voi­ci la ver­sion ins­tru­men­tale, voi­ci la ver­sion finale, voi­ci tout ça. ». Vous allez rater une occa­sion. Est-ce que quelqu’un.e a eu cette expérience ?

- J’ai eu l’ex­pé­rience inverse en ce qui concerne la construc­tion de rela­tions et la connais­sance… Cer­tains pro­jets démarrent ami­ca­le­ment : « Oh, on va juste faire ça, ça et ça, et ce n’est pas for­mel ». Mais je pense que j’ai besoin d’en apprendre beau­coup plus à ce sujet, parce que cer­taines chan­sons que j’ai com­po­sées se sont retrou­vées dans des émis­sions et je n’en avais aucune idée à cause des rela­tions que j’ai entre­te­nues avec les per­sonnes à qui j’ai prê­té ou lais­sé ma musique. C’est la pape­rasse… J’ai appris que les ami.e.s ne sont pas seule­ment des ami.e.s, vous savez, n’est-ce pas ? 

- As-tu auto­ri­sé que quelqu’un.e d’autre que toi puisse contrô­ler et don­ner ta musique…

- Non, non, mais iels l’ont fait. C’é­tait une petite ville, d’an­ciens ami.e.s d’école, et j’au­rais pro­ba­ble­ment dû mettre ça sur papier.

- Stric­te­ment par­lant, bien que cela ne soit pas d’une grande aide, tu pos­sèdes les droits d’au­teur d’une chan­son. Dès que tu l’écris, tu n’as pas besoin d’en faire la demande. Vous n’a­vez pas besoin de signer de quelque manière que ce soit. Le simple fait de l’é­crire t’en donne la pro­prié­té. Tout ce que vous avez à faire, c’est de pou­voir le prou­ver au moment oppor­tun.  Quoi qu’il en soit, c’est vrai­ment, vrai­ment quelque chose qui doit appa­raître si vous allez enre­gis­trer un CD ou quoi que ce soit d’autre, et que vous allez l’é­crire : « Cette chan­son est de John Smith, pour la SOCAN ou de la mai­son d’é­di­tion John Smith ». Ce genre de choses vaut la peine d’être fait. Vous savez, quelle que soit la confiance que l’ on accorde à ses ami.e.s et ain­si de suite, il vaut tou­jours la peine de s’as­su­rer que son nom figure quelque part, d’une manière ou d’une autre. 

- Quand on a une ving­taine d’an­nées et qu’on ne sait pas… Je ne savais même pas que la SOCAN exis­tait, ni qu’on pou­vait s’ins­crire à ce genre de choses.

- Eh bien, c’est ça le pro­blème. Je suis déso­lée. Je me sou­viens d’a­voir pen­sé cela quand je sui­vais le pro­gramme et que j’é­tais dans la tren­taine. J’é­tais comme : « Oh, mon Dieu, j’au­rais ado­ré ça quand j’a­vais 20 ans ! ». Pour com­men­cer, gar­dez tous vos fichiers, orga­ni­sez vos droits lorsque votre chan­son est écrite, pla­cez-la dans un dos­sier qui indique « ceci est la ver­sion ori­gi­nale de l’en­re­gis­tre­ment » et ins­cri­vez-vous à la SOCAN pour l’en­re­gis­trer. C’est quelque chose qu’il faut tou­jours faire.

- Je pense qu’a­vec la SOCAN, et je pense aus­si avec la MROC (Orga­ni­sa­tion des droits des musi­ciens du Cana­da), il est pos­sible de faire en sorte que lorsque vous entrez vos infor­ma­tions, il y ait un élé­ment rétro­ac­tif, n’est-ce pas ? Je ne sais pas jus­qu’où cela peut aller pour l’instant. 

- Je l’ai fait, et ça remonte à un an ou deux, je crois…

- Ça remonte à quelques années seule­ment. Ça remonte jus­qu’aux années 90. 

- Oh, mon Dieu, oui ?

- Je crois oui.

- Un autre élé­ment inté­res­sant que j’ai décou­vert grâce à l’IMC, c’est qu’iels m’ont trou­vé de l’argent sur­prise, ce qui était vrai­ment génial ! [Les gens rient]. En ce qui concerne les spec­tacles que j’ai joués, par exemple, pour Folk on the Rocks, je peux vous dire que chaque set­list joué est enre­gis­tré dans une base de don­nées. Chaque set­list jouée est enre­gis­trée à la SOCAN, et la SOCAN paie ensuite la pres­ta­tion que vous avez faite. Les grands fes­ti­vals, les salles de spec­tacles, ce n’est peut-être pas le bar au bout de la rue qui fait ça. Mais je dirais que la plu­part des grands théâtres le font et quand je suis retour­né cher­cher ces repré­sen­ta­tions, il y en avait sept pour moi, et on m’a dit : « Oh, vous avez, comme… » : « Oh, vous obte­nez, comme – je pense, vous savez, pas beau­coup – peut-être 250 ou 300 dol­lars de paie­ment ! ». ou quelque chose comme ça.  Mais si vous n’êtes même pas enre­gis­tré, votre spec­tacle peut quand même avoir été entré pour vous. Ain­si, lorsque vous vous ins­cri­vez à la SOCAN, il se peut que vous ayez quelques pres­ta­tions qui n’ont pas encore fait l’ob­jet d’une récla­ma­tion de droits d’au­teur. C’est exact et vous pou­vez télé­char­ger des listes de chansons.

- Car­men Bra­den : D’ac­cord, c’est le temps d’avoir un moment Long­sha­dow. En tant qu’or­ga­ni­sa­trice de Long­sha­dow, j’ai une res­pon­sa­bi­li­té, je sais, alors toi et vous et toi (en plai­san­tant et en dési­gnant les musicien.ne.s dans la salle) Nous avons encore du tra­vail à faire, parce que je ne sais pas quel set, quels sont les noms de vos chan­sons dans votre set. Vous devez soit l’en­voyer à la SOCAN, soit me le dire et je dois l’en­voyer à la SOCAN. En tant que com­po­si­trice, j’ai tou­jours été confron­tée à cette situa­tion : « Non, c’est ton tra­vail. Non, c’est ta res­pon­sa­bi­li­té ! » Qui est res­pon­sable ? Alors peut-être que le Gar­neau pour­rait même inter­ve­nir ici. Lorsque vous don­nez un concert, est-ce que vous enre­gis­trez votre liste de chan­sons auprès de la SOCAN ? Ou faites-vous confiance à la salle pour le faire, ou atten­dez-vous de la com­po­si­teu­rice qu’iel sache quand vous jouez ses œuvres ? […] 

- C’est pour­quoi c’est pro­ba­ble­ment notre res­pon­sa­bi­li­té en tant qu’artistes. 

- Car­men Bra­den : C’est aus­si un peu une res­pon­sa­bi­li­té par­ta­gée. […] Se tenir mutuel­le­ment res­pon­sables. Donc, si vous jouez quelque part, vous devriez deman­der, par exemple, qui a enre­gis­tré ceci auprès de la SOCAN ? Avez-vous ache­té une licence ? […] Mon code de conduite est que j’es­saie d’a­mé­lio­rer le rap­ports aux affaires pour ce que je fais à Yel­lowk­nife, et de faire en sorte que ce soit un peu moins [à pro­pos] de mes ami­tiés. Nous pou­vons être ami.e.s, mais nous tra­vaillons ensemble, et si les choses tournent mal, nous serons professionnel.le.s. Nous nous res­pon­sa­bi­li­sons les un.e.s et les autres. Ce dont j’ai besoin dans cette ville, c’est que d’autres per­sonnes apprennent le métier et se res­pon­sa­bi­lisent les un.e.s les autres, pour que je ne rate pas trois ans de rede­vances face aux pièces des chan­sons des autres. Je devrais tout faire [mettre à jour] demain, mais je vais être fati­gué (tout le monde rit). Je suis curieuse, Gar­neau, de savoir ce que vous faites quand vous allez jouer ?

- En géné­ral, nous nous conten­tons d’es­pé­rer que les salles de concert font bien les choses.

- Et cela dépend beau­coup de la musique que nous jouons. 

- Pour­quoi cela dépend-il ? 

- Eh bien, la famille de Mozart ne sera pas payée. (Tout le monde rit)

- Mais c’est un bon point. Je pense que nous devrions infor­mer les com­po­si­teu­rices chaque fois que nous jouons leur musique, parce que je pense qu’il faut être membre de la SOCAN pour…

- Et il faut que votre chan­son soit enre­gis­trée, n’est-ce pas ? Donc, si vous avez écrit une nou­velle chan­son hier, qu’elle n’est pas ins­crite et qu’elle figure sur le pro­gramme, vous ne l’a­vez pas ins­crite. Vous ne rece­vrez pas d’argent pour cela.

- Non, mais c’est rétroactif.

- Ils attendent des membres qu’iels fassent le tra­vail. En ce qui nous concerne, nous pou­vons dire aux com­po­si­teu­rices que nous jouons leurs pièces. 

- C’est tou­jours très apprécié.

- C’est un bon point, car nous n’a­vons pas tou­jours le réflexe de le faire. 

- Non, je n’y pense pas tout le temps.

- Nor­ma­le­ment, cela devrait être lié au pro­ces­sus du dépôt des par­ti­tions, n’est-ce pas ? 

- Offi­ciel­le­ment, je crois savoir que c’est la res­pon­sa­bi­li­té de l’é­ta­blis­se­ment. Nous pou­vons nous char­ger du sui­vi et de la véri­fi­ca­tion si nous pen­sons qu’un éta­blis­se­ment n’est pas à jour, mais c’est la res­pon­sa­bi­li­té de l’établissement

- Mais il se peut qu’ils ne veuillent pas payer cette licence. 

- Tout à fait ! 

- C’est là qu’on se retrouve dans des conver­sa­tions embarrassantes.

- J’é­tais en train de pro­gram­mer un concert que j’ai don­né en mai. Nous avons joué une œuvre néer­lan­daise d’un com­po­si­teur néer­lan­dais décé­dé il n’y a pas si long­temps. J’ai donc ache­té la musique, et j’ai dû ache­ter une licence avec la par­ti­tion pour une repré­sen­ta­tion à cette date. La musique que j’ai télé­char­gée indi­quait donc en bas de page : « sous licence pour être exé­cu­tée au mois de mai sous telle ou telle condi­tion… », et il se trouve que je suis l’ar­rière-petite-fille de ce com­po­si­teur. Ma famille a donc gar­dé trois euros pour cette représentation.

- (en plai­san­tant) Il y a de quoi faire la fête, n’est-ce pas ? 

(Tout le monde rit)

- Car­men Bra­den : Il ne nous reste plus que 10 minutes, et je ne vou­drais pas que cette conver­sa­tion géniale se ter­mine sur les droits d’auteurs. Pour­rais-je deman­der à cer­tains des col­la­bo­ra­teu­rices présent.e.s dans la salle de nous par­ler du pro­ces­sus qui s’est dérou­lé pen­dant le fes­ti­val Long­sha­dow. Qu’il s’a­gisse d’au­teu­rices, de com­po­si­teu­roces, d’ar­ran­geu­reuses ou d’in­ter­prètes. Dans l’op­tique de l’é­ta­blis­se­ment de rela­tions et de pra­tiques durables, com­ment ce que vous avez fait ici résonne-t-il ? Qu’al­lez-vous peut-être reti­rer de cette expérience ?

- Je par­tage mon temps entre Edmon­ton et Yel­lowk­nife, la plu­part du temps je suis à Yel­lowk­nife main­te­nant, et je suis très recon­nais­sant d’a­voir quatre nouveaux.elles ami.e.s à Edmon­ton. Bien sûr, les artistes avec lesquel.le.s j’ai eu l’oc­ca­sion de tra­vailler ce week-end sont aus­si mes ami.e.s. C’est une petite ville, et j’ai peut-être déjà vu vos visages, mais main­te­nant j’ai l’im­pres­sion de connaître ces gens. C’est un lien assez intime que de tra­vailler sur une chan­son pen­dant une semaine, et de res­ter assis là à écou­ter votre voix encore et encore (les gens rient). Ce n’est pas du tout une chose désa­gréable. C’est une chose vrai­ment mer­veilleuse, mais, vous savez, j’ai dû écou­ter votre chan­son tant de fois. C’est une expé­rience unique pour moi de pou­voir m’im­mer­ger avec ces artistes pen­dant un cer­tain temps, puis de m’é­loi­gner de cette chan­son pen­dant un petit moment, et de l’é­cou­ter suf­fi­sam­ment pour qu’elle reste dans ma tête. C’est géné­ra­le­ment lors­qu’elle me reste en tête et que je la chante sous la douche que les autres par­ties com­mencent à émer­ger. « Oh, d’ac­cord, ça va être cool dans le registre aigu de l’al­to ! » parce que c’est plus nasal et que j’ai un son nasal sous la douche, (tout le monde rit) et c’est toute une aven­ture. Beau­coup de gens me demandent com­bien de temps il faut pour écrire une chanson ? 

- Je t’ai posé cette ques­tion 17 fois, je crois.

- Et je t’ai répon­du que je ne savais pas. Je pour­rais pro­ba­ble­ment en écrire[/arranger] une en huit heures s’il le fal­lait, mais l’i­déal serait de répar­tir ces huit heures sur 16 petites plages horaires. Je peux ain­si prendre le temps de lais­ser les choses se déve­lop­per, évo­luer et chan­ger. Quoi qu’il en soit, ce que je retiens, c’est que dans l’en­semble, je suis recon­nais­sant d’a­voir pu ren­con­trer des gens à un niveau per­son­nel par le biais de la musique. Mer­ci de m’a­voir invi­té à le faire.

- Oui, c’est une expé­rience extra­or­di­naire. J’ai été sub­mer­gée de gra­ti­tude pour les arran­ge­ments des chan­sons, pour Car­men qui a mis tout cela sur pied, et pour vous tous, le qua­tuor à cordes, qui l’a­vez fait. L’un des moments que j’ai pré­fé­rés, c’est lorsque nous avons joué le mor­ceau plu­sieurs fois, et qu’au début, c’é­tait comme si moi et un qua­tuor à cordes jouions sim­ple­ment le mor­ceau en même temps, puis au fur et à mesure que nous le jouions et que nous nous écou­tions les uns les autres, nous avons eu des idées et nous avons fait plu­sieurs ajus­te­ments. J’ai com­pris com­ment les choses se pas­saient, j’ai joué sur le pia­no dans le deuxième cou­plet et tout le reste. C’é­tait comme « whoa ! ». C’est vrai­ment à ce moment-là, quand la ligne de vio­lon­celle rejoi­gnait le rythme que j’a­vais à la main gauche est appa­rue, […] c’est vrai­ment génial. Oui, c’é­tait une sen­sa­tion incroyable. C’est l’une de ces choses, encore une fois, je me disais que je me sen­tais en stag­na­tion en jouant ma propre musique et c’é­tait vrai­ment un remède. Je me suis dit : « Oh, ça peut être génial, hein ? ». C’est une expé­rience pas­sion­nante qui me fait voir ma musique sous un jour différent. 

-Oui, c’é­tait vrai­ment incroyable. Je ne sais pas si tous les artistes qui ont col­la­bo­ré à la musique ont res­sen­ti la même chose que moi. Je me sou­viens qu’en 2013 ou 2014, je jouais dans un groupe au Bré­sil. Ce n’est pas la même chose quand vous avez juste une gui­tare ou un cla­vier et que vous jouez en solo, mais quand vous jouez avec un groupe com­plet. Pour moi, j’ai l’im­pres­sion que l’on res­pire mieux  et que l’on se sent enve­lop­pé, […] cela  donne de l’as­su­rance. […] On a l’im­pres­sion d’être dans un autre monde. Mais c’est le sen­ti­ment que j’ai, vous savez, c’é­tait tel­le­ment incroyable. C’est pour­quoi j’ai hâte de jouer avec un groupe. […] C’é­tait vrai­ment sym­pa­thique et vous avez fait du bon tra­vail, et d’ar­ran­ger la musique. […] Et puis c’é­tait si gen­til et mer­ci, merci !

- Robert Uchi­da : J’ai l’im­pres­sion que cette col­la­bo­ra­tion a été très enri­chis­sante pour chacun.e d’entre nous. Nous jouons toustes les quatre dans l’or­chestre sym­pho­nique d’Ed­mon­ton. Et j’ai l’im­pres­sion que… Oh, main­te­nant je me suis pein­tu­ré dans un coin, je sup­pose. (Tout le monde rit) Je pense que l’i­déal, lorsque des gens se réunissent pour jouer de la musique ensemble, c’est qu’iels y aillent le cœur ouvert, qu’iels écoutent et qu’iels s’ouvrent les un.e.s aux autres. Et je pense que lorsque nous par­tons toustes, nous sommes toustes un peu plus riches d’a­voir vécu cette expé­rience. C’est ce que j’ai res­sen­ti. C’é­tait vrai­ment génial. Et par­fois, ce n’est pas tou­jours le cas, mais en tout cas avec le Qua­tuor et avec vous tous, c’est juste ouais, c’est, c’est un peu ce que j’en retiens, c’est sim­ple­ment significatif…

-(deman­dé brus­que­ment) Vous êtes-vous amusés ? 

- Robert Uchi­da : Oui, nous nous sommes beau­coup amusés. 

- Et voi­là ! Vous avez gagné ! Vous avez gagné ! 

- Ouais, c’est ça !

- J’ai­me­rais ajou­ter qu’il y a 100 ans, lorsque j’é­tais musicien.ne professionnel.le, j’ai eu quelques concerts avec l’or­chestre sym­pho­nique d’Ed­mon­ton, et le niveau de jeu est incroyable, mais l’ex­pé­rience est un peu effrayante. Vous avez peur de faire une erreur, alors que la musique ama­teur que j’ai jouée ici, à un niveau beau­coup plus bas, l’a été par pur amour de la musique. Vous n’a­vez donc pas à payer votre loyer en jouant de la musique. Et ces expé­riences sont meilleures. Vous savez, vous ne jouez pas au même niveau qu’au niveau pro­fes­sion­nel, mais l’es­prit est là, et vous le faites sim­ple­ment parce que vous aimez la musique, et je pense que c’est un défi dans votre métier de gar­der cet amour dans ce que vous faites. 

- Je peux vous assu­rer que nous fai­sons beau­coup d’erreurs. 

(Tout le monde rit)

- Oui, je vou­drais juste ajou­ter quelque chose à ce sujet. Je veux dire que la dis­cus­sion ici a por­té sur le sou­tien aux musicien.ne.s au niveau pro­fes­sion­nel, mais nous avons ici des gens qui sont passé.e.s par le sys­tème d’é­du­ca­tion musi­cale dans les ter­ri­toires, et main­te­nant, nous avons chan­gé le pro­gramme d’é­tudes musi­cales, et nous sommes dans une situa­tion pré­caire quant à savoir si l’é­du­ca­tion musi­cale dans les écoles sera faite au même niveau, et si vous n’a­vez pas d’é­du­ca­tion musi­cale dans les écoles, alors vous n’au­rez pas de gens ici. Je fais par­tie de l’as­so­cia­tion des professeur.e.s de musique […] J’es­saie d’al­ler dans les écoles pour qu’on y enseigne vrai­ment la musique de manière pro­fes­sion­nelle. Et cela me rap­pelle deux choses. D’une part, on peut aus­si ensei­gner, vous savez, aux niveaux supé­rieurs, qu’il y a ces aspects de car­rière ; il y a un aspect com­mer­cial à être un.e musicien.ne, ain­si qu’un aspect de citoyen­ne­té. Et tout ce qui concerne l’im­por­tance de l’é­coute, de la coopé­ra­tion avec les autres, de l’ou­ver­ture d’es­prit, de la créa­ti­vi­té. Je veux dire, ces choses ne sont-elles pas si impor­tantes pour les enfants, n’est-ce pas ? Et cela com­mence au niveau de l’é­cole, puis les enfants rejoignent des groupes avec leurs cama­rades de classe et conti­nuent à étu­dier la musique à l’u­ni­ver­si­té, etc.

- Mais il y a un autre domaine de repré­sen­ta­tion pour une orga­ni­sa­tion comme la vôtre, à savoir l’é­du­ca­tion, dès la sixième ou la sep­tième année, pour qu’ils aient un ins­tru­ment entre les mains.

- Les élèves de pre­mière et de deuxième année, met­tez-leur un ins­tru­ment entre les mains !

- Je pense que ce que j’en­tends, c’est que j’ai eu la chance de vivre l’ex­pé­rience de créer de la musique avec d’autres et qu’il n’y a rien de tel dans la vie. Je pense que chaque enfant devrait avoir la pos­si­bi­li­té de le faire. Et je pense que ce type d’ac­tion, qui part de la base, est […]. Je pense main­te­nant que Music NWT peut sou­te­nir ce type de pro­jet. Et pour répondre à votre ques­tion sur le gou­ver­ne­ment, com­ment le gou­ver­ne­ment peut-il sou­te­nir ce pro­jet ? Les idées qui ont été émises ici, comme les espaces, les salles de spec­tacle, les salles de répé­ti­tion. L’in­fra­struc­ture n’est pas encore en place, mais je pense qu’il existe une for­mi­dable oppor­tu­ni­té, grâce aux com­pé­tences, au talent et à l’au­then­ti­ci­té des artistes d’i­ci, que Yel­lowk­nife puisse être, ou puisse viser à avoir une iden­ti­té et une scène musi­cale dyna­mique qui attire des gens du monde entier.

Il existe un pro­jet de recherche sur les béné­fices éco­no­miques de la musique pour les com­mu­nau­tés nor­diques et iso­lées. Reyk­ja­vik, Daw­son City, vous savez, il y a des endroits qui l’ont déjà fait. L’exemple le plus frap­pant est celui de Nash­ville. Tout le monde sait ce que signi­fie Nash­ville, n’est-ce pas ? C’est la ville des musicien.ne.s. Je me demande donc si, d’un point de vue gou­ver­ne­men­tal, c’est une chose d’ac­cor­der des sub­ven­tions pour per­mettre aux artistes les plus expé­ri­men­tés d’al­ler dans le Sud, mais je pense qu’il y a une plus grande oppor­tu­ni­té de créer un endroit où les gens peuvent venir et toustes cel­leux que j’ai [ren­con­trés], qui ont voya­gé d’ailleurs pour venir jouer ici, ont ce sen­ti­ment de « Wow, c’est un endroit spé­cial ». Et il y a des pos­si­bi­li­tés de tour­nées spé­ciales ici. Le Snow­castle Fes­ti­val, je crois, est unique au monde, et toustes cel­leux qui sont pas­sés par là se sont dit « Wow, holy sh*t. C’est incroyable ! ». Et donc de déve­lop­per ces oppor­tu­ni­tés pour des espaces de repré­sen­ta­tion et de répé­ti­tion ; les gens louent des espaces de ran­ge­ments ici pour répé­ter, c’est insen­sé. Je pense donc que, du point de vue du gou­ver­ne­ment, si je sié­geais au gou­ver­ne­ment ou si vous étiez le maire, un ministre, le pre­mier ministre… Iels ont la res­pon­sa­bi­li­té de déve­lop­per la culture, parce qu’il y a des béné­fices éco­no­miques, je pense que c’est clair. 

Mais iels sont éga­le­ment en mesure d’in­fluen­cer la culture d’en­tre­prise, les entre­prises, les milieux d’af­faires, qui exploitent les res­sources de ce pays et ne donnent rien en retour. Donc, si j’é­tais à la place du gou­ver­ne­ment, je met­trais en place des poli­tiques, non seule­ment pour les obli­ger à sou­te­nir les arts en rai­son de tous les avan­tages qu’ils pro­curent. Non seule­ment la valeur artis­tique pour les enfants, mais aus­si les com­pé­tences trans­fé­rables que l’on acquiert en appre­nant à jouer d’un ins­tru­ment. Je ne connais rien d’autre de com­pa­rable. Pour en reve­nir à la ques­tion du déve­lop­pe­ment, pour­quoi les entre­prises n’in­ves­tissent-elles pas dans des tour­nées plus durables, du point de vue de l’im­pact car­bone ? Il y a des com­pa­gnies minières ici qui ont des mil­lions et des mil­lions de dol­lars. Je ne vois aucun de leurs logos sur aucun de nos pro­jets. C’est une sorte d’ac­tion col­lec­tive qui, si je pense à Yel­lowk­nife, me fait dire que n’a­vons pas une tonne d’in­dus­trie, que nous n’a­vons pas beau­coup de com­merce. Mais si nous devions étendre cette conver­sa­tion à l’en­semble du pays, chaque musicien.ne ou orga­ni­sa­tion artis­tique dirait : « Non, nous n’al­lons pas faire de l’art et de la culture à moins que vous n’y met­tiez du vôtre ». Il y a un impact à faire cela. Il y a un impact pour notre pays et notre socié­té dans son ensemble.  C’est l’as­pect de ce monde dans lequel nous vivons qui ne contri­bue pas. Iels ne font pas leur juste part. Voi­là ce que je dirais aux pou­voirs poli­tiques si j’en avais l’oc­ca­sion. J’es­père que cha­cun d’entre elleux en pren­dront connais­sance à tra­vers ce rapport.

- J’ai­me­rais éga­le­ment ajou­ter à cela l’i­dée que si nous devions déve­lop­per Yel­lowk­nife et en faire une sorte de Mecque de la musique, comme Daw­son City ou Sack­ville ou d’autres endroits au Cana­da, il semble qu’il y ait déjà un attrait pour aller faire de la musique dans ce genre d’en­droits plus ruraux. L’une des choses que je dois dire, c’est qu’il faut col­la­bo­rer, prê­ter atten­tion et se concen­trer sur nos rela­tions avec les Dénés, les Inuits et les Métis.  Car je sais que de nom­breuses per­sonnes qui viennent nous voir disent : « Ces cultures sont tel­le­ment plus vivantes ici que par­tout ailleurs au Cana­da ! » Et s’il doit y avoir cet objec­tif final, il faut le men­tion­ner expli­ci­te­ment. […] Il faut que ce soit expli­ci­te­ment ins­crit dans nos objec­tifs ini­tiaux parce que c’est impor­tant non seule­ment d’un point de vue éthique, mais aus­si du point de vue de l’identité, parce que c’est quelque chose d’u­nique. Et de la même manière que j’ai enten­du tant d’ar­tistes venir ici, qu’iels soient autoch­tones ou non, dire que c’é­tait un endroit spé­cial. J’ai enten­du tant de membre d’autres nations venir ici et être comme « holy sh*t, qu’est ce qui se passe ici ? ». Et je pense que nous ne pou­vons pas perdre de vue  cela dans le pro­ces­sus si nous vou­lons faire ou construire quelque chose.

- J’ai quelque chose à [par­ta­ger sur] ce sujet. Mais je pense qu’il y a quelque chose, quand vous par­lez de la musique, je pense que la musique pour­rait être une chose. […] Elle pour­rait être une chose et unir beau­coup de gens autour d’elle. Je pense que nous pou­vons uti­li­ser cela pour déve­lop­per notre musique ici. Il ne s’a­git pas de se concen­trer sur une seule culture, mais de tout mélan­ger.  Et mon­trer que la musique peut réunir les gens. […] Je suis quel­qu’un qui n’a pas de culture, parce que la culture du monde est ma culture. […] Alors par­tout où je suis, je suis comme de l’eau. Et si vous me met­tez dans cette tasse, je vais prendre la forme de cette tasse. Je suis comme ça. […] Je ren­contre ici des gens qui viennent de dif­fé­rents endroits du monde. Nous pou­vons alors nous ras­sem­bler et faire de la musique dans des langues et des cultures dif­fé­rentes et tout mélan­ger. Parce que nous n’al­lons pas faire de la musique uni­que­ment pour Yel­lowk­nife, uni­que­ment pour le Cana­da. De nos jours, la musique est  par­tout dans le monde. C’est vrai. C’est pour­quoi je pense qu’il faut ras­sem­bler les cultures et les rythmes musi­caux.  Par exemple, vous pou­vez trou­ver dif­fé­rents rythmes dans une seule chan­son. C’est un pro­jet […] sur lequel je pense tra­vailler. […] Et puis si nous avons une chan­son de Noël, et puis beau­coup de gens, et puis iels parlent de choses dif­fé­rentes, mais autour du même sujet, mais dans des langues dif­fé­rentes. Pour mon­trer que nous pou­vons toustes être ensemble pour une seule chose, pour la même raison.

- Je pense que l’heure de fin approche. 

- Raphaël Foi­sy-Cou­ture : J’ai sur­tout posé des ques­tions, mais j’ai l’im­pres­sion que cette conver­sa­tion me donne aus­si envie de par­ta­ger un peu plus sur mes expé­riences musi­cales et com­mu­nau­taires et sur tout ce qui a été dit ici. […] Nous avons par­lé du stress et de la pres­sion des meilleures pra­tiques, ce qui cor­res­pond en grande par­tie à des choses dont nous avons par­lé : cette idée de l’in­dus­trie. Mais beau­coup de gens ne font pas de la musique pour l’in­dus­trie. D’a­près moi, ma musique, ou la musique de la scène dont je suis issu, qui est en grande par­tie expé­ri­men­tale, en grande par­tie étrange par sa nature ou inha­bi­tuelle. Tout le monde aime­rait gagner sa vie avec la musique, mais ce n’est pas pos­sible. Même dans ma pra­tique, la plu­part des gens avec qui je tra­vaille sont prag­ma­tiques et pensent qu’iels peuvent avoir des concerts de temps en temps, mais ce n’est pas néces­sai­re­ment l’ob­jec­tif final.

 Il s’a­git de favo­ri­ser une com­mu­nau­té de pra­tique. Il s’a­git de favo­ri­ser les liens et l’ac­ces­si­bi­li­té à ces pra­tiques. J’é­tais ici, juste avec mon enre­gis­treur . Je pense que les enfants gagne­raient aus­si, par exemple, à être expo­sés aux pra­tiques d’en­re­gis­tre­ment de ter­rain ici, parce que l’en­vi­ron­ne­ment est tel­le­ment unique. On peut aller dans la nature […]. Je pense que c’est aus­si une façon com­plè­te­ment dif­fé­rente d’en­vi­sa­ger la musique. Même la musique clas­sique, vous savez, la musique pour cordes, en tant que musi­cien pro­fes­sion­nel, je sais qu’elle m’est inac­ces­sible […] parce que j’ai com­men­cé la musique trop tard et que je viens d’un autre milieu. Mais on peut faire décou­vrir aux gens d’autres façons de faire de la musique et d’autres façons de l’a­bor­der. […] Je pense qu’i­ci, c’est déjà le cas. Et c’est un peu ce que j’ai res­sen­ti. Il y a tel­le­ment de cou­rants de pra­tique et de façons de faire dif­fé­rentes. Je pense que c’est ce qui est for­mi­dable, c’est que beau­coup de gens peuvent trou­ver leur propre voie […] Dans ma com­mu­nau­té, nous construi­sons la plu­part du temps nos propres salles, un peu comme vous l’a­vez fait ici [pen­dant le fes­ti­val], vous savez. À Mont­réal, beau­coup d’en­droits où je joue sont des lieux DIY. Donc, par exemple, une licence de la SOCAN n’est tout sim­ple­ment pas envi­sa­geable [dans de tels lieux]. Je pense qu’i­ci [à Yel­lowk­nife], il y a beau­coup de choses qui ont réson­né avec moi et avec mon expé­rience de la musique, pour être capable de la sou­te­nir, de trou­ver un espace pour la faire, de sus­ci­ter l’engagement des gens, de trou­ver de nou­velles façons de se mobi­li­ser en tant que com­mu­nau­té. Je vou­lais sim­ple­ment vous remer­cier de m’a­voir per­mis de voir une par­tie de ce tra­vail, d’en­tendre et de m’en­ga­ger dans cette pra­tique avec vous pen­dant une semaine. Je tiens donc à vous remer­cier chaleureusement. 

Infor­ma­tions complémentaires :

L’é­tude natio­nale d’APTN sur l’im­pact de la musique autoch­tone peut être consul­tée ici :

https://www.aptnnews.ca/wp-content/uploads/2019/11/Music-Impact-Study.pdf

Le rap­port de recherche du col­lec­tif  ATTI ! Indi­ge­nous Artists Col­lec­tive Research Sum­ma­ry peut être consul­té ici :

http://www.atticollective.com/uploads/3/4/9/4/34945811/2023aug_researchsummary.pdf

Plus d’in­for­ma­tions sur la SOCAN et sur l’in­cu­ba­teur de musique cana­dienne sont dis­po­nibles ici :

Le RCMN tient à remercier

Car­ly Mcfad­den, Tere­sa Horos­ko et Folks on the rocks

Mike Auty et Music NWT

Bran Ram et Wes­tern Arc­tic Moving Pictures 

Tanya Snow et ATTI ! Indi­ge­nous Artists Collective 

Batiste Foi­sy

Mar­tin Rehak

Pablo Sara­van­ja 

Le RCMN tient à remer­cier et à féli­ci­ter tous.tes les artistes et musicien.ne.s pour leurs per­for­mances inspirantes :

Cas­san­dra Blondin-Burt 

Ryan McCord 

LJJ

Rob Elo 

Kathryn Louise Oraas 

Kay Sib­bes­ton 

Gar­neau Strings Quar­tet (Robert Uchi­da , Lau­ra Veeze, Keith Hamm, Julie Hereish)

Andrew Ball

Le RCMN aime­rait éga­le­ment remer­cier Peter Skin­ner, l’é­quipe tech­nique et tous.tes les béné­voles du fes­ti­val pour avoir per­mis au RCMN de contri­buer à l’as­pect tech­nique du festival.