Le CNMN remercie FACTOR, le gouvernement du Canada et les radiodiffuseurs privés canadiens pour leur soutien financier.
Le RCMN tient à remercier le festival Longshadow pour sa généreuse hospitalité et pour l’aide apportée à la réalisation de cette conversation.
Cette conversation a eu lieu le 9 juin 2024 au studio de Carment Braden, à Yellowknife.
Raphaël Foisy-Couture, directeur général actuel du RCMN, a ouvert cette conversation en reconnaissant qu’elle avait lieu sur le territoire du chef Drygeese, dans le Traité no 8, la terre traditionnelle des Dénés de Yellowknives et le domicile des Métis de North Slave et du peuple Tłı̨chǫ.
Foisy-Couture a également pris le temps de remercier et de féliciter l’équipe et les artistes de Longshadow pour le soin artistique et le respect qu’iels ont apportés à la réalisation de ce festival et pour avoir permis au RCMN d’y contribuer. Foisy-Couture a également pris le temps de remercier ses hôtes Rob Elo, Naima Jutha et Forest pour l’avoir accueilli dans leur maison ; et d’exprimer une énorme gratitude à Carmen Braden sans qui la présence du CNMN n’aurait pas été possible. Toustes les participants ont également pris un moment pour se présenter en cercle au groupe.
Cette conversation a comporté de brèves interventions sur l’incubateur musical canadien de la part de Rob Elo, ainsi que des interventions de Robert Uchida et du Garneau Strings Quartet en tant que contributeurices invité.e.s. Elle était animée par Raphaël Foisy-Couture en tandem avec Carmen Braden, codirectrice artistique de Longshadow. Hormis certaines interventions spécifiques des modérateur.rice.s et des intervenant.e.s invité.e.s, les contributions de toustes les participant.e.s sont anonymes.
Plusieurs artistes et musicien.ne.s ayant participé au festival de musique Longshadow ainsi que de nombreux.euses musicien.ne.s et travailleur.euse.s artistiques locaux ont assisté à cette conversation. Nous les remercions pour leur généreuse contribution.
Afin de mieux exposer les réalités et les dynamiques à l’œuvre dans le domaine de la musique créative et de la pratique du son à Yellowknife et dans les Territoires du Nord-Ouest, et pour célébrer la première conversation du RCMN dans la région, ce rapport comprend une transcription détaillée de la discussion qui a eu lieu. Les modifications apportées ont pour seul objectif de faciliter la lecture et la compréhension.
Thèmes abordés lors de la conversation
Contexte et défis à Yellowknife
- Le caractère unique de Yellowknife sur les plans géographique, économique et artistique
- Le manque d’infrastructure artistique et les difficultés d’accès au financement
- Les défis des musicien.ne.s du Nord : isolement, frais de déplacement et manque de lieux de diffusion
Durabilité et développement dans la musique
- Développement durable et pérennité structurelle
- Équilibre entre l’empreinte carbone des tournées et l’enrichissement local
- L’impact économique et social des petits événements axés sur la communauté
Communauté et collaboration
- L’importance de construire des relations au sein de la communauté artistique.
- Le rôle des festivals et des organisations dans la promotion et la collaboration
- Possibilités interculturelles et intergénérationnelles au sein des pratiques musicales
Engagement des jeunes et éducation
- La Nécessité de l’éducation musicale dans les écoles
- L’importance de lieux accessibles pour les jeunes musicien.ne.s
- Les possibilités de favoriser rapidement des rencontres avec la musique et le spectacle
Obstacles au développement de la carrière des artistes nordiques
- Accès limité aux ressources telles que les subventions et les gérant.e.s d’artiste
- Manque d’opportunités de représentations locales et de soutien aux tournées
- Difficultés à s’orienter dans les systèmes de subventions et dans l’industrie de la musique
Sensibilisation et politique
- Responsabilité des gouvernements et des entreprises dans le soutien aux arts
- Possibilités de tirer parti du caractère culturel unique de Yellowknife
- Appels à l’amélioration des infrastructures et au mécénat d’entreprise
Expériences de l’incubateur musical canadien (IMC)
- Réflexions sur la valeur du programme pour le développement professionnel
- Réflexions sur les redevances, les droits d’auteurs et l’importance d’être à jour sur ces enjeux
- Défis liés aux médias sociaux, à l’auto-promotion et à la croissance individuelle dans l’industrie
La SOCAN et les licences musicales
- L’importance de s’inscrire auprès de la SOCAN et de comprendre ses droits
- Rôles et responsabilités des artistes et des salles en matière de licences et de redevances
- Mesures pratiques à prendre par les musicien.ne.s pour protéger leur propriété intellectuelle
Identité culturelle et diversité en musique
- Intégration des traditions culturelles dénées, métisses, inuites et de la diversité culturelle dans la scène musicale
- Possibilités d’échanges culturels et de collaboration.
- Embrasser la diversité pour créer une communauté artistique unifiée et distinctive
Approches DIY et musique expérimentale
- Perspectives offertes par les pratiques de musique expérimentale et indépendante
- Construire des lieux alternatifs et encourager les communautés à la racine
- Élargir l’accès aux formes non traditionnelles de création musicale
Impact économique et social de la musique
- Recherche sur les effets économiques multiplicateurs de la musique communautaire
- Comparaison avec des modèles internationaux tels que Reykjavik et Dawson City
- La musique comme activité économique à faible consommation avec un potentiel de croissance
Réflexions sur le festival et expériences des artistes
- Expériences de collaboration pendant le festival Longshadow.
- Développement personnel, inspiration et apprentissage mutuel entre les participant.e.s.
- Épanouissement émotionnel et créatif grâce à la création musicale collective.
Question d’ouverture de Raphaël Foisy-Couture :
- Je vais donc poser une première question pour ouvrir la discussion et nous pourrons ensuite en discuter ensemble:« Comment les organisations musicales et sonores peuvent-elles soutenir le travail artistique et les initiatives qui promeuvent une plus grande sensibilisation aux questions climatiques et s’engagent dans la création d’un monde plus sain ? Je sais qu’il s’agit déjà d’une question assez vaste. Je répondrai d’abord qu’en tant qu’organisation, c’est quelque chose que nous avons essayé de faire en organisant ces rencontres. Tout d’abord, en y réfléchissant, mais aussi en nous engageant de plus en plus dans des initiatives communautaires qui partagent aussi, je pense, beaucoup de ressources et s’engagent à relever les défis de cette perspective. Je pense que c’est personnellement ce que j’ai beaucoup remarqué ici. J’ai été étonné par le partage des ressources et par la façon dont tout le monde semble avoir un esprit de collaboration. Iels sont capables de faire des choses qui ne seraient probablement pas possibles s’iels espéraient les faire seuls ou d’une manière plus traditionnelle ou commerciale. Cela m’a beaucoup inspiré. Si quelqu’un veut partager quelque chose sur la situation particulièrement, très rare, de Yellowknife, je serais heureux d’en savoir plus.
- Vous demandez comment utiliser la musique pour promouvoir des choses comme la sensibilisation à l’environnement et ce genre de choses. Est-ce le but de la question ?
–Raphaël Foisy-Couture : Ça peut l’être
- Et c’est aussi une partie de la question : est-ce que ça doit être explicite dans la musique ou peut-être que c’est plus au niveau de l’organisation ou de la façon dont nous nous organisons collectivement ?
- Raphaël Foisy-Couture : Si vous pensez que cela doit être plus dans la musique, c’est quelque chose de très précieux et intéressant et je serais heureux de vous entendre en dire plus à ce sujet.
- Je n’y avais pas pensé auparavant, mais la première chose qui m’est venue à l’esprit lorsque vous avez posé la question, c’est quelque chose comme Folk on the Rocks, le festival de musique qui a lieu ici chaque année. La présence d’une organisation [traitant des questions de climat, de sensibilisation à l’environnement et de résilience] au festival, que ce soit sur scène ou dans l’un des kiosques ou quelque chose comme ça. Et profiter de ce genre d’occasion pour interagir avec les gens et promouvoir les objectifs de l’organisation de cette manière. Ce serait une idée en tout cas. Juste une petite idée. Et peut-être même […] dire quelque chose au NACC (Northern Arts and Cultural Center).
- C’est ce que j’allais dire.
- Oui, donc peut-être avoir un panneau d’affichage ou un kiosque d’une sorte ou d’une autre lors des grandes représentations au NACC, quelque chose comme ça.
- J’ai l’impression que ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est quelqu’un qui n’est pas ici, comme Munya Mandarus. Les vidéos qu’il réalise lui-même et celles qu’il a faites pour Longshadow, les événements que nous organisons ici… Je suppose que Longshadow était plus en salle, mais les vidéos qu’il filme de sa musique, c’est de la musique africaine, qui vient de notre environnement, dans le paysage de Yellowknife. Et le fait d’avoir une organisation comme la vôtre qui peut partager ce genre de choses. Et Folk on the Rocks […] présente des artistes qui s’engagent dans notre paysage et notre communauté. Et simplement […] sensibiliser le pays à la beauté dont nous sommes entourés ici et à la communauté que nous avons ici, qu’elle soit artistique ou autre. Je pense que c’est vraiment bien. C’est créer plus d’art, essentiellement, qui a à voir avec la communauté. […] Les chansons que Ryan McCord écrit, […] vous savez, la musique folk. C’est de la bonne musique folk, mais elle parle de Yellowknife en particulier. Des visuels qui montrent ce qu’est Yellowknife et le fait d’avoir quelqu’un comme le Réseau canadien pour les musiques nouvelles pour partager cela avec le reste du Canada. J’espère que c’est une source d’inspiration qui peut toucher le reste du pays, je suppose. Par exemple :« Voilà une communauté qui travaille et interagit vraiment avec son environnement naturel ! ».
- Je pense qu’il s’agit également d’un moyen d’aider les musicien.ne.s à avoir une idée claire de la manière dont, comment décrire cela ? […] Des moyens d’orienter l’activisme des gens pour faire pression sur le gouvernement au sein de l’industrie de la musique afin qu’il s’attaque à des problèmes tels que la consolidation de l’industrie de la musique autour de spectacles gigantesques et à forte empreinte carbone. C’est ce que nous constatons aux États-Unis, ici et dans d’autres pays dans une moindre mesure : les grands fournisseurs de billets étouffent les petites salles de concert et orientent l’industrie musicale vers des spectacles et des systèmes de tournée coûteux et polluant, qui excluent un grand nombre de musicien.ne.s. […] Je ne sais pas vraiment quel est l’impact économique global sur le secteur de la musique. Il serait très intéressant de financer des recherches sur ce point précis, afin de déterminer dans quelle mesure les personnes qui envisagent de faire carrière dans les arts du spectacle […] comptent sur cette partie de l’industrie qui dépend de ces très grands spectacles pour entrer dans ce secteur. Et que pouvons-nous faire en tant qu’activistes, que peut faire le gouvernement en tant que décideurs politiques pour y remédier un peu ? […] C’est peut-être un peu sec, mais c’est une sorte de préoccupation pratique sur la façon dont nous pourrions, en tant que musicien.ne.s, faire pression pour une industrie plus carboneutre.
- [Au départ], j’avais pensé à minimiser l’impact carbone des musicien.ne.s qui se déplacent, aux vols et à d’autres choses de ce genre. Mais j’ai pris un virage à 180 degrés et je me suis rendu compte qu’en faisant venir quatre musicien.ne.s, toute la communauté pouvait vivre un moment culturel enrichissant ; ainsi, une centaine de personnes n’avaient plus à se déplacer. Comme Yellowknife est isolée, je pense que plus nous pourrons offrir de grandes possibilités d’enrichissement culturelles à cette communauté, moins les gens auront envie de se rendre ailleurs pour un festival.
- Il serait formidable de financer des recherches sur les impacts économiques de ce que vous décrivez. Quel est l’impact de ces événements plus petits et plus intimes qui sont rendus possibles par les petites salles indépendantes par rapport à ce dont vous parlez, une centaine de personnes qui se déplacent pour aller voir un grand spectacle où le billet coûte 200 ou 300 dollars.
- Ce que [les gens] continueront à faire parce que c’est génial, mais peut-être moins souvent si et parce que nous avons plus de choses à faire ici. […] Il est probablement plus économique d’amener l’action ici.
- Parce que nous étions ici, nous avons pu aller dans des écoles de petites communautés à l’extérieur de Yellowknife et jouer pour des gens qui, autrement, n’auraient probablement pas envisagé de prendre l’avion pour Edmonton. […] J’imagine qu’une fois qu’iels sont ici (les artistes), vous voulez vous assurer de les amener dans des endroits où les gens peuvent entendre des choses différentes dans leur propre environnement… Vous amenez l’artiste sur place.
- Je pense qu’il est également très utile que ces petits groupes viennent présenter des spectacles intimes et interagir avec les gens d’ici, car je me souviens de la première fois que j’ai vu, et j’ai grandi dans une région où il y avait beaucoup de violoneux.euses, un quatuor à cordes complet, c’était au festival open sky de Fort Simpson, qui est très petit ; tellement bon ! Ils font des choses vraiment cool ! Et j’étais jeune enfant et j’ai vu ça pour la première fois et ça m’a immédiatement intéressé. C’est à partir de là que j’en suis arrivé là (à étudier la composition et à jouer). C’est pourquoi [apporter] ces expériences à des communautés qui n’en ont pas vraiment l’occasion est une très bonne façon de les inspirer. Et puis, dix ans plus tard, vous avez ce groupe de jeunes musicien.ne.s, compositeur.rice.s, interprètes dans la communauté qui font des choses, ce qui est aussi une très bonne façon d’en parler.
- Cela m’amène à réfléchir à une chose à laquelle je pensais également. Il y a d’autres festivals ici dans les Territoires du Nord-Ouest, dans les petites communautés, comme l’Open Sky. Il y en avait un à Fort Smith, le Friendship Festival ; il y a le Great Northern Music Festival à Inuvik ; il y a eu pendant un certain temps le Midway Lake Festival au milieu de nulle part, près de Fort McPherson… Ces festivals pourraient également bénéficier d’un soutien. Il est très important de conserver ce que nous avons ici. Ces autres petits festivals ont aussi leur importance. Tu parlais de l’effet et de l’influence que cela a eu sur toi, cela pourrait être (influent) pour d’autres personnes là-bas aussi. Ce n’est pas seulement ici à Yellowknife, mais aussi dans d’autres endroits, qu’il y a des gens qui s’intéressent aux questions dont nous parlons ici.
- L’économie des TNO (Territoires du Nord-Ouest) est énormément basée sur les ressources, ou du moins c’est ce qui est promu par le gouvernement, mais ils parlent aussi de la diversification de l’économie et de la musique dans son ensemble, qui utilise très peu de ressources, n’est-ce pas ? Ainsi, sur le plan environnemental, à l’exception de ces grands festivals, il s’agit pour l’essentiel d’un mode de vie non consommateur et nous devrions le promouvoir davantage et le célébrer beaucoup plus dans notre économie. Je veux dire que ce (grand) nombre de personnes qui gagnent au moins une partie de leur vie avec la musique est énorme et consomme tellement moins que les autres types de choses et d’activités économiques que l’on promeut habituellement ici.
- C’est un point très important, et tu l’as très bien formulé. Faire ce que nous pouvons pour aider les gens à faire carrière dans les arts du spectacle. Je pense que nous nous heurtons peut-être ici à des obstacles que les gens ne rencontrent pas ailleurs. J’ai grandi dans une ville de taille moyenne, à environ une heure de Londres (Royaume-Uni), où la scène musicale était florissante. Les possibilités d’expérimenter la musique et les choses (culturelles) étaient illimitées. On dit aux gens que faire carrière dans les arts du spectacle est un peu fantaisiste, alors qu’en réalité, nous constatons partout dans le monde que le secteur des arts du spectacle est un secteur extrêmement important sur le plan économique et qu’il offre des emplois intéressants. Plus nous aidons les gens à poursuivre ces emplois, moins ils risquent de se retrouver dans des emplois de type plus consomptif et consommatif.. C’est un point très important.
- Raphaël Foisy-Couture : Merci beaucoup pour ces réponses.
- Je voudrais également dire quelque chose à propos de cette question. Je me souviens qu’en 2017, j’étais à Montréal et l’un de mes cousins était ici. Il voulait que je vienne lui rendre visite. Mais j’ai parlé à certain.e.s de mes amis.e.. J’ai dit que j’allais quitter Montréal pour aller à Yellowknife. Beaucoup de gens, presque tous, même moi, ne savaient pas où c’était exactement. Et d’abord, je suis francophone, mais je vais essayer de donner mon idée en anglais, mais ça ne va pas être facile pour moi (rire).
En parlant de musique, je pense que la musique peut vraiment être une chose qui peut aider une communauté comme Yellowknife et puis avoir de la valeur, être sous les feux de la rampe. Mais je me demande si le gouvernement a un plan pour utiliser les musicien.ne.s, l’industrie de la musique, pour aider à donner cette valeur, pour mettre Yellowknife sur le devant de la scène. Car si les musicien.ne.s commencent à parler de Yellowknife, à faire des clips vidéo qui valorisent cet espace, à montrer la terre dans leurs vidéos. Ces vidéos pourraient être vues partout dans le monde […] La musique pourrait encourager les touristes à venir, mais aussi aider Yellowknife et les Territoires du Nord-Ouest à faire parler d’eux. Je ne sais pas, mais parfois j’ai l’impression que beaucoup de gens veulent aider, mais ne veulent pas aller sur le terrain pour cultiver quelque chose, ou aider quelqu’un à même le sol pour les aider à se lever. Iels attendent juste que la personne essaie de s’élever toute seule, et quand elle se lève, ensuite vont vers [elle] pour dire : « d’accord, maintenant je veux t’accompagner. » […].
- Raphaël Foisy-Couture : J’aurais une autre question que beaucoup de gens ont soulevée. Quels outils et quel soutien des organisations comme la mienne, mais aussi au niveau national, d’autres organisations musicales ou des organisations gouvernementales pourraient-elles apporter pour continuer à offrir un soutien et à assurer la pertinence et la viabilité du secteur de la musique, et qu’est-ce qui serait raisonnable ou qu’est-ce que vous considéreriez comme radical ?
- En termes de soutien gouvernemental, les Territoires du Nord-Ouest donnent l’impression d’avoir vingt ans de retard sur tous les autres. En ce qui me concerne, l’une des plus grandes difficultés que je rencontre actuellement est qu’il m’est très difficile de poursuivre une carrière à Yellowknife, alors je voyage beaucoup. Je reconnais que j’ai ce privilège, mais c’est comme si je ne pouvais pas vraiment [faire autrement]… Je le fais à ce stade de ma carrière pour me faire connaître dans plus d’endroits et, dans certains cas, je subis une perte et ne gagne même pas d’argent en allant à Calgary, ou Edmonton, ou ailleurs pour faire ces choses. J’ai contacté le gouvernement […] pour savoir où en est le soutien aux tournées pour les musicien.ne.s des TNO. Je n’aime pas vraiment faire cela.
Je n’aime pas vraiment faire cela parce que j’ai l’impression de croire que des choses me sont dues, mais en même temps, je suis déjà confronté à ces obstacles : Je suis plus loin dans le pays que tout le monde, j’ai des coûts supplémentaires, et mes autres homologues du Nord ont beaucoup plus de fonds et de soutien pour pouvoir le faire. Je pense donc qu’une organisation (comme le RCNM) et d’autres pourraient nous aider à faire pression sur le gouvernement : « Hé ! Pour rendre cela accessible à certain.e.s musicien.ne.s nordiques très talentueux.euses. nous devons…» . Il y a tellement de talent qui sort des TNO en ce moment. Pas seulement en musique, mais aussi en écriture. C’est assez fou. J’ai l’impression que nous avons encore beaucoup d’obstacles à surmonter pour atteindre les marchés auxquels nous devons accéder pour nous faire une place sur la scène. Quelle que soit la scène dans laquelle vous vous trouvez. J’ai quitté une carrière d’enseignant à plein temps juste avant COVID.
- Outch ! (Rires du groupe)
- Cela fait quatre ans que je m’acharne sur cette question, ce qui, je le sais, n’est rien comparé à beaucoup d’autres personnes, et c’est juste pour avoir un soutien supplémentaire de la part d’autres personnes qui ont les moyens de faire des recherches. (…) Et il y a des recherches sur ce dont vous parlez, je ne me souviens plus de qui c’était, […] mais iels ont spécifiquement étudié l’impact de la musique autochtones et des premières nations sur les communautés et les bénéfices économiques (voir le lien au bas de la page) et j’ai sorti ça et je l’ai mis dans des plans d’affaires et d’autres choses, mais des recherches plus solides sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en général, je pense que ça aiderait les musicien.ne.s à vraiment […]. | Je pense qu’une recherche plus solide sur ce genre de choses pour les musicien.ne.s du Nord en général aiderait les musicien.ne.s à vraiment prouver leur valeur et leur utilité si nous devons la justifier en termes de résultats, ce qui est souvent le cas en termes de financement et de soutien gouvernemental.
- Nous devons toujours le faire (les gens acquiescent).
-Ce n’est pas comme si les gens étaient : « Oh, créez votre art, nous n’attendons rien ». Il serait donc probablement utile de faire pression pour renforcer cette voix et de mener des recherches.
- Il y avait du support par le Northern Performers Grant. Je pense qu’il s’agissait d’un excellent programme. […] Ça n’existe plus. Je ne sais pas pourquoi. Il n’y a pas moins d’argent, mais il y a eu toute une transformation du financement de l’art que nous sommes toustes en train d’apprendre à connaître. En gros, il y a les petites, les moyennes et les grandes demandes. Pour une grande demande, il faut être une société et c’est cent mille dollars, mais ce n’est pas pour le travail individuel. Pour une petite demande, c’est cinq mille dollars, que nous pourrions probablement toustes obtenir, mais c’est seulement une fois par an. Et cela ne fonctionne pas pour quelqu’un.e qui a besoin de quitter 3–4‑5 fois par an pour faire une tournée. Ensuite, vous vous adressez au Conseil des arts du Canada et à FACTOR, ce qui est bien, mais vous attendez la moitié d’une année en croisant les doigts pour que cela se concrétise ou vous allez devoir vous endetter pour faire cette tournée. C’est difficile.
- Et elles ne sont pas très accessibles (les subventions). Cela peut paraître bizarre, mais je me considère comme une personne assez éduquée, soutenue par mon père entrepreneur-colonisateur qui m’aide à naviguer dans le système colonial de demande de subventions et de tout ce qui s’y rattache. Je vois beaucoup de gens talentueux.ses qui ne peuvent tout simplement pas naviguer dans ce système. Je suis ici en train de me cogner la tête contre le mur et j’ai beaucoup de ressources derrière moi. C’est triste de voir que des gens très talentueux.ses. ne peuvent pas obtenir (la subvention). Je pense que nous faisons peut-être un meilleur travail à Yellowknife, mais je pense que des communautés sont oubliées.
- Je vais utiliser un gros mot, je suis désolé et je m’excuse devant tout le monde : « Et si tu avais un.e gérant.e ? » Qui s’occupe de la paperasse, du défrichage, de l’excavation, etc. à ta place ?
- Cela fait quatre ans que j’essaie de trouver un.e gérant.e ! […] Dans le Nord… Avant qu’un.e. manager ne vous prenne, iel veut être sûr que vous allez lui rapporter assez d’argent pour lui donner son 10 à 15 %. Vous devez d’abord le prouver par vous-même. Avec de l’aide et des relations, j’ai essayé d’approcher de grands noms, mais aussi de petits noms. Ils m’ont donné des conseils. Les conseils : Je dois améliorer mes profils dans les médias sociaux. – Ce que je déteste ! Ce n’est pas ainsi que je veux interagir avec le monde. – Et d’être essentiellement plus connu. Il faut un tremplin et nous ne l’avons pas pour l’instant. Et c’est ce que les organisations peuvent faire, à mon avis, en plaidant pour ce tremplin.
- Ça marche, oui.
(Les participant.e.s discutent de leurs expériences spécifiques en matière de demande de subvention pour des projets à petites échelles dans les Territoires du Nord-Ouest)
- Mon expérience est bonne. Par exemple, si vous voulez faire un nouvel album, vous devez faire une demande. Il faut compter entre 15 000 et 20 000 dollars pour faire un album aujourd’hui. Je ne pense pas que ce soit un montant élevé, vraiment pas. Si vous l’obtenez, on vous donne généralement la moitié de cette somme. Ce qui est très frustrant. Je comprends, j’ai parlé aux employé.e.s et iels font ça parce qu’iels veulent que plus d’argent aille à plus de gens, ce qui est juste et bien. Mais en tant que musicien.ne., vous devez faire le tour et essayer de trouver d’autres personnes qui sont prêtes à investir dans ce projet. C’est le travail d’un musicien.ne je suppose.
Je pense donc qu’il existe un soutien aux petits projets, ce que nous avons réussi à faire dans de nombreux secteurs. Le secteur cinématographique, par exemple, est très bon lorsqu’il s’agit d’offrir une formation professionnelle aux débutant.e.s et de la rendre accessible. Mais il faut atteindre un certain stade […] Il y a tellement d’obstacles à l’accès et à descendre vers le sud. Alors on part en tournée et je n’ai pas particulièrement envie de passer autant de temps à l’extérieur… mais j’en ai besoin. Et c’est difficile. Et je n’ai pas d’enfants. À part mon amour pour Yellowknife et ma maison, je n’ai pas autant de choses qui me retiennent ici que bien des gens, alors j’ai moins d’obstacles que bien des gens, je crois.
- Je pense que le revers de la médaille est de savoir comment, en tant qu’artistes, nous nous frayons un chemin sur le grand marché plus vaste au sud mais en ce qui concerne la question de la pérennité, il s’agit de savoir comment nous pouvons, une fois de plus, faire venir plus d’artistes ici pour inspirer la création ici ? Nous pouvons donc faire des premières parties des gens, ça on peut le faire. Je sais que j’ai probablement eu cette conversation avec de nombreuses personnes dans cette salle. Nous sommes confrontés à un vrai problème à Yellowknife, celui de ne pas avoir de salle de spectacle autre que le NACC (The Northern Arts and Cultural Centre), qui est conçu pour offrir un type d’expérience artistique très spécifique. Ce centre est génial, il faut le dire. Mais il n’y a pas de places debout, pour danser, pour les genres de divertissements qui ne sont pas destinés à ce type d’installation.
- Surtout si vous avez moins de 19 ans (les gens acquiescent). Je me souviens avoir assisté à la chose la plus ridicule qui soit. Un groupe de musique était rejoint par son batteur. Le batteur avait dix-sept ans et devait être escorté jusqu’à la scène par l’agent de sécurité. L’agent de sécurité a attendu près de la scène jusqu’à la fin du concert, puis a escorté le pauvre jeune garçon jusqu’à la sortie. C’est une énormité pour moi. Les personnes qui envisagent une carrière dans les arts du spectacle n’ont rien vécu pendant ces années de formation, entre 14 et 19 ans. C’est au cours de ces années que j’ai commencé à jouer dans les circuits de tournée et à assurer la première partie de grands groupes, etc. C’est une chose fondamentale que d’acquérir cette expérience. C’est à ce moment-là que l’on est exposé à l’industrie, que l’on voit comment elle fonctionne, que l’on voit comment les concerts sont organisés, que l’on rencontre des organisateur.rice.s, des responsables de la vente de marchandise, d’autres musicien.ne.s, tout ce genre de choses. Il n’y a rien de tel pour les jeunes ici, à l’exception de Folk on the Rocks, et je pense que c’est dû au manque d’espaces physiques. Mais il se peut que je sois extrêmement partial à cet égard.
- C’est aussi une période où il est plus acceptable d’échouer ; quand on est jeune.
- Absolument
- Maintenant, j’arrive à la trentaine et j’apprends toutes ces choses et les gens s’attendent à plus de perfection, mais je me demande comment diable je suis censé savoir comment faire cela si je ne l’ai jamais fait comme ça auparavant.
- C’est là que les salles indépendantes accessibles doivent intervenir. Il y avait un pub dans ma ville natale où nous jouions. Quand mon groupe avait quatorze ans. C’était 2 dollars le billet, on gardait un dollar pour chaque billet vendu et ensuite le pub se faisait de l’argent avec les bars et d’autres choses, mais le niveau d’entrée était inexistant. On était vraiment nuls (tout le monde rit) mais on faisait venir une cinquantaine d’étudiant.e.s qui s’amusaient et on apprenait tellement de choses en faisant ça. Nous étions un groupe de métal et nous avons ouvert pour Napalm Death. C’était une expérience importante ! On peut voir des groupes professionnels, c’est une expérience tellement importante pour le développement.
- Je dirais que nous avons l’autre visage de cette même pièce, la façon dont les grandes organisations artistiques pourraient potentiellement aider à soutenir plus d’artistes venant ici et plus d’artistes à aller dans le Sud, c’est avec plus [de soutien aux lieux]. Mais avant de pouvoir mettre en place un programme d’échange, nous avons besoin de plus d’espace physique. L’objectif final étant de créer une communauté musicale plus résiliente, l’un des moyens serait d’avoir des échanges bien établis. Des échanges d’artistes en résidence où nous pourrions envoyer des gens d’ici dans le Sud et en échange nous pourrions faire venir des artistes de là-bas. Je pense qu’il serait très utile de faire cela et d’avoir des organisations artistiques plus importantes comme le CAC (Conseil des arts du Canada) ou le RCNM qui aideraient à créer les infrastructures nécessaires à ce type d’échanges.
- À ce propos, l’une des choses que j’ai trouvées les plus utiles dans cette idée de construire des relations entre le sud et au sein de notre communauté est cette attente d’être intégré dans la communauté, d’être humble et de revenir. Si je regarde les personnes qui sont revenues plusieurs fois, je leur ai dit : « Je ne vous laisserai pas tomber », mais l’idée que les gens viennent et repartent une fois, c’est bien et cela apporte un petit élan d’énergie, mais ce n’est pas durable. Si vous voulez commencer à nouer des relations avec des gens, je pense que l’une des choses les plus fortes que vous puissiez faire dès le départ est de leur dire pour combien de temps vous êtes investi. Est-ce que c’est pour une seule fois ? Et si c’est le cas, quelle en est la valeur ? Il peut y avoir une valeur énorme, mais je pense qu’il y a une valeur plus longue et plus profonde dans la durabilité ; dans la construction de rapports où les gens reviennent, ou vous allez là-bas. Ensuite, cela se construit, se reconstruit et se développe encore davantage..
- Je pense aussi qu’il y a des précédents à cette attraction pour ici, n’est-ce pas ? Je pense à Desirée Dawson qui est venue pour une résidence à Folk [on the Rocks], et qui depuis, de son propre chef, est venue deux fois de plus parce qu’elle aime cet endroit, ce que je trouve plutôt cool. Il y a un précédent qui suggère qu’une fois que les gens sont là, ils se disent : « Oh, nous pourrions revenir encore… ».
- C’est quelque chose que nous pourrions tous faire, nous devrions avoir une petite organisation informelle qui couvre d’amour les musicien.ne.s en visite.
(Tout le monde rit)
- Tout le monde est si gentil ici
- Nous faisons du bon travail dans ce domaine !
(L’auditoire approuve)
- Carmen Braden : Je veux dire qu’avec les gens présents ici [dans la salle]|. Il y a déjà beaucoup de liens avec Edmonton ici. Nous venons d’accueillir quatre artistes d’Edmonton. Les gens vont à l’école là-bas. Vous passez du temp à Edmonton, vous êtes comme le groupe de reprises de musique classique (en plaisantant sur le quatuor à cordes Garneau). C’est ainsi que j’appelle l’[orchestre symphonique] (rires du public). Pour moi, c’est une petite graine qui peut pousser.
- Je pense que les artistes […] [nous faisons] un assez bon travail pour faire venir des artistes du Nord par le biais de différentes résidences, mais pas nécessairement quand il s’agît d’envoyer des artistes d’ici dans d’autres résidences… Le simple fait de participer aux résidences Folk on the Rocks, Mo Kenney, est venue ici, nous avons fait des spectacles ; c’était le même programme que Désirée Dawson, et je me suis dit : « C’est cool et je suis vraiment heureux.se de rencontrer quelqu’un, de collaborer et de faire toutes ces choses, mais ce serait cool si je pouvais aussi aller là-bas ». Le financement n’est pas prévu pour cela, et je pense que ce serait une vraie réciprocité. Yellowknife attire beaucoup de monde parce qu’elle est isolée, c’est une partie du Canada que beaucoup de gens ne connaissent pas, et nous parvenons très bien [à attirer les artistes]. Mais je pense qu’en termes de réciprocité, il est également important que nous fassions connaître nos musicien.ne.s dans le reste du Canada.
- Je pense que les musicien.ne.s de Yellowknife, des Territoires du Nord-Ouest, et du Nord en général, ont toujours une telle originalité dans l’art qu’ils créent, je pense à Leela Gilday, à Miranda Currie et à beaucoup de gens qui ont commencé dans le Nord et y sont restés, nous avons une approche un peu différente de la musique et aussi simplement grâce à notre lien avec le Nord… J’ai l’impression que nous envoyer dans le Sud pour aller parler aux musicien.ne.s du Sud et interagir avec les gens serait très précieux autant pour nous que pour elleux, car c’est un point de vue très unique que nous avons.
Cette partie de la discussion a été animée par Rob Elo, qui a fait part de son expérience de participation à l’incubateur musical canadien
-Rob Elo : J’ai participé au programme de l’incubateur musical canadien à Toronto, c’est là que j’ai posé ma candidature pour participer à ce programme où l’on prend des musicien.ne.s de tout le pays. Il s’agit essentiellement d’un cours de cinq semaines sur la façon d’être un.e musicien.ne dans le monde moderne, d’explorer toutes les possibilités de gagner de l’argent et d’apprendre à connaître tous les types de personnes, producteur.rice.s, ingénieur.e.s, co-auteur.rice.s, coachs, vidéographes et toustes celleux avec qui il faut travailler. Comment travailler avec ces personnes et apprendre qui elles sont, ou du moins qui elles sont dans la communauté torontoise. C’était une expérience vraiment cool d’aller là-bas et de faire ça, et tout le monde dans ce programme […], commencé il y a environ douze ans, par une personne qui est un ancien cadre de Sony et qui s’est dit : « Je veux aider les jeunes musicien.ne.s, je veux donner […] ».
- J’ai également suivi le programme. J’étais à Calgary l’année dernière.
- Rob Elo : J’aimerais savoir comment cela s’est passé pour toi. Ce que j’en ai pensé, c’est que c’était génial et que tout le monde là-bas voulait vraiment aider. Nous sommes très loin d’elleux mais cela m’a vraiment aidé à les rejoindre. Tu y es allé ?
- Oui, je suis allé à Calgary, au Bell Studio, pendant cinq semaines.
- Rob Elo : Oh, c’est vrai ! Tu devrais absolument en parler aussi ! Mon expérience m’a beaucoup appris sur les droits et les redevances que je peux obtenir ; elle m’a donné beaucoup de ressources pour du contenu. J’ai filmé des vidéos de performances en direct, j’ai fait des séances de photos, j’ai fait des séances d’écriture collaborative avec des gens. J’ai noué de nombreuses relations. Et toustes les participants au programme m’ont dit d’appeler à tout moment si jamais […] tout le monde avait l’air très enthousiaste à propos de Yellowknife. C’est ce qui m’a fait dire que je venais de Yellowknife. Je suis un poseur. (Tout le monde rit) Je ne suis pas comme vous autres, mais maintenant j’ai fait de Yellowknife ma maison, et je suis tellement excité d’être ici et de travailler avec tout le monde. Mais je suis arrivé ici il y a seulement deux ans. Certain.es d’entre vous sont donc de vrais habitant.e.s de Yellowknife. Je pense que le reste du Canada est très enthousiaste à chaque fois que vous mentionnez Yellowknife. « Oh mon Dieu ! ». Je tavaillais avec ce producteur. Il m’a dit : « d’où viens-tu exactement ? » Et je lui ai montré sur la carte où se trouve Yellowknife. Il m’a dit : « Oh la la ! ». Mais j’ai trouvé…, et j’aimerais que tout le monde, en particulier les personnes qui ont suivi le programme, si vous pensez que l’on pourrait utiliser quelque chose comme cela ici ?
Ce qu’il y a de bien avec ce programme, c’est qu’il vous donne toutes ces informations sur les droits et les redevances, tous ces contacts, ces listes de personnes, ces listes de subventions que vous pouvez demander, ou ce que les gens […] qui sont au cœur de l’industrie, qui travaillent avec les prix Juno et qui sont affiliés à… Iels sont partout, et encore une fois, iels se déplacent dans tout le pays pour donner ce genre d’ateliers. Pas encore à Yellowknife, mais peut-être… Tout a été condensé, et vous avez un dossier contenant tous les contacts, les subventions et les organisations. Voici toutes les organisations. Voici un plan que vous pouvez suivre, où vous pouvez prendre ce que vous voulez, trouver votre direction. Parce qu’en tant que musicien.ne.s, je trouve que ce n’est pas comme :« Qu’est ce que vous faites ? Oh, vous voulez être musicien.ne. D’accord ? C’est comme ci. Comme ça. » Non ! Ça peut être fou. Ça peut être n’importe quoi, et ça peut changer à tout moment, en fonction de ce que vous voulez et de la situation dans laquelle vous vous trouvez. Et j’ai l’impression qu’iels l’ont compris. Vous avez des entretiens individuels avec des gens qui vous disent :« D’accord, voici ce que vous voulez faire. Voici les personnes que vous voulez rencontrer ».
- Question rapide : vous nous demandez directement s’il serait judicieux d’inviter cette même organisation ? Pour organiser une semaine d’activité à Yellowknife ?
- Rob Elo : Oui.
- D’après votre expérience, et pour revenir à la question de l’infrastructure, pensez-vous qu’un tel programme peut fonctionner avec l’infrastructure actuelle de Yellowknife ?
- Rob Elo : Je pense qu’une version de ce programme peut, oui, […] Je pense que tout ce que vous dites, c’est que nous avons besoin de plus de lieux. Nous avons besoin de plus de soutien pour les lieux et pour avoir cette sorte de dynamisme qu’une ville devrait avoir, et où vous pouvez aller dans beaucoup d’endroits. Et oui, il y a un café génial où il y a de la musique folk toutes les semaines. Et oui, il y a une atmosphère de bar. Et oui, il y a une salle ouverte à toustes où les enfants qui s’intéressent à n’importe quel type de musique peuvent organiser leurs propres spectacles et faire venir leurs ami.e.s sans se faire escorter par la sécurité. En ce qui concerne l’incubateur musical canadien, je suis arrivé à une époque plutôt cool, parce qu’avant c’était situé à l’extérieur de Toronto, dans une sorte d’espace clos où tout était fait à l’interne. C’était donc dix ans avant que je commence le programme. Je suis arrivé la douzième année, et pendant dix ans, tout a été fait à l’extérieur de la ville. Il y avait un studio d’enregistrement. Il y avait des salles de conférence, des salles d’écriture et tout le reste. Iels ont donc fait venir tout le monde et iels ont pu faire toutes ces choses à l’intérieur, et c’était génial.
Mais l’une des choses que j’ai le plus retirées du programme, c’est qu’il a été déplacé en plein centre-ville. Le bureau central n’avait pas encore été mis en place. L’une des choses que nous devions faire était donc de parcourir la ville pour nous rendre dans les différents lieux qui accueillaient les événements. Nous sommes allés dans des studios de musique locaux et nous avons travaillé avec des producteur.rices.s locaux.ales. Nous sommes allés dans des lieux pour réaliser ma vidéo en direct. Nous sommes allés dans un lieu où il y avait des spectacles live, et qui était également équipé pour faire un enregistrement vidéo en direct… Ainsi, vous n’avez pas seulement l’expérience de travailler avec tous ces gens et de faire toutes ces choses. Vous vous retrouvés dans la ville. Et je pense que cela pourrait être utile : « Voilà ce qu’est Yellowknife ! ». Évidemment, en amélioration constante, avec l’espoir de trouver de nouvelles salles et de nouveaux endroits pour le faire. Mais si un programme de ce genre voyait le jour, nous pourrions peut-être l’organiser à différents endroits, à Yellowknife, et faire en sorte que des musicien.ne.s d’ici, jeunes, à n’importe quel stade de leur carrière musicale, fassent des choses à différents endroits et voient comment cela pourrait fonctionner. Quelqu’un a‑t-il une opinion à ce sujet ?
- Il y a quatre ans, quelqu’un a organisé un atelier de deux jours avec l’IMC, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? J’ai une photo… (Les gens rient)
- Ce que j’ai apprécié, c’est qu’il y avait des gens qui connaissaient bien les réalités du Nord, n’est-ce pas ? Et puis il y a des gens qui connaissent bien, et qui sont très compétents, en ce qui concerne les affaires de l’industrie musicale canadienne, les redevances et toutes ces choses. Et je pense qu’évidemment […] ce qui me préoccupe, ce sont les tournées, d’accord ? J’admets que personne d’autre ne s’en préoccupe (les gens rient). On m’a dit […] « tu peux aller à FACTOR, tu peux faire ceci, tu peux faire cela ». D’accord, si je veux aller dans les communautés de Calgary, c’est comme ça qu’il faut faire. Mais si je veux faire une tournée nordique dans les TNO., la logistique et tout ce qui s’y rattache sont presque impossibles, à moins de s’associer au NACC. […] Avoir un hybride, une sorte d’IMC, et puis des gens qui ont vraiment […] beaucoup de connaissances sur, vous savez, les subventions et le financement. […] Il s’agit donc d’un hybride entre l’industrie musicale et les réalités du Nord. Mais il y a aussi les réalités du Nord qui, à mon avis, ne sont pas prises en compte lorsque nous nous tournons vers le Sud.
-Bien sûr, oui
- Quand vous parlez de tournées, vous parlez de tournées dans le Nord ou dans le Sud. Les deux, oui ?
- J’aimerais bien faire une tournée des écoles du Nord, par exemple, dans toutes les différentes communautés, parce que je pense que la musique que je fais pour les enfants est, vous savez… C’est une musique autochtone du Nord en particulier. Pourquoi ne voudrais-je pas transmettre ce message aux écoliers, n’est-ce pas ? Et puis, il faut aussi l’apporter aux [réserves] et à d’autres endroits dans le sud et ailleurs. J’aimerais aussi jouer dans des théâtres à places assises. J’aimerais aussi jouer… Je veux connaître toute la gamme […] comment faire pour que cela se produise sans agent.e., parce que je n’en ai pas.
- Bien sûr, bien sûr.
- Eh bien, oui, j’ai presque l’impression que […], même en voyant tout le monde ici maintenant, nous pourrions presque avoir les ressources nécessaires. Mettre les ressources en commun. Parce que je sais que certaines personnes ici connaissent le Nord… En tout cas, [les gens] ont été formidables, comme toujours, en partageant des informations sur les subventions que nous pouvons demander, sur ce à quoi elles servent. […] Vous avez beaucoup d’informations à ce sujet, sur les différents endroits autour de Yellowknife, où l’on peut organiser des spectacles de ce genre. Certaines personnes ont cette information. Ce serait bien d’avoir cela… l’IMC avait tout ça dans un joli petit paquet. Et nous n’avons pas nécessairement besoin que l’IMC le fasse pour nous, mais si nous pouvions d’une manière ou d’une autre rallier les troupes et avoir cette sorte de chose accessible, vous savez, peut-être sous la forme d’un programme.
- Je pense que l’hybride est […] oui, ces deux choses sont cool.
- Quel était le nom de ce programme ?
- Rob Elo : L’incubateur musicale canadien
- La musique canadienne, l’œuf à partir duquel vous éclosez, faire éclore de la nouvelle musique.
- Rob Elo : C’est vrai, oui (rires du public). J’ai l’impression que… Je n’ai pas encore l’impression d’avoir complètement éclos, avez-vous une expérience du programme ?
- J’étais super enthousiaste à l’idée d’y participer […]. Quand j’y suis allée, je me suis dit : « Ok, c’est le bon tuyau. Voilà les relations que je dois établir, les choses que je dois faire pour arriver là où je veux arriver. […] J’y ai accordé beaucoup d’importance.
- Oui.
- C’est un excellent programme […] et j’ai noué de nombreux contacts. Je pense que ce que j’ai retenu, c’est que j’ai eu une petite crise existentielle à mon retour, pour vous dire la vérité, parce que […] les gens qui étaient dans ce programme ont tracé très clairement un certain chemin vers la réussite et mon chemin […] est très différent de ce qui était tracé comme ce chemin vers la réussite. Et, je veux dire, c’est juste moi en tant que personne. J’aime faire des choses difficiles. (Tout le monde rit).
- C’est vrai. Iels aiment vraiment… vous savez, iels sont comme « les médias sociaux ! ». Donc si vous n’étiez pas sur les médias sociaux…
- C’est ce que j’ai fait après y être allé, j’étais sur Facebook, et j’ai embauché une personne chargée des médias par la suite, et maintenant je suis sur TikTok et Instagram […]. Nous avons créé du contenu sur un calendrier, en le publiant chaque semaine, nous étions capables de créer ce contenu six mois à l’avance. Iels m’ont donc enseigné beaucoup de compétences de cette manière. […] et c’est à moi de poursuivre dans cette voie, ce que je ne fais pas vraiment. […] Je vais juste être très honnête, parce que je pense que c’est important, et je pense que nous avons toustes ces pensées. Je me suis dit : « Wow ! Je ne suis pas aussi bon.ne que la plupart des autres participant.e.s au programme […], iels ont vraiment du talent ! » […] iels ont aussi, […] la plupart d’entre elleux, je pense, une certaine apparence pour être vraiment commercialisables là-bas. Et je ne ressemble pas à ça. Ce n’est pas moi. Et j’en suis ressortie avec un sentiment de : « Oh, mon Dieu, est-ce que je fais ce qu’il faut ? ». Et je pense que nous sommes toustes confronté.e.s à cette situation, c’est pourquoi je tiens à la partager. Nous avons toustes des doutes quelque part.
- Tout à fait.
- Et puis […] j’ai eu l’impression que ma voix n’était pas assez bonne. Je n’avais pas le bon look, et mes médias sociaux étaient nuls. C’est ce que j’ai appris en sortant de ce programme. Mais c’était vraiment génial, parce que personne d’autre ne m’aurait dit ça.
- Oui, c’est vrai. (Tout le monde rit)
- L’été dernier, j’ai passé l’été à Vancouver, où j’ai pris des cours de chant privés auprès d’un.e. professeur.e. […] Vous savez : « Ok, je vais améliorer ma voix ». J’y suis allée et […] J’en ai appris davantage sur les médias sociaux, et je suis toujours aussi nulle. Je préférerais confier cette tâche.
- Totalement
- 100%
– J’ai passé l’hiver à écrire deux albums, un nouvel [album pour] enfants et un nouvel [album pour] adultes […]. Parler aux gens de ce programme, ouais, ça m’a vraiment aidé. Parler avec des gens de ce programme, oui, a été très utile : « Hé, qu’est-ce que vous en pensez ? ». Et avoir une vraie critique, une critique artistique du travail des gens, c’est très utile aussi. Il n’est pas nécessaire de suivre ce programme pour cela, mais c’est ce qui s’est passé. Il m’a permis de m’effondrer pour me reconstruire.
- Rob Elo : Oui, j’ai ressenti la même chose. Et je me sens comme […], ce, vous savez, cette conversation, ou ce moment, vous parlez ici à vous tous. J’étais comme : « Ok, je l’ai en quelque sorte structuré ». Et, bien sûr, ce n’est pas du tout ce que je pensais, mais je pense que l’un de mes grands thèmes était la direction musicale et l’intention. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi le programme au départ, j’étais comme : « Ok, quelle est ma direction ? ». J’ai passé tellement de temps à jouer dans des groupes, à jouer avec d’autres personnes, à faire partie d’un groupe, ce que j’adore, et je le fais toujours, et c’est la meilleure chose qui soit, mais je voulais vraiment avoir une direction musicale pour moi-même. J’avais envie de prendre un peu les rênes, et je ne savais pas exactement comment faire, et c’était presque une alternative à l’éducation formelle, qui est toujours géniale et valable. Mais c’était quelque chose comme […] « ok, tu veux être musicien et essayer une sorte d’alternative, écrire ta propre musique qui est comme, pop ou centrée sur le rock et en faire quelque chose. ». C’était cool, mais ça m’a définitivement ramené à cet endroit où je me suis dit : « Oh… ». C’était génial, parce que tout le monde dans le programme était un peu dans cet espace, même souvent. Certaines personnes étaient formidables. D’autres me disaient : « Oh, mon Dieu, tu es si doué ! ».
Et puis d’autres personnes […] peut-être que je n’ai pas autant vibré avec leur musique, mais tout le monde avait ce sentiment : « Qu’est-ce qu’on est ? Dans quelle direction allons-nous ? Et j’ai l’impression que tout le monde a fait une sorte de bilan. Le mien s’est fait dans la performance, et c’est pourquoi c’est si cool […] parce que j’ai réalisé que je jouais beaucoup de reprises, et que je jouais beaucoup dans des groupes. J’aime la musique que je joue dans les groupes, et j’aime jouer des reprises, tenir le rythme et des choses comme ça. Et je me suis rendu compte que nous avions plusieurs performances à faire, ce qui est, je pense, une bonne chose pour tout le monde ; nous avions des performances à faire devant toute l’équipe. Nous avions la vidéo de la performance en direct, nous avons reproduit un contexte de concert vitrine à la fin, où tout le monde a fait un set. Et je me suis rendu compte qu’il n’y avait que moi qui jouais en solo. J’ai fait de la musique d’ambiance pendant si longtemps […]. Je ne sais pas ce que ça fait d’être juste moi en train de le faire, de monter un spectacle. Je me suis rendu compte que je n’aimais pas ma musique telle que je la jouais, [la façon dont] je la jouais pour les gens. […] C’était ma propre révélation. Et j’étais comme : « Oh mon Dieu ! ». C’est un coach qui m’a dit que […] il fallait trouver ce que l’on aimait vraiment, et que cela pouvait ensuite être ressenti par les gens […]. Le programme m’a en quelque sorte aidé à remarquer où, que ce soit parce qu’on m’a dit, ce que je devais découvrir par moi-même. […] Je me suis tellement imprégné de toustes ces musicien.ne.s, de toustes ces personnes différentes, de ce sur quoi je devais travailler, de ce que je voulais faire et de l’endroit où je voulais aller. […] Et j’ai ressenti du désespoir à certains égards, mais c’était bon. cela m’a conduit à…
- À l’incubateur de musique canadienne et du désespoir ! (Tout le monde rit)
- Exactement, l’incubateur du désespoir !
(les gens rient plus fort)
- Je pense que si je devais offrir quelque chose aux gens du groupe, c’est que c’est ce qui est ressorti de tout cela pour moi aussi. […] J’ai beaucoup travaillé avec [plusieurs personnes] pour affiner ce que je voulais que ma musique soit et trouver […] J’ai pensé à cela comme à un énoncé de thèse, parce que je fais des trucs pour enfants et des trucs pour adultes, n’est-ce pas ? […] Par exemple pour moi : « Oh, je crée un contenu autochtone nordique authentique qui est accessible aux enfants et aux familles » […] et essayer de dire aux gens quel genre de musique on joue, n’est-ce pas ? C’est toujours très difficile. Mais si vous pouvez avoir quelque chose de solide et de succinct autour de cela, il faut beaucoup de travail de fond pour entrer en vous-même en tant que musicien.ne et être comme : « De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que je veux faire ? « . Et puis il y a cette phrase. Je pense que si chaque personne dans cette pièce avait cette idée, nous serions toustes de meilleur.e.s musicien.ne.s.
- Oui, oui.
- Rob Elo : […] J’ai appris beaucoup de choses dans le cadre du programme, mais les différents organismes de droits auprès desquels vous pouvez enregistrer votre musique originale, et toutes les différentes sources de financement possibles, [c’est] vraiment important maintenant de les mémoriser (en plaisantant). Tout le monde a entendu parler de la SOCAN, n’est-ce pas ?
- Pas tout le monde.
Rob Elo : La SOCAN est une organisation où vous pouvez enregistrer votre musique et recevoir des redevances. Vous recevez des paiements trimestriels chaque fois que votre musique est jouée. […] vous pouvez être payé lorsque votre musique est jouée et diffusée d’une manière que vous savez, pas seulement votre éditeur (publisher), votre éditeur (publisher) de musique vous donnera. Mais en fait, l’IMC m’a fait comprendre que j’oubliais toujours de m’inscrire à la SOCAN. […] J’ai joué dans beaucoup de groupes quand j’étais jeune, et nous n’avions jamais de compte à la SOCAN […] Nous étions juste comme : « c’est un truc mystérieux dont je ne veux pas me préoccuper ». Mais tu peux aller sur le site de la SOCAN, tu peux t’inscrire, et tout ce que tu as écrit, tout ce que tu as fait avec d’autres groupes, tu peux mettre toute ta musique là-dedans, et à chaque fois que cette musique est jouée ou utilisée, tu seras payé pour ça. Et l’une des choses qui a été martelée à ce sujet, c’est qu’on ne sait jamais quand ces choses vont se produire, où votre musique peut être utilisée ou jouée, et si vous n’êtes pas bien organisé, vous allez vous en mordre les doigts si vous n’êtes pas payé. […] L’une des choses que je ne sais pas, c’est si quelqu’un d’autre ici joue dans des projets comme des groupes, […] des scénarios où il y a des partages ? […] Qui reçoit quoi ?
- Oui, je pense que c’est l’une des choses les plus importantes, qu’il s’agisse de travailler avec des groupes ou de jouer dans un groupe, c’est que cette discussion ait lieu le plus tôt possible pour des raisons de transparence. Si quelque chose rapporte beaucoup d’argent, il faut s’assurer que tout le monde sait qui va recevoir quoi et qu’on n’essaie pas de le découvrir au mauvais moment.
-Rob Elo : Oui, exactement. C’est vraiment, encore une fois, en parlant de ce qui a été dit, je m’en suis rendu compte. Et maintenant que je fais mes propres trucs en solo, je me prépare à enregistrer chaque morceau de musique que je sors à tous ces endroits dont je parlerai plus tard. Mais pour les groupes dans lesquels j’ai joué et qui ont été joués dans différentes régions, je me dis : « Ah ! Nous n’en avons jamais parlé ! ». C’est donc une bonne chose de toujours parler du partage. L’une des choses qui m’a frappée lorsque j’ai passé mon entretien pour l’IMC et leur programme, c’est qu’ils m’ont appelée : « Hé, vous êtes un des candidats que nous considérons. Pouvons-nous vous parler davantage de ce que vous faites et de ce qui vous conviendrait le mieux ? ». Ils vous posent toute une série de questions, dont l’une est la suivante : « Quels sont les droits auxquels vous avez droit ? Connaissez-vous ce genre de choses ? » Pour une raison ou une autre, je connais la SOCAN, mais c’est à peu près tout. Vous pouvez vous inscrire à la SOCAN pour vos droits d’auteur, mais vous pouvez aussi vous inscrire pour vos droits d’édition et c’est un processus différent. Voilà donc les droits d’auteur dont vous disposez.
De l’autre côté, vous avez vos enregistrements, vous pouvez donc aussi enregistrer les enregistrements de votre musique, la partie mécanique chaque fois que votre chanson est jouée à la radio […]. Chaque fois que l’ [IMC] parlent de la diffusion de votre musique, il en parle comme d’une performance, ce que j’ai trouvé intéressant, parce que vous ne pensez qu’à une performance en direct, mais il s’agit en fait d’une performance numérique également. […] Il y a aussi l’aspect « des bandes maîtresses », c’est-à-dire la manière dont votre enregistrement est financé. C’est un autre domaine de vos droits.
J’ai trouvé vraiment fascinant d’apprendre toutes ces choses. J’ai maintenant une liste de choses à faire pour toute ma musique, et c’est en quelque sorte ce qu’il faut faire. Quand vous avez cette liste d’endroits où vous pouvez vous enregistrer pour toute votre musique, pour obtenir tous vos droits, vous avez l’impression de faire des progrès. Parce que […] les bases sont couvertes. Lorsque vous faites ces démarches, ces démarches concrètes, […] pour vous assurer qu’au bout du compte, votre musique vous rapporte de l’argent, et que vous serez prêt si votre musique est soudainement reprise par [quelqu’un.e] d’une manière ou d’une autre. Et si vous commencez à être écouté, vous serez prêt à recevoir vos droits d’auteur.
- C’est justement sur ce sujet que j’aimerais intervenir. J’interviens ici pour me vanter un tout petit peu, grâce à la SOCAN, je gagne environ 100 $ par an. Quelqu’un.e quelque part, je ne sais pas qui ni où, fait jouer ma musique. […] Il faut que ce soit la radio, parce que je n’ai pas de vidéos ou autres. Ce sera donc la radio, mais quelque part dans le monde, et cela a été le cas à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, en Nouvelle-Zélande, en Pologne et dans d’autres endroits du monde qui m’ont diffusé d’une manière ou d’une autre, la SOCAN a donc découvert que ma musique avait été diffusée. La SOCAN a donc découvert que ma musique était jouée. 100 dollars par an, c’est l’équivalent d’une caisse de bière, n’est-ce pas ? Mais c’est mieux que rien du tout, et cela signifie que quelqu’un, quelque part, joue ou écoute votre musique. Alors si vous ne l’avez pas encore fait, allez‑y. C’est mon conseil pour ce qu’il vaut.
- Je ne pense pas que vous l’ayez dit explicitement, mais l’autre aspect de l’écriture de chansons est que si vous n’êtes pas auteurice-compositeurice, vous êtes musicien.ne lors de l’enregistrement d’un album, ce qui peut arriver à beaucoup de gens. Vous pouvez percevoir d’autres droits. C’est presque comme si vous faisiez d’une pierre deux coups, si vous êtes auteurice-compositeuroce et que vous jouez sur l’album, que vous chantez…
- Exactement.
- Ce sont différentes sources de revenu auxquelles vous pouvez accéder.
- Rob Elo : Exactement. Oui, c’est vrai. Et tous ceux qui enregistrent [pourraient] mériter des droits. C’est ce qui est intéressant. Lorsque vous êtes […] un.e propriétaire unique, essentiellement, lorsqu’il s’agit de votre musique et que vous faites des enregistrements et que vous faites tout cela, vous avez accès à tous ces droits. Si vous avez une maison de disques et qu’elle possède vos bandes maîtresses ou autres, vous savez que vous ne collectez pas nécessairement ces droits. Elle perçoit les redevances pour une partie particulière. Je voudrais aussi parler des licences de synchronisation et de la possibilité de faire jouer votre musique dans des émissions, des films et d’autres choses de ce genre. […) L’un.e d’entre vous a‑t-il déjà fait jouer sa musique dans des films ?
(Certaines participant.e.s hochent la tête)
Oui, c’est génial ! J’aimerais beaucoup entendre parler de cette expérience, parce que ce que j’ai entendu et appris de l’IMC et d’autres ami.e.s à qui cela est arrivé, c’est que la plupart du temps, pour les licences de synchronisation… On parle de synchronisation parce qu’il s’agit de synchroniser la musique avec la vidéo […], mais c’est un peu comme si vous aviez une version de votre chanson, vous devriez aussi avoir une version instrumentale. S’il y a des voix, vous devez avoir ces versions prêtes à l’emploi, parce que si une émission de télévision ou un film veut choisir votre musique. Ils vous diront : « Hé, nous voulons la soumettre. Nous voulons l’utiliser et la diffuser dès demain. Pouvez-vous nous donner les fichiers wav ? Pouvez-vous nous donner les fichiers mp3 et tous les fichiers dont nous avons besoin ? ». Donc, si vous n’avez rien préparé et organisé votre musique comme cela : « Ok, voici la version instrumentale, voici la version finale, voici tout ça. ». Vous allez rater une occasion. Est-ce que quelqu’un.e a eu cette expérience ?
- J’ai eu l’expérience inverse en ce qui concerne la construction de relations et la connaissance… Certains projets démarrent amicalement : « Oh, on va juste faire ça, ça et ça, et ce n’est pas formel ». Mais je pense que j’ai besoin d’en apprendre beaucoup plus à ce sujet, parce que certaines chansons que j’ai composées se sont retrouvées dans des émissions et je n’en avais aucune idée à cause des relations que j’ai entretenues avec les personnes à qui j’ai prêté ou laissé ma musique. C’est la paperasse… J’ai appris que les ami.e.s ne sont pas seulement des ami.e.s, vous savez, n’est-ce pas ?
- As-tu autorisé que quelqu’un.e d’autre que toi puisse contrôler et donner ta musique…
- Non, non, mais iels l’ont fait. C’était une petite ville, d’anciens ami.e.s d’école, et j’aurais probablement dû mettre ça sur papier.
- Strictement parlant, bien que cela ne soit pas d’une grande aide, tu possèdes les droits d’auteur d’une chanson. Dès que tu l’écris, tu n’as pas besoin d’en faire la demande. Vous n’avez pas besoin de signer de quelque manière que ce soit. Le simple fait de l’écrire t’en donne la propriété. Tout ce que vous avez à faire, c’est de pouvoir le prouver au moment opportun. Quoi qu’il en soit, c’est vraiment, vraiment quelque chose qui doit apparaître si vous allez enregistrer un CD ou quoi que ce soit d’autre, et que vous allez l’écrire : « Cette chanson est de John Smith, pour la SOCAN ou de la maison d’édition John Smith ». Ce genre de choses vaut la peine d’être fait. Vous savez, quelle que soit la confiance que l’ on accorde à ses ami.e.s et ainsi de suite, il vaut toujours la peine de s’assurer que son nom figure quelque part, d’une manière ou d’une autre.
- Quand on a une vingtaine d’années et qu’on ne sait pas… Je ne savais même pas que la SOCAN existait, ni qu’on pouvait s’inscrire à ce genre de choses.
- Eh bien, c’est ça le problème. Je suis désolée. Je me souviens d’avoir pensé cela quand je suivais le programme et que j’étais dans la trentaine. J’étais comme : « Oh, mon Dieu, j’aurais adoré ça quand j’avais 20 ans ! ». Pour commencer, gardez tous vos fichiers, organisez vos droits lorsque votre chanson est écrite, placez-la dans un dossier qui indique « ceci est la version originale de l’enregistrement » et inscrivez-vous à la SOCAN pour l’enregistrer. C’est quelque chose qu’il faut toujours faire.
- Je pense qu’avec la SOCAN, et je pense aussi avec la MROC (Organisation des droits des musiciens du Canada), il est possible de faire en sorte que lorsque vous entrez vos informations, il y ait un élément rétroactif, n’est-ce pas ? Je ne sais pas jusqu’où cela peut aller pour l’instant.
- Je l’ai fait, et ça remonte à un an ou deux, je crois…
- Ça remonte à quelques années seulement. Ça remonte jusqu’aux années 90.
- Oh, mon Dieu, oui ?
- Je crois oui.
- Un autre élément intéressant que j’ai découvert grâce à l’IMC, c’est qu’iels m’ont trouvé de l’argent surprise, ce qui était vraiment génial ! [Les gens rient]. En ce qui concerne les spectacles que j’ai joués, par exemple, pour Folk on the Rocks, je peux vous dire que chaque setlist joué est enregistré dans une base de données. Chaque setlist jouée est enregistrée à la SOCAN, et la SOCAN paie ensuite la prestation que vous avez faite. Les grands festivals, les salles de spectacles, ce n’est peut-être pas le bar au bout de la rue qui fait ça. Mais je dirais que la plupart des grands théâtres le font et quand je suis retourné chercher ces représentations, il y en avait sept pour moi, et on m’a dit : « Oh, vous avez, comme… » : « Oh, vous obtenez, comme – je pense, vous savez, pas beaucoup – peut-être 250 ou 300 dollars de paiement ! ». ou quelque chose comme ça. Mais si vous n’êtes même pas enregistré, votre spectacle peut quand même avoir été entré pour vous. Ainsi, lorsque vous vous inscrivez à la SOCAN, il se peut que vous ayez quelques prestations qui n’ont pas encore fait l’objet d’une réclamation de droits d’auteur. C’est exact et vous pouvez télécharger des listes de chansons.
- Carmen Braden : D’accord, c’est le temps d’avoir un moment Longshadow. En tant qu’organisatrice de Longshadow, j’ai une responsabilité, je sais, alors toi et vous et toi (en plaisantant et en désignant les musicien.ne.s dans la salle) Nous avons encore du travail à faire, parce que je ne sais pas quel set, quels sont les noms de vos chansons dans votre set. Vous devez soit l’envoyer à la SOCAN, soit me le dire et je dois l’envoyer à la SOCAN. En tant que compositrice, j’ai toujours été confrontée à cette situation : « Non, c’est ton travail. Non, c’est ta responsabilité ! » Qui est responsable ? Alors peut-être que le Garneau pourrait même intervenir ici. Lorsque vous donnez un concert, est-ce que vous enregistrez votre liste de chansons auprès de la SOCAN ? Ou faites-vous confiance à la salle pour le faire, ou attendez-vous de la compositeurice qu’iel sache quand vous jouez ses œuvres ? […]
- C’est pourquoi c’est probablement notre responsabilité en tant qu’artistes.
- Carmen Braden : C’est aussi un peu une responsabilité partagée. […] Se tenir mutuellement responsables. Donc, si vous jouez quelque part, vous devriez demander, par exemple, qui a enregistré ceci auprès de la SOCAN ? Avez-vous acheté une licence ? […] Mon code de conduite est que j’essaie d’améliorer le rapports aux affaires pour ce que je fais à Yellowknife, et de faire en sorte que ce soit un peu moins [à propos] de mes amitiés. Nous pouvons être ami.e.s, mais nous travaillons ensemble, et si les choses tournent mal, nous serons professionnel.le.s. Nous nous responsabilisons les un.e.s et les autres. Ce dont j’ai besoin dans cette ville, c’est que d’autres personnes apprennent le métier et se responsabilisent les un.e.s les autres, pour que je ne rate pas trois ans de redevances face aux pièces des chansons des autres. Je devrais tout faire [mettre à jour] demain, mais je vais être fatigué (tout le monde rit). Je suis curieuse, Garneau, de savoir ce que vous faites quand vous allez jouer ?
- En général, nous nous contentons d’espérer que les salles de concert font bien les choses.
- Et cela dépend beaucoup de la musique que nous jouons.
- Pourquoi cela dépend-il ?
- Eh bien, la famille de Mozart ne sera pas payée. (Tout le monde rit)
- Mais c’est un bon point. Je pense que nous devrions informer les compositeurices chaque fois que nous jouons leur musique, parce que je pense qu’il faut être membre de la SOCAN pour…
- Et il faut que votre chanson soit enregistrée, n’est-ce pas ? Donc, si vous avez écrit une nouvelle chanson hier, qu’elle n’est pas inscrite et qu’elle figure sur le programme, vous ne l’avez pas inscrite. Vous ne recevrez pas d’argent pour cela.
- Non, mais c’est rétroactif.
- Ils attendent des membres qu’iels fassent le travail. En ce qui nous concerne, nous pouvons dire aux compositeurices que nous jouons leurs pièces.
- C’est toujours très apprécié.
- C’est un bon point, car nous n’avons pas toujours le réflexe de le faire.
- Non, je n’y pense pas tout le temps.
- Normalement, cela devrait être lié au processus du dépôt des partitions, n’est-ce pas ?
- Officiellement, je crois savoir que c’est la responsabilité de l’établissement. Nous pouvons nous charger du suivi et de la vérification si nous pensons qu’un établissement n’est pas à jour, mais c’est la responsabilité de l’établissement
- Mais il se peut qu’ils ne veuillent pas payer cette licence.
- Tout à fait !
- C’est là qu’on se retrouve dans des conversations embarrassantes.
- J’étais en train de programmer un concert que j’ai donné en mai. Nous avons joué une œuvre néerlandaise d’un compositeur néerlandais décédé il n’y a pas si longtemps. J’ai donc acheté la musique, et j’ai dû acheter une licence avec la partition pour une représentation à cette date. La musique que j’ai téléchargée indiquait donc en bas de page : « sous licence pour être exécutée au mois de mai sous telle ou telle condition… », et il se trouve que je suis l’arrière-petite-fille de ce compositeur. Ma famille a donc gardé trois euros pour cette représentation.
- (en plaisantant) Il y a de quoi faire la fête, n’est-ce pas ?
(Tout le monde rit)
- Carmen Braden : Il ne nous reste plus que 10 minutes, et je ne voudrais pas que cette conversation géniale se termine sur les droits d’auteurs. Pourrais-je demander à certains des collaborateurices présent.e.s dans la salle de nous parler du processus qui s’est déroulé pendant le festival Longshadow. Qu’il s’agisse d’auteurices, de compositeuroces, d’arrangeureuses ou d’interprètes. Dans l’optique de l’établissement de relations et de pratiques durables, comment ce que vous avez fait ici résonne-t-il ? Qu’allez-vous peut-être retirer de cette expérience ?
- Je partage mon temps entre Edmonton et Yellowknife, la plupart du temps je suis à Yellowknife maintenant, et je suis très reconnaissant d’avoir quatre nouveaux.elles ami.e.s à Edmonton. Bien sûr, les artistes avec lesquel.le.s j’ai eu l’occasion de travailler ce week-end sont aussi mes ami.e.s. C’est une petite ville, et j’ai peut-être déjà vu vos visages, mais maintenant j’ai l’impression de connaître ces gens. C’est un lien assez intime que de travailler sur une chanson pendant une semaine, et de rester assis là à écouter votre voix encore et encore (les gens rient). Ce n’est pas du tout une chose désagréable. C’est une chose vraiment merveilleuse, mais, vous savez, j’ai dû écouter votre chanson tant de fois. C’est une expérience unique pour moi de pouvoir m’immerger avec ces artistes pendant un certain temps, puis de m’éloigner de cette chanson pendant un petit moment, et de l’écouter suffisamment pour qu’elle reste dans ma tête. C’est généralement lorsqu’elle me reste en tête et que je la chante sous la douche que les autres parties commencent à émerger. « Oh, d’accord, ça va être cool dans le registre aigu de l’alto ! » parce que c’est plus nasal et que j’ai un son nasal sous la douche, (tout le monde rit) et c’est toute une aventure. Beaucoup de gens me demandent combien de temps il faut pour écrire une chanson ?
- Je t’ai posé cette question 17 fois, je crois.
- Et je t’ai répondu que je ne savais pas. Je pourrais probablement en écrire[/arranger] une en huit heures s’il le fallait, mais l’idéal serait de répartir ces huit heures sur 16 petites plages horaires. Je peux ainsi prendre le temps de laisser les choses se développer, évoluer et changer. Quoi qu’il en soit, ce que je retiens, c’est que dans l’ensemble, je suis reconnaissant d’avoir pu rencontrer des gens à un niveau personnel par le biais de la musique. Merci de m’avoir invité à le faire.
- Oui, c’est une expérience extraordinaire. J’ai été submergée de gratitude pour les arrangements des chansons, pour Carmen qui a mis tout cela sur pied, et pour vous tous, le quatuor à cordes, qui l’avez fait. L’un des moments que j’ai préférés, c’est lorsque nous avons joué le morceau plusieurs fois, et qu’au début, c’était comme si moi et un quatuor à cordes jouions simplement le morceau en même temps, puis au fur et à mesure que nous le jouions et que nous nous écoutions les uns les autres, nous avons eu des idées et nous avons fait plusieurs ajustements. J’ai compris comment les choses se passaient, j’ai joué sur le piano dans le deuxième couplet et tout le reste. C’était comme « whoa ! ». C’est vraiment à ce moment-là, quand la ligne de violoncelle rejoignait le rythme que j’avais à la main gauche est apparue, […] c’est vraiment génial. Oui, c’était une sensation incroyable. C’est l’une de ces choses, encore une fois, je me disais que je me sentais en stagnation en jouant ma propre musique et c’était vraiment un remède. Je me suis dit : « Oh, ça peut être génial, hein ? ». C’est une expérience passionnante qui me fait voir ma musique sous un jour différent.
-Oui, c’était vraiment incroyable. Je ne sais pas si tous les artistes qui ont collaboré à la musique ont ressenti la même chose que moi. Je me souviens qu’en 2013 ou 2014, je jouais dans un groupe au Brésil. Ce n’est pas la même chose quand vous avez juste une guitare ou un clavier et que vous jouez en solo, mais quand vous jouez avec un groupe complet. Pour moi, j’ai l’impression que l’on respire mieux et que l’on se sent enveloppé, […] cela donne de l’assurance. […] On a l’impression d’être dans un autre monde. Mais c’est le sentiment que j’ai, vous savez, c’était tellement incroyable. C’est pourquoi j’ai hâte de jouer avec un groupe. […] C’était vraiment sympathique et vous avez fait du bon travail, et d’arranger la musique. […] Et puis c’était si gentil et merci, merci !
- Robert Uchida : J’ai l’impression que cette collaboration a été très enrichissante pour chacun.e d’entre nous. Nous jouons toustes les quatre dans l’orchestre symphonique d’Edmonton. Et j’ai l’impression que… Oh, maintenant je me suis peinturé dans un coin, je suppose. (Tout le monde rit) Je pense que l’idéal, lorsque des gens se réunissent pour jouer de la musique ensemble, c’est qu’iels y aillent le cœur ouvert, qu’iels écoutent et qu’iels s’ouvrent les un.e.s aux autres. Et je pense que lorsque nous partons toustes, nous sommes toustes un peu plus riches d’avoir vécu cette expérience. C’est ce que j’ai ressenti. C’était vraiment génial. Et parfois, ce n’est pas toujours le cas, mais en tout cas avec le Quatuor et avec vous tous, c’est juste ouais, c’est, c’est un peu ce que j’en retiens, c’est simplement significatif…
-(demandé brusquement) Vous êtes-vous amusés ?
- Robert Uchida : Oui, nous nous sommes beaucoup amusés.
- Et voilà ! Vous avez gagné ! Vous avez gagné !
- Ouais, c’est ça !
- J’aimerais ajouter qu’il y a 100 ans, lorsque j’étais musicien.ne professionnel.le, j’ai eu quelques concerts avec l’orchestre symphonique d’Edmonton, et le niveau de jeu est incroyable, mais l’expérience est un peu effrayante. Vous avez peur de faire une erreur, alors que la musique amateur que j’ai jouée ici, à un niveau beaucoup plus bas, l’a été par pur amour de la musique. Vous n’avez donc pas à payer votre loyer en jouant de la musique. Et ces expériences sont meilleures. Vous savez, vous ne jouez pas au même niveau qu’au niveau professionnel, mais l’esprit est là, et vous le faites simplement parce que vous aimez la musique, et je pense que c’est un défi dans votre métier de garder cet amour dans ce que vous faites.
- Je peux vous assurer que nous faisons beaucoup d’erreurs.
(Tout le monde rit)
- Oui, je voudrais juste ajouter quelque chose à ce sujet. Je veux dire que la discussion ici a porté sur le soutien aux musicien.ne.s au niveau professionnel, mais nous avons ici des gens qui sont passé.e.s par le système d’éducation musicale dans les territoires, et maintenant, nous avons changé le programme d’études musicales, et nous sommes dans une situation précaire quant à savoir si l’éducation musicale dans les écoles sera faite au même niveau, et si vous n’avez pas d’éducation musicale dans les écoles, alors vous n’aurez pas de gens ici. Je fais partie de l’association des professeur.e.s de musique […] J’essaie d’aller dans les écoles pour qu’on y enseigne vraiment la musique de manière professionnelle. Et cela me rappelle deux choses. D’une part, on peut aussi enseigner, vous savez, aux niveaux supérieurs, qu’il y a ces aspects de carrière ; il y a un aspect commercial à être un.e musicien.ne, ainsi qu’un aspect de citoyenneté. Et tout ce qui concerne l’importance de l’écoute, de la coopération avec les autres, de l’ouverture d’esprit, de la créativité. Je veux dire, ces choses ne sont-elles pas si importantes pour les enfants, n’est-ce pas ? Et cela commence au niveau de l’école, puis les enfants rejoignent des groupes avec leurs camarades de classe et continuent à étudier la musique à l’université, etc.
- Mais il y a un autre domaine de représentation pour une organisation comme la vôtre, à savoir l’éducation, dès la sixième ou la septième année, pour qu’ils aient un instrument entre les mains.
- Les élèves de première et de deuxième année, mettez-leur un instrument entre les mains !
- Je pense que ce que j’entends, c’est que j’ai eu la chance de vivre l’expérience de créer de la musique avec d’autres et qu’il n’y a rien de tel dans la vie. Je pense que chaque enfant devrait avoir la possibilité de le faire. Et je pense que ce type d’action, qui part de la base, est […]. Je pense maintenant que Music NWT peut soutenir ce type de projet. Et pour répondre à votre question sur le gouvernement, comment le gouvernement peut-il soutenir ce projet ? Les idées qui ont été émises ici, comme les espaces, les salles de spectacle, les salles de répétition. L’infrastructure n’est pas encore en place, mais je pense qu’il existe une formidable opportunité, grâce aux compétences, au talent et à l’authenticité des artistes d’ici, que Yellowknife puisse être, ou puisse viser à avoir une identité et une scène musicale dynamique qui attire des gens du monde entier.
Il existe un projet de recherche sur les bénéfices économiques de la musique pour les communautés nordiques et isolées. Reykjavik, Dawson City, vous savez, il y a des endroits qui l’ont déjà fait. L’exemple le plus frappant est celui de Nashville. Tout le monde sait ce que signifie Nashville, n’est-ce pas ? C’est la ville des musicien.ne.s. Je me demande donc si, d’un point de vue gouvernemental, c’est une chose d’accorder des subventions pour permettre aux artistes les plus expérimentés d’aller dans le Sud, mais je pense qu’il y a une plus grande opportunité de créer un endroit où les gens peuvent venir et toustes celleux que j’ai [rencontrés], qui ont voyagé d’ailleurs pour venir jouer ici, ont ce sentiment de « Wow, c’est un endroit spécial ». Et il y a des possibilités de tournées spéciales ici. Le Snowcastle Festival, je crois, est unique au monde, et toustes celleux qui sont passés par là se sont dit « Wow, holy sh*t. C’est incroyable ! ». Et donc de développer ces opportunités pour des espaces de représentation et de répétition ; les gens louent des espaces de rangements ici pour répéter, c’est insensé. Je pense donc que, du point de vue du gouvernement, si je siégeais au gouvernement ou si vous étiez le maire, un ministre, le premier ministre… Iels ont la responsabilité de développer la culture, parce qu’il y a des bénéfices économiques, je pense que c’est clair.
Mais iels sont également en mesure d’influencer la culture d’entreprise, les entreprises, les milieux d’affaires, qui exploitent les ressources de ce pays et ne donnent rien en retour. Donc, si j’étais à la place du gouvernement, je mettrais en place des politiques, non seulement pour les obliger à soutenir les arts en raison de tous les avantages qu’ils procurent. Non seulement la valeur artistique pour les enfants, mais aussi les compétences transférables que l’on acquiert en apprenant à jouer d’un instrument. Je ne connais rien d’autre de comparable. Pour en revenir à la question du développement, pourquoi les entreprises n’investissent-elles pas dans des tournées plus durables, du point de vue de l’impact carbone ? Il y a des compagnies minières ici qui ont des millions et des millions de dollars. Je ne vois aucun de leurs logos sur aucun de nos projets. C’est une sorte d’action collective qui, si je pense à Yellowknife, me fait dire que n’avons pas une tonne d’industrie, que nous n’avons pas beaucoup de commerce. Mais si nous devions étendre cette conversation à l’ensemble du pays, chaque musicien.ne ou organisation artistique dirait : « Non, nous n’allons pas faire de l’art et de la culture à moins que vous n’y mettiez du vôtre ». Il y a un impact à faire cela. Il y a un impact pour notre pays et notre société dans son ensemble. C’est l’aspect de ce monde dans lequel nous vivons qui ne contribue pas. Iels ne font pas leur juste part. Voilà ce que je dirais aux pouvoirs politiques si j’en avais l’occasion. J’espère que chacun d’entre elleux en prendront connaissance à travers ce rapport.
- J’aimerais également ajouter à cela l’idée que si nous devions développer Yellowknife et en faire une sorte de Mecque de la musique, comme Dawson City ou Sackville ou d’autres endroits au Canada, il semble qu’il y ait déjà un attrait pour aller faire de la musique dans ce genre d’endroits plus ruraux. L’une des choses que je dois dire, c’est qu’il faut collaborer, prêter attention et se concentrer sur nos relations avec les Dénés, les Inuits et les Métis. Car je sais que de nombreuses personnes qui viennent nous voir disent : « Ces cultures sont tellement plus vivantes ici que partout ailleurs au Canada ! » Et s’il doit y avoir cet objectif final, il faut le mentionner explicitement. […] Il faut que ce soit explicitement inscrit dans nos objectifs initiaux parce que c’est important non seulement d’un point de vue éthique, mais aussi du point de vue de l’identité, parce que c’est quelque chose d’unique. Et de la même manière que j’ai entendu tant d’artistes venir ici, qu’iels soient autochtones ou non, dire que c’était un endroit spécial. J’ai entendu tant de membre d’autres nations venir ici et être comme « holy sh*t, qu’est ce qui se passe ici ? ». Et je pense que nous ne pouvons pas perdre de vue cela dans le processus si nous voulons faire ou construire quelque chose.
- J’ai quelque chose à [partager sur] ce sujet. Mais je pense qu’il y a quelque chose, quand vous parlez de la musique, je pense que la musique pourrait être une chose. […] Elle pourrait être une chose et unir beaucoup de gens autour d’elle. Je pense que nous pouvons utiliser cela pour développer notre musique ici. Il ne s’agit pas de se concentrer sur une seule culture, mais de tout mélanger. Et montrer que la musique peut réunir les gens. […] Je suis quelqu’un qui n’a pas de culture, parce que la culture du monde est ma culture. […] Alors partout où je suis, je suis comme de l’eau. Et si vous me mettez dans cette tasse, je vais prendre la forme de cette tasse. Je suis comme ça. […] Je rencontre ici des gens qui viennent de différents endroits du monde. Nous pouvons alors nous rassembler et faire de la musique dans des langues et des cultures différentes et tout mélanger. Parce que nous n’allons pas faire de la musique uniquement pour Yellowknife, uniquement pour le Canada. De nos jours, la musique est partout dans le monde. C’est vrai. C’est pourquoi je pense qu’il faut rassembler les cultures et les rythmes musicaux. Par exemple, vous pouvez trouver différents rythmes dans une seule chanson. C’est un projet […] sur lequel je pense travailler. […] Et puis si nous avons une chanson de Noël, et puis beaucoup de gens, et puis iels parlent de choses différentes, mais autour du même sujet, mais dans des langues différentes. Pour montrer que nous pouvons toustes être ensemble pour une seule chose, pour la même raison.
- Je pense que l’heure de fin approche.
- Raphaël Foisy-Couture : J’ai surtout posé des questions, mais j’ai l’impression que cette conversation me donne aussi envie de partager un peu plus sur mes expériences musicales et communautaires et sur tout ce qui a été dit ici. […] Nous avons parlé du stress et de la pression des meilleures pratiques, ce qui correspond en grande partie à des choses dont nous avons parlé : cette idée de l’industrie. Mais beaucoup de gens ne font pas de la musique pour l’industrie. D’après moi, ma musique, ou la musique de la scène dont je suis issu, qui est en grande partie expérimentale, en grande partie étrange par sa nature ou inhabituelle. Tout le monde aimerait gagner sa vie avec la musique, mais ce n’est pas possible. Même dans ma pratique, la plupart des gens avec qui je travaille sont pragmatiques et pensent qu’iels peuvent avoir des concerts de temps en temps, mais ce n’est pas nécessairement l’objectif final.
Il s’agit de favoriser une communauté de pratique. Il s’agit de favoriser les liens et l’accessibilité à ces pratiques. J’étais ici, juste avec mon enregistreur . Je pense que les enfants gagneraient aussi, par exemple, à être exposés aux pratiques d’enregistrement de terrain ici, parce que l’environnement est tellement unique. On peut aller dans la nature […]. Je pense que c’est aussi une façon complètement différente d’envisager la musique. Même la musique classique, vous savez, la musique pour cordes, en tant que musicien professionnel, je sais qu’elle m’est inaccessible […] parce que j’ai commencé la musique trop tard et que je viens d’un autre milieu. Mais on peut faire découvrir aux gens d’autres façons de faire de la musique et d’autres façons de l’aborder. […] Je pense qu’ici, c’est déjà le cas. Et c’est un peu ce que j’ai ressenti. Il y a tellement de courants de pratique et de façons de faire différentes. Je pense que c’est ce qui est formidable, c’est que beaucoup de gens peuvent trouver leur propre voie […] Dans ma communauté, nous construisons la plupart du temps nos propres salles, un peu comme vous l’avez fait ici [pendant le festival], vous savez. À Montréal, beaucoup d’endroits où je joue sont des lieux DIY. Donc, par exemple, une licence de la SOCAN n’est tout simplement pas envisageable [dans de tels lieux]. Je pense qu’ici [à Yellowknife], il y a beaucoup de choses qui ont résonné avec moi et avec mon expérience de la musique, pour être capable de la soutenir, de trouver un espace pour la faire, de susciter l’engagement des gens, de trouver de nouvelles façons de se mobiliser en tant que communauté. Je voulais simplement vous remercier de m’avoir permis de voir une partie de ce travail, d’entendre et de m’engager dans cette pratique avec vous pendant une semaine. Je tiens donc à vous remercier chaleureusement.
Informations complémentaires :
L’étude nationale d’APTN sur l’impact de la musique autochtone peut être consultée ici :
https://www.aptnnews.ca/wp-content/uploads/2019/11/Music-Impact-Study.pdf
Le rapport de recherche du collectif ATTI ! Indigenous Artists Collective Research Summary peut être consulté ici :
http://www.atticollective.com/uploads/3/4/9/4/34945811/2023aug_researchsummary.pdf
Plus d’informations sur la SOCAN et sur l’incubateur de musique canadienne sont disponibles ici :
Le RCMN tient à remercier
Carly Mcfadden, Teresa Horosko et Folks on the rocks
Mike Auty et Music NWT
Bran Ram et Western Arctic Moving Pictures
Tanya Snow et ATTI ! Indigenous Artists Collective
Batiste Foisy
Martin Rehak
Pablo Saravanja
Le RCMN tient à remercier et à féliciter tous.tes les artistes et musicien.ne.s pour leurs performances inspirantes :
Cassandra Blondin-Burt
Ryan McCord
LJJ
Rob Elo
Kathryn Louise Oraas
Kay Sibbeston
Garneau Strings Quartet (Robert Uchida , Laura Veeze, Keith Hamm, Julie Hereish)
Andrew Ball
Le RCMN aimerait également remercier Peter Skinner, l’équipe technique et tous.tes les bénévoles du festival pour avoir permis au RCMN de contribuer à l’aspect technique du festival.